Un projet manifeste
A l’inverse, il construit un bâtiment actuel guidé par l’histoire et évoquant le bâtiment disparu: 100 pieds de haut, sénat dont le plafond de la salle est recouvert d’or. Ce sont des informations sûres et suffisantes qui constituent un lien passé présent.
Les traces
Les ruines restantes sur le site servent à organiser l’espace urbain du projet. Les murs de granit irréguliers déterminent l’emplacement de la nouvelle tour. Il bâtit à l’emplacement de l’ancienne porte Vandoma deux volumes qui évoquent l’ancienne porte. Il crée ainsi une mise en scène urbaine entre la tour, la rampe menant à la cathédrale et le parvis1.
L’utilisation des traces se traduit aussi dans le choix des matériaux. La base de la tour est le granit de la ruine. La partie nouvellement bâti est en béton, recouvert de plaque de granit. L’écriture est contemporaine mais reste dans la continuité de matière et de couleur d’origine. Elle offre une lecture claire passé-présent. (fig 3)
La leçon
L’analyse historique, réalisée avec des historiens et des archéologues donne un lecture archéologique du site. On retrouve les traces laissées par le temps. Ces traces sont des bases pour la conception du projet. Le bâtiment s’inscrit alors dans la continuité historique du site. Il trouve ainsi sa place dans le tissu urbain existant.
L’important est l’attention que l’on porte aux traces, aux marques déjà présentes et celle susceptibles de se créer.
Le projet de Tàvora le plus parlant à ce sujet est La casa dos 24 à Porto. Siza dira que c’est le projet qui illustre le mieux le parcours du maître1. Il met en application ses théories sur l’architecture et le patrimoine.
En 1995, Tàvora reçoit une commande de la commune de Porto pour la reconstruction de la Tour des 24. Les ruines de la Tour se trouvent au centre de la ville à quelques pas de la cathédrale de la Sé, dans un espace ayant subit de nombreuses modifications spatiales au cours du temps (fig2). Le maître d’ouvrage souhaite à travers ce nouvel édifice immortaliser l’histoire de Porto et son passé glorieux. L’architecte n’a pas de programme précis. Cette liberté lui offre la possibilité de se concentrer sur la relation entre l’architecture et le lieu. Le problème essentiel de ce site, est le vide crée par la démolition d’une partie du site. Il opte pour résoudre ce problème avec une analyse historique et une démarche méthodologique.
L’enquête
Il cherche d’abord à reconstituer les éléments marquants qui prévalent l’environnement de la cathédrale. Aucune enquête archéologique n’a pu déterminer la configuration exacte du plan original de la Casa dos 24. Il opte pour un plan plus abstrait qui reprend le type de la tour médiévale (fig5). Il s’éloigne ainsi du danger de la réhabilitation arbitraire, préférant chercher le sens de l’intervention dans la mémoire du site. Tàvora rejette «la simulation du processus de création originale, la refonte de l’ancien et du nouveau qui ne permet pas de distinguer les deux moments, ce qui entraîne un faux historiquement et éthiquement inacceptable».
Chiado : ce qu’il est, ce qu’il sera
Des ruines. Des façades décharnées et des très vieux murs de soutènement libèrent comme autant d’entrées à de mystérieuses galeries. Un squelette très beau et incomplet, un objet froid et abstrait que révèle Lisbonne. Une sorte de miroir qui ne reflète pas. Et des gens pressés, d’autres aussi regardent les pierres, les grues et les ouvriers.
Ce qu’il peut être
Une plaque tournante. Un palier pour s’arrêter, un passage obligé. Une apparition d’où l’on voit le paysage. Chiado essentiel, énorme qui surplombe la rue do Crucifixo.
Ce qu’il ne pourra jamais plus être
Émouvante, fascinante machine ou le passé est présent, ou tout a le charme d’une ruelle-poussière dorée à la tombée du jour, graffitis délavés, éclats et fractures – le charme du kitsch et du démodé, celui aussi des ordures et des ambiances asphyxiantes, d’un joint fumé en cachette et d’un fugitif coup d’oeil sur le Tage, qui surplombe la rue du Crucifixo.
