Processus biogéochimiques de l’azote et formes d’azote disponible
Le cycle biogéochimique de l’N se compose d’un cycle externe et interne de l’N. Le cycle externe inclut les processus qui ajoutent (ex. les dépositions atmosphériques d’N) ou qui enlèvent (ex. le lessivage) de l’N des écosystèmes (Hart et al. 1994). Le cycle interne concerne les transformations chimiques de l’N et le transfert de l’N d’un pool écosystémique à l’autre (Hart et al. 1994). Cela inclut, par exemple, la minN, la nitrification, l’immobilisation de l’N et l’assimilation de l’N par les plantes (Hart et al. 1994) (Fig. 1). La minN se définit comme la transformation d’N-organique en N-inorganique (N-minéral), ou plus précisément, l’ammonification est la libération d’ammonium (NH4+) via la dégradation de composés organiques par des micro-organismes hétérotrophes (Hart et al. 1994; Machado 2005; Lupi et al. 2013) (Fig. 1). La nitrification est la transformation d’N-organique ou d’N-NH4+ en nitrite (NO2-), qui est alors converti en nitrate (NO3-) (Hart et al. 1994; Machado 2005; Lupi et al. 2013). L’immobilisation de l’N représente l’assimilation d’N-inorganique par les micro-organismes du sol (Hart et al. 1994; Machado 2005). La minéralisation brute de l’N (minN brute) est la quantité totale d’N-minéral libéré par les micro-organismes du sol, alors que la minéralisation nette de l’N (minN nette) représente la quantité d’N-minéral qui reste suite à l’immobilisation de l’N, et ce, à un temps donné (Hart et al. 1994; Machado 2005).
En raison du climat froid, les taux de décomposition et d’évapotranspiration sont relativement bas en forêt boréale, ce qui entraîne l’accumulation de la matière organique au sol avec le temps (Read et al. 2004). L’accumulation de la matière organique du sol (MOS) (avec une forte concentration en polyphénols) et les bas pH peuvent limiter la minN et surtout la nitrification, ce qui fait que la dépolymérisation des protéines (protéolyse) gagne de l’importance à mesure que le peuplement forestier vieillit (fin de succession) (Kielland et al. 2007; Näsholm et al. 2009; Lupi et al. 2013). Via les exoenzymes libérées par les micro-4 organismes du sol et les plantes, la dépolymérisation permet de décomposer la MOS en de plus petits composés d’N-organique (acides aminés, acides nucléiques et sucres aminés) qui sont plus facilement assimilables par les microbes et les plantes (Lupi et al. 2013) (Fig. 1). Dans le sol des peuplements matures d’épinette noire ainsi que de pin sylvestre/épinette de Norvège, les acides aminés dominent le pool d’N disponible, c’est-à-dire que leurs concentrations excèderaient les concentrations en N-minéral de plusieurs fois (Näsholm et al. 1998; Kielland et al. 2006). Toutefois, la minN demeure importante en forêt boréale, particulièrement dans les microsites plus riches en N où une quantité substantielle d’ammonium, et parfois même de nitrate, est minéralisée et diffuse ensuite vers les microsites plus pauvres en N et les racines (Schimel et Bennett 2004). L’N-NH4+ constitue généralement la forme N-minéral majoritaire dans les sols acides et relativement peu fertiles des peuplements matures de conifères (Högberg et al. 2006; Lupi et al. 2012a; Lupi et al. 2013), alors que les concentrations en N-NO3- et les taux de nitrification sont typiquement faibles en forêt boréale (Persson et Wirén 1995; Rudebeck et Persson 1998; Kielland et al. 2006; Lupi et al. 2012a; Shenoy et al. 2013).
Sensibilité de la minéralisation de l’azote
La minN est souvent évaluée comme elle représente un indice de la quantité d’N disponible pour les végétaux et les micro-organismes du sol (Hart et al. 1994; Schimel et Bennett 2004). De plus grands taux de minN fourniraient plus d’N-minéral, augmentant ainsi la quantité d’N-minéral disponible pour les plantes (D’Orangeville et al. 2013). Les taux de minN dépendent de plusieurs facteurs [ex. disponibilité en N-organiques dissous (Chapin et al. 2002)] dont certains sont influencés par le réchauffement climatique et les activités anthropiques comme les dépositions d’N et la température du sol (Galloway et al. 2004; Houle et al. 2012). En outre, il s’avère difficile de prévoir les effets de ces facteurs sur la minN et la forêt boréale puisqu’ils pourraient interagir de façons complexes.
Dans un écosystème limité par la disponibilité de l’N, une augmentation des dépositions atmosphériques d’N pourrait augmenter la quantité d’N disponible pour les plantes (D’Orangeville et al. 2013). En outre, une plus grande déposition d’N permettrait d’augmenter l’activité microbienne temporairement, conduisant ainsi à une plus grande minéralisation de la MOS (Aber et al. 1998; Lovell et Hatch 1998; Ma et al. 2011).
La température est un facteur important qui régule un grand nombre de processus biogéochimiques, comme la minN (Li et al. 2014). De même, la température affecte la disponibilité de l’N (Melillo et al. 2011). Selon la méta-analyse effectuée par Bai et al. (2013), la majorité des recherches démontrent que l’augmentation de la température du sol a un effet sur la minN, mais cet effet diffère quant à sa direction et à sa magnitude selon les études. En général, l’élévation des températures augmente l’activité des micro-organismes et de leurs enzymes (Cookson et al. 2007; Ruifang et al. 2007), stimulant ainsi la décomposition de la MOS et la minN brute (Bai et al. 2013). Néanmoins, l’augmentation de la minN en réponse à l’augmentation des températures pourrait parfois être annulée par une diminution de la teneur en eau du sol (Liu et al. 2009; Verburg et al. 2009).
Importance et objectif de l’étude
Pour pouvoir mieux prédire la productivité future de la forêt boréale, il est essentiel de connaître l’impact des changements climatiques sur la disponibilité de l’N dans les sols (Melillo et al. 2011). Cependant, les interactions entre les régulateurs de la minN sont encore peu comprises. De plus, les effets à moyen et à long terme du réchauffement du sol et de l’augmentation des dépositions d’N sur la minN sont peu connus. Finalement, comparativement à la minN nette, la minN brute a peu été évaluée en forêt boréale (Bai et al. 2013), bien que celle-ci représente davantage la quantité d’N-minéral qui est disponible à l’ensemble du réseau trophique, soit de la bactérie à la végétation (Hart et al. 1994). Ainsi, plus de recherches sur le sujet sont nécessaires pour combler ce manque en connaissances. L’objectif de l’expérience était donc d’évaluer les effets d’un réchauffement du sol et de l’augmentation des dépositions d’N sur les taux de minN nette et brute des sols boréaux, et ce, après huit et neuf ans d’application des traitements. Nous avons émis l’hypothèse que les taux de minN nette et brute seraient augmentés par l’augmentation des dépositions d’N ainsi que par l’augmentation de ~4 °C de la température du sol d’avril à juillet. Également, nous avons émis l’hypothèse qu’il y aurait un effet interactif entre les dépositions d’N et la température du sol sur la minN nette et brute.
MÉTHODOLOGIE
Sites d’étude
L’étude a été effectuée sur deux sites du domaine bioclimatique de la sapinière à bouleau blanc du Québec (Fig. A1 de l’Annexe A). Le site Simoncouche, abrégé SIM, est situé dans la Forêt d’Enseignement et de Recherche Simoncouche près de la Réserve faunique des Laurentides [N48.21586° W071.24152°; 385 m au-dessus du niveau de la mer (a.s.l.)]. Le site Bernatchez, situé à une plus haute altitude et abrégé BER, se trouve dans les Monts-Valin, tout près du Lac Bernatchez (N48.86502° W070.34120°; 597 m a.s.l.). Chaque site est caractérisé par un peuplement d’épinette noire [Picea mariana (Miller) BSP] équien issu de feux de forêt. À SIM, le peuplement aurait pris naissance après le feu de 1922 (De Barba et al. 2016), alors qu’à BER, les feux auraient ravagé la forêt autour de 1865–1870 (Lupi et al. 2012a). Dans ces sites, la végétation au sol est surtout composée de mousses [Hylocomium splendens (Hedw.) Schimp., Pleurozium schreberi (Brid.) Mitt., Ptilium crista-castrensis (Hedw.) De Not.] et de Sphagnum sp. (Dao et al. 2015). De plus, la végétation de sous-bois est bien représentée par Cornus canadensis L., Rhododendron groenlandicum (Oeder) Kron & Judd, Gaultheria hispidula (L.) Muhl. ex Bigelow et Kalmia angustifolia L. Il y a aussi d’autres végétaux propres à chaque site, comme Clintonia borealis (Aiton) Raf. qui se retrouve seulement à SIM.
Les peuplements sont implantés dans un milieu où les pentes sont plus ou moins fortes (8% – 17%) sur un till glaciaire épais et indifférencié comme matériel parental (Lupi et al. 2012a). Le drainage à SIM et à BER varie selon les saisons et la topographie. Entre autres, le drainage est classé mauvais lors de la fonte des neiges (sol gelé) et dans les bas des pentes, mais bon aux endroits plus élevés en saisons estivale et automnale. Le sol, pour les deux sites, est de l’ordre Podzolique avec un humus de type mor (Rossi et al. 2013). L’horizon LFH (litière+fibrique+humique) atteint en moyenne 10 et 18 cm de profondeur à SIM et à BER, respectivement (Rossi et al. 2013). Dans la couche organique, l’N total varie de 6,8 à 12,8 g kg–1, mais il est en plus grande quantité à SIM (Lupi et al. 2012a). Ainsi, comparativement à BER, le ratio C:N est plus petit à SIM, mais il varie entre 30 et 65 aux deux sites (Lupi et al. 2012a). À SIM et à BER, la quantité d’N sous forme minérale de l’horizon F varie de 4 à plus de 100 mg kg–1, avec une moyenne de 17 mg kg–1.
Le climat aux deux sites est continental, caractérisé par des hivers longs et froids et des étés courts et frais. La température moyenne annuelle de l’air est de 1,9 °C à SIM et de 0,2 °C à BER (Rossi et al. 2011a). De mai à septembre, la température moyenne de l’air est de 13,3 °C et de 11,4 °C à SIM et à BER, respectivement (Rossi et al. 2011a). À cette même période, les précipitations atteignent 401,8 mm à SIM et 425,4 mm à BER (Rossi et al. 2011b; Lupi et al. 2012a). Le couvert de neige est généralement présent de novembre à mai et est complètement fondu à SIM [jour julien (DOY) : 120] 20 jours plus tôt qu’à BER (DOY : 140) (De Barba et al. 2016). La couverture neigeuse maximale atteint 108 cm et 132 cm à SIM et BER, respectivement (Rossi et al. 2011b). Par conséquent, la saison de croissance à BER est ~15 jours moins longue qu’à SIM (Boulouf Lugo et al. 2012).
Dispositifs expérimentaux
Aux deux sites, 12 parcelles (12 m × 12 m) ont été délimitées à l’intérieur d’une région de 60 m × 60 m (Lupi et al. 2012a). Dans chaque parcelle d’étude, une épinette noire a été sélectionnée pour recevoir les traitements. Pour plus d’informations sur la sélection des arbres, voir Lupi et al. (2012a) et Rossi et al. (2011b).
Les dispositifs ont été mis en place en 2008 (Lupi et al. 2012a, 2012b). Au total, 24 unités expérimentales étaient entretenues : 2 traitements de température × 2 traitements d’ajouts d’N × 2 sites × 3 répétitions. Pour faciliter l’appellation et la visualisation, quatre catégories de parcelles ont été nommées selon l’application des traitements : Nd (augmentation des dépositions d’N), T° (augmentation de la température du sol), NdT° (augmentation des dépositions d’N et de la température du sol) et Ctl (contrôle) (Fig. 2). Ainsi, chaque catégorie de parcelles expérimentales se retrouve trois fois par site.
