Procédés de mise en forme céramique

Procédés de mise en forme céramique

Les procédés de production et de fabrication des matériaux solides sont liés à la nature chimique des composants. Pour les matériaux céramiques, leurs principales propriétés mécaniques (fragilité, dureté) entraînent leur mise en œuvre par des procédés à base de poudres. Il existe au moins 4 étapes : la production de la poudre (cristallisation, précipitation, sol-gel), la préparation de la poudre (formulation, broyage, désagglomération, mélange), la mise en forme et la densification (frittage) (Rice 1990). Une cinquième étape de finition est parfois nécessaire quand la tolérance dimensionnelle est serrée ou quand la qualité surfacique est importante. Cette étape généralement couteuse est dépendante de la maitrise et du contrôle des procédés de mise en forme et de frittage. Nous nous intéressons ainsi à l’étape de mise en forme. La nature pulvérulente des matières premières des procédés céramiques conduit à trois grandes voies de façonnage : la voie sèche, la voie pâteuse et la voie liquide. Les voies pâteuse et liquide peuvent être basées sur des systèmes aqueux ou organiques.

Mise en forme en voie sèche

Dans la voie sèche, les poudres sont généralement utilisées sous forme de granulés obtenus à partir d’une suspension, en utilisant une technique de granulation (pulvérisation ou granulation par congélation par exemple). Les granulés, permettant un écoulement facilité de la poudre et un remplissage régulier du moule, sont ensuite pressés dans une matrice. Le pressage uniaxial est une technique de mise en forme éprouvée qui existe depuis de nombreuses années et pour de nombreuses applications courantes (pharmacie, bâtiment, automobile). Le principal avantage du pressage uniaxial à sec est sa productivité. De fait, cette méthode, est très utilisée dans l’industrie, malgré ses inconvénients qui sont, de possibles gradients de densité et des microstructures inhomogènes, ainsi que des géométries de pièce très limitées nécessitant des étapes d’usinage post pressage pour des objets de forme plus complexe (Sigmund, Bell et al. 2000). A côté du pressage uniaxial majoritairement utilisé, il existe également des techniques de pressage isostatique ou semi-isostatique, dans lesquelles la pression est transmise à la poudre par l’intermédiaire d’une membrane souple et d’un fluide. Ces techniques permettent l’obtention de formes plus complexes et des pièces plus denses et plus homogènes, mais au détriment du coût et de la vitesse de production.

Mise en forme par voie plastique

Dans la mise en forme par voie plastique, la poudre céramique est mélangée à divers additifs dans un système aqueux ou organique afin d’obtenir une pâte. La formulation de cette pâte est adaptée au procédé de mise en forme utilisé. Les deux principaux sont l’injection haute pression et l’extrusion.

L’injection haute pression 

Similaire à l’injection dans l’industrie plastique, le moulage haute pression par injection permet de fabriquer des pièces de formes complexes avec une grande précision et à une cadence relativement élevée. Cette technique de mise en forme, consiste à mélanger une poudre céramique avec des additifs thermoplastiques (liants/plastifiants), pour obtenir, par chauffage modéré, une matière première visqueuse et glissante réduisant les frottements. Cette pâte est alors injectée dans un moule métallique, où la phase organique se solidifie, généralement par refroidissement. Le moulage par injection s’est révélé être un excellent outil pour le remplissage de matrices pour petits objets de forme complexes, comme les pièces pour les rotors des turbines réalisées en Si3N4. Une étude de la rhéologie des milieux granulaires est nécessaire pour la maîtrise du procédé, car l’écoulement de type piston (plug flow) est généralement souhaité (Huang 2007). Son principal inconvénient réside dans l’élimination de la phase organique thermoplastique (déliantage), qui peut représenter jusqu’à 50% du volume de la pièce. Cette étape limite l’épaisseur des pièces fabricables.

L’extrusion

L’extrusion nécessite de préparer une pâte, soit à partir de liants thermoplastiques, soit à partir d’eau. Dans le cas d’une pâte thermoplastique, la mise en forme se fera à température élevée, dans le cas d’une pâte à base d’eau, elle se fera à température ambiante. La pâte est poussée par un système de vis sans fin ou un piston à travers une filière dont la forme définira la section du profilé obtenu à la sortie de l’extrudeuse. C’est un procédé idéal pour la fabrication de pièce de section constante et de grande longueur (barres, tubes). Pour ce procédé l’étude rhéologique est aussi importante, car le comportement de la pâte en sortant à une certaine vitesse d’écoulement, peut facilement déformer l’épaisseur des produits finis (Delalonde, Baylac et al. 1996).

Mise en forme en voie liquide

Dans la mise en forme par voie liquide, la poudre est mise en suspension dans de l’eau ou en phase organique. Le mélange est homogénéisé dans différents types de broyeurs et/ou mélangeurs qui permettent une désagglomération du solide. Un agent dispersant peut être ajouté pour stabiliser la suspension.

