Procédés de formation des termes juridiques de la législation algérienne « version française »

Langue de spécialité et langue spécialisée

  Dans l’absence d’un consensus sur l’appellation, parvenir à une définition de l’expression « langue de spécialité » nous parait très difficile. Chaque auteur donne une dénomination différente de l’autre. On peut citer parmi ces dénominations : « langue de spécialité », « langue spécialisée », « vocabulaire spécialisé », « langage technique » etc. Le dictionnaire de linguistique et des sciences du langage de (J. Dubois et al., 1994) propose la définition suivante : « On appelle langue de spécialité un sous-système linguistique tel qu’il rassemble les spécificités linguistiques d’un domaine particulier […].» cité dans (DELAGNEAU, J-M, 2005) (Afnor, Norme ISO 1087, 1990) définit la langue de spécialité comme suit : « Sous-système linguistique qui utilise une terminologie et d’autres moyens linguistiques et qui vise la non ambigüité de la communication dans un domaine particulier » cité dans (DURIEUX, C (1996-1997)), KOCOUREK (1991) définit la langue de spécialité comme suit : « La langue de spécialité est une variété de langue dont, les textes à dominante cognitive, cumulatifs, d’émotivité, de subjectivité et de métaphoricité contrôlées et délimités de manière externe, ont pour but de signifier et de communiquer, au sein d’une collectivité restreinte, le contenu thématique, raisonné et circonstancié, et dont les ressources, qui sous-tendent ces textes sur tous les plans linguistiques, sont marquées par des caractères graphiques, par des tendances syntaxique et, surtout, par un ensemble rapidement renouvelable des unités lexicales qui requièrent, et reçoivent dans les textes, une précision sémantique métalinguistique. » cité dans (AL-SMADI, A, ODEH, A, 2012) Galisson et Coste (1976) proposent à leur tour la définition suivante : « Expression générique pour désigner les langues utilisées dans des situations de communication (orales ou écrites) qui impliquent la transmission d’une information relevant d’un champ d’expérience particulier ». LERAT (1995) à son tour définit la langue de spécialité comme suit : « La notion de langue spécialisée est [plus] pragmatique, c’est une langue naturelle considérée en tant que vecteur de connaissances spécialisées » cité dans (DELAGNEAU, J-M, 2005) A partir de ces définitions, nous pouvons dire que la langue de spécialité est un système de communication doté d’un code linguistique, d’un lexique, d’une morphologie, d’une syntaxe, d’une phonétique…etc., utilisés par un locuteur spécialisé et dans un contexte de communication spécialisée.

Vocabulaire juridique

  Le vocabulaire juridique comme nous venons d’expliquer, se caractérise par une grande polysémie. Cette caractéristique du langage du droit peut être expliquée par la connexion entre le langage juridique, en tant que langage spécialisé, et le langage commun. « Le droit puise abondamment dans la langue générale, et cela constitue l’une des grandes difficultés de cette langue de spécialité : ces termes de la langue de tous les jours peuvent être dotés d’un sens différent, dans un contexte précis. Cette diversité présente la grande difficulté de ne pas être répertoriée dans son ensemble dans les divers lexiques et dictionnaires spécialisés. Ces ouvrages n’incluent souvent que la nomenclature du droit, soit les termes du domaine proprement dit, et excluent les termes de la langue courante qui, ayant acquis un sens particulier, échappent à la compréhension du néophyte. » (SCURTU. G, 2008)

Lexème

   Le lexème est « l’unité minimale de signification appartenant au lexique.»« D’une manière générale, l’emploi du terme « lexème » permet d’éviter l’ambigüité du terme « mot ». C’est facile à dire que « chantant » est une forme du mot « chanter ». Comme dit la grammaire traditionnelle. […] de cette façon, on présente une opposition de trois termes : mots phonique ou graphique vs. Mot grammatical vs. Lexème ». Cité dans (Elena Macias Oton) . Le lexème est l’unité de base du lexique. A chaque lexème est associé un sens ou plusieurs sens. Le lexème peut prendre deux formes, une forme libre ou une forme reliée. Dans ce dernier cas il s’accorde à un morphème grammatical. Le morphème grammatical forme avec le lexème (ou morphème lexical) un mot. Le lexème est le radical ou la base d’un mot, tandis que le morphème grammatical est la forme issue de flexion. « Processus morphologique par lequel se modifient les mots variables (substantifs, pronoms, adjectifs, verbes) par la présence de désinence de genre, de nombre ou personne variable ». (Elena Macias Oton).

