Les lésions dentaires non carieuses sont définies comme des processus de destructions chroniques irréversibles des tissus durs de la dent d’origine non bactérienne. L’érosion, l’abrasion, l’abfraction, l’attrition et la démastication en constituent les principales pathologies. Elle furent étudiées pour la première fois par MILLER en 1907 qui lia leur existence à des facteurs chimiques et mécaniques tels que :
– les prises répétitives d’aliments acides ;
– les pratiques d’hygiène bucco-dentaire mal adaptées ;
– les désordres gastro-intestinaux .
Ces lésions regroupent des formes cliniques diverses allant des cannelures peu profondes aux grands défauts anatomiques en forme de cale. Sans traitement, certaines lésions peuvent évoluer jusqu’à la destruction totale des couronnes dentaires. La maîtrise des facteurs étiologiques est essentielle pour d’une part arrêter la progression des lésions existantes et d’autre part prévenir l’apparition de futures lésions. Aussi l’efficacité du traitement exige au préalable l’élimination des facteurs étiologiques. Avec la diminution de la prévalence de la carie dentaire, les lésions dentaires non carieuses sont en nette progression dans les pays développés et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) prédit leur augmentation en terme de pourcentage par rapport aux lésions carieuses. La prévalence varie entre 5 et 85 % toutes étiologies confondues (34, 68).Au Sénégal, une étude réalisée en 2001 dans le département de Dakar a enregistré une prévalence de 41.40 % .
L’intérêt de l’étude des lésions dentaires non carieuses en odontologie est réel. Certaines lésions nécessitent une prise en charge immédiate. Celle-ci passe par une détermination claire et précise des différents facteurs étiologiques. D’autres lésions telles que l’attrition et la démastication sont physiologiques et n’appellent des traitements que si elles ont une expression clinique (douleur, sensibilité). Le diagnostic de ces lésions est souvent difficile car plusieurs facteurs sont mis en cause. Les facteurs extrinsèques (alimentation, environnement professionnel, méthodes d’hygiène orale) et les facteurs intrinsèques (vomissements, reflux gastro oesophagien, alcoolismes ) sont souvent cités. Devant les fortes prévalences enregistrées à Dakar (2) et la multiplicité des facteurs étiologiques (4), nous nous sommes intéressés aux problèmes diagnostiques et thérapeutiques posés par ces lésions aux chirurgiens dentistes de la région de Dakar. Pour atteindre ces objectifs, nous avons divisé notre travail en deux parties :
– premièrement nous avons fait une revue de la littérature sur l’organe dentaire et les lésions dentaires non carieuses ;
– deuxièmement nous avons réalisé une enquête épidémiologique auprès de 40 chirurgiens dentistes afin de déterminer la terminologie utilisée, la fréquence des consultations de ces lésions et les types de traitement utilisés.
ORGANE DENTAIRE
RAPPELS EMBRYOLOGIQUES ET ANATOMOHISTOLOGIQUES
Embryologie
La cavité buccale est constituée chez l’homme vers la 5ème semaine du développement intra-utérin. Elle est tapissée par une muqueuse constituée d’un épithélium de surface et de chorion sous jacent qui sont séparés par la lame basale épithélio-conjonctive. Pendant l’odontogénèse le chorion est appelé mésenchyme odontogène. Ce mésenchyme est un tissu conjonctif embryonnaire particulier de type ectomésenchymateux. Il naît de l’association du mésoblaste et des cellules issues de la crête neurale ayant migrés à partir du ganglion de la 5ème paire du trijumeau. La muqueuse buccale comprend deux secteurs :
– la muqueuse de l’arrière cavité buccale : son épithélium est d’origine entoblastique ;
– la muqueuse de l’avant cavité buccale : son épithélium est ectodermique.
La muqueuse buccale va recