Procédé de fonderie de précision
Principe du procédé de fonderie de précision
La fonderie de précision est une technique utilisée initialement pour l’élaboration de petites pièces à faible sollicitation mécanique. L’élaboration de ces pièces s’effectuait par fusion au four à induction sous vide suivie par une refusion à électrode consommable sous vide. A partir des années 1960, pour obtenir des alliages plus résistants à chaud, la fonderie de précision a été proposée. Cette technique est basée sur une refusion et une coulée des pièces sous vide. Un noyau céramique est utilisé pour élaborer des pièces creuses, telles que les aubes de turbine, comportant des circuits de refroidissement dont l’épaisseur est de l’ordre de 0.5mm.
Le procédé de solidification dirigée, utilisé dans la fonderie de précision, a débuté dans les années 1970 pour élaborer des aubes de turbine faites d’un ou plusieurs grains colonnaires présentant un axe <100> aligné avec la direction principale de sollicitation. L’intérêt de la texture colonnaire est d’éliminer les joints de grains perpendiculaires à la contrainte principale induite par la force centrifuge. Cela permet d’augmenter la durée de vie de la pièce en empêchant d’une part le glissement le long des joints et d’autre part la cavitation sur les joints perpendiculaire à l’axe de l’aube [Lesoult, 2010].
En pratique, il est difficile de contrôler les flux de chaleur au cours de la solidification. La géométrie complexe des pièces, le rayonnement entre-elles dans une même grappe, ou avec le refroidisseur, la présence des impuretés dans le métal liquide ou encore la modification du gradient thermique en présence de solide en cours de formation sont des facteurs qui déstabilisent le flux de chaleur souhaité. Par suite, on risque d’avoir des défauts de solidification tels que la germination parasite, les freckles ou les micro/macro porosités,…
Défauts de solidification des dendrites de grains colonnaires
Les défauts de solidification des structures colonnaires de grains représentent des inhomogénéités structurales dans les pièces souhaitées monocristallines (ex : freckles, microporosités, grains parasites, les slivers,…). Dans l’industrie, des normes de tolérance ont permis de classer ces défauts selon leurs impacts sur le comportement thermique et mécanique de la pièce. Les grains parasites sont des défauts importants qui se forment au cours de la solidification des pièces dont les joins de grains sont observés avant et après les traitements thermiques d’homogénéisation.
Expérimentalement, l’observation des grains parasites s’effectue par macrographie. La pièce solidifiée subit un traitement par voie chimique ou électrolytique. Les zones fortement contrastées marquent la présence de grains parasites séparés du grain sélectionné par des joints de grains. Les zones faiblement contrastées représentent des faibles désorientations du réseau cristallographique de la dendrite renfermant des sous-joints de grains .
De nombreux mécanismes contribuent à la formation de ces grains « parasites » : la complexité de la géométrie des pièces, la cinétique de la solidification, les paramètres du four, etc. Tous ces mécanismes influencent les courbures des isothermes mesurées au cours de la solidification. Des études expérimentales ont été menées pour comprendre les causes de la germination parasite dans les aubes de turbine.
Courbure de l’isotherme et influence de la surfusion
Généralement dans les laboratoires, les éprouvettes solidifiées sous des conditions de Bridgman ont une section constante et de petite dimension dans la direction transversale. Par suite, le gradient thermique appliqué est principalement unidirectionnel avec un faible flux de chaleur latéral axisymétrique résiduel. En revanche, la géométrie des pièces réelles est plus complexe (aubes de turbines). Par conséquent, le flux de chaleur est dissymétrique. Le changement abrupt de section peut induire des clusters de porosité ou une recristallisation due à des déformations et des contraintes induites [Goldschmidt, 1992].
Goldschmidt et al. [Goldschmidt, 1992] ont fait des expériences de solidification sur des aubes de turbine de superalliages CMSX-6 et SRR99. Ils ont remarqué que les courbes des isothermes sont fortement influencées par la vitesse de refroidissement, la surfusion, le système d’écran thermique (par radiation) entre les zones froides et chaudes et la géométrie de la pièce coulée.
