Processus expérientiel et développement de métacompétences
Un environnement de travail marqué par le changement
L’environnement de travail dans lequel s’est déroulée la présente recherche est un établissement du réseau de la santé et des services sociaux, soit le Centre de réadaptation en déficience intellectuelle du Bas Saint-Laurent (CRDI-BSL). La création de ce centre de réadaptation résulte d’une histoire riche en évolution faisant appel à ses débuts à l’implication des milieux locaux et communautaires. À partir de l’engagement des populations et des organisations, l’ histoire nous ramène à la création dans les années 1970 (CRDIBSL, 2005) de deux centres de réadaptation, soit « Les Services d’adaptation Osmose » pour la partie est du Bas Saint-Laurent , et le « CRDI-KRTB »pour la partie ouest. Ce n’est qu ‘à partir de 1997 (CRDI-BSL, 2005) que nous assisterons à la fusion de ces deux établissements qui seront administrés désormais par un seul conseil d’administration et gérés par une même équipe de direction.
La mission légale de cet établissement est: [ . . . ] d’offrir des services d’adaptation ou de réadaptation et d’intégration sociale à des personnes qui , en raison de leur déficience intellectuelle, accompagnée ou non de déficience physique ou sensorielle, de leurs difficultés d’ordre comportemen- Tenant compte que la majorité des personnes faisant partie de ce proj et de recherche sont des femmes, la forme féminine sera utilisée régulièrement dans le but d’ alléger le texte. tal, psychosocial ou familial, requièrent de tels services, de même que des services d’accompagnement et de support à l’entourage de ces personnes . Depuis 2004, cette mission s’étend également aux personnes présentant un trouble envahissant du développement. (CRDI-BSL, 2004, p. 2) Dans cette foulée, cette fusion de deux établissements qm avaient fonctionné jusqu’alors de façon autonome et dans le contexte de la réforme de la santé et des services sociaux vécue à la fin des années 1990, le CRDI-BSL vivra plusieurs changements. Notons par exemple la désinstitutionnalisation de clientèles vivant en internat en 1998 et 2000, l’adoption de nouvelles approches d’intervention en 1998 et la transformation de ressources d’hébergement (CRDI-BSL 2005).
Un changement majeur concerne la réorganisation des programmes et servIces de 2000. Celui-ci touche l’ ensemble du personnel pmsque toutes les équipes de travail se voient reconfigurées. Les équipes jusqu’alors constituées géographiquement par une MRC (Municipalité Régionale de Comté) se voient fusionnées avec les équipes des MRC voisines. Dans ce cadre, je passerai en 2000 d’un poste de coordonnatrice d’une MRC (gestion des programmes et services), que j ‘ occupais depuis 1989, à une fonction de conseillère clinique affectée pour couvrir trois MRC . Notons que les postes de conseillère clinique étaient jusqu’ alors inexistants dans la structure organisationnelle. Ils sont créés dans le but d’accroître le support professionnel des intervenants en cette période de transformation des pratiques.
La rencontre conseillère-intervenante
Afin de mieux saisir cette forme d’ accompagnement exercée sur une baseindividuelle dans ma pratique de conseillère clinique, nous regarderons maintenant les composantes d’ une rencontre-type . Je rencontre chacune des intervenantes sur une base régulière. Ces rencontres d’ une moyenne de deux heures sont espacées de 4 à 7 semaines. Il peut arriver cependant que cette fréquence soit plus rapprochée, tenant compte des situations rencontrées. Il peut s’agir par exemple de préoccupations ou de difficultés vécues par l’ intervenante, de demandes d’avis clinique ou d’orientation sur l’évolution de situations qu ‘e lle rencontre dans son suivi avec les personnes, leurs familles ou les partenaires de la communauté avec qui elle interagit, etc. Au début de chaque rencontre, nous convenons ensemble des situations qUi seront abordées. Un espace peut également s’ouvrir sur le vécu professionnel, sur les difficultés vécues par l’intervenante et qu’elle désire partager pour obtenir de l’écoute et du soutien. Au fil de la rencontre et des situations traitées, l’écoute attentive est une composante très importante pour moi. Je tente de bien comprendre les situations présentées par l’ intervenant. Je qualifie cette écoute comme se situant à deux niveaux; d’abord les faits, qu’est-ce qui s’est passé, quel est le problème ou plutôt l’ univers problématique qui est présenté par l’ intervenant. Je tente de comprendre.
