Processus d’élaboration d’une norme
Stimulés par le développement rapide de pays tels que le Brésil, la Russie, 1′ Inde et la Chine, les travaux d’exploration et de mise en valeur des gisements miniers ont connu une importante croissance au Québec durant la dernière décennie (Institut de la statistique du Québec, 2014). Toutefois, entre 2008 et 2014, le Québec a perdu sa première place et s’est retrouvé au 21 e rang des meilleurs endroits pour l’investissement minier à l’échelle mondiale, notamment en raison de l’incertitude qui planait quant à de potentiels changements au cadre législatif dans la province (Institut Fraser, 2014). Bien que l’exploration minière mène rarement à 1 ‘ouverture d ‘une mine, ses activités ont des impacts sur 1’ environnement et affectent les communautés (Laurence, 2011; Luning, 20 12). Contrairement aux autres phases du cycle minier, les entreprises d’exploration minière sont confrontées à des caractéristiques particulières, tels l’absence de revenus de production, l’accès difficile au financement et la dépendance envers les investisseurs (Goulet, 1995). Afin de répondre aux exigences de ces derniers, 1 ‘industrie doit faire preuve de responsabilité sociale et environnementale (Bouslah et al., 2006).
Actuellement, aucune norme ne permet de certifier la conformité à des exigences de développement durable définies pour les entreprises d’exploration minière. Plusieurs cadres de référence existent, mais leur application se fait sur une base volontaire et ils sont, par conséquent, moins contraignants qu’une norme de certification. Compte tenu des particularités de l’industrie de l’exploration minière, une norme sectorielle serait nécessaire pour encadrer les activités de façon adaptée. De plus, une telle certification favoriserait non seulement l’acceptabilité sociale et le bilan environnemental des projets, mais stimulerait également l’économie québécoise.
Cette problématique est étudiée dans le chapitre I de ce mémoire, lequel décrit les impacts sociaux et environnementaux des activités d’exploration minière, ainsi que les cadres de référence volontaires existants. Le chapitre II approfondit le contexte de l’industrie de 1 ‘exploration minière, le processus d’élaboration d’une norme de certification et les points de vue de différents acteurs relativement au développement durable. Ensuite, une description de la méthodologie ayant mené à l’identification des principes et des critères de développement durable spécifiques à l’exploration minière est présentée au chapitre III. Suite à la présentation des résultats (chapitre IV), une discussion compare les principes et les critères retenus à ceux relevés dans la littérature, ainsi qu’au contenu des cadres de référence étudiés, en fonction des recommandations relativement aux meilleures pratiques de normalisation (chapitre V). En conclusion, après un bref retour sur les objectifs et sur la contribution de cette recherche, quelques perspectives de recherche sont suggérées.
L’exploration minière, première phase du cycle minier, a connu une importante croissance au Québec durant la dernière décennie (Institut de la statistique du Québec, 2013a). Les entreprises d’exploration minière présentent des caractéristiques particulières. N’ayant pas de revenus de production, elles ne peuvent s’autofinancer et ont peu accès aux prêts disponibles aux entreprises à revenus (Goulet, 1995). Elles dépendent donc des investisseurs, lesquels sont de plus en plus sensibles aux effets des activités d’exploration minière sur l’environnement et les populations (Bouslah et al., 2006; Hamilton, 1995; Humphreys, 2001; liED et WBCSD, 2002; Klassen et McLaughlin, 1996; Shane et Spicer, 1983; Turcotte et M’Zali, 2004; White, 1996). L’acceptation sociale et le respect des normes environnementales sont aujourd’hui des défis avec lesquels les compagnies d’exploration minière doivent composer (Laurence, 2011; Luning, 2012).
