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Les acteurs de la recherche pour la santé
Promoteur
Le promoteur ou sponsor est une personne physique, une entreprise, un établissement ou une organisation indépendante qui prend l’initiative de la recherche sur l’être humain, qui supervise l’exécution, qui en assure la gestion et qui vérifie que son financement est prévu. Il est l’interlocuteur du CER et de l’autorité compétente. Il y a deux grandes catégories de promoteurs :
o Les industriels, (par exemple les industries pharmaceutiques, de cosmétique, fabricants de dispositifs médicaux, etc) qui sont des organismes privés prenant effectivement l’initiative de la recherche, en ce sens qu’ils élaborent eux-mêmes le projet de recherche, qui vise à démontrer l’efficacité de leur produit ;
o Les institutionnels représentés par les grands organismes de recherche, dans ce cas, le plus souvent, ils assurent la gestion et le financement de la recherche, mais l’initiative est prise par un investigateur, chercheur, qui est le rédacteur du projet de recherche [62].
Le promoteur est également responsable en dernier ressort du respect des dispositions législatives ou réglementaires et des principes éthiques applicables, même lorsque la réglementation locale désigne l’investigateur comme responsable de certaines activités. Enfin c’est à lui qu’il revient de verser des dédommagements ou des indemnités en cas de dommages ou de décès liés à l’étude, conformément à la législation et à la réglementation locales.
Investigateurs / Chercheurs [50].
Les investigateurs ou les chercheurs sont les personnes physiques qui dirigent et surveillent la réalisation de la recherche sur un lieu. Ils s’engagent à mener la recherche selon les normes décrites et selon le protocole. Ils ne peuvent dévier du protocole sans avis du comité d’éthique et du promoteur (sous forme d’amendement du protocole).
Ils doivent être en mesure de justifier leurs compétences et qualifications pour effectuer la recherche (exemple le CV).
En effet, Ils réalisent la recherche après avoir informé les volontaires sur les objectifs de la recherche, en recueillant leur consentement écrit avant le début de la recherche, en les inscrivant dans le fichier des personnes qui se prêtent à la recherche et en les suivant tout au long de la recherche tout en appliquant les procédures prévues dans le protocole de la recherche. Ils veillent sur la sécurité des personnes impliquées, sur la confidentialité des données et valident le rapport final des projets de recherche.
Lorsque le promoteur d’une recherche confie sa réalisation à plusieurs investigateurs, sur un même lieu ou sur plusieurs lieux, le promoteur désigne parmi les investigateurs, un investigateur principal (PI). Et ce dernier peut déléguer par écrit certaines responsabilités à un ou des Co-investigateur (s).
Participants à la recherche
Ce sont des personnes saines ou malades qui se prêtent à la recherche, après avoir été dûment informées des objectifs de la recherche et de son déroulement. Elles sont sélectionnées selon des critères d’inclusion et de non inclusion bien déterminés [50].
Régulateurs
Les régulateurs sont indépendants du promoteur et de l’investigateur. Ils s’assurent que toutes les mesures sont prises pour protéger au mieux les patients participant à une étude en évaluant un protocole avant sa réalisation.
Il rend un avis sur les projets d’essais cliniques et vérifie que toutes les règles de l’éthique médicale sont bien respectées [50].
Autres acteurs
Les bailleurs de fond/Sponsors sont des organisations publiques ou privées qui accordent des subventions, qui financent qui projets de recherche.
Le moniteur est l’intermédiaire entre le promoteur et l’investigateur ; il exerce un premier contrôle.
L’auditeur est un individu ou un groupe d’individus indépendant(s) nommé(s) par le promoteur ou sponsor pour effectuer des contrôles indépendants afin de garantir la qualité de l’étude et le respect du protocole et des procédures.
L’administrateur organise, coordonne et supervise l’exécution du projet de recherche.
Le diffuseur est responsable de la diffusion des résultats de la recherche.
Le décideur : Il s’agit du gouvernement qui est chargé d’autoriser la mise en œuvre des projets de recherche qui sont conformes à la réglementation.