Des plaques commémoratives avec des noms oubliés, des collages d’un style incertain, des puits de lumière laissés à l’abandon, avec des animaux et des plantes bizarres, décadence. Nostalgie de ce que j’ai à peine connu. Alçada Baptista raconte tout cela plus encore.
Ce qu’il sera
Semblable à ce qu’il était ? Il y a une part d’inauthenticité inévitable. Un semblant de maquette délibérément exposée au temps et capable de se dissoudre.
Dans la rue Garrett, à gauche et en arrivant de l’hotel Chaido, on remarque un magnifique portail calcaire, de métal, de bois, de verre et de miroirs. Ce portail ouvre sur une haute galerie avec de la lumière au fond. L’envie d’entrer malgré l’absence de néons, de panneaux publicitaires, de hauts parleurs et de « marches » populaires.[…] »
Alvora Siza,(2002), Palavras sem importancia
Trouver sa place dans l’histoire et la culture
Les travaux de recherche sur l’architecture vernaculaire menés durant le règne de Salazar, ont poussé les architectes portugais à s’interroger sur le lien à entretenir avec leur passé.
Ils ont dû prendre position dans une époque pleine de contradictions. Le pouvoir au commande du pays était profondément nationaliste, ne jurant que par l’architecture traditionnelle portugaise. Le courant moderne naît en Europe, il se veut contemporain et cherche à rompre avec le passé.
L’enquête «Inquerito na arquitectura popular em Portugal» va faire accepter l’idée qu’il n’y pas de rupture entre passé et présent. Les architectes portugais affirment leur identité propre. Cela est vrai encore aujourd’hui. Les architectes portugais sont décomplexés par rapport à leur héritage culturel et architectural.
Ils sont les gardiens d’un certain savoir faire. Mais ils sont aussi ceux par qui le confort et la fonctionnalité arrivent. Leur oeuvre doit être contemporaine. Cela explique qu’ils prennent aujourd’hui tant de liberté dans la conception en centre ancien ou dans la réhabilitation tout en sachant mettre en avant la valeur de l’ancien.
Le premier enseignement à tirer, est donc de regarder objectivement notre héritage culturel et patrimonial. Rompre les idées préconçues permet d’avoir une idée de la vrai valeur d’un édifice.
Un discours théorique et mise en pratique
La théorie élaborée par Fernando Tavora dans « Da organizaçoa do Espaço» est destinée à toute les pratiques de l’architecture, neuf, rénovation, urbanisme. Cette théorie traite de l’essence de l’architecture, l’espace et le temps. Elle aide à penser l’architecture en ayant un regard plus grand plus ouvert.
La base de cette pensée est la prise en compte du contexte dans le dessin du projet. La base est la prise en considération du contexte, urbain, social et historique. L’architecte réalise une analyse poussée du contexte, grâce à des méthodes graphiques (maquette, dessin précis de l’existant), des techniques (espaces négatif) et des collaborations (archéologues, sociologues). Les résultats de cette analyse vont donner des pistes pour le dessin de la forme bâtie.Ces architectes ne partent pas de la forme, elle vient à eux.
La théorie élaborée par Fernando Tavora est empirique. Elle est le résultat d’expérience et de travail de terrain. Elle est mise en pratique dans ses projets. Cette mise en pratique rend la théorie vivante. Il y a un échange constant entre le réel et les livres. La théorie n’est pas fixe, chaque architecte vient l’enrichir de sa propre expérience, de sa pensée.
En regardant la mise en pratique de cette théorie par divers architectes, Tavora, Siza puis Byrne, on sent que l’application est différentes. La forme bâtie n’est pas la même. Bien sûr le contexte est à chaque fois différent et donc le résultat de l’analyse aussi. La Casa dos 24 de Tavora trouve ses origines dans les traces du passé mais reste très contemporaine.