L’industrie minière fait de plus en plus face à des pressions sociales pour améliorer ses pratiques. Les activités minières – incluant l’exploration – ont souvent été associées à des impacts environnementaux négatifs et à des perturbations sociales (Miranda et al., 2005; Prno et Slocombe, 2012). La population est aujourd’hui plus méfiante étant donné les comportements antérieurs de certaines entreprises, notamment celles qui ont fermé des sites miniers sans les restaurer. Le gouvernement du Québec a publié en mars 2013 l’inventaire et l’évaluation des coûts de restauration des sites miniers abandonnés de la province : 698 sites miniers ont été répertoriés et le coût des travaux de leur restauration a été évalué à 880 M$. Parmi ces sites, 488 sont des sites d’exploration minière, soit une proportion de 70% (Ressources naturelles Québec, 2013). Les coûts spécifiques à la restauration de chacun de ces sites ne sont pas publiés. L’accélération du développement nordique (principalement minier) au Québec est critiquée en raison des impacts environnementaux et sociaux négatifs appréhendés et du manque de retombées concrètes pour les communautés locales (Asselin, 2011). Les groupes environnementaux qui s’opposent aux pratiques de l’industrie minière reflètent un certain mécontentement de la part de la population (p. ex. : Mining Watch Canada, Coalition pour que le Québec ait meilleure mine!, Nature Québec, Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, Regroupement québécois des groupes écologistes, Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec).
L’exploration minière engendre moins d’impacts environnementaux que les autres phases du cycle minier (Laurence, 2011; Miranda et al., 2005). Cependant, la population peut non seulement être mécontente des impacts sociaux et environnementaux de l’exploration, mais aussi anticiper que, si la démarche d’exploration mène à l’ouverture d’une mine, les répercussions seront plus importantes (Laurence, 2011; Luning, 2012). Cette anticipation joue un rôle considérable dans 1′ acceptabilité sociale des activités d’exploration, alors que les communautés ont clairement exprimé que les anciennes pratiques relatives au secteur minier ne seront plus tolérées (Humphreys 2001). Que ce soit par des manifestations, des campagnes médiatiques ou du lobbying auprès du gouvernement, la puissance de 1 ‘action citoyenne a été prouvée à travers le monde (Pmo et Slocombe, 2012). Les entreprises d’exploration minière sont aujourd’hui encouragées à procéder à des analyses du sol, de la végétation, de la faune et de l’eau dès les premières étapes du projet, afin d’en évaluer les répercussions potentielles (Ressources naturelles Canada, 20lla). Malgré ces précautions, plusieurs activités d’exploration minière continuent d’affecter l’environnement, dont le déboisement associé à la construction d’un camp, d’un chemin, d’une piste d’atterrissage, la coupe de lignes de prospection, les programmes de forage et le stockage de combustibles (Ressources naturelles Canada, 2011a). Les activités d’exploration sont également susceptibles d’entraîner le nettoyage des aires de végétation facilitant la circulation de véhicules lourds qui transportent les installations de forage (Environmental Law Alliance Worldwide, 2010). D’autres impacts sur la faune sont causés par l’attrait, pour les animaux, de déchets et d’ordures de cuisine, par la modification des voies de migration attribuable à la présence humaine ou au bruit des aéronefs et des foreuses (Ressources naturelles Canada, 2011a). Le Cadre pour une exploration responsable « e3 Plus », développé par 1′ Association canadienne des prospecteurs et des entrepreneurs (PDAC) identifie les sources de risques environnementaux et les conséquences possibles (Annexe 1). Les répercussions potentielles impliquent, entre autres, la pollution de l’air, les changements climatiques, la pollution de l’ eau de surface et de l’eau souterraine, la dégradation de l’habitat aquatique, la perte d ‘espèces aquatiques et la contamination des sols (PDAC, 2009b ).
Le contexte légal et réglementaire ne couvrant pas tous les aspects découlant des principes du développement durable, les entreprises agissent sur une base volontaire pour plusieurs aspects. Il existe quelques cadres de référence liés au développement durable, tels que des guides de bonnes pratiques et des lignes directrices, conçus pour les entreprises d’exploration minière. Toutefois, aucune norme de certification n’encadre spécifiquement les activités de cette industrie. Par exemple, le Cadre e3 Plus offre des lignes directrices adaptées à l’exploration minière, mais présente peu d’outils facilitant leur application. Aucun système d’audit ou de certification n’est associé à ce cadre. Quant à la norme ISO 14001, qui a pour objectif la gestion durable de l’environnement, elle est mondialement reconnue et s’applique à plusieurs secteurs d’activités, ce qui en fait une norme générale (Grolleau et Mzoughi, 2005). La norme ISO 26000, relative à la responsabilité sociétale des entreprises, contient des lignes directrices et non des exigences. Pour cette raison, elle ne se prête pas au processus usuel de certification. De plus, tout comme ISO 14001, ISO 26000 est une norme générale, qui s’applique à tout genre d’entreprise (ISO, 2012d). En ce qui a trait au BNQ 21000, il s’agit d’un guide qui propose des outils d’application de pratiques liées au développement durable, sans offrir, lui non plus, un processus de certification. D’autres cadres de référence existent, lesquels sont étudiés dans cette recherche.
