Processus d’exclusion asymétrique: Effet du désordre, Grandes déviations et fluctuations

Cette thèse est consacrée à l’étude de certains aspects du comportement macroscopique d’un modèle simple de la physique statistique hors d’équilibre, le processus d’exclusion à une dimension. La physique statistique décrit des systèmes composés d’un grand nombre d’objets microscopiques en interaction (comme par exemple les molécules d’un gaz), tels qu’il existe une séparation nette entre l’échelle d’observation, macroscopique, et l’échelle microscopique des interactions entre ces objets. Alors que la physique statistique d’équilibre décrit les systèmes macroscopiquement au repos, comme une barre de fer, une bonbonne de gaz, ou l’eau d’un lac, la physique statistique hors équilibre s’intéresse à des phénomènes présentant des courants macroscopiques de particules, d’énergies, etc .

Il peut sembler surprenant de voir que la physique statistique est toujours une branche active de la science. Sa naissance, chaotique comme il se doit, découle de la volonté d’expliquer la nature des gaz et de la chaleur, et d’en décrire le comportement. Par de nombreux détours et tourbillons, il s’imposa peu à peu au cours des xviie , xviiie et xixe siècles l’idée que les gaz sont constitués d’«atomes», dont l’agitation correspond à la température. À cette théorie cinétique des gaz sont associés de grands noms comme Bernoulli [4], Herapath [45] et Joule [50], mais ce n’est qu’avec les travaux de Clausius [16], Maxwell [65], Boltzmann [12] et Gibbs [38] entre 1850 et 1900 qu’apparaît la physique statistique telle que nous la connaissons, avec notamment l’idée qu’une description probabiliste est mieux adaptée, et l’introduction des notions d’entropie et d’irréversibilité. Il ne s’agissait là que d’une porte ouverte sur de nouveaux territoires qu’un siècle entier n’a pas suffi à explorer entièrement : la relation avec la mécanique quantique, les transitions de phases et points critiques, l’effet du désordre, etc. Pour illustrer l’étendue du travail restant à accomplir, on peut noter que même la loi de Fourier [36], qui décrit la conduction de chaleur dans un corps, et qui a été introduite en 1807, n’a pas encore de dérivation rigoureuse pour les systèmes dont la dynamique microscopique est déterministe. Même pour des systèmes dont la dynamique est aléatoire, la description des états hors d’équilibre reste encore fragmentaire.

COMPORTEMENT MACROSCOPIQUE ET GRANDES DÉVIATIONS

La nature montre de nombreux exemples où un phénomène semble avoir un comportement radicalement différent suivant l’échelle à laquelle on le regarde. Lorsque l’on observe un liquide, par exemple une rivière, ou un évier qui se vide, on voit un mouvement d’ensemble, qui peut être modélisé par des équations de type Navier-Stokes. Mais si l’on pouvait changer d’échelle, on verrait que le flux est constitué d’un grand nombre de molécules, principalement H2O, qui chacune semble bouger au hasard, au grè des chocs et interactions avec ses voisines. Un gaz par exemple peut être caractérisé, à notre échelle, par un faible nombre de paramètres, comme sa température, sa pression, etc ; pourtant il est composé lui aussi d’un nombre gigantesque de particules en interaction, chacune avec sa trajectoire propre. En ce sens, son comportement à l’échelle macroscopique est nettement plus simple que celui à l’échelle microscopique. Ces exemples présentent deux caractéristiques importantes :
– ils comportent un grand nombre de particules microscopiques
– ils comportent deux échelles de longueur nettement distinctes : une échelle microscopique, correspondant à la distance entre les molécules, et une échelle macroscopique, qui est l’échelle d’observation.

Dans le cadre des gaz sur réseau, nous cherchons à comprendre l’apparition de ces comportements à grande échelle à partir de la dynamique microscopique. Dans les systèmes unidimensionnels que nous étudions, l’échelle de longueur microscopique correspond à la distance entre sites du réseau, et l’échelle macroscopique correspond à la taille L du réseau. La première échelle de longueur est associée à l’indice entier i de la position du site considéré, tandis que pour la seconde, on peut associer une position macroscopique x, reliée à i par i = ⌊Lx⌋

où ⌊.⌋ note la partie entière. Ainsi, un déplacement d’ordre macroscopique correspondra à une variation de la position macroscopique x de l’ordre de 1. Pour que les deux échelles d’espace soient bien séparées, il faut que le paramètre L soit grand. Nous considérerons donc des suites de systèmes de taille L croissante et nous étudierons leur limite hydrodynamique, c’est à dire leur (éventuel) comportement limite à l’échelle macroscopique quand la taille L tend vers l’infini. La manière de définir les systèmes de taille croissante n’est pas anodine, elle peut avoir des conséquences fondamentales sur l’existence et la nature de la limite hydrodynamique. On peut, par exemple, faire dépendre les taux de saut de la taille du système.