Protocoles de recherche
C’est un document établi par le ou les chercheurs et qui définit les conditions dans lesquelles doit être menée une recherche. Il permet notamment d’organiser les idées du chercheur en fonction de l’étude qu’il mène (de clarifier sa problématique, ses objectifs et ses hypothèses), c’est-à-dire de déterminer le « quoi faire » et le « pourquoi faire ». Il sert aussi à planifier sa recherche (budget, agenda, etc) : le « comment faire ». Dans le domaine médical, un protocole de recherche clinique (ou essai thérapeutique) permet d’évaluer les effets d’un médicament.
Ce document est doublement indispensable pour toute équipe de recherche qui veut solliciter des financements auprès d’un promoteur de recherche pour la mise en œuvre de son contenu et pour l’obtention des autorisations de recherche [61].
IMPORTANCE DE LA RECHERCHE POUR LA SANTE
La quête du savoir sur les humains et sur l’univers qui les entoure est une activité fondamentalement humaine. La recherche s’inscrit naturellement dans cette volonté de comprendre et d’améliorer le monde dans lequel nous vivons.
Il ne fait aucun doute que la recherche a largement contribué à enrichir et à améliorer la vie.
La recherche avec des êtres humains a permis de grands progrès au plan des connaissances en sciences sociales, en sciences naturelles, humanités, génie et sciences de la santé.
Dans les pays en voie de développement, la nécessité de la recherche est liée au poids des maladies et l’amélioration des soins de santé qui est urgente. Plusieurs produits de recherche (de nouveaux médicaments ou de produits de diagnostic, par exemple) ne sont pas facilement disponibles ou accessibles. En outre, il est impératif de continuer à élargir la qualité et la quantité d’une recherche qui met l’accent sur les problèmes de santé des pays les plus pauvres et des populations marginalisées pour prévenir et combattre les maladies. Dans la mesure du possible, une telle recherche devrait être menée dans ces pays avec la pleine participation des chercheurs locaux, dans le but d’améliorer les services de santé et de soulager les souffrances.
Les connaissances obtenues lors de ces recherches peuvent s’appliquer partout dans le monde : Exemple le développement d’un vaccin, l’identification d’une une espèce particulière de moustique ou l’observation d’un comportement sanitaire spécifique à un village. Le savoir, qu’il s’applique généralement au monde entier ou qu’il soit localement spécifique, est essentiel à une action efficace pour la santé [18].
Le savoir général aide à la conception d’outils, de stratégies et d’approches applicables aux problèmes de santé auxquels sont confrontés de nombreux pays. Le savoir local, particulier aux circonstances précises de chaque pays, peut éclairer sur les décisions à prendre pour résoudre les problèmes de santé importants, sur les mesures doivent être appliquées et sur comment optimiser les résultats avec les outils existants et des ressources humaines et financières limitées. Ainsi, la recherche dans le domaine de la santé est à la fois globale et locale.
Par ailleurs, la recherche pour la santé embrasse l’intégralité de la recherche, laquelle comprend cinq grands domaines d’activité à savoir [61] :
o Mesurer l’ampleur du problème de santé et de sa distribution ;
o Comprendre les causes ou les déterminants du problème, qu’ils soient de nature biologique, comportementale, sociale ou environnementale ;
o Mettre au point des solutions ou des interventions qui aideront à prévenir ou à atténuer le problème ;
o Fournir ou appliquer les solutions dans le cadre des politiques définies et des programmes ;
o Evaluer l’effet de ces solutions sur l’ampleur et la distribution du problème.
ETHIQUE APPLIQUEE AU CHAMP DE LA RECHERCHE POUR LA SANTE
Ethique de la recherche pour la santé
Evolution de l’éthique de la recherche pour la santé
Aujourd’hui, l’usage commun associe de façon quasi systématique le vocable « éthique » au domaine de la science de la vie et de la santé, au point que certains viennent à considérer que l’éthique n’est qu’une sous matière des disciplines médicales et biologiques.
Cette situation provient du fait que, c’est d’abord et avant tout dans le domaine de la santé que l’éthique a acquis une visibilité et a bénéficié d’une reconnaissance concrète et institutionnelle. Pourtant, l’éthique est une démarche qui peut s’appliquer à de nombreux autres domaines ou problématiques de l’activité humaine. De plus, elle ne peut se réduire à la déontologie ou aux bonnes pratiques [35].