Objectif de la recherche :
L’objectif de cette recherche consistait à identifier les principes et les critères de développement durable qui pourraient servir de fondement à l’élaboration d’une norme de certification spécifique à l’ industrie de l’ exploration minière. Des recommandations relativement au processus d’élaboration de la norme ont également été proposées.
Pertinence et retombées anticipées :
En ce qui a trait au développement durable, la plupart des écrits scientifiques englobent toutes les phases d’un projet minier, dans une perspective de cycle de vie complet (Goodland, 2012; Laurence, 2011; Miranda et al., 2005; Villeneuve et Ferrand, 2013). Cependant, peu d’écrits scientifiques font état d ‘études empiriques concernant les principes de développement durable spécifiquement applicables à l’industrie de l’exploration minière. L’identification des principes et critères adaptés à cette industrie pourrait servir d’assises à l’élaboration d’une norme de développement durable menant à une certification. Vu la mobilisation croissante de la population pour le respect de la qualité de vie et de 1 ‘environnement, une norme sectorielle permettrait de relever les défis du développement durable. Les exigences énoncées dans cette norme contribueraient à la planification stratégique, à la gestion des risques, et l’obtention de la certification générerait une image plus positive en vue de l’accès au financement.
CADRE THÉORIQUE :
Cette section expose les principaux concepts de 1 ‘étude. La définition de 1 ‘entreprise d’exploration minière, ses caractéristiques et ses activités sont d’abord précisées, ainsi que son contexte économique, légal et réglementaire. Les concepts liés aux normes, au développement durable, et les parties prenantes concernées par les activités d’exploration minière sont ensuite présentés.
Entreprises d’exploration minière :
L’exploration minière comporte les activités d’exploration et de mise en valeur de gîtes minéraux, c’ est-à-dire de sources de métaux ou de minéraux utiles et économiquement exploitables (Ressources naturelles Canada, 2013). Spécifiquement, l’exploration comprend «toutes les activités de terrain et les dépenses d’immobilisation, de réparation et d’ entretien, réalisées sur ou hors d’un site minier en vue de chercher et de découvrir un gîte minéral, d’en exécuter la première délimitation [ … ] et de justifier des travaux additionnels et plus détaillés » (Institut de la statistique du Québec, 2012, p. 12). La mise en valeur implique également des dépenses d’immobilisation, de réparation et d’entretien afin d’ acquérir une connaissance détaillée d’un gîte déjà délimité, et de satisfaire aux besoins d’une étude de faisabilité (Institut de la statistique du Québec, 2012, p. 12).
Il existe trois types d’exploration: l’exploration préliminaire, l’exploration d’expansion, et l’exploration sur le site mtmer (Ressources naturelles Canada, 2011a). Contrairement à un gîte minéral, lequel représente une accumulation anormale de certains métaux, un site minier correspond au territoire délimité par le bail minier ou par concession minière. Si la phase d’exploration conduit à l’exploitation, le gîte minéral deviendra un site minier (Institut de la statistique du Québec, 2012). L’exploration préliminaire ou «primaire» comprend la recherche d’un gîte minéral dans une zone où aucun minéral ou métal n’a encore été trouvé. L’exploration d’expansion vise à trouver d ‘autres gîtes à proximité d’un gisement connu alors que l’exploration sur le site minier vise à accroître les ressources minérales déjà découvertes et mises en valeur sur une propriété minière (Ressources naturelles Canada, 2011a).
