Processus non linéaires pour la génération d’impulsions picosecondes

Sources laser picosecondes émettant dans l’infrarouge moyen – Contexte et problématique.

   Ces dernières décennies, le développement des sources laser émettant dans l’infrarouge moyen a connu une forte progression grâce à l’intérêt suscité par les applications de spectroscopie, de diagnostics environnementaux (détection de polluants, relevés topographiques, analyses atmosphériques), de télécommunication en espace libre, et de défense. L’infrarouge moyen 1 présente un intérêt majeur pour deux raisons particulières : il contient plusieurs fenêtres de transmission de l’atmosphère comme le montre la Fig. 1, et il correspond à une région du spectre électro-magnétique contenant les raies d’absorption rovibrationnelles d’un grand nombre de molécules . Par exemple, pour les applications de spectroscopie, chaque molécule est réceptive à un ensemble de longueurs d’onde dans un domaine spectral donné de l’infrarouge. La détection et la discriminations des espèces par le biais d’une unique source laser implique donc, d’une part que celle-ci émette dans l’infrarouge moyen, et d’autre part qu’elle soit largement accordable en longueur d’onde. À l’Office National d’Études et de Recherches Aérospatiales (ONERA), les concepts d’analyse à distance, de diagnostic à forte résolution spatiale, spectrale ou temporelle sont mis en oeuvre dans nombre de systèmes pour des applications d’analyse de gaz [Ber08, Ray09, Ber10a], de défense (contre-mesure [God10]), de télécommunications [Bon10]. Ces activités entraînent des besoins croissants en sources optiques infrarouges, de puissance et de durées d’impulsion variées, qui ont récemment amené l’équipe SLM (Sources Laser et Métrologie) à s’orienter vers les sources impulsionnelles en régime picoseconde. Les sources à modes verrouillés en régime picoseconde fournissent des impulsions laser à des cadences très élevées, de l’ordre de 100 MHz, et de forte intensité crête, jusqu’à plusieurs centaine de MW/cm², généralement inaccessibles en régime nanoseconde, et particulièrement adaptées à des expériences de spectroscopie résolues en temps, qui nécessitent une acquisition rapide du signal [Saa09]. De plus, la possibilité d’obtenir des impulsions dont le spectre est limité par leur transformée de Fourier en font un outil de choix pour les applications nécessitant une certaine nesse spectrale généralement inaccessible en régime femtoseconde [Bar09, Gra96]. C’est dans ce contexte de développement de sources picoseconde accordables dans l’infrarouge moyen que s’est déroulé ce travail de thèse.

Sources OPO

   Grâce à l’optique non linéaire, il est possible d’étendre la gamme spectrale couverte, et d’accéder à des accordabilités supérieures à la plupart des sources laser. Le dévelopement des sources OPO d’impulsions ultrabrèves en régime picoseconde ou femtoseconde dans l’infrarouge moyen s’est fait conjointement avec la généralisation et la fiabilisation des sources lasers de pompe verrouillées en phase et le développement de matériaux non linéaires efficaces. Parmi ces matériaux, une percée technologique majeure a été réalisée à partir de l’avènement des matériaux micro-structurés à domaines ferro-électriques périodiquement retournés tels que le PPLN (Periodically Poled Niobate Lithium) et des premières sources OPOs associées [Mye95]. Le régime impulsionnel picoseconde est particulièrement intéressant pour les sources OPOs à cause des très fortes intensités crêtes accessibles, qui donnent lieu à des gains paramétriques élevés. Les impulsions ultrabrèves permettent en outre de combiner ces hautes intensités crêtes avec de faibles énergies par impulsion ce qui autorise une tolérances au dommage optique supérieure, au régime nanoseconde notamment, dans les matériaux non linéaires. À ce jour, une grande variété de cristaux a été utilisée dans des dispositifs OPO à pompage synchrone pour la génération d’impulsions picosecondes largement accordables dans l’infrarouge moyen. La plupart des meilleures performances, notamment en termes de puissance et d’accordabilité, ont été obtenues à partir de cristaux à base d’oxydes, périodiquement retournés ou non, tels que le KTiOPO4 ou le LiNBO3 comme le montre la Fig. 3. Concernant les performances en puissance, le fort coefficient non linéaire du PPLN (deff =16 pm/V) permet d’atteindre le régime multiwatts et des efficacités de conversion supérieures à 60 % [Kok10]. Il est également possible de réaliser des OPO synchrones picoseconde accordables émettant des impulsions limitées spectralement par transformée de Fourier : pour le PPLN [Bhu09, Han01] ou pour le PPLT [Rya08], particulièrement adaptés aux applications de spectroscopie. Quant aux plages d’accordabilité, le fort gain paramétrique accessible en régime picoseconde a permis de pousser l’accordabilité au delà de 6 µm pour le PPLN 6 [Lef98, Wat02], et jusqu’à près de 5 µm pour le PPRTA 7 [Ken98]. Néanmoins les matériaux à base d’oxydes ont une transparence généralement déclinante au delà de λ ∼ 4,5 µm (voir Fig. 3). Pour atteindre des zones spectrales plus profondes dans l’infrarouge moyen, il devient nécessaire de recourir à des matériaux plus exotiques à base de semi-conducteurs