Le Chiado d’Alvaro Siza tente de retrouver l’ambiance passée. Les terrasses de Bragances est le désir de continuité avec le passé, tout en affirmant sa modernité. L’ISEG s’affirme en temps que bâtiment moderne.
L’analyse sert de guide, de fils directeur. L’architecte fait son propre choix dans les éléments sur lesquels il veut travailler, ceux qui éveillent sa sensibilité. Cela nous permet de dire que cette méthode à ses limites. Si l’architecte ne fait pas preuve d’esprit critique et d’une sensibilité singulière, son projet ne sera pas forcément réussi.
Une démarche humaniste
On peut dire pourquoi cette méthode qui consiste à prendre en considération le contexte est si efficace. Pourquoi on a cette impression que les édifices ont toujours été là.
Premièrement cette méthode détache l’architecte de la simple conception visuelle. Tous les sens entrent en jeux : touché, rapport physique à l’espace, ouïe, odorat. Le bâtiment marche car il répond à un ensemble de choses imperceptibles à l’oeil mais perceptibles dans la pratique de l’édifice. Byrne dans ISEG développe particulièrement ce point, en s’intéressant comment on pratique l’espace urbain, quelle représentation symbolique on a de l’université et de ses fonctions, comment entrer dans la dynamique de la ville. Il répond à ces problèmes en jouant avec l’architecture : transparence, plein/vide, couleur. Alors peut importe d’être moderne, ancien, de faire de la copie, ce qui importe, c’est ce que l’on va donner aux futurs usagés, ce que l’on va léguer quand le chantier est terminé.
Peut-être que la réussite de cet architecture se trouve dans son humanité?
Ouverture
Cet article met en valeur une culture architecturale propre au Portugal mais toujours ouverte à l’innovation. Une culture qui se transmet encore aujourd’hui et qui est liée à la pensée portugaise. On peut parler d’identité portugaise. Je me suis demandée si nous avions encore une identité architecturale en France? Pourquoi elle si difficile à appréhender alors que cela saute aux yeux quand on arrive au Portugal? Beaucoup de questions se posent mais simplement quel est le rapport entre notre identité culturelle et notre architecture en France aujourd’hui? Es ce que cela nous aiderez à regarder différemment notre patrimoine?
Peut-on ou doit-on mesurer la qualité des villesau regard du développement durable ? Alain Maugard
Alain Maugard est ingénieur général des ponts et chaussée. Il a dirigé plusieurs institutions nationales françaises dans le domaine de la construction. Il est aujourd’hui président de Qualibat et de Europan France. Il réalise cette conférence dans le cadre du cycle de conférence «Où va la ville» , organisé par l’Institut de la Ville.
Alain Maugard se considère comme un homme du bâtiment qui s’est intéressé à la ville. Pour lui, la question de l’effet de serre et plus généralement la question de l’avenir écologique de la planète se joue dans les villes. En effet, aujourd’hui 75% de la demande en énergie vient des villes.
La première initiative d’Alain Maugard, est la réglementation RT 2012, crée à la suite du grenelle de l’environnement. Le bâtiment c’est 40% de la demande en énergie fossile. Notre consommation en énergie fossile est à l’origine de l’effet de serre, de plus nous savons que les stocks de cette énergie baissent. La réflexion est la suivante : le manque d’énergie renouvelable entraîne une rupture de l’offre, pour équilibrer l’offre, il faut diminuer la demande. Le bâtiment doit consommer le moins d’énergies durant sa vie, pour atteindre un équilibre, la consommation maximale d’un bâtiment devrait être de 50 KW/m2/an.
Cela change les règles du marché de l’immobilier . Le bâtiment plus cher à la base devient rentable au cours du temps puisque rembourse sont prix avec l’argent que l’on met plus dans l’énergie.
L’objectif est d’atteindre un bâtiment zéro énergie voir producteur d’énergie. Cela permettrai de compenser l’énergie grise, soit l’énergie consommé lors de sa fabrication.