Les entreprises d’ exploration minière sont également classifiées selon la valeur de leurs actifs et la nature de leurs activités principales. Il existe trois catégories : les entreprises d’exploration minière majeures, juniors et publiques (Institut de la statistique du Québec, 2011 ). En général, une entreprise dite junior concentre ses efforts en exploration et mise en valeur, alors que l’entreprise majeure peut aussi construire des infrastructures et exploiter une mine. Plusieurs grandes entreprises œuvrant dans le domaine de l’exploitation minière possèdent leur propre division d’exploration. Dans certains cas, des entreprises qui se concentrent initialement dans les activités d’exploration décident éventuellement de passer à l’exploitation de leurs découvertes. Selon l’Institut de la statistique du Québec (2012), en 2012, 67,3% des montants investis dans les travaux d’exploration et de mise en valeur au Québec provenaient de juniors. Conformément aux prévisions, cette proportion devait augmenter jusqu’à 79% en 2013. Bien que les majeures aient doublé leur part des investissements en exploration et mise en valeur entre 2007 et 2011, passant de 20,3 % à 41,6 %, cette tendance s’est inversée par la suite, étant donné la conjoncture économique défavorable à l’industrie dans les deux dernières années. Ainsi, le poids des majeures a chuté à 23,3% en 2012 puis à 17,4% en 2013 (Institut de la statistique du Québec, 2012, 2013a). Quant aux entreprises publiques, elles incluent les sociétés d’État, en l’occurrence la SOQUEM, et leurs filiales, la Société de développement de la Baie-James et les Fonds miniers dont le financement est assuré par le gouvernement du Québec (Institut de la statistique du Québec, 2012). Bien que les investissements publics aient augmenté depuis 2010, la part des entreprises publiques ne représente que 3,6% des investissements d’exploration et de mise en valeur (Institut de la statistique du Québec, 2013a).
N’ ayant pas de revenus de production, les entreprises d’ exploration minière dépendent du financement extérieur (Goulet, 1995). Ces entreprises sont de nature spéculative et très peu de projets mènent à l’ouverture et à l’exploitation d ‘une mme (Laurence, 2011; Miranda et al., 2005). La probabilité qu’un gîte minéral devienne un jour une mine est estimée à 1 sur 10 000 (Ressources naturelles Canada, 2013). La plupart des activités d’exploration ont lieu dans des régions éloignées, et les entreprises qui œuvrent strictement dans ce secteur sont souvent petites, formées de quelques employés seulement (Observatoire de 1 ‘Abitibi-Témiscamingue, 2005; PDAC, 201 0; Ressources naturelles Canada, 2011a).
Activités d’exploration minière :
L’exploration minière se divise généralement en deux étapes comprenant plusieurs activités : 1 ‘exploration minière proprement dite, qui dure approximativement deux ans, est suivie de la mise en valeur, généralement échelonnée sur huit ans (Ressources naturelles Québec, 2011). Les entreprises d’exploration minière doivent tout d’abord localiser les sites susceptibles de contenir un gîte minéral. Selon le type d’exploration, elles se basent sur différents indices. La connaissance de la géologie structurale régionale est primordiale à cette étape. Les cartes géologiques et les images satellitaires sont utilisées pour délimiter les gîtes minéraux potentiels, notamment en ciblant certaines régions dont les caractéristiques géologiques correspondent à celles où des gîtes ont déjà été découverts ailleurs (Ressources naturelles Canada, 2011a; Ressources naturelles Québec, 2011). Les premiers travaux impliquent les activités de prospection stratégique, telles que la planification de l’exploration, le jalonnement, les levés de reconnaissance, la cartographie, l’échantillonnage et les levés géophysiques (Jébrak et Marcoux, 2008; Ressources naturelles Québec, 2011). Le jalonnement peut s’effectuer de deux façons : sur le terrain ou sur une carte. Au Québec, le jalonnement est généralement cartographique et se fait par l’entremise d’un site Internet (Ressources naturelles Canada, 20lla). Concrètement, l’échantillonnage et les levés géophysiques comportent la création d’un quadrillage cartographique sur les terres par la coupe de lignes dans les zones boisées ou par de longues rangées de repères dans les zones ouvertes. Des sondages peuvent également avoir lieu (Jébrak et Marcoux, 2008; Ressources naturelles Canada, 2011a). L’objectif est de détecter des anomalies et des indices précis dans le sol, qui seront ensuite vérifiés par décapage et/ou par une campagne de forage à maille assez large (Jébrak et Marcoux, 2008; Ressources naturelles Québec, 2011).