La courbure concave dans les deux zones est retrouvée en imposant une vitesse de tirage élevée (5 à 10 mm/min). Dans ce cas, la température du bord de la plateforme est inférieure à celle de la température du liquidus et les pointes des dendrites primaires sont encore incapables d’atteindre cette zone. Il résulte alors – selon l’importance de la surfusion – une germination hétérogène ou un développement rapide des bras secondaires de dendrite . Pour les superalliages SRR99 et CMSX-6, des surfusions maximales de l’ordre de 17 et 27 degrés sont respectivement mesurées. Le développement des bras de dendrite s’accompagne d’une libération de chaleur très importante en provocant une recalescence dans le liquide surfondu. Par conséquence, les bras dendritiques secondaires risquent de refondre et de reformer un nouveau grain par germination hétérogène ou par fragmentation .
En outre, le changement brusque de la section et de la vitesse de tirage peut provoquer la distorsion de la matrice du monograin (structure mosaïque) due au changement des régimes de croissance dans la zone de surfusion [Goldschmidt, 1992]. Lorsque la courbure de l’isotherme du liquidus est convexe, un risque de microporosités peut avoir lieu dans la plateforme. Sous une faible vitesse de refroidissement (v < 2mm/min), le volume peut subir un retrait de 1 à 3% qui ne peut pas être compensé par un approvisionnement en liquide. On trouve à la fin de la solidification des amas de porosités ouvertes [Goldschmidt, 1992]. Meyer et al. [Meyer ter Vehn, 1996] ont proposé des solutions technologiques pour réduire les surfusions au niveau des plateformes des aubes de turbines monocristallines élaborées en superalliages CMSX-6 et le SC-16. Ils ont montré que ces surfusions diminuent en appliquant une vitesse de refroidissement plus faible ou en renforçant l’isolation du moule au dessus de la plateforme par l’ajout d’une couche isolante de SiO2-Al2O3.
Compétition et croissance des structures colonnaires
Le contrôle de la vitesse de croissance des dendrites est d’une grande importance afin d’optimiser la qualité et le coût du procédé. Toutefois, une fluctuation de ce paramètre peut créer plusieurs cristaux isolés par fragmentation des bras de dendrite [Jackson, 1966]. Cette fluctuation est due à un mélange de courants convectifs (naturels ou forcés) dans le liquide au voisinage du bras de dendrite.
La croissance des structures colonnaires dans un procédé de solidification dirigée n’est pas la même d’une zone à une autre. Gandin et al. [Gandin, 1995] ont étudié l’extension dans une région liquide d’un monograin ayant passé un coin rentrant. Les branches secondaires des dendrites débordant dans le coin rentrant remplissent la zone liquide ouverte surfondue jusqu’à atteindre le bord de l’échantillon. Ces branches sont alors bloquées et de nouvelles branches tertiaires sont initiées à croître parallèlement aux branches primaires. Cette configuration est critique parce qu’il peut y avoir une désorientation de ces nouvelles branches tertiaires par refusion partielle induite par la recalescence. Une distorsion de la texture du grain peut également se former.
Un modèle analytique a été développé par De Bussac et Gandin [De Bussac, 1997] afin de prédire les zones de formation des grains parasites à partir d’une étude paramétrique. Une fenêtre évitant la germination des grains parasites est représentée dans le diagramme gradient thermique (G) – vitesse des isothermes (vL).