En effet, l’origine de cette emprise du médical et de la biologie sur l’éthique remonte à la fin de la seconde guerre mondiale. Elle fait suite au choc qu’ont suscité les révélations sur la part prise par certains médecins dans les actes commis dans les camps de concentration nazis et qui a donné naissance, en 1947, au « code de Nuremberg », élaboré dans le cadre du procès international des dirigeants et des collaborateurs du régime nazi [12].
Cependant il faut reconnaître que les atrocités commises par les médecins Nazis n’étaient pas les premières. Des pratiques de recherche très douteuses ont été notées.
Au XVIIIe siècle, Edward Jenner est devenu le pionnier de la vaccination contre les maladies infectieuses, mais ses recherches ne respectaient pas les droits essentiels des personnes participant à des recherches car ceux-ci n’avaient pas encore été définis. . Louis Pasteur a compris l’utilité des informations détaillées fournies par la recherche sur des animaux avant qu’un être humain ne soit soumis à une expérimentation. Le besoin urgent des patients a motivé sa première administration à des êtres humains des candidats vaccins en 1885.
Au début du XXe siècle, la recherche médicale connaît un saut quantique du fait de l’essor rapide de la méthodologie, de la grande précision des mesures et de l’apparition rapide de nouvelles disciplines scientifiques. Cependant des expérimentations humaines contraires à l’éthique eurent lieu dans de nombreux pays, parmi lesquelles la recherche en bactériologie qui incluait certaines pratiques très douteuses en Amérique du Nord et en Europe où, les microbes étaient inoculés aux orphelins, aux handicapés mentaux et aux prisonniers sans leur consentement ou sans qu’ils ne soient informés. Diverses autres expériences comprenant l’usage d’électrochocs sur des personnes vulnérables ont été signalées [11].
Des pratiques de recherche douteuses ont également eu lieu en Afrique. Par exemple, au cours de la période coloniale, comme les chercheurs cherchaient des remèdes nécessaires pour lutter contre des maladies infectieuses comme la fièvre jaune, la tuberculose, la peste, la variole et la rougeole. Plusieurs personnes se trouvèrent soumises à l’isolement, la quarantaine, la ségrégation et d’autres contraintes à des fins d’observation.
A cette époque, il y avait une tentative de réglementer l’expérimentation humaine. Mais, ces directives ont largement été ignorées et, bien que des associations médicales et scientifiques aient condamné ces pratiques, elles n’ont pas abouti à des accusations professionnelles, disciplinaires ou pénales. Ce n’est qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, avec la découverte de la collusion de nombreux scientifiques avec une idéologie barbare qu’une prise de conscience éthique et politique sans précédent est notée [81]. Comment des chercheurs, des médecins, des ingénieurs avaient-ils pu à ce point bafoué les droits les plus élémentaires de l’être humain ? Il fallait dorénavant se protéger.
Le code de Nuremberg avait pour but de permettre de caractériser les violations des droits de l’Homme commises dans la pratique médicale, mais illustrait aussi, pour la première fois, la prise de conscience de la nécessité absolue de réglementer d’un point de vue éthique, les comportements dans le cadre de la recherche médicale.
Malgré ce code, d’autres révélations concernant le traitement inapproprié des êtres humains dans la recherche continuèrent de stimuler une réflexion autour de l’éthique de la recherche et d’attirer l’attention des uns et des autres sur la nécessité de fournir une certaine forme de supervision publique de la recherche impliquant les êtres humains. C’est l’exemple du scandale de la thalidomide en 1961, qui causa la mort de 2000 enfants et laissant 10000 autre enfants lourdement handicapés. Les autorités nationales furent priées de prendre des mesures et des dispositions réglementaires pour contrôler l’expérimentation des nouveaux médicaments [73]. Ainsi, en 1964, l’Association Médicale Mondiale (AMM) rédige la déclaration d’Helsinki, qui introduit les principes de base de l’éthique médicale et des recommandations en faveur de la création de comité d’éthique (CE). Cette déclaration continue d’être révisée et adaptée, pour guider les médecins pratiquant des recherches sur des êtres humains. [10].