La dernière activité de cette première étape consiste à déterminer la forme, le volume et la teneur approximative du gîte (Jébrak et Marcoux, 2008; Ressources naturelles Québec, 2011). Ceci nécessite l’extraction d’échantillons de roches. Des foreuses à diamants sont utilisées pour creuser jusqu’à des centaines de mètres de profondeur. Les échantillons sont ensuite envoyés au laboratoire pour évaluation et analyse chimique (Ressources naturelles Canada, 2011a).
Les activités de mise en valeur impliquent toutes les activités relatives à l’étude de faisabilité jusqu’à la prise de décision de mise en production (Ressources naturelles Québec, 2001). La forme générale du gîte a été circonscrite lors des activités d’exploration (Jébrak et Marcoux, 2008; Ressources naturelles Québec, 2011). Une campagne de forage systématique à maille régulière sera faite pour déterminer la teneur et le tonnage du gîte de façon plus précise. Des tests spécifiques seront effectués pour recueillir des données physiques sur le minerai et les roches environnantes. Les paramètres techniques et économiques seront définis et l’étude de préfaisabilité complétée (Jébrak et Marcoux, 2008; Ressources naturelles Québec, 2011). L’étude de faisabilité peut ensuite être amorcée. Tous les paramètres seront évalués afin de déterminer les coûts associés à la mise en production et les revenus anticipés en vue de la prise de décision. Des sondages additionnels, un échantillon en vrac et des tests en usine peuvent également être réalisés (Jébrak et Marcoux, 2008)
Certification :
Les entreprises ont recours aux dispositifs de certification afin de garantir et d’assurer la qualité sociale ou environnementale de leurs produits et de leurs opérations (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2007). La prolifération d’instruments de mesure d’objectifs de développement durable difficilement comparables (p. ex. : normes, certification, guides de bonne conduite, codes) est source de confusion pour la population (Commission des communautés européennes, 2002). Cette section définit les principaux éléments liés à la certification, les étapes du processus d’élaboration d’une norme, et les principaux défis à considérer.
Certification, normalisation et norme
La certification est la procédure par laquelle une tierce partie donne une assurance écrite qu’un produit, un processus ou un service est conforme à des exigences spécifiques, sur la base d’un audit mené conformément à des procédures convenues (Bass et al., 2001; Grenard, 1996). Il y a trois familles de certification : la certification de processus, la certification de produits et la certification de personnes (Bass et al., 2001; Grenard, 1996).
Il est important de distinguer le concept de certification de celui de normalisation, qui implique, de façon générale, le processus d’élaboration et de production d’une norme (Grenard, 1996). Quant à la norme, il s’agit d’une «donnée de référence, publique, établie avec la coopération de tous les intéressés et mise au service des différents agents économiques » (Grenard, 1996, p. 46).
Un lien et une interdépendance existent entre chacun : d’abord, le processus de normalisation permet la conception de la norme, le document normatif en so1. La certification donne ensuite une assurance de concordance aux exigences de la norme, par la réalisation d’un audit (Debruyne, 2002).
Processus d’élaboration d’une norme
L’élaboration d’une norme implique plusieurs étapes qm varient selon les orgamsmes. Alors que certains se concentrent uniquement sur la conception de normes, d’autres prennent également en charge les processus d’audit et de certification. Afin de cerner les procédures d’élaboration d’une norme, il s’avère important d’identifier les démarches entreprises par des organismes reconnus au niveau international ou national, tels que 1 ‘Organisation internationale de normalisation (ISO), le Forest Stewardship Council (FSC) et l’Association canadienne de normalisation (CSA). Puisque ce projet concerne l’industrie québécoise de l’exploration minière, il est également pertinent d’examiner le processus d’élaboration d’un organisme provincial, le Bureau de normalisation du Québec (BNQ). Enfin, le processus de conception du Cadre pour une exploration responsable e3 Plus de 1 ‘Association canadienne des prospecteurs et des entrepreneurs (PDAC) est digne d’intérêt puisqu’il concerne spécifiquement l’industrie de l’exploration minière.