Ce qui a été fait à l’échelle du bâtiment doit être fait aujourd’hui à l’échelle de la ville. Il faut interroger le métabolisme de la ville et non plus sa morphologie. C’est à dire interroger l’activité dans une forme et non simplement la forme. La flexibilité d’utilisation des espaces et leurs adaptabilités à de nouveau usages assure la pérennité des villes faces au changement climatique.
Le label Bepos est l’indicateur le plus adapté pour mesurer la durabilité de la ville. Il mesure l’autosuffisance des villes en face à l’énergie, l’eau et la production alimentaire. Pour réussir le changement climatique on doit passer d’une société à 6000 watt à une société à 2000 watt.
«Open City»
Richard Sennett
Le 21 février 2013 à l’Université de Cambridge dans le cadre de cycle de conférence Lecture sur la compréhension de la société organisée par le centre de recherche pour l’art et les sciences humaines et sociales de l’Université de Cambridge.
Né en 1943, Richard Sennett est un sociologue et historien américain qui enseigne à la London School of Economics et à l’université de New York. Il est également romancier et musicien. Dès ses premiers travaux, il s’est intéressé à la question de l’urbanisme et de l’architecture. Cette conférence fait introduction à son nouveau livre à paraître « Open City » ou « Ville Ouverte ».
Aujourd’hui la ville est « le lieu où tout le monde veut vivre, elle est desservie et équipée, elle montre le développement de notre société ». Nous idéalisons la ville, nous la voulons sûre, propre mais en même temps efficace et dynamique ». Pourtant ce que l’on aime dans la ville est produit par les interactions des groupes sociaux, la complexité de sa forme, la mobilité et la diversité des attitudes et des usages. La ville est riche et permet à l’homme de s’accomplir parce qu’elle est formée de différences (sociale, culturelle, sexuelle….). Pourtant les systèmes urbains que l’on crée aujourd’hui sont des systèmes fermés. Les bâtiments comme l’espace public ont un usage déterminé, comme dans le plan Voisin de le Corbusier. Ce plan d’urbanisme est à l’origine d’une grande partie de l’urbanisme de Moscou à Chicago, où la fonctionnalité (machiniste entre autre) est le maître mot. Aujourd’hui nous subissons les méfaits de la ville fermée. Les bâtiments à usage déterminé ont une durée de vie moins longue. Il ne s’adapte pas à l’évolution des besoins. Aux USA, les centres villes ont été désertés car les bâtiments ne correspondaient plus aux besoins. La migrations s’est alors faite vers les banlieues participant à l’extension de la ville. Aujourd’hui nous avons les moyens techniques et expérimentaux de réaliser une ville qui se renouvelle mais jusqu’alors ces moyens ne servaient qu’à un pouvoir désireux d’ordre.
Comment allons faire une ville écologique si nous sommes incapables de renouveler le déjà là ?
L’hypothèse de Sennett est que le futur de la ville est dans l’évolution et non dans la destruction.
Un système fermé est caractérisé par une sur détermination des formes, la cohérence et l’intégration. Il ne sert en fait qu’une administration soucieuse d’ordre et qui accumule les règles (sociale, d’urbanisme, architecturale).
Un système ouvert n’est qu’un un système libéral dans lequel se satisfont les individualités mais bien « a system which is open socially to different voices who attend to one another, rather who each do their own thing in isolation », un système ouvert socialement, est ouvert à différentes voix, ces voix étant prête à échanger entre elle. Ce n’est pas système où chacun est isolé ».
Un système ouvert se caractérise selon le temps, l’espace et le social. Dans le temps ce n’est pas un système linéaire mais de l’ordre du rhizome. Dans l’espace le système est interdépendant avec le passé et donne des chances de mutations. Dans le social, un système ouvert se base sur le principe « autopoesie » de Nikolas Luhmann « les hommes créent dans les échanges sociaux la valeur de leurs lieux de vie, plus que dans les échanges individuels. »
Un exemple permet de caractériser la ville ouverte de la ville fermée. Border and Boundery ou entre la limite et la frontière. La limite signifiant la fin-la frontière est le lieu où différents groupes interagissent. La frontière est de l’ordre du système ouvert. Elle ne signifie porte ouverte à tout vent. Elle est poreuse mais résistante comme une membrane. Un ville ouverte peut se construire si l’on accepte de créer des « formes incomplètes » et flexibles et des histoires dont on ne connaît pas la fin. La fin sera la création de l’usager.