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Table des matières
Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 Revue bibliographique
1.1. Procédé de fonderie de précision
1.1.1.Principe du procédé de fonderie de précision
1.1.2.Les alliages base nickel
1.1.3.Défauts de solidification des dendrites de grains colonnaires
1.2. Phénomènes en solidification
1.2.1.Aspect thermodynamique
1.2.2.Genèse des microstructures de solidification
1.3. Cinétique de croissance de la pointe de dendrite
1.3.1.Problème de diffusion à la pointe de dendrite
1.3.2.Stabilité de l’interface solide/liquide
1.3.3.Extension pour les alliages multicomposés
1.4. Longueurs caractéristiques de la microstructure : espacements interdendritiques primaire et secondaire
1.4.1.Espacement interdendritique primaire
1.4.2.Espacement interdendritique secondaire
1.5. Microségrégation dans les alliages métalliques
1.5.1.Généralité
1.5.2.La microségrégation dans les alliages binaires
1.5.3.La microségrégation dans les alliages multicomposés
1.6. Simulation du procédé de solidification : méthode des Automates Cellulaires
1.7. Conclusion et choix des axes de recherche
Chapitre 2 Techniques expérimentales et caractérisations
2.1. Trempe en cours de Solidification Dirigée (TSD)
2.1.1.Description du dispositif
2.1.2.Mesure de la température
2.1.2.1 Contrôle de la température du four
2.1.2.2 Mesure des températures d’équilibre par ATD
2.1.2.3 Mesure des températures d’équilibre par TSD
2.1.2.4 Comparaison des mesures des températures de transformation
2.1.3.Mesure de la microségrégation chimique
2.1.4.Mesure de la fraction solide
2.1.5.Caractérisation morphologique
2.1.5.1 Espacement interdendritique primaire
2.1.5.2 Espacement interdendritique secondaire
2.1.5.3 Rayon de la pointe de dendrite
2.2. Analyse EBSD sur des coupes transversales des aubes de turbines monocristallines
2.3. Conclusion
Chapitre 3 Modèle de microségrégation pour les alliages multicomposés
3.1. Equations de conservation
3.1.1.Conservation de la masse totale et de la masse des solutés
3.1.2.Théorème de prise de moyenne
3.1.3.Hypothèses générales du modèle
3.1.4.Equations moyennes de conservation de la masse totale et de la masse du soluté
3.1.5.Bilan d’énergie
3.2. Hypothèses et équations supplémentaires du modèle
3.2.1.Géométrie
3.2.2.Echanges de masse
3.2.2.1 Existence des zones, interfaces et frontières
3.2.2.2 Densité d’interface
3.2.2.3 Longueurs de diffusion
3.2.3.Equilibre thermodynamique
3.2.4.Echanges de la chaleur avec l’extérieur
3.2.5.Germination
3.2.6.Croissance
3.2.6.1 Croissance dendritique
3.2.6.2 Croissance globulitique
3.3. Résolution numérique
3.3.1.Couplage Thermo-Calc
3.3.1.1 Notion de segments d’équilibre
3.3.1.2 Calcul de l’équilibre thermodynamique
3.3.2.Problèmes et algorithmes de résolution
3.3.2.1 Contrôle de la germination des phases
3.3.2.2 La cinétique de croissance de la pointe de dendrite
3.3.2.3 La composition et la vitesse de l’interface solide s(1)/liquide l(1)
3.3.2.4 La microségrégation dans les alliages multicomposés
3.3.2.5 L’algorithme global du modèle
3.3.3.Approximations numériques
3.3.3.1 Fonction d’Ivantsov
3.4. Données d’entrée du modèle
3.4.1.Données expérimentales
3.4.2.Tableau de données
3.4.3.Données de diffusion
3.5. Résultats de la modélisation
3.5.1.Résultats qualitatifs du modèle
3.5.2.Etude de la sensibilité des paramètres du modèle
3.5.2.1 Taille du domaine
3.5.2.2 Géométrie de l’enveloppe de grain
3.5.2.3 Diffusion des solutés
3.5.2.4 Espacement interdendritique secondaire 2
3.5.2.5 Surfusion de germination
3.5.2.6 Coefficients de Gibbs-Thomson
3.5.3.Résultats quantitatifs du modèle
3.5.3.1 Chemins de solidification
3.5.3.2 Cinétique de croissance de la pointe de dendrite
3.6. Discussion
Conclusion générale
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