Recommandations pour l’élaboration d’une norme de certification sectorielle :
Compte tenu des attentes divergentes des parties prenantes applicables aux différents stades de l’industrie minière (Laurence, 2011), les exigences de développement durable doivent être élaborées de manière spécifique à un secteur d’activités donné afin qu’elles soient représentatives et adaptées (Azapagic, 2004). La définition d’une liste consensuelle de principes et de critères adaptés à l’exploration minière représente les fondements de la conception d’une norme de développement durable (Azapagic, 2004; Cadieux et Dion, 2012; Center for International Forestry Research, 1999; Morin et al., 1996). Si cette recherche mène à une certification, il sera primordial de tenir compte des différents enjeux relatifs à l’élaboration de norme et au processus de certification (Gendron et al., 2004; Grolleau et Mzoughi, 2005; Thornber et al., 2000).
L’équité, lors de la conception d’une norme, s’avère primordiale (Grolleau et Mzoughi, 200 5). Pour éviter une surreprésentation dans le pouvoir d’intervention des différentes parties prenantes, il importe d’ avoir un droit de regard égal et la possibilité réelle de manifester des intérêts (Depoers et al., 2002; Thornber et al., 2000; Whitmore, 2006). Jusqu’à maintenant, cette condition a été respectée. Lors de l’enquête Delphi, les deux principaux positionnements par rapport à l’ exploration minière ont été considérés de façon équitable. Les parties prenantes impliquées dans l’exploration minière (gestionnaires, employés, fournisseurs de services, investisseurs), et les parties prenantes qui peuvent être affectées par ces activités (communautés d’accueil, communautés autochtones, ONGE) ont chacune été représentées par trois groupes d’experts. Chacun des groupes était sensiblement composé d’un même nombre d’experts. Il en est de même pour le gouvernement, à la fois responsable du développement économique et de la protection des citoyens et de l’environnement. Ainsi, aucune partie prenante n ‘a été favorisée au détriment d’une autre. Si cette recherche mène à l’élaboration d’une norme, cet aspect devra demeurer prioritaire lors des étapes subséquentes du processus.
Un autre défi réside dans le degré d’exigence de la norme. Une norme doit être assez exigeante pour conserver une valeur élevée au regard des organisations et de la population, tout en fixant des objectifs atteignables (Clancy et Sandberg, 1997; Grolleau et Mzoughi, 2005; Stevenson et Barnes, 2002). Actuellement, seuls les principes et les critères ont été définis. Ce sont les indicateurs, les variables mesurables utilisées pour inférer 1 ‘état des critères, qui définiront concrètement le degré d’exigence de la norme (Center for International Forestry Research, 1999; Morin et al., 1996). Conformément à l’objectif des initiatives volontaires, certaines exigences faisant 1 ‘objet d’un encadrement législatif seront plus strictes ou soumises à un meilleur contrôle que ce qu’exige la législation en vigueur (Gendron et Turcotte, 2003). Pour d’autres, une vérification de l’ application de 1 ‘actuelle législation pourrait s’avérer suffisante. Ainsi, lors d’une prochaine étape impliquant 1’ établissement des indicateurs, une comparaison entre les attentes des parties prenantes et le contexte légal en vigueur permettra de déterminer si les exigences de la norme doivent surpasser la loi, ou s’y conformer. Il est opportun de rappeler que Bouslah et al. (2006) ont démontré que le marché accorde une prime à long terme aux entreprises qui adoptent la certification la plus exigeante relativement aux critères de performance environnementale à atteindre et aux mesures de vérification .
Conformément au processus habituel d’élaboration de norme, des essais pilotes devront être prévus (FSC, 2012). Des entreprises de tailles et de notoriétés différentes devront être sélectionnées pour y participer afin de s’assurer que la norme convienne à une variété d’entreprises du secteur et aux différents types de projets (Thornber et al., 2000).Si cette recherche mène à l’élaboration d’une norme, les résultats des essais pilotes devront être examinés en vue de la rédaction finale (BNQ, 2012; CSA, 2012; FSC, 2012; ISO, 2012a).