Face aux nécessités écologiques, aux réalités sociales et à la mobilité de notre société il est essentiel de revoir notre pensée de l’urbanisme et de l’architecture. Une architecture plus ouverte au changement que l’on accepte de laisser à l’usager et à ses pratiques. Suite à cette conférence je ne peux m’empêcher de penser à la théorie du rhizome et à son application concrète… Open city est l’une d ‘elle.
«Paris/Babel, une mégalopole européenne»
David Mangin
A l’occasion de la sortie de son livre « Paris/Babel, une mégalopole européenne », David Mangin a présenté, le 10 avril 2014 à l’ENSA-T sa conférence « Le grand Paris où en est-on ? dix idées reçues ». David Mangin est architecte et urbanisme, grand prix de l’urbanisme 2008. Il est enseignant chercheur à l’école des Ponts et Chaussée et à l’Ecole d’Architecture de La Villette, il y encadre le séminaire Paris/Babel. Cette conférence comme le livre sont issus des résultats d’un travail d’agence et de recherche, dans l’idée de comprendre pour agir.
La réflexion sur le grand Paris a commencé en 2008 grâce à la concomitance de trois programmes : la révision du schéma de territorial de Paris, la réflexion de l’état sur la question des rocades de transports en commun et une réflexion entamée sur la gouvernance pour une ville de douze millions d’habitants. Les axes majeurs du projet grand Paris sont alors apparus : le coût du logement, la rocade de transport en commun et la gouvernance. Les projets proposés pour chacun de ces intitulés ont été les suivants : soixante dix mille logements par an, une rocade de grand pôle avec soixante dix-neuf gares, quatre lignes de métro et deux extensions de ligne et une gouvernance basée sur les départements. Face au projet lancé par la première phase du grand Paris, David Mangin propose une mise au point, une réflexion critique à mi-parcours.
Paris est pensée comme une métropole dans laquelle les grands plans d’urbanisme n’auraient aucun intérêt. La ville est aujourd’hui le résultat de ces grands plans urbains. Ils sont regardés et discutés et de fait permettent des évolutions. La taille de Paris fait d’elle une mégalopole et « la quantité change la qualité ». Les projets urbains doivent être pensés pour une mégalopole.
Il est de mise que la ville s’étend « no limit » mais concrètement à Paris les limites s’amoncellent : limites géographiques, de réseaux, administratives, infrastructures… La ville est « no limit » mais on y trouve des frontières comme le périphérique. Le périphérique n’est pas une frontière dans la mesure où il est utilisé par segment, on y rentre, on sort on rentre dans un autre… Paris mégalopole et l’utilisation actuelle de ses rocades doit permettre de repenser la hiérarchie du réseau francilien. La question de réseaux est directement liée à la question travail-logement. L’idée comme quoi soixante dix mille logements par an à Paris est possible mais que les gens ne veulent pas. En réalité, du foncier invisible est accessible. Certes, mais à condition d’y mettre le prix. Cela nécessite de remettre en question notre manière d’occuper le territoire-comment vivre en zone inondables- comment habiter les bords de l’autoroute. Une certaine règle veut que les projets d’infrastructure déclenchent une activité économique. La réalité est plus complexe, non seulement les modes de travailler sont mouvants ( télé-travail, bureau mobile…). L’urbanisme doit prendre en compte cette notion et créer des frottements qui permettent de mettre en contact différents travailleurs. Mangin souligne l’importance de l‘économie présentielle, le fait les personnes vivantes sur un territoire produisent l’économie de ce territoire. On ne peut oublié le système de cluster, fait des agglomérats thématisés d’activités.