La rencontre d’une culture organisationnelle et la création de groupe-support
Faut-il le rappeler, le contexte actuel des organisations est axé sur la perfonnance dont la visée est la production de résultats. La pression ainsi créée conduit à vouloir que les choses avancent à un rythme rapide avec une atteinte de résultats élevée. Les retombées au niveau des usagers sont la nonne d’efficacité. Pour qu’une action soit efficace, elle doit produire des résultats mesurables notamment au niveau de la clientèle. L ‘ environnement culturel dans lequel j’évolue ne fait pas exception à cette règle. De plus, nous portons une culture de soignants, de protection et parfois même de sauveurs . Nous sommes dans une culture voulant que l’ organisation soit au service de la clientèle et non au service de ses employés. Les actions qui sont posées en ce sens sont tout compte fait bien minimes (mis à part le programme d’aide à l’intention du personnel mis en place au CRDI-BSL en 2000). Il n’est pas encore dans les croyances que les intervenants, constamment en situation d’aide, pourraient tirer profit d’ un espace collectif où ils trouveraient du soutien pour les aider à sauvegarder leur équilibre professionnel et personnel. Cet aspect de la pratique repose sur le soutien individuel que doit apporter le conseiller clinique. Cet espace de groupe avait à se tailler une place dans l’ environnement culturel. Mes aspirations étaient grandes tandis que mes repères étaient bien minimes, si ce n’ est que dans ma propre expérience de groupe de codéveloppement professionnel (mentionnée au chapitre 1).
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Table des matières
REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 L’ INTERVENTION EN DÉFICIENCE INTELLECTUELLE: UNE PRATIQUE EN TRANSFORMATION
1.1Un environnement de travail marqué par le changement
1.1.1 De nouvelles approches d’intervention
l.2 L’accompagnement des intervenants dans leur pratique professionnelleIl
1.2.1 La rencontre conseillère-intervenante
l. 3 La rencontre d’ une nouvelle forme d’accompagnement : le codéveloppement professionnel
l.3.1 Une nouvelle avenue dans ma pratique professionnelle : de l’individuel au groupe: première expérimentation lA Un environnement de travail où on exprime des besoins
1.4 La nécessité d’accroître le soutien à l’ intervention au CRDI-BSL: avenues
individuelles et collectives
1.5 Le support professionnel des praticiens en déficience intellectuelle au Québec:
qu’en est-il?
l.6 Le support à l’ intervention en contexte de renouvellement des pratiques professionnelles: le passage entre le savoir théorique et la pratique
1.7 Le groupe comme source de co-formation et de support à la pratique profess ionnelle
CHAPITRE 2 L’OBSERVATION DU PROCESSUS DE GROUPE-SUPPORT : APPROCHES MÉTHODOLOGIQUES
2.1 Notions importantes en recherche-action
2.1.1 L’écoute
2.1.2 Le changement
2.1.3 L’ évaluation permanente de l’ action
2.1.4 Une vision systémique
2.2 Les moyens utilisés pour observer la réalité
2.2.1 L’ observation participante
2.2.2 Le journal de recherche
2.2.3 L’atelier de praxéologie
2.2.4 L’entretien non-directifde groupe
2.3 Les groupes-support en tant que terrain de recherche
2.3.1 Caractéristiques du groupe-support à l’adulte
2.3.2 Préparation des rencontres
2.3.3 Calendrier des rencontres et contenu
2 .4 Méthode d’ analyse des données: Analyse qualitati ve par théorisation ancrée
2.4. 1 La codification
2.4.2 La catégorisation
2.4.3 La mise en relation
2.4.4 La modélisation
2.4.5 La théorisation
CHAPITRE 3 L’ÉMERGENCE D’UN MODÈLE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE CO FORMATION
3.1 La mise en place d’ un espace de paroles; un environnement à créer
3.1.1 La qualité de l’ espace: aspects relationnel et climat
3.1.2 L’ enjeu de la priorisation de cette activité dans leur travail
3.1.3 L’enjeu de la stabilité et le cheminement du groupe
3.2 La création d’un espace de paroles sous l’ angle de l’accompagnement : enjeux soulevés
3.2.1 L ‘ émergence d’une parole; prendre le temps nécessaire
3.2.2 L’enjeu de suivre le groupe: apprendre à faire confiance
3.2.3 L ‘ enjeu de modifier mon rôle : le partage de l’expertise
3 .2.4 La rencontre de mes modèles : enjeux de transformation
3.3 Un espace de paroles habité: co-formation, codéveloppement et soutien à la pratique
3 .3.1 De la théorie à la pratique : l’enjeu de partager sa pratique
3.3.2 De la pratique à l’apprentissage: le codéveloppement professionnel
3.3 .3 Cheminement du groupe, partage de savoirs et soutien à la pratique
3.3.4 Retombées de l’expérience du groupe-support dans la pratique des intervenantes
3.4 La rencontre d’ une culture organisationnelle et la création de groupe-support
3.5 L’émergence d’ un modèle d’ accompagnement et de co-formation: conditions qui se dégagent du processus de groupe-support
3.5 .1 Conditions au plan de l’ accompagnement
3.5 .2 Conditions du plan du groupe
CHAPITRE 4 BILAN DE L’ EXPÉRIENCE
4.1 Le groupe-support : une solution aux problèmes de santé psychologique des employés?
4.2 Processus expérientiel et développement de métacompétences
4.3 La pratique de groupe-support: vers une organisation apprenante
4.4 Modélisation d’ une organisation apprenante : perspectives et rôle de conseillère
clinique
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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