Les soixante dernières années ont vu l’émergence rapide de différents codes, règlementations et dispositions nationales et internationales prises dans le sens de la protection des patients. L’expérimentation médicale devenant une question du domaine public, les décisions qui devraient auparavant être prises individuellement et en toute conscience par les médecins, font désormais l’objet d’une surveillance collective [81]. Suivent à ces viols des droits humains, d’autres scandales qui ont soulevé l’indignation générale aux Etats-Unis et finalement, c’est suite à l’affaire Tuskegee, portée à l’attention du public en 1972, que le Congrès américain mit sur pied, en 1974, le Comité national qui rédigea le rapport Belmont. Ce dernier a retenu et définit trois principes fondamentaux (l’autonomie, la bienfaisance et la justice) qui servent depuis d’assise à l’éthique de la recherche [67].
Objectifs de l’éthique de la recherche pour la santé
La recherche est un pas vers l’inconnu. Comme elle vise à permettre de comprendre quelque chose qui n’a pas encore été expliquée, elle comporte souvent des risques pour les participants et pour d’autres personnes, les risques peuvent être graves ou négligeables, de nature physique ou psychologique et de portée individuelle ou sociale. L’histoire est remplie d’exemples malheureux de cas où des participants à des travaux de recherche ont été inutilement et profondément affectés par la recherche, parfois en y trouvant la mort. Ainsi l’éthique de la recherche vise à promouvoir des standards de comportement élevés dans la conduite de la recherche impliquant des êtres humains par le biais d’une connaissance des valeurs, règles et principes importants afin de protéger les participants pour que de tels événements ne se reproduisent plus [36].
Il est ainsi retenu un certain nombre de principes éthiques qui exigent que la recherche impliquant des êtres humains nécessite un contrôle et une approbation de la part d’un comité d’éthique de la recherche indépendant, selon les normes acceptées. Cet examen sert à évaluer l’acceptabilité éthique des études de recherche et aide les chercheurs à améliorer la qualité de leurs projets.
Les principes fondamentaux de l’éthique de la recherche ont été incorporés dans les lois et/ou règlements de nombreux de pays et organisations internationales [5].
Processus d’institutionnalisation de l’éthique de la recherche pour la santé
L’institutionnalisation de l’éthique initiée depuis de nombreuses années ne cesse de s’approfondir. Aujourd’hui, les pays du nord comme les pays du sud disposent de commissions nationales et de comités locaux et là où ces organes n’existent pas encore, les états prennent de plus en plus conscience de l’importance de leurs créations. Ces comités, agissant aux niveaux national, international et local/régional (instances d’éthique hospitalière ou comités d’éthique de la recherche sur des êtres humains), prennent en charge la difficile tâche de superviser le respect des textes pris dans le cadre de la recherche pour la santé de façon générale, de délibérer sur l’évolution de pratiques scientifiques et leurs conséquences sur le plan éthique. Ces instances constituent donc un moyen de régulation sociale, de débats d’idées, de confrontation des concepts et de constructions d’alternatives, dont la production normative [48] semble aider à remplir le vide législatif dans le champ étudié. Elles peuvent aussi avoir une compétence sur plusieurs secteurs (santé, éducation science etc).
Par ailleurs, les institutions où sont menées la recherche (par exemple : les hôpitaux, les institutions de recherche et les universités) sont aussi responsables de la conduite éthique des recherches impliquant des êtres humains.
Ces dernières années, nombreuses sont les organisations qui ont cherché à institutionnaliser les pratiques éthiques. Les codes de conduite ou chartes éthiques et alerte professionnelle font maintenant partie intégrante de l’environnement institutionnel de la recherche. En effet, dans le langage de l’éthique appliquée, l’institutionnalisation de l’éthique est un processus par lequel un milieu professionnel cherche à normaliser le comportement des acteurs qui participent aux activités propres à son champ d’action [9].
Ainsi, des codes de bonne conduite et des chartes éthiques sont établis par les institutions et tournés vers les investigateurs ou chercheurs pour guider leurs actions et leurs relations avec les participants à la recherche.
Le code de bonne conduite est un engagement souscrit volontairement par les institutions qui fixent des normes et des principes pour la conduite des activités des recherches. Ces codes de conduite et chartes éthiques constituent sans doute l’expression la plus visible de l’institutionnalisation de l’éthique au sein des institutions de recherche.