Lors de l’élaboration finale du document normatif, l’ordre logique des exigences, la clarté et la précision des objectifs devront également être appréciés (Gouvernement du Québec, 2004). La majorité des cadres de référence qui font l’objet de critiques concernant la clarté des objectifs sont les normes de systèmes de gestion (Gendron et al., 2004; Grolleau et Mzoughi, 2005; Stevenson et Bames, 2002). À titre d’exemple, la norme ISO 14001 permet à une entreprise d’être certifiée même si elle contrevient aux lois et règlements environnementaux, dans la mesure où ses processus de gestion sont conformes (Association canadienne de normalisation et Organisation internationale de normalisation et normes, 2009; Gendron et al., 2004). Puisque les normes qui s’appliquent aux systèmes de gestion sont exemptes d’exigences précises, elles peuvent difficilement être envisagées en tant que mesures surpassant les lois (Gendron et al., 2004). Clapp (2001) et Gendron et al. (2004) posent même l’hypothèse que le succès de la norme ISO 14001 repose en partie sur la confusion de ses objectifs, qui n’exigent pas la conformité aux exigences légales environnementales. À cet égard, Coglianese et Nash (2001) ont critiqué l’effet d’étiquette de la certification ISO 14001 et sa capacité théorique à générer des performances environnementales. Ainsi, dans certains cas, la certification donnerait aux communautés la fausse impression que les entreprises sont performantes en matière de développement durable (Coglianese et Nash, 2001; Grolleau et Mzoughi, 2005). En termes d’orientation, dans la présente recherche, les exigences se basent sur les résultats et non sur les moyens de les atteindre (p. ex. : Qualité de l’eau, Qualité de l’air, Qualité des sols). À cet égard, Grenard (1996) soutient que 1 ‘utilisation de termes subjectifs tels que «prévention de la pollution» est susceptible d’engendrer la confusion.
Il est important qu’une norme soit composée minimalement de trois sections, l’introduction, les exigences et le guide pour l’application et l’utilisation de la norme (Association canadienne de normalisation, Organisation internationale de normalisation et normes, 2009). Le guide pour 1 ‘application et l’utilisation de la norme assiste les entreprises quant à la façon d ‘atteindre les objectifs. Si cette recherche mène à l’élaboration d’une norme, une étroite collaboration avec les entreprises d’exploration devrait être priorisée afin d’assurer l’interprétation conséquente des principes, des critères et des indicateurs sur le terrain (Thomber et al., 2000).
CONCLUSION :
Les activités d’exploration minière ont des impacts sur l’environnement et affectent les communautés (Laurence, 2011; Luning, 2012; Miranda et al., 2005). L’importance de l’acceptabilité sociale des projets conditionne le succès des phases subséquentes du cycle minier (Goodland, 2012; Miranda et al., 2005). Malgré une récente réforme de la Loi sur les mines du Québec entrée en vigueur en décembre 2013 (Gouvernement du Québec, 2013a), le contexte législatif québécois ne couvre pas toutes les dimensions du développement durable et fait encore l’objet de critiques (Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, 2013; Cornille, 2013; Québec Solidaire, 2013; Radio-Canada, 2013). Plusieurs cadres de référence volontaires existent (p. ex. : e3 Plus, BNQ 21000, ISO 26000), mais aucun ne permet de certifier l’application, par les entreprises d’ exploration minière, d’exigences définies en matière de développement durable.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 PROBLÉMATIQUE
1.1. Objectif de la recherche
1.2. Pertinence et retombées anticipées
CHAPITRE II CADRE THÉORIQUE
2.1. Entreprises d’exploration minière
2.2. Activités d’exploration minière
2.2.1. Importance économique de l’exploration minière
2.2.2. Contexte légal et réglementaire des entreprises d’exploration minière
2.3. Certification
2.3.1. Certification, normalisation et norme