A côté du coulage en bande réservé à la fabrication de pièces de faible épaisseur et de grande surface, les techniques de coulage les plus utilisées pour la mise en forme des céramiques par voie liquide, sont les suivantes.

Le coulage en moule poreux 

Le coulage en moule poreux s’apparente à une méthode de séparation solide/liquide à basse pression où la porosité capillaire du moule fournit l’aspiration comme force motrice pour l’élimination des liquides et la formation d’une couche de solide en surface. Le coulage en moule plâtre est un processus lent, car la vitesse de formation de la couche coulée diminue de façon monotone avec son épaisseur. L’automatisation du procédé et la maîtrise de la suspension (rhéologie, démoulage et stockage) sont difficiles (Moreno 2000). Le grand avantage de ce procédé est l’obtention de crus très homogènes avec des parois lisses, ce qui réduit d’éventuels retraitement par polissage. Le matériau du moule le plus utilisé est le plâtre pour ses caractéristiques osmotiques d’absorption et son coût réduit. D’autres matériaux ont été étudiés pour éviter les moules en plâtre, lourds, d’un volume important et d’une durée de vie limitée. Parmi les candidats, l’alumine semble proposer une force capillaire compatible (Jung and Choi 1998), et les matériaux polymériques/composites qui ont une durée de vie plus importante (Tolochko, Sobolenko et al. 1997) .

Coulage sous pression

Le coulage sous pression est une technique de moulage proposée pour la fabrication des matériaux céramiques traditionnels à base d’argile, tels que le grès et la porcelaine sanitaire. C’est une évolution du coulage en moule plâtre qui a été développée pour accélérer l’étape de séparation solide/liquide, automatiser la production et obtenir un cru dense et épais. Dans ce procédé, une pression externe, sensiblement supérieure à la pression d’aspiration capillaire, est appliquée à la suspension. Le plâtre ne peut pas être retenu comme matériau pour les moules, étant donnée sa faible résistance mécanique. Le choix du matériau constituant le moule est un des obstacles le plus difficiles à dépasser, lors du développement d’un équipement de coulage sous pression (Pfeifer, Wang et al. 1999). Grâce au travail à haute pression (>15 bars environ), il est possible d’utiliser des suspensions constituées de particules avec une large gamme de taille, ce qui pourrait réduire les temps de filtration (par rapport à l’utilisation des particules nanométriques), mais aussi créer des crus plus uniformes et éviter des obstructions dans les canaux d’injection (Lange and Miller 1987).

Le comportement d’une suspension lors de la consolidation d’un cru peut varier en fonction de la nature et de l’intensité de la contrainte appliquée, de l’état de la poudre en suspension (agglomération, dispersion) et des produits constituants (formulation). Des corrections propres à chaque procédé de fabrication doivent être étudiées pour optimiser l’évolution de la viscosité, le temps de consolidation ou l’uniformité du cru. Il s’agit donc d’un procédé pour lequel les connaissances sont principalement empiriques, vis-à-vis de l’évolution d’une suspension concentrée (pouvant aller jusqu’à 45 %v de solide) contenant des additifs (dispersants, liants et plastifiants), soumise à une différence de pression proche de 40 bars (Klippel, Aneziris et al. 2011). Le coulage sous pression, comme le coulage en moule poreux, est basé sur le principe de la filtration, dont le produit d’intérêt n’est pas le liquide récupéré mais le gâteau de solide retenu, le cru. La densité de ce cru est un des paramètres essentiels dans le cahier de charge. De ce fait, la formulation de la suspension est une caractéristique primordiale. L’emploi d’une suspension bien dispersée permet d’obtenir une couche consolidée de particules réparties uniformément, dense et peu compressible, ce qui n’est pas le cas si la suspension contient des agglomérats de particules (Lyckfeldt O. 1994).