En plus, lorsque les chercheurs mènent leurs recherches à l’étranger, leur institution mère garde une responsabilité sur eux.
Les agences gouvernementales qui financent la recherche tout comme de nombreuses organisations privées ou à but non lucratif adoptent souvent des lignes directrices devant être respectées comme une condition pour tout financement. L’on peut citer des exemples de lignes directrices de certains partenaires financiers et techniques :
o US National Institutes of Health (NIH): Enoncé de la politique de financement du NIH ;
o UK Wellcome Trust : Recherche impliquant les personnes vivant dans les pays en voie de développement : prise de position et notes d’orientation pour les candidats ;
o EDCTP : Lignes directrices sur l’éthique [36].
Différences entre principes éthiques, déclaration éthique, résolution éthique, et règle de droit
Les principes éthiques, encore appelés codes d’éthique, formalisent quelques-unes des valeurs qui doivent guider les décisions et les actions. Ils aident à départager ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, à décider de l’attitude à adopter face à la personne, des actions à entreprendre ou à éviter. Ils servent à guider le jugement et l’évaluation de la situation [80].
La déclaration éthique pour l’Organisation des Nations Unies (ONU) est le nom des textes les plus solennels qui y sont adoptés, mais qui n’ont qu’une valeur de recommandations contrairement aux résolutions. Elle a une portée symbolique, essentiellement politique. En procédant ainsi, les acteurs politiques souhaitent souvent que les éléments de la déclaration se transforment, dans un second temps, en loi, convention ou traité, document juridique qui a un caractère obligatoire [28].
La résolution éthique est une proposition retenue ou une décision prise pour résoudre les dilemmes et problèmes éthiques. Les dilemmes éthiques aussi appelés « conflits de valeurs » sont des situations où les valeurs et les principes entrent en opposition et rendent les décisions difficiles [15].
Le non-respect d’une recommandation éthique ne comporte aucune autre sanction que, le cas échéant, un trouble passager de la conscience du chercheur.
La règle de droit ou règle juridique organise les rapports en société au nom de la volonté générale et dans l’intérêt général. Elle s’impose à tous ; son irrespect ouvre des droits aux victimes et permet le règlement des contentieux, non du point de vue de la morale mais des intérêts juridiquement protégés. Elle ouvre à des sanctions pénales.
L’éthique et le droit, s’ils ont un rôle éventuellement complémentaire, se développent dans des espaces différents sur des modèles tirés, du contrat social et de la notion d’individu, tels que les philosophes des lumières les ont conceptualisés [47].
Critères d’évaluation éthique des protocoles de recherche impliquant des êtres humains
Toute recherche impliquant des êtres humains devrait être menée selon des principes éthiques universellement reconnus.
Recevabilité d’un protocole de recherche pour un comité d’éthique
Plusieurs directives internationales ont développé des normes éthiques et scientifiques pour la réalisation de la recherche impliquant des sujets humains. L’observation de ces lignes directrices contribue à assurer la dignité, les droits, la sécurité et le bien-être des sujets qui participent à la recherche. Ces directives exigent, entre autres choses, qu’un comité éthique (CE) indépendant effectue l’évaluation éthique de la recherche médicale impliquant des sujets humains. Ces CE peuvent exercer leur fonction au niveau institutionnel, local, régional ou national et dans certains cas, au niveau international [74].
La déclaration d’Helsinki de 1964, en ses paragraphes 13 et 14, stipule que tout projet de recherche médicale sur des êtres humains doit être soumis à l’examen et à l’approbation préalable d’un CE indépendant. Pour obtenir cette approbation, les investigateurs doivent expliquer l’objet de l’étude et les méthodes employées, démontrer le mode de recrutement des sujets de recherche, le mode d’obtention de leur consentement et de protection de leur vie privée, spécifier le mode de financement du projet et divulguer les éventuels conflits d’intérêt. Le CE peut donner un avis favorable du projet tel que présenté ou demander à le modifier avant d’être mis à exécution ou encore le rejeter dans son ensemble. La raison pour laquelle l’avis d’un CE est indispensable est que ni les investigateurs ni les sujets de recherche n’ont jamais les connaissances et l’objectivité suffisantes pour déterminer si un projet est valable d’un point de vue scientifique et éthique. Les investigateurs doivent démontrer à un comité impartial et spécialisé que le projet est utile, qu’ils possèdent les compétences nécessaires pour le conduire et que les futurs participants à la recherche seront, dans toute la mesure du possible, protégés des éventuels préjudices [5].