Pour les traitements d’ajouts d’N, une buse a été installée dans toutes les parcelles (Nd, T°, NdT° et Ctl) au-dessus de la canopée de l’épinette noire sélectionnée de façon à arroser dans un rayon de 3 m par rapport à la tige (Lupi et al. 2012a). Afin d’éviter les périodes de gel, l’arrosage s’est effectué entre le mois de juin et septembre avec un taux d’application d’environ 2 mm de pluie artificielle par semaine (Lupi et al. 2012a). Les parcelles Ctl et T° ont été arrosées avec de la pluie artificielle ayant une composition chimique semblable à la pluie naturelle qui tombe sur cette région (Duchesne et Houle 2006, 2008) (Tableau B1 de l’Annexe B). Dans le cas des parcelles Nd et NdT°, les concentrations en NH4+ et en NO3- de la pluie artificielle ont été triplées (Lupi et al. 2012a) (Tableau B1 de l’Annexe B). Cela correspond à une augmentation d’environ 50% des dépositions atmosphériques d’N par année, c’est-à-dire à un ajout de0,35–0,5 kg N ha-1 an-1 dans des forêts qui reçoivent naturellement 0,7–1 kg N ha-1 an-1 (Rossi et al. 2013). Les arrosages se sont poursuivis de 2008 jusqu’en 2016 à SIM, alors qu’à BER ils se sont arrêtés en septembre 2014.
Pour les parcelles soumises à une augmentation de la température du sol, c’est-à-dire les parcelles T° et NdT°, des câbles chauffants ont été installés dans le sol à une profondeur de 10–20 cm, où se trouve une grande partie des racines de l’épinette noire (Strong et La Roi 1983; Gagnon 2002). Cette installation s’est effectuée durant l’automne 2007, en coupant le sol verticalement avec une pelle et un couteau pour faire d’étroites tranchées (Lupi et al. 2012a). Les câbles y ont été insérés de façon circulaire (en faisant une spirale) à une distance de 90–200 cm autour du collet de l’épinette noire sélectionnée, laissant 30 cm entre les anneaux de câbles (Lupi et al. 2012a, 2012b). Puis, le sol a été remis en place (Lupi et al. 2012a). Afin de prendre en compte l’effet que pouvait avoir l’installation des câbles sur le sol (perturbation) et sur les racines (dommages), des câbles ordinaires (non chauffants) ont été installés de la même façon dans les parcelles non chauffées (Ctl et Nd) (Lupi et al. 2012a). La température du sol des parcelles T° et NdT° était augmentée d’environ 4 °C (versus normal) d’avril jusqu’à la fin juillet de 2008 à 2016 (Fig. C1 de l’Annexe C), ainsi le dégel du sol et la fonte du couvert de neige se produisaient plus tôt dans ces parcelles.
De plus, pour mieux représenter les différences naturelles de températures entre les deux sites, le chauffage a débuté deux semaines plus tard à BER (site à plus haute altitude) qu’à SIM (Lupi et al. 2010, 2012a) (Fig. C1 de l’Annexe C). Une génératrice au diesel, installée à 200 m du site, servait à fournir l’énergie électrique nécessaire aux câbles chauffants (Lupi et al. 2012a). Pour en savoir plus sur le contrôle de la température du sol des parcelles et l’appareillage utilisé, se référer à Lupi et al. (2012a).
La minéralisation nette de l’N
Les taux de minN nette ont été évalués à la 8ème et à la 9ème année de traitements par la méthode des buried bag incubations (incubations de sacs enfouis) décrite par Davidson et al. (1990b) et Hart et al. (1994).