Profil macroscopique

La description microscopique de l’état du système est trop précise, et masque le comportement macroscopique ; peu importe de savoir si une particule se trouve précisément sur un certain site i ou plutôt sur son voisin, la différence, rapportée à la taille du système, est minime. On cherche plutôt à connaître la densité moyenne de particules autour du site i. C’est ce que décrit le profil macroscopique de densité {ρ(x)}x∈[0,1] que nous allons introduire maintenant.

Il existe plusieurs manières équivalentes de définir le profil macroscopique, avec plus ou moins de rigueur. La méthode que nous allons introduire n’est pas la plus élégante, mais elle correspond exactement à la démarche que nous utiliserons dans nos dérivations pour définir la distribution de probabilité PL[{ρ}] sur les profils macroscopiques ρ à partir de la distribution de probabilité sur les profils microscopiques η. L’idée est d’associer à un profil macroscopique {ρ} un ensemble  de profils microscopiques η pour chaque valeur de la taille du système, et d’identifier la probabilité de {ρ} à la probabilité de l’ensemble des profils microscopiques correspondants.

Échelle de temps macroscopique et équilibre local

De même que nous avons introduit une échelle de longueur microscopique et une échelle de longueur macroscopique, nous allons introduire une échelle de temps microscopique, correspondant au temps caractéristique de la dynamique microscopique, et une échelle de temps macroscopique correspondant au temps caractéristique de l’évolution du profil macroscopique. Pendant une durée t, une particule d’un processus aléatoire va se déplacer sur une distance microscopique typique de d ∝ t a , où a dépend du système étudié ; par exemple a = 1 pour un système balistique, en présence de champs forts, et a = 0, 5 pour un système diffusif de type mouvement brownien, en présence de champs faibles ou nuls. Pour que ce déplacement d soit mesurable à l’échelle macroscopique L (i.e. d ∼ L), il faut que t soit d’ordre L 1/a ; cela définit l’échelle de temps macroscopique.

Cette séparation entre échelle de temps macroscopique et échelle de temps microscopique permet de dissocier la dynamique microscopique locale, et le mouvement macroscopique global. En effet un intervalle de temps macroscopique, même petit, correspond à l’échelle microscopique à une durée tendant vers l’infini dans la limite hydrodynamique. Ainsi à l’échelle microscopique une particule peut interagir un grand nombre de fois avec son entourage proche en une durée qui ne laisse pas le temps au système d’évoluer de manière notable à l’échelle macroscopique. On s’attend donc à ce que localement, le système se mette dans un état proche de l’équilibre, à une certaine densité ρ(x). Par contre, les particules n’ont pas le temps de se mettre à l’équilibre sur l’ensemble du système, et la densité moyenne ρ(x) dépend de la position x. Cet équilibre est donc seulement local, et à l’échelle microscopique. À l’échelle macroscopique, le profil de densité évolue, mais la vitesse d’évolution, ramenée à l’échelle microscopique, est suffisamment lente pour que le nouveau profil de densité corresponde toujours à un équilibre local. On appelle cette propriété «propagation de l’équilibre local» [80].

Quand la taille L du système devient grande, il devient improbable d’observer une déviation macroscopique de densité autour du profil de densité de l’équilibre local. C’est une conséquence de la loi des grands nombres, quand le nombre de sites devient grand. Le fait de pouvoir décrire l’état du système à grande échelle à l’aide d’un unique profil de densité plutôt que par une distribution de probabilité justifie l’intérêt de la limite thermodynamique.