Valeurs sociales
L’une des exigences les plus controversées concerne la contribution de la recherche médicale au bien-être de la société en général. En effet, la justification de l’inclusion des individus dans un projet de recherche dépend de la valeur sociale du projet de recherche. La recherche sera considérée comme ayant une valeur lorsque les hypothèses de recherche ou les questions qui font l’objet de la recherche ont des avantages potentiels. Ces avantages peuvent revenir aux individus, à l’avancement de la connaissance dans un domaine précis, à la société (généralement au sujet d’une question importante), ou alors à tout cela, pris ensemble.
Pour avoir une valeur sociale, un projet de recherche doit être conçu pour résoudre un problème qui est pertinent pour les préoccupations de la communauté ou qui a été identifié par la communauté comme un problème devant être pris en considération.
La valeur sociale de la recherche est plus difficile à définir que sa valeur scientifique, même si ce n’est pas une raison pour l’ignorer. Les chercheurs et les CE doivent s’assurer que les patients ne sont pas soumis à des examens qui pourraient servir des objectifs sociaux inutiles. Cela reviendrait autrement à gaspiller d’importantes ressources de santé et à porter atteinte à la réputation de la recherche médicale en tant que principal facteur de santé et de bien-être de l’être humain [5].
Valeur scientifique
Les recherches médicales sur des êtres humains doit être scientifiquement justifiable, d’où la « validité scientifique » des projets de recherche. Cette recommandation a pour but d’écarter les projets qui ont peu de chance de réussir, en raison notamment d’une méthodologie inappropriée ou qui ne semblent pouvoir produire, même s’ils ont des chances de réussir, que des résultats insignifiants [5].
Toutefois, toute recherche scientifiquement caduque serait contraire à l’éthique dans la mesure où elle exposerait les sujets humains à des risques sans aucune contrepartie bénéfique.
Concrètement, les éléments suivants sont nécessaires à l’évaluation du protocole :
Les noms et qualifications des chercheurs : cette information permet de s’assurer que la recherche sera menée par des chercheurs compétents et qualifiés qui sauront également choisir le personnel nécessaire à la réalisation de l’étude selon les mêmes critères ;
Le lieu où s’effectuera la recherche : il doit être adéquat et adapté ;
La recension des écrits : la valeur scientifique d’une étude, doit être fondée sur une connaissance approfondie de la documentation existante
Les résultats précliniques chez l’animal : lorsqu’applicable, l’expérimentation réalisée en laboratoire sur l’animal ou d’autres modèles est essentielle, notamment parce qu’elle fournit des informations sur les éventuels effets indésirables et sur les possibilités de bienfaits pour l’humain. Si elle n’est pas pertinente, il faut l’inscrire et l’expliquer ;
La justification de la conduite de la recherche sur l’être humain : c’est un aspect très important puisqu’il vient justifier le recours à l’expérimentation sur l’être humain.
Ainsi, le chercheur exposera :
o la raison d’être de la recherche ;
o sa contribution à l’avancement des connaissances et au bien-être de l’être humain (pertinence, utilité, valeur sociale) ;
o dans quelle mesure l’expérimentation sur l’être humain est une condition de cet avancement des connaissances ?
L’exposé clair de l’hypothèse et des objectifs pour y parvenir : l’on devra se demander si les objectifs sont bien identifiés et réalisables et s’ils permettent de vérifier l’hypothèse. Cette partie est essentielle puisque la balance des risques et bénéfices est liée aux objectifs poursuivis ;
La conception et méthodologie : Plusieurs aspects doivent donc être examinés :
o le type de recherche : fondamentale ou appliquée, o la durée de l’étude,
o la description des variables qui serviront à vérifier l’hypothèse et la justification des méthodes choisies : sensibilité, spécificité, valeur prédictive, exactitude, reproductibilité, etc,
o la présentation de la population sous étude : nombre de sujets, âge, sexe, critères d’inclusion et d’exclusion,
o la description précise et la justification scientifique de toutes les interventions auxquelles seront soumis les sujets : double insu, placebo, tests, interventions, durée, degré de douleur,
o la description des plans concernant l’interruption ou la suspension des thérapies standards pendant la recherche,
o la description et justification des plans d’analyse statistique [14].