Dans chacune des parcelles, un échantillon de l’horizon F (fibrique) a été prélevé à moins de 2 m (dans la région des câbles) de l’épinette noire traitée puis trié et homogénéisé manuellement. Le triage consistait à éliminer les roches et les débris végétaux comme les branches, les cônes, les feuilles fraîches et les racines grossières (les racines fines n’étaient pas enlevées afin de conserver le sol de la rhizosphère). Ensuite, un sous-échantillon de sol (environ 5 g de poids sec) a été transféré dans une bouteille contenant 100 ml d’une solution de chlorure de potassium (KCl) 2 ᴍ afin de pouvoir extraire l’azote sous forme d’ammonium(N-NH4+) au temps initial (temps 0). L’échantillon de sol restant a été mis dans un sac de polyéthylène (~0,030 mm d’épaisseur) puis celui-ci a été refermé, enterré dans le trou laissé par le prélèvement, et recouvert de l’horizon de surface (L). Le sac de sol a été déterré environ une trentaine de jours plus tard puis l’N-NH4+ a été extrait de la même façon (temps t). Toutes les bouteilles d’extraction étaient gardées au froid (~2 °C) jusqu’à la filtration. D’autres sous-échantillons de sol ont été récoltés avant et après l’incubation pour mesurer les teneurs en eau gravimétriques du sol (séchage à 65 °C pour réduire la volatilisation et la dénaturation de la MOS) (Sheppard et Addison 2008; Topp et al. 2008).
Ces mêmes étapes ont été répétées onze fois, c’est-à-dire onze incubations (buried bag) ont été réalisées en 2015–2016 dans chacune des parcelles. En fait, cinq incubations de ~30 jours ont été effectuées une à la suite de l’autre de mai à octobre 2015, de même que de mai à octobre 2016. Également, une incubation d’environ 210 jours, s’étendant de la fin octobre 2015 jusqu’à mai 2016, a été effectuée pour couvrir la période de gel.
Au laboratoire, le poids sec du sol dans la bouteille d’extraction a été déterminé. Ensuite, les bouteilles ont été brassées (~130 rpm) pendant 60 min, ce qui permet le remplacement complet de l’N-NH4+ par l’ion potassium (K+) sur les sites d’échanges cationiques du sol. Par la suite, le contenu des bouteilles a été filtré (papier filtre No. 1; Whatman Inc., Little Chalfont, UK) et les extraits de sol ont été conservés au congélateur (-19 °C) jusqu’à l’analyse. Les filtrats 2015 ont été envoyés à l’Université de Sherbrooke afin de déterminer la concentration en N-NH4+ par colorimétrie en utilisant la méthode au nitroprusside-hypochlorite-salicylate (Mulvaney 1996) et un Technicon AutoAnalyser II (Pulse Instrumentation Ltd, Saskatoon, CAN). Les extraits de sol 2016 ont été envoyés au Laboratoire de chimie organique et inorganique de la Direction de la recherche forestière (Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs) et l’N-NH4+ a été dosé par colorimétrie avec un QuikChem 8500 (Lachat Instruments, Milwaukee, USA). Puis, pour calculer les taux de minN nette à chacune des périodes d’incubation, l’Équation 1 a été utilisée (Hart et al. 1994).
La quantité nette cumulée d’N-NH4+ minéralisé
Comme les incubations de sacs enfouis (buried bag) se sont déroulées en continu sur une période de 525 jours (à chaque fois qu’un sac de sol était récolté un nouveau sac était enfoui dans la parcelle), les données de taux de minN nette ont pu être utilisées pour calculer la quantité nette (cumulée) d’N-NH4+ minéralisé sur les 525 jours.
La minéralisation brute de l’N
Les taux de minN brute ont été évalués à la 8ème et à la 9ème année de traitements à l’aide d’une méthode de dilution isotopique semblable à celle décrite par Davidson et al. (1991) et Hart et al. (1994). En résumé, il s’agit d’injecter du 15N (isotope azote 15) sous la forme de 15N-NH4+ dans l’échantillon de sol et d’évaluer le taux de dilution (diminution) de la fraction de 15N-NH4+ du pool de N-NH4+ à mesure que les micro-organismes ajoutent (en minéralisant du 14N-organique) du 14N-NH4+ (Davidson et al. 1991). Cette méthode dépend de trois suppositions faites par Kirkham et Bartholomew (1954) : (1) les micro-organismes ne discriminent pas entre le 15N et le 14N; (2) le 15N peut être immobilisé lors de l’incubation, mais pas reminéralisé (de courtes périodes d’incubation sont nécessaires); et (3) les taux de transformation de l’N demeurent constants durant l’incubation.