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Table des matières

INTRODUCTION
1. Introduction et contexte de l’étude
2. Etude bibliographique et des techniques de mesure
2.1. Procédés de mise en forme céramique
2.1.1. Mise en forme en voie sèche
2.1.2. Mise en forme par voie plastique
2.1.2.1. L’injection haute pression
2.1.2.2. L’extrusion
2.1.3. Mise en forme en voie liquide
2.1.3.1. Le coulage en moule poreux
2.1.3.2. Coulage sous pression
2.2. Mise en œuvre de poudres : Propriétés physico-chimiques des solides divisés en suspension
2.2.1. Forces s’exerçant sur une particule et sur un groupe de particules
2.2.2. Caractérisation et représentation granulométrique d’une population de particules
2.2.2.1. Distribution de la taille
2.2.2.2. Distribution de la forme
2.2.3. Caractérisation de la structure d’un amas de particules
2.2.3.1. Porosité
2.2.3.2. Masse Volumique
2.2.3.3. Agglomération
2.2.3.4. Empilements des particules
2.2.4. Techniques de caractérisation de la porosité des matériaux
2.2.4.1. Techniques d’imagerie
2.2.4.2. Porosimétrie mercure et porosimètre par adsorption
2.2.4.3. Techniques de champ
2.3. Formulation d’une suspension pour la mise en forme céramique
2.3.1. Dispersants
2.3.2. Liants
2.3.3. Analyse de la stabilité d’une suspension constituée des particules microniques (>1µm)
2.3.3.1. Centrifugation
2.3.3.2. Contraintes rhéologiques
2.4. Caractérisation d’un cru
2.4.1. Mesure des cotes par profilomètre laser
2.4.2. Mesure des cotes des pastilles par traitement d’images
2.4.3. Mesure de résistance mécanique pour des crus considérés fragiles
2.5. La filtration : un cas particulier d’écoulement en milieu poreux
2.5.1. Introduction aux écoulements en milieu poreux : loi de Darcy
2.5.1.1. Modèle de perméabilité de Kozeny-Carman
2.5.1.2. Modèle de perméabilité de Brinkman
2.5.1.3. Limites de deux modèles de perméabilité
2.5.2. Description de la Filtration
2.5.3. Equations fondamentales de la filtration
2.5.4. Notions caractéristiques de la filtration
2.5.4.1. Concentration de solide dépose par volume du filtrat
2.5.4.2. Résistance à l’écoulement
2.5.4.3. Résistance du média filtrant
2.5.5. Théorie conventionnelle de la Filtration
2.5.6. Modélisation de la filtrabilité à partir d’une distribution de la taille et de la forme des particules
2.5.7. Dispositifs expérimentaux pour la caractérisation de la séparation solide-liquide
2.5.7.1. Cellule de compression-perméabilité
2.5.7.2. Cellule de filtration
2.5.7.3. Comparaison des deux dispositifs pour l’analyse à la filtrabilité
2.6. Application de la modélisation classique de filtration au procédé de coulage sous pression
2.7. Conclusions
3. Séparation solide-liquide des suspensions modèles
3.1. Dispositifs expérimentaux, synthèse/obtention de particules et protocoles de dispersion
3.1.1. Présentation des systèmes divisés et de leur obtention
3.1.1.1. Carbonate de calcium (CaCO3)
3.1.1.2. Oxyde de titane (Ti02)
3.1.1.3. Oxalate de cérium (Ce2(C2O4)3)
3.1.2. Protocole de dispersion des suspensions
3.1.3. Caractérisation des solides divisés
3.2. Caractérisation et sélection de solides modèles
3.2.1. Influence des paramètres de synthèse et de stockage sur le choix des solides à faciès souhaités
3.2.1.1. Forme sphérique : Vatérite (Carbonate de Calcium)
3.2.1.2. Forme cubique : calcite (carbonate de calcium)
3.2.1.3. Formes allongées et aplaties (prolate et oblate) : Aragonite et Calcite (Carbonate de Calcium)
3.2.1.4. Solides divisés plus proches de l’activité nucléaire : agglomérats d’oxalate de cérium et granulats d’oxyde de titane
3.2.2. Analyse de la caractérisation de la taille et de la forme des poudres choisies
3.3. Etude de la compression-perméabilité des gâteaux
3.3.1. Mise au point de la mesure en cellule compression-perméabilité (CP)
3.3.2. Influence des propriétés des particules en suspension sur la perméabilité et la compressibilité des gâteaux en cellule CP
3.3.2.1. Compression-perméabilité, analyse du réarrangement des particules à l’intérieur des gâteaux de filtration selon la taille, la distribution de taille et la forme des particules
3.3.2.2. Analyse d’une possible influence de la tortuosité. Cas simple des sphères (granulats de rutile)
3.3.2.3. Evolution temporelle de la perméation, influence de la durée de compression
3.3.3. Analyse globale des populations étudiées
3.3.4. Conclusion des observations et mesures en cellule CP
3.4. Etude de l’analyse de la filtrabilité dans une cellule de filtration miniaturisée
3.4.1. Présentation de l’équipement FPT et analyse de la répétabilité de la mesure en fonction des propriétés des particules en suspension
3.4.2. Filtrabilité en FPT
3.4.3. Conclusion des observations et mesures en cellule FPT
3.5. Influence du dispositif de mesure pour l’analyse expérimentale de la filtration
3.5.1. Comparaison des mesures en cellule CP et en cellule miniaturisée FPT
3.5.2. Correspondance des mesures en cellule CP et en cellule miniaturisée FPT
3.6. Conclusion
CONCLUSION

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