Ces idées reçues sont pour Mangin des freins à la réflexion sur le grand Paris. Les réquisitionner permet de trouver d’autres solutions qui n’étaient pas évidentes au départ. A travers les projets de Vitry-sur-Seine et du triangle de Gonesset, l’agence Seura met en application les principes de Paris/ Babel. Nombreuses sont les théories urbanistiques mais peu sont le résultat de projet. Dans dix ou quinze ans une autre approche critique pourra être faite, ce qui nourrira la recherche.
Joao Seixas
PAREDES VIVAS
Un jour en marchant dans l’Alfama, j’ai vu une inscription sur l’un des murs de la rua dos Corvos « Da me a tua mao» (donne-moi ta main). En lettre claires et sincères, la ville me demandais ma main, quel luxe. Une demande n’arrive pas tous les jours. Mais au travers de ses murs, la ville demande souvent notre main. (…)
Les plus célèbres graffitis sont figuratifs, certains sont magnifiques et ont même gagné le surnom d’art. Mais il y a aussi de beaux messages , de petites illustrations ventilées ça et là. Poésie, amour et politique urbaine viennent du plus bas pour atteindre les sommets.
Lisbonne est une chanson de Variations (O Antonio). Entre la rua dos Corvos et la voie de l’IC19, il y a comme un chaos contemporain où tout peut se passer. «Um incompleto perfeito» (une perfection incomplète) écrit un véritable artiste sur la porte bleu d’un bâtiment vacant. La ville est un reflet de la volonté, des rythmes et des dissonances de la géographie et de l’histoire des hommes. Il est vrai que nous vivons dans un état dépassé qui ressemble à un village de la France rurale. «Eu trabalho para comprar carro para ir o trabalho» (Je travaille pour acheter une voiture pour pouvoir travailler). Travailler et conduire comme autrefois, rien de mal diraient certains mais pour d’autres le scénario est gravé sur les murs d’une ruelle de Benfica « Grécia em todo lado» (La Grèce est partout) Parle-t-il de la polis, de la politique ou de la police, sûrement d’un peu de tout cela… «Nao somos mercadoria» (nous ne sommes pas des marchandises) a écrit quelqu’un à Alcantara. Certainement. Selon les termes de O Antonio dans O Variacioes, nous sommes un mouvement perpétuel. Schizophrénie, nous sommes bien là où nous ne sommes pas et nous voulons allez seulement là où nous n’allons pas.
Une autre fois quelqu’un exige «Nos queremos todos», (nous voulons tout).
Il y a quelqu’un qui écrit Utopia dans divers endroits de la ville et certaines personnes encore moins modestes écrivent en petits caractères, chuchotant dans un coin d’immeuble banal «Quem me dera que toda a gente se desse bem» (Je souhaite que tout le monde soit bon).
Les rues de notre ville sont l’anatomie de notre condition urbaine. Elle sont notre organisme public. Ces rues sont à nous comme nous le rappelle des centaines d’écrits « Estas ruas pertecem-nos». Ce beau corps, ce corps usé et transformé, se sent mieux par endroits mais moins bien à d’autre, comme nous le rappelle , le coeur de la ville, Baixa «Ja estou melhor, obrigada» (Je me sens mieux, merci) . Bien sur vous l’êtes, mais ailleurs «Os ricos con medico privado e o pobres privados de medico».
Avec cette austérité et la culpabilité qui pèsent sur nos épaules, nous avons des rues et des quartiers entiers où il n’y a pas d’argent pour une bonne réhabilitation. Vous avez tort.