Pour chacune des parcelles, comme pour la méthode des buried bags, l’horizon F a été échantillonné, trié et homogénéisé. L’échantillon de sol (150–200 g) a ensuite été transféré dans un sac de polyéthylène (~0,044 mm d’épaisseur) et étalé de sorte à augmenter sa surface. Préalablement, une solution de sulfate d’ammonium [(NH4)2SO4] de 15 mg N L-1, où 98% de l’N est marqué en 15N, avait été préparée. À l’aide d’une seringue et d’une aiguille 30G½ (Becton Dickinson & Co, Franklin Lakes, USA), 4 ml de la solution de sulfate d’ammonium a été étalé par fines gouttes sur le sol et puis bien mélangé avec celui-ci. Ensuite, un sous-échantillon de sol (environ 5 g de poids sec) a été placé dans une bouteille (temps 0) contenant une solution (100 ml) de KCl 2 ᴍ (l’heure était notée), et ce, après 15 min puisqu’il est recommandé de laisser agir les processus de consommation abiotique du 15N-NH4+ (Davidson et al. 1991). Ce prélèvement sert à connaître la concentration en N-NH4+ et l’atome % de 15N au temps 0. Le sac de sol a été refermé et enterré dans le trou laissé par le prélèvement sous l’horizon L. Après environ 24 h, le sac a été récolté et un autre sous-échantillon du sol a été transféré dans une bouteille (temps t) de KCl 2 ᴍ (l’heure était notée). Cela permet de connaître la concentration en N-NH4+ et l’atome % de 15N après 24 h d’incubation (temps t). Les bouteilles d’extraction ont été conservées au froid (~2 °C) jusqu’à la filtration. D’autres sous-échantillons de sol ont été prélevés avant et après l’ajout de la solution d’15N ainsi qu’après 24 h pour déterminer les teneurs en eau gravimétriques du sol (séchage à 65 °C) et vérifier que celles-ci ne soient pas trop affectées par l’ajout de la solution (l’injection a augmenté la teneur en eau gravimétrique de 0,2% en moyenne). De plus, la teneur en eau volumétrique de l’horizon F a été mesurée sur le terrain avec une sonde GS3 (Decagon Devices, Inc., Pullman, USA).
Ces étapes pour la dilution isotopique du 15N ont été répétées deux fois durant l’année à la fois en 2015 et en 2016 pendant la période de chauffage : une incubation a eu lieu en juin et une autre en juillet. Généralement, les taux de minN brute à BER étaient évalués 1–2 semaines plus tard qu’à SIM afin de mieux synchroniser l’échantillonnage avec la phénologie de l’épinette noire (le début de la saison de croissance commence plus tard à BER) (De Barba et al. 2016).
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Table des matières
1 INTRODUCTION
1.1 Augmentation des dépositions d’N
1.2 Réchauffement climatique
1.3 Processus biogéochimiques de l’azote et formes d’azote disponible
1.4 Absorption et assimilation des formes d’N – le cas de l’épinette noire
1.5 Sensibilité de la minéralisation de l’azote
1.6 Importance et objectif de l’étude
2 MÉTHODOLOGIE
2.1 Sites d’étude
2.2 Dispositifs expérimentaux
2.3 La minéralisation nette de l’N
2.4 La quantité nette cumulée d’N-NH4+ minéralisé
2.5 La minéralisation brute de l’N
2.6 Le pH au CaCl2
2.7 Analyses statistiques
3 RÉSULTATS
3.1 La minéralisation nette de l’N
3.2 La quantité nette cumulée d’N-NH4+ minéralisé
3.3 La minéralisation brute de l’N
3.4 L’immobilisation de l’N
3.5 Le pH au CaCl2
4 DISCUSSION
4.1 Dépositions d’N × température du sol
4.2 Dépositions d’N
4.3 Température du sol
4.4 Site
4.5 Date
4.6 Teneur en eau du sol
4.7 Minéralisation et immobilisation de l’N
4.8 Nitrate/nitrification
4.9 Liens avec les études précédentes effectuées sur les mêmes dispositifs
4.10 Limites de l’expérience
5 CONCLUSION
RÉFÉRENCES