Dérivation

   Les mots se divisent en mots simples et en mots composés. La formation des mots simples se nomme dérivation. La dérivation est le processus de création de nouvelles unités lexicales en exploitant les possibilités qu’offre le système dérivationnel de la langue française. L. GUILBERT la définit comme « un processus qui présuppose un élément lexical de base, morphème ou mot, et un mode de combinaison d’au moins deux éléments ». Cité dans (KENGNI, S-A, 2006). La dérivation se définit en linguistique générale comme « la procédure de formation de mots par combinaison d’un élément lexical et d’un morphème grammatical » (CHAKER, S, 1995). Autrement dit, elle consiste à adjoindre à un élément autonome (base) un élément lexical non autonome (affixe).« C’est un mécanisme morphologique qui consiste à la combinaison d’un radical et d’un affixe appelé affixe dérivationnel, ayant les trois propriétés suivantes :
 Son signifié est moins général et moins abstrait que celui d’un affixe flexionnel, il se rapproche du signifié d’une lexie ;
 L’expression de son signifié correspond normalement à un choix libre du locuteur, qui décide de communiquer le signifié en question ;
 Sa combinaison avec le radical d’une lexie donne un mot-forme qui est associé à une autre lexie. » (POLGUERE, A, 2002). La dérivation consiste à former des dérivés par combinaison d’une base lexicale et d’un morphème grammatical « affixe », sur le modèle de dérivation affixale. Elle consiste également à transformer la nature ou la catégorie grammaticale d’un mot tout en conservant sa forme et cela sur le modèle de dérivation impropre.35 (JOUSSE, A-L, 2001/2002). La dérivation affixale est un processus qui permet de former un dérivé par l’adjonction d’un ou de plusieurs affixes dérivationnels à un radical.  Nous avons noté précédemment qu’il faille distinguer les affixes dérivationnels qui concernent la dérivation des affixes flexionnels qui concernent la flexion. MEL’EUK (1994) appelle « dérivatèmes » les affixes de dérivation et « grammèmes » ceux de flexion. Les dérivatèmes (affixes dérivationnels) sont des éléments qui contribuent à la formation de nouvelles unités lexicales (dérivés). Ils fonctionnent dans la majorité des cas comme des mots dépendants. Selon (RIEGEL et al. 1994) : « Les [affixes de dérivation] jouent, sémantiquement, le double rôle de constituant d’une forme construite et d’opérateur constructeur de sens par rapport à la base à laquelle ils s’ajoutent. En effet, en vertu de leur sens codé, ils véhiculent une instruction sémantique qui spécifie le type d’opération sémantique à effectuer sur le sens de la base pour construire le sens globale de la forme dérivée (…) » Cité dans (JOUSSE, A-L, 2001/2002). Les grammèmes, appelés également affixes flexionnels ou morphèmes grammaticaux, sont des éléments à signification grammaticale contrairement au dérivatèmes qui portent une signification lexicale. Les grammèmes visent à créer des formes différentes d’un même mot. Ils marquent de ce fait, la temporalité, le nombre, le genre et la personne. (JOUSSE, A-L, 2001/2002). La dérivation est donc un procédé qui aboutit à la formation d’unités lexicales à partir d’éléments préexistants dans la langue. Selon la nature de l’affixe, nous pouvons distinguer la dérivation préfixale et la dérivation suffixale.