Évaluation des risques et bénéfices
Dans un monde idéal, la recherche doit toujours « faire du bien » (la bienfaisance) et « éviter le mal » (la non-malfaisance). La recherche n’est donc éthique que s’il y a supériorité des avantages sur les risques pour le sujet ou pour la société. L’intégrité psychologique du sujet est tout aussi importante que son intégrité physique. De ce fait, toute étude doit être précédée d’une évaluation soigneuse du rapport entre d’une part, les risques et les contraintes et d’autre part, les avantages prévisibles pour le sujet ou d’autres personnes [81].
Concrètement, les éléments suivants sont nécessaires à l’évaluation du protocole :
La description des inconvénients et effets indésirables connus et prévisibles des interventions proposées (gêne, douleur, inconfort …) ;
La description des risques physiques, psychologiques, sociaux et économiques connus et prévisibles pour le sujet ou pour d’autres (e. g. sa famille, un groupe particulier de la société, la société) ;
La description des bénéfices physiques ou psychologiques connus pour le sujet ou pour d’autres (e. g. sa famille, le groupe de malades identiques, la société…) ;
La détermination des interventions qui seraient pratiquées dans le traitement standard et qui seront reprises de toute façon dans le cadre de l’étude ; Le rapport risques-inconvénients et bénéfices escomptés tant pour le sujet, la société, le groupe de patients spécifiques que pour la science. En conséquence, l’évaluation s’occupe des probabilités et de la gravité des dommages possibles de même que des bénéfices anticipés ;
La description des critères retenus pour arrêter prématurément le projet
La responsabilité des chercheurs, promoteurs, organismes et institutions face aux torts éventuels : il doit y avoir des assurances couvrant les dommages face à la faute professionnelle et face aux torts reliés au projet ;
La mention de la disponibilité ou non du médicament étudié après l’étude [13].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LA RECHERCHE POUR LA SANTE
I.DEFINITION DES CONCEPTS
1.La recherche pour la santé
2.Essais cliniques
3.Ethique et notions connexes
3.1. Ethique
3.2. Morale
3.3. Déontologie
3.4. Droit
4. Les acteurs de la recherche pour la santé
4.1. Promoteur
4.2. Investigateurs / Chercheurs [50].
4.3. Participants à la recherche
4.4. Régulateurs
4.5. Autres acteurs
5. Protocoles de recherche
II. IMPORTANCE DE LA RECHERCHE POUR LA SANTE
III. ETHIQUE APPLIQUEE AU CHAMP DE LA RECHERCHE POUR LA SANTE
1. Ethique de la recherche pour la santé
1.1. Evolution de l’éthique de la recherche pour la santé
1.2. Objectifs de l’éthique de la recherche pour la santé
1.3. Processus d’institutionnalisation de l’éthique de la recherche pour la santé
1.4. Différences entre principes éthiques, déclaration éthique, résolution éthique, et règle de droit
2. Critères d’évaluation éthique des protocoles de recherche impliquant des êtres humains
2.1. Recevabilité d’un protocole de recherche pour un comité d’éthique
2.2. Valeurs sociales
2.3. Valeur scientifique
2.4. Évaluation des risques et bénéfices
2.5. Modalités de recrutement des sujets
2.6. Respect de la confidentialité et de la vie privée
2.7. Procédures envisagées pour s’assurer du caractère volontaire et éclairé du consentement
2.8. Primauté de l’intérêt de la personne sur celui de la science et de la santé
2.9. Principe de transparence et de justice
IV. GOUVERNANCE ET GESTION DE LA RECHERCHE
1. Encadrement juridique et éthique de la recherche pour la santé
1.1. Instruments et lignes directrices internationaux
1.1.1. Code de Nuremberg
1.1.2. Déclarations des Nations-Unies
1.1.3. Déclaration d’Helsinki
1.1.4. Rapport de Belmont