Équations hydrodynamiques

Au cours du temps, la distribution microscopique du système évolue, et donc son état macroscopique, défini par le profil le plus probable, aussi. En dépit de sa dynamique microscopique aléatoire, l’évolution d’un système stochastique de grande taille est en première approximation déterministe. L’un des intérêts principaux de la limite hydrodynamique est l’obtention d’équations d’évolution pour la trajectoire ρˆ(x,t) du profil macroscopique qui soient fermées, c’est à dire qui ne fassent intervenir que des quantités macroscopiques. Ce n’est pas en général un problème trivial. On appelle ces équations les équations hydrodynamiques. Supposons donc que le système présente initialement à t = 0 un profil macroscopique ρˆ(x, 0) = ρ0(x) à variation spatiale lente et est soumis à un champ faible dérivant d’un potentiel macroscopique V (x). Nous cherchons à décrire l’évolution de ce profil au cours du temps.

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Table des matières

1. Introduction
partie I Résultats généraux
2. Introduction aux gaz sur réseau
2.1 Description markovienne
2.1.1 L’équation maîtresse
2.1.2 États stationnaires
2.1.3 Dynamique adjointe
2.1.4 Bilan détaillé
2.2 Gaz sur réseau
3. Comportement macroscopique et grandes déviations
3.1 Profil macroscopique
3.2 Échelle de temps macroscopique et équilibre local
3.3 Équations hydrodynamiques
3.4 Grandes déviations
3.4.1 La fonction de grandes déviations de courant
3.4.2 La fonctionnelle de grandes déviations dynamiques
3.4.3 La fonctionnelle de grandes déviations statiques de la
densité dans l’état stationnaire
4. Processus d’exclusion
4.1 Définitions et propriétés
4.2 le processus d’exclusion symétrique (SSEP)
4.2.1 équation hydrodynamique
4.2.2 état stationnaire
4.3 Le processus d’exclusion asymétrique (ASEP)
4.3.1 Équation hydrodynamique
4.3.2 Diagramme de phase de l’ASEP dans l’état stationnaire
4.4 Le processus d’exclusion faiblement asymétrique (WASEP)
4.4.1 équation hydrodynamique
4.4.2 état stationnaire du WASEP
4.5 La méthode matricielle
4.6 Cas particuliers
4.6.1 profil constant
4.6.2 le bilan détaillé
partie II Le processus d’exclusion avec désordre gelé
5. Introduction
5.1 Effet du désordre sur une transition de phase
5.2 TASEP avec désordre gelé lié aux particules
5.3 TASEP avec désordre gelé lié aux sites
6. Transition de phase dépendante de l’échantillon
7. Approche en champ moyen
partie III Grandes déviations et fluctuations pour le processus d’exclusion faiblement et totalement asymétrique
8. Probabilité d’un état comme somme sur des chemins
8.1 Choix d’une représentation pour D et E
8.2 Somme sur les chemins, version discrète
8.3 Prolongement du domaine de validité de la somme sur les chemins
8.4 Somme sur les chemins, version continue : le cas du WASEP
8.5 Somme sur les chemins, version continue : le cas du TASEP
9. Fonction de grandes déviations du WASEP
9.1 Résultats précédents
9.1.1 Le cas symétrique
9.1.2 Le cas asymétrique
9.2 La fonctionnelle de grandes déviations pour le WASEP
9.2.1 Résumé de nos résultats
9.2.2 La fonctionnelle de grandes déviations donnée par un
chemin optimal
9.2.3 Obtention de l’équation différentielle (9.17) pour la
fonctionnelle de grandes déviations
9.2.4 Le profil le plus probable et la détermination de la
constante KWASEP
9.3 De SSEP à ASEP
9.3.1 La limite SSEP
9.3.2 La limite fortement asymétrique (pour ρa > ρb)
9.4 Lien avec l’approche macroscopique
10. Fluctuations dans le processus d’exclusion asymétrique
10.1 Résumé des principaux résultats
10.1.1 Distribution du processus Y pour le WASEP
10.1.2 Distribution du processus Y pour le TASEP
10.2 Démonstration
10.2.1 Fluctuation pour le WASEP
10.2.2 Distribution du processus Y dans le cas faiblement asymétrique
10.2.3 Calcul de la covariance hξ
st(x1)ξ
st(x2)i
10.2.4 Distribution du processus Y dans le cas totalement asymétrique
10.3 Réduction des fluctuations dans le TASEP
10.4 particules de taille finie
11. À propos de la fonction auxiliaire F
11.1 F et les fonctions de corrélation
11.2 Équation d’évolution pour F
11.3 Une dynamique microscopique pour F et les marches
12. Conclusion

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