Emprunt linguistique

   Comme le remarque LOUBIER (2011), les langues ne peuvent se suffire à ellesmêmes. Elles ne peuvent répondre à tous les besoins de communication de leurs utilisateurs sans emprunter à d’autres langues. L’emprunt est à l’origine de la formation de la langue française. Il est le résultat du contact entre différentes populations qui se manifeste sur le plan du vocabulaire et du lexique d’une langue. C’est l’un des moyens que possède une langue pour enrichir son vocabulaire. L. Guilbert (1975) considère qu’ : « Aucun peuple (…) n’a pu développer une culture entièrement autochtone, à l’abri de tout contact avec d’autres peuples. Qu’il s’agisse de guerres ou de relations économiques, si bien que, nécessairement, sa langue s’est trouvée en rapport avec une ou d’autres langues, et en a reçu une influence quelconque. » Cité dans (MERKITOU K, 2013). Partant du point de vue de GUILBERT, satisfaire aux besoins de la langue n’est pas possible avec les ressources intérieures. Différents facteurs intérieurs et extérieurs sont à l’origine de l’emprunt. La raison principale de l’emprunt est le manque que ressent la langue cible dans son vocabulaire pour désigner des nouvelles réalités et satisfaire les besoins du développement accéléré du monde moderne. Un autre facteur à l’origine de ce phénomène est celui des contacts prolongés entre les peuples et les civilisations. Aucun peuple ne peut vivre isolé intellectuellement des autres. La langue française, au cours de son histoire, a emprunté à toutes les langues avec lesquelles elle a été en contact. Ce dernier se manifeste sur tous les plans, commercial, politique, culturel, conflictuel, etc. le nombre de mots empruntés témoignent la durée ainsi que la nature des contacts entre la langue source et la langue cible, comme l’explique bien Gaston Paris : « emprunts […] que fait un peuple, soit à des langues mortes, soit aux idiomes de ses voisins témoignent à la fois des lacunes qui existaient dans son vocabulaire et de sa capacité à accueillir de nouvelles idées ou de nouveaux éléments de culture ; ils attestent, en même temps, l’influence exercée sur ce peuple, soit par l’instruction qu’il acquiert, soit par le commerce plus ou moins amical des étrangers avec lesquels il se trouve en rapport. » cité dans (OURFAHLI, J, 2007). Plusieurs auteurs et linguistes définissent l’emprunt, chacun selon son point de vue. Nous exposons les définitions les plus pertinentes en essayant de les commenter. Selon Jean Dubois (2007 : 177): « il y a emprunt linguistique quand un parler A utilise et finit par intégrer une unité ou un trait linguistique qui existait précédemment dans un parler B (dit langue source) et que A ne possédait pas. L’unité ou le trait emprunté sont eux mêmes appelés emprunts.» Cité dans (HOLUBOVA, E., 2008). Partant de cette définition, nous pouvons comprendre que l’emprunt est le procédé par lequel une langue adopte une unité ou un trait linguistique qu’il soit lexical, sémantique, phonologique, syntaxique) d’une autre langue. Dans la même définition, l’auteur met l’accent sur le fait que l’unité ou le trait linguistique emprunté n’existait pas, auparavant, dans la langue cible.

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Table des matières

Introduction Générale
Chapitre I : Notions théoriques
I.1 Définition du « droit »
I.1.1 Concept de « droit »
I.1.2 Définition du terme « juridique »
I.2 Frontières entre les notions : Terme, concept, contexte
I.2.1 Terme
I.2.2 Concept
I.2.3 Contexte
I.3 Langue de spécialité et langue spécialisée
I.3.1 Définition
I.3.2 langue de spécialité vs langue commune
I.4 Le langage juridique
I.4.1 Vocabulaire juridique
I.4.2 Catégories des termes juridiques
I.4.2.1 Termes d’appartenance juridique exclusive
I.4.2.2 Termes à double appartenance
Chapitre II : Formation des termes
II.1 Eléments nécessaires pour la formation des termes
II.1.1 Lexème
II.1.2 Morphème
II.1.3 Désinence
II.1.3 Affixe
II.1.4 Elément formant
II.1.5 Mot
II.1.6 Lexie
II.2 Procédés de formation des termes
II.2.1 Formation des termes avec les ressources internes de la langue
II.2.1.1 Dérivation
II.2.1.2 Formation parasynthétique
II.2.1.3 Composition
II.2.1.4 Réduction de la forme
II.2.1.6 Changement de fonction grammaticale
II.2.2 Formation des termes par les ressources externes
II.2.2.1 Emprunt linguistique
Chapitre III : Analyse du corpus
III.1 Elaboration du corpus, présentation de l’analyse
III.2 Présentation de l’analyse
III.3 Analyse du corpus
III.3.1 Analyse de la matrice interne
III.3.1.1 Affixation (dérivation)
III.3.1.2 Composition
III.3.1.3 Changement de fonction
III.3.1.4 Réduction de la forme
III.3.2 Analyse de la matrice externe
III.3.2.1 Emprunt
Chapitre IV : Traduction juridique du code de la famille en Algérie
IV.1 Importance de la notion de culture dans le contexte de traduction juridique
IV.2 Procédés de traduction juridique
IV.2.1 Emprunt
IV.2.2 Calque
IV.2.3 Traduction littérale
IV.2.4 Transposition
IV.2.5 Modulation
IV.2.6 Adaptation
IV.3 Traduction juridique de l’arabe au français dans le contexte algérien de doit de la famille
IV.4 Problèmes de la traduction juridique
IV.5 Cas du code algérien de la famille
Conclusion générale
Bibliographie
Indexe
Annexes

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