1.1.5. Organisation Mondiale pour la Santé (OMS)
1.1.6. Déclaration Universelle de l’UNESCO sur la bioéthique et les droits de l’homme
1.1.7. Conseil des Organisations Internationales des Sciences Médicales (CIOMS)
1.1.8. Lignes directrices de la Conférence Internationale sur l’Harmonisation (CIH) relatives aux Bonnes Pratiques Cliniques (BPC)..38VIII
1.1.9. Déclaration de Dakar en 2005
1.1.10. Déclaration de Manille
1.2. Instruments Nationaux
1.2.1. Organisation du système de santé Sénégalais [59]
1.2.2. Cadre législatif et réglementaire relatif à la recherche pour la santé au Sénégal
1.2.2.1. Les lois Fondamentales
1.2.2.2. Loi no2005-18 sur la santé de la Reproduction : [51]
1.2.2.3. Loi no2008-12 sur la Protection des données à caractère personnel [52]
1.2.2.4. Loi no2009-17 portant code d’éthique pour la recherche en santé [53]
1.2.2.5. Loi no 2009-27 portant sur la Biosécurité [55]
1.2.2.6. Loi no2010-03 relative au VIH SIDA [56]
1.2.2.8. Arrêtés portant création et organisation du Conseil National de la Recherche en Santé (CNRS) [1, 2]
V. TYPOLOGIE DES INSTANCES DE REVUE ETHIQUE
1. Comités Nationaux d’Ethique (CNE)
2. Comités d’éthique régionaux
3. Comités d’éthique institutionnels
4. Comités d’éthique hospitaliers (CEH)
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
I. CONTEXTE ET JUSTIFICATION
II. OBJECTIFS DE L’ETUDE
1. Objectif général
2. Objectifs spécifiques
III. METHODOLOGIE
1. Type d’étude
2. Méthodes et outils de collecte
IV. RESULTATS
1. Instances impliquées dans la régulation de la recherche au Sénégal
1.1. Comité National d’Ethique de la Recherche en Santé (CNERS)
1.2. Direction de la Planification, de la Recherche et de la Statistique, (DPRS)
1.3. Direction de la Pharmacie et du Médicament (DPM)
1.4. Le Comité de Protection des Données à caractère Personnel
1.5. L’Autorité Nationale de Biosécurité (ANB) et le Comité National de Biosécurité (CNB)
2. Analyse du fonctionnement du CNERS
2.1. Composition du CNERS
2.1.1. Composition statutaire du CNERS
2.1.2. Evolution de la composition du CNERS (2020)
2.2. Les partenaires financiers et techniques du CNERS
2.3. Fonctionnement du secrétariat du CNERS
2.3.1. Procédures de soumission
2.3.2. Dossiers de soumission
2.3.3. Procédure de gestion des demandes d’amendements
2.3.4. Procédure de gestion des demandes de Prolongation
2.3.5. Procédure de gestion des déclarations d’Evénement Indésirable grave (EIG)
2.3.6. Procédure d’archivage des documents
3. Evaluation des protocoles par le CNERS
3.1. Méthodes d’analyse
3.1.1. Evaluation éthique complète des protocoles
3.1.2. Evaluation éthique simplifiée des protocoles.
3.2. Procédure d’évaluation des essais cliniques
3.3. Décision après l’évaluation des protocoles de recherche
3.4. Respect de la confidentialité
3.5. Suivi des projets de recherche approuvés
3.6. Questionnements éthiques soulevés lors des revues des protocoles de recherche
3.6.1. La valeur scientifique du protocole
3.6.2. Le Consentement
3.6.3. Confidentialité et respect de la vie privée
3.6.4. Modalités de recrutement des sujets
3.6.5. Risques et bénéfices
3.7. Nombre de protocoles évalués de 2009 à 2019
3.8. Types de recherche de 2009 à 2019
3.9. Thématiques de recherche de 2009 à 2019
3.10. Les thématiques en fonction des types de recherche
3.11. Avis éthiques et scientifiques délivrés de 2009 à 2019
3.12. Nombre de protocoles suivis
4. Autres activités du CNERS
4.1. Organisation d’ateliers de formation, conférences et congrès
4.2. Projets de recherche dans le domaine de l’éthique
4.3. Participation à des comités scientifiques
V. DISCUSSION
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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