Quand tout pourrait être si bien. «Somos os herdeiros do futuro» ( Nous sommes les héritiers du futur) dit une autre porte bleue. La géographie émotionnelle sont les textures fines qui relient la géographie d’une époque avec la géographie du lieu. Pensez donc citoyen! «Noa pode sonhar por ti» (On ne peut pas rêver pour toi) dit un mur du Chiado. Et cela commence maintenant « Nao espere que caia do ceu» (N’attend pas que ça tombe du ciel) dit un pignon suivant. C’est une bonne chose qu’il existe des messages dans la ville: «Muros Brancos-povo mudo» (Mur blanc-peuple muet), il faudrait toujours plus « Baixa as espectativa e sonha mas alto» (Moins d’attente mais des rêves plus grand), maintenant déjà, aujourd’hui même, sur le bref fil du présent entre un passé infini et un futur tout aussi infini. Je retourne dans l’Alfama déclamant comme sur ce mur blanc près de l’église santo Estavoa « é tao difficil guardar um rio quando el corre dentro de nos» (Il est difficile de garder un fleuve quand il coule en nous). Tout cela au milieu de toi, o ma ville, bien sûr nous allons te donner la main et écrire quelque part «te-amo princesa» (Je t’aime princesse).
Problématique générale, hypothèse et recherche sur l’état de l’art
Le graffiti est un acte illégal au Portugal comme dans une majorité de pays. Il fait parti des actes de vandalisme: « acte d’une personne qui, délibérément, par plaisir ou par méchanceté, abîme, détruit des oeuvres d’art, des choses belles ou utiles ». Une grande partie des ouvrages sur le graff a été rédigée au début des années quatre-vingt dix, quand le mouvement prenait de l’ampleur en France. Ils abordent le thème à travers une vision sociologique qui souhaite expliquer le phénomène et le replacer dans un contexte historique « Je vous salie ma rue :Tag, graff, graffiti » de Sylvain bouyer, « Du tag au Tag » d’Alain Vulbeau ou encore « L’enfance du geste »2 d’Alain Guillain. Ces recherches tentent de trouver des solutions pour parer l’invasion du graffiti, cherchant à comprendre leur signification ou en identifiant les acteurs. Certains prennent clairement position « proposer un regard et une analyse sur un fait de société problématique »3 tagtag. Les livres contemporains traitant du street-art assument une position négative face au graffiti « Cette notion de langage codé présente le genre de déconnexion qui se révèle critique dans toute définition de contre culture, et c’est la raison pour laquelle nous soutenons que, quelle que soit l’évolution de sa popularité dans la perception du public, le graffiti, c’est ce qui le distingue du street art, maintiendra son statut clandestin. »
Comme le dit André Gillain dans l’Enfance du Geste « Ils ne savent pas ce qu’ils veulent exprimer, mais d’autres cherchent à le savoir pour eux »1, pourquoi s’évertuer à comprendre un phénomène aussi disparate que le graffiti. Tenter de l’endiguer est une guerre sans fin, qui profite aux chimistes de chaque coté du tableau. Le graffiti interroge car il touche la question de l’espace public, dans le sens physique (urbain) et politique du terme. Je choisi d’aborder ce sujet sous ces deux axes, comme le fond les auteurs suivant.
Ma recherche s’attarde à démontrer, l’apport du graffiti dans une ville en crise. Une vision urbaine qui est dans la lignée de Jaimie Cudmore dans sa thèse « considérer le graffiti comme un acteur d’ambiance active dans l’espace public. ». Elle propose une approche « pour les urbanistes et les architectes d’apprendre des résistances actives aux normes dans l’espace public ». Cette thèse tend à changer un regard mais elle a aussi une visée opérante. Malgré tout cette recherche s’oriente vers une vision anthropologique, en s’interrogeant sur les pratiques informelles dans un contexte de crise. et s’appuie sur le travail d’Ariela Epstein dans sa recherche « Peindre les murs du CH67(Cadorna, Montevideo) : récit d’une expérience informelle.», je propose «une réflexion sur les fonctions possibles de ce type d’événement informel dans un contexte social particulier et de « culture en situation de pauvreté 3». Ma recherche est approfondie à travers un thème particulier le livre de Ariela Masboungi « Le projet urbain en temps de crise : l’exemple de Lisbonne », qui met en valeur les initiatives qui ont permis une rénovation en profondeur à moindre coût.