Objectifs de la thèse

   Au cours de ces dernières décennies de très grands progrés ont donc été faits dans le domaine des sources laser solide infrarouge à modes verrouillés en phase grâce aux potentialités des matériaux lasers et non linéaires. Il nous semble néanmoins que ce potentiel est encore sous exploité. Par exemple, les systèmes lasers suceptibles de combiner accordabilité, finesse spectrale, et impulsions courtes picosecondes sont rares voire inexistants; à plus forte raison lorsqu’il s’agit de pompage continu et de méthodes passives de verrouillage de modes. En effet, pour les milieux laser, parmi les méthodes passives les plus courantes, les absorbants saturables à base de semi-conducteurs sont en général optimisés pour une longueur d’onde précise dans le spectre de gain du laser; les sources associées ne sont donc pas accordables. Le verrouillage de modes par lentille de Kerr est quant à lui adapté au régime d’impulsions femtosecondes à spectre très large. Dans le domaine des sources paramétriques infrarouges, de nombreuses configurations et/ou matériaux sont encore peu explorés voire inexplorés pour la génération d’impulsions courtes. À titre d’exemple, des matériaux adaptés aux grandes longueurs d’onde de l’infrarouge moyen tels que le GaAs ou le ZnGeP2 n’ont encore que rarement été utilisés pour des sources picosecondes. Enn, avec la progression des matériaux pour l’infrarouge moyen, des méthodes originales issues de l’optique non linéaire et développées dans le proche infrarouge telles que le verrouillage de modes dans les OPOs [Mel07], l’interaction entre un laser impulsionnel et un OPO synchrone intracavité [Vel10], ou plus généralement l’interaction entre un milieu laser et un milieu non linéaire [Sta89a], sont désormais envisageables dans des domaines spectraux plus éloignés. Ce travail de thèse vise à s’inscrire dans ce mouvement d’élargissement du champ des sources d’impulsions picosecondes émettant dans l’infrarouge moyen. L’objectif est double: proposer des solutions originales dans des domaines spectraux où il existe peu d’alternatives, et contribuer à une meilleure compréhension des mécanismes de génération d’impulsions dans ces systèmes laser. Pour cela, nous avons mis à profit les propriétés des processus non linéaires, telles que l’accordabilité, l’instantanéité et la réversibilité de la conversion, à travers l’étude et le développement de sources d’impulsions courtes purement paramétriques (OPOs picosecondes), et d’une source laser ZnSe:Cr2+ à modes verrouillés en phase en régime picoseconde par un dispositif de miroir non linéaire accordable.

Méthode par différences finies [Bak89]

   La méthode de split-step par transformée de Fourier présente l’avantage d’être relativement accessible et simple à implémenter. Elle peut également être utilisée dans un modèle spatio-temporel qui prendrait en compte la diffraction, puisque la diffraction peut être traitée de manière similaire par simple déphasage des champs électriques en passant dans l’espace des fréquences spatiales. Nous avons donc dans un premier temps adopté ce schéma de calcul numérique pour nos simulations. Néanmoins, il présente un inconvénient du point de vue numérique : à chaque étape du split-step, les champs électriques doivent subir deux transformées de Fourier successives (voir Fig. 1.1) ce qui est coûteux en temps de calcul lorsque la haute résolution est recherchée, c’est-à-dire lorsqu’un grand nombre de Npts est considéré. Dans les exemples de calculs que nous développons dans la partie suivante, nous avons évalué les performances en temps du schéma split-step et transformée de Fourier. Il s’est avéré que le calcul est trop long dans l’optique d’un calcul muti-passage (OPO ou verrouillage de modes d’un laser), et que la majeure partie du temps de calcul est dédiée aux calculs de transformées de Fourier (typiquement 50 % du temps de calcul total). Nous avons donc été amenés à étudier un schéma numérique ne faisant pas intervenir de va-et-vient entre l’espace des temps et l’espace de Fourier. Dans cette méthode, les équations sont résolues directement dans l’espace des temps par une méthode dite de différences nies pour le calcul du terme de dérivée temporelle du champ électrique. Cette méthode est directement inspiré de l’approche numérique développée par Bakker [Bak89]. Dans le même esprit, le calcul pourrait être mené en résolvant l’intégralité des équations de mélange et de propagation dans l’espace de Fourier. Une telle méthode est notamment développée dans [Vel10] pour le calcul de l’interaction entre un laser et un OPO synchrone intracavité.