2.3.2. Processus d’élaboration d’une norme
2.3.3. Principe, critère et indicateur
2.3.4. Défis liés à l’élaboration d’une norme
2.4. Développement durable
2.4.1. Principales parties prenantes
2.4.1.1. Gestionnaires et employés d’ entreprises d’ exploration minière
2.4.1.2. Fournisseurs de services
2.4.1.1. Investisseurs
2.4.1.2. Communautés
2.4.1.3. Organisations non gouvernementales environnementales (ONGE)
2.4.1.4. Gouvernements
CHAPITRE III MÉTHODOLOGIE
3 .1. Élaboration de la liste préliminaire des principes et des critères
3.1.1. Sélection des principaux cadres de référence
3.1.2. Analyse des principaux cadres de référence
3.2. Enquête Delphi
3.2.1. Description des participants
3.2.2. Recrutement des participants
3.2.3. Considérations éthiques
3.2.4. Déroulement pratique
CHAPITRE IV RÉSULTATS
4.1. Liste préliminaire des principes et des critères
4.1.1. Qualité de 1′ environnement
4.1.1.1. Utilisation efficiente des ressources
4.1.1.2. Respect des zones sensibles
4.1.1.3. Qualité de l’ air
4. 1.1.4. Qualité de 1′ eau
4.1.1.5. Qualitédessols
4.1.1.6. Qualité des habitats fauniques et floristiques
4.1.2. Qualité de vie
4.1.2.1. Qualité de l’environnement sonore et visuel
4.1.2.2. Santé et sécurité
4.1.2.3. Reconnaissance des préoccupations des communautés touchées et des
communautés autochtones
4.1.2.4. Respect du patrimoine culturel
4.1.3. Environnement de travail
4.1.3.1. Relations de travail
4.1.3.2. Conditions de travail
4.1.3.3. Équité
4.1.3.4. Santé et sécurité au travail
4. 1.3.5. Formation
4. 1.4. Investissement local
4.1.4.1. Développement social
4.1.4.2. Création d’emplois et sélection de fournisseurs locaux
4.1.5. Éthique des affaires
4.1.5.1. Prévention de la corruption
4.1.5.2. Promotion du développement durable dans la chaîne de valeur
4.1.5.3. Ententes
4.1.5.4. Internalisation des coûts
Transparence et reporting, partage de l’information
Innovation, utilisation de technologies responsables
Effici ence économique, utilisation optimale des ressources financières
4.2. Enquête Delphi
4.2.1. Qualité de l’ environnement
4.2.1.1. Utilisation efficiente des ressources
4.2.1.2. Respect des zones sensibles
4.2.1.3. Qualité de l’air
4.2.1.4. Qualité de l’eau
4.2.1.5. Qualité des sols
4.2.1.6. Qualité des habitats fauniques et floristiques
4.2.2. Qualité de vie
4.2.2.1. Qualité de l’environnement sonore et sensoriel
4.2.2.2. Qualité de l’environnement visuel
4.2.2.3. Santé et sécurité
4.2.2.4. Consultation et accommodement des communautés locales
4.2.2. 5. Consultation et accommodement des communautés autochtones
4.2.2.6. Respect du patrimoine culturel
4.2.2.7. Consentement libre, préalable et éclairé
4.2.3. Environnement de travail
4.2.3 .1. Relations de travail
4.2.3.2. Conditions de travail
4.2.3.3. Équité
4.2.3.4. Santé et sécurité au travail
4.2.3.5. Formation
4.2.4. Investissement local
4.2.4.1. Développement social
4.2.4.2. Création d’emplois
4.2.4.3. Sélection de fournisseurs locaux
4.2.4.4. Sélection de main-d’œuvre locale
4.2.5. Éthique des affaires
4.2.5.1. Prévention de la corruption
4.2.5.2. Ententes
4.2.5.3. Internalisation des coûts
4.2.5.4. Respect des principes du développement durable dans la chaîne de valeur
4.2.5.5. Imputabilité du conseil d’administration et de l’équipe de direction
4.2.6. Transparence et reporting
4.2.6.1. Partage de l’information
4.2.6.2. Vérification indépendante de l’information
4.2.7. Innovation, utilisation de technologies responsables
4.2.8. Efficience économique, utilisation optimale des ressources financières
CHAPITRE V DISCUSSION
5.1. Élaboration de la liste consensuelle
5.2. Positionnement et participation des parties prenantes
5.3. Recommandations pour l’élaboration d ‘une norme de certification sectorielle
5.4. Comparaison de la liste consensuelle avec les cadres de référence
5.4.1. Spécificité
5.4.2. Équité
5.4.3. Exigences
5.4.4. Clarté
5.4.5. Polyvalence
5.4.6. Orientation
5.4.7. Accessibilité
CONCLUSION
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