«Le projet urbain lisboète fait un pied de nez à la crise financière qui s’enracine en Europe et génère une inventivité à tout crin, de l’action urbaine aux initiatives sociales et culturelles, sources de convivialité et de cohésion ».Tout comme cet ouvrage, le but de cette recherche est de re-questionner la manière d’aborder les projets de rénovation
Face à un état de l’art qui met en valeur des divergences de point de vue, il est important que j’affirme le mien, notamment en définissant au mieux les termes utilisés. Le graffiti est pour les writters (ceux qui écrivent), une pièce de grande taille, comprenant plusieurs couleurs et un temps d’élaboration long. Le graffiti englobe dans l’imaginaire commun, les Throw-up : pièces de taille moyenne, de deux ou trois couleurs et faites plus ou moins rapidement, enfin il y a le Tag, qui est une signature faite rapidement, permettant de se faire connaître et de s’entraîner à la technique de la bombe.
Le street art est « un mouvement artistique contemporain. Il regroupe toutes les formes d’arts réalisés dans la rue, ou dans des endroits publics, et englobe diverses techniques telles que le graffiti, la réclame, le pochoir, la mosaïque, les stickers ». Le street art serait donc la parti respectable, celle que l’on peut nommer art. Peut-être es ce juste un nom propre donné aux élus de la rue pour les laisser entrer dans les galeries… Pourtant les pièces de street-art tout comme les street–artistes sont indissociables du milieu du graffiti vandale. Ils utilisent la même surface, les murs et le mobilier de la ville, qu’ils peignent avec ou sans autorisations. Ensuite nombre de « street artists » viennent du milieu du « graffiti vandal », vhils peignait des trains, tilt a taggé tout Toulouse, Os Gemeos pratiquaient la pixaçoa forme de graffiti officiellement violent et vandale.
Corpus et terrain d’investigation
Le corpus portera sur la ville de Lisbonne et plus particulièrement sur son centre ancien. Il abordera le graffiti à travers les oeuvres informelles présentes durant le temps de la recherche dans la ville. C’est la partie centrale du corpus, celle dont découle les autres parties. La communication autour du graffiti participe à la renommée de la ville à l’international. Les programmes de rénovations urbaines qui utilisent le graffiti, pour la réappropriation habitante des espaces publics, et enfin les associations de graffeur qui prennent de plus en plus de place dans la vie culturelle de la ville et initient la rénovation de l’espace urbain .
Les réseaux sociaux sont les premiers moyens de communication autour du graffiti. Facebook et Tumblr sont les réseaux les plus utilisés. Ils sont l’oeuvre de writters, graffeurs qui cherchent à communiquer leur travail. L’attention se porte sur les pages facebook ou Tumblr qui sont l’oeuvre d’habitants collectionnant depuis deux, trois ans des photos des graffitis lisboètes. « O que diz Lisboa » « Que dit Lisbonne »est une page facebook créée en 2006, par Laura Ramos et aimée par 8600 personnes. Laura Ramos est photographe, elle commence en 2006, à prendre en photo les graffitis Lisboètes avec son téléphone portable. C’est un travail intuitif mais traduit l’évolution des graffitis et surtout l’intérêt que l’on y porte, à travers les « like ». Il en est de même pour le facebook. « Porque nem as paredes da rua são portas fechadas » « Parce que les murs de la rue ne sont pas des portes fermées », cette page a été créée en 2010 par Fatima Encarnado, elle rassemble aujourd’hui 66 397 like. Ces deux pages contrairement aux pages du type « street art lisboa » sont réalisées par des habitants de la ville. Elle traduisent l’idée que la ville est un espace public, un espace de parole « Parfois (plus que parfois) les murs de la ville crient les mots que nous enfermons dans nos bouches », phrase d’introduction de Fatima Encarnado.
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Table des matières
AVANT-PROPOS
RÉSUMÉ DU MÉMOIRE DE MASTER
ARTICLE
IMMERSION AU LRA
NOTE DE SYNTHÈSE CONFÉRENCE
PROJET DE RECHERCHE
RÉSUMÉ DU PROJET DE RECHERCHE
CALENDRIER DE DOCTORAT
PLAN PRÉVISIONNEL DE DOCTORAT
BIBLIOGRAPHIE
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