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Table des matières

Remerciements
Introduction
1 Outils théoriques et numériques 
Objectifs
1.1 Équations de propagation en régime d’impulsion brève
1.1.1 Équation d’onde et hypothèses simplificatrices
1.1.2 Importance de la phase non linéaire
1.2 Quelques éléments de calcul numérique 
1.2.1 Description et justification du choix du schéma numérique utilisé pour les calculs
1.2.2 Validation du code sur quelques exemples et discussion sur le rôle de la saturation
1.2.3 Comparaison de l’efficacité du schéma numérique par différences finies, et du split-step
1.3 Modélisation de la fluorescence paramétrique
Synthèse
2 Sources OPO à pompage synchrone et analyse numérique de la synchronisation 
Objectifs
2.1 Sources paramétriques picosecondes dans l’infrarouge moyen 
2.1.1 Génération paramétrique dans PPLN
2.1.2 Pompage synchrone
2.1.3 SP-OPO PPLN sans réseau
2.1.4 SP-OPO PPLN avec réseau
2.1.5 SP-OPO ZGP
2.2 Analyse numérique de la saturation et de la désynchronisation en pompage synchrone 
2.2.1 Simulation numérique du pompage synchrone
2.2.2 SP-OPO large bande fortement saturé
2.2.3 SP-OPO faiblement saturé et effet de filtrage par un réseau
Synthèse
3 Miroir non linéaire pour la production d’impulsions brèves dans l’infrarouge moyen 
Objectifs
3.1 Contexte
3.2 Laser ZnSe:Cr2+ en CW
3.2.1 Effet de lentille thermique dans ZnSe:Cr2+
3.2.2 Comparaison des performances laser de différents cristaux
3.2.3 Caractérisations complémentaires du cristal Pi1
3.2.4 Synthèse
3.3 Le MNL d’ordre 2 dans l’infrarouge moyen : Généralités 
3.4 Modélisation et dimensionnement d’une expérience de démonstration sur ZnSe:Cr2+
3.4.1 Réectivité non linéaire en régime picoseconde
3.4.2 Modélisation du verrouillage de modes d’un laser ZnSe:Cr2+ par miroir non linéaire
3.5 Caractérisation expérimentale du miroir non linéaire en régime picoseconde
3.5.1 Dimensionnement du miroir non linéaire
3.5.2 Expériences de caractérisation du miroir non linéaire
3.6 Expériences de verrouillage de modes
3.6.1 Accord de phase et rendement de doublage
3.6.2 Propriétés du verrouillage de modes
Synthèse
4 Miroir non linéaire généralisé 
Objectifs
4.1 Influence des paramètres du miroir non linéaire sur la dynamique du laser ZnSe:Cr2+ – Approche expérimentale
4.1.1 Influence du désaccord de phase et du déphasage au retour sur le verrouillage de modes
4.1.2 Régime déclenché
4.2 Différents modes de fonctionnement du miroir non linéaire 
4.2.1 Le miroir non linéaire en tant que modulateur d’amplitude
4.2.2 Modulation de phase par non-linéarités en cascade dans un cristal doubleur
4.2.3 Le miroir non linéaire en tant que modulateur de phase
4.3 Miroir non linéaire généralisé – Bilan 
4.3.1 Étude bibliographique
4.3.2 Interprétation des observations expérimentales sur le laser ZnSe:Cr2+
Synthèse
Conclusion
A Matrices ABCD
Objectifs
B Verrouillage de modes par eet Kerr
Objectifs
B.1 Origine de l’effet lentille de Kerr
B.2 Puissance critique d’auto-focalisation
B.3 Verrouillage de modes passif par effet Kerr (Kerr Lens Mode-locking ou KLM)
C Laser en incidence normale
D Ombroscopie
E Procédures d’alignement
F Détection en régime de comptage de photons dans l’infrarouge par détection à deux photons non-dégénérée dans l’arsenure de gallium (article)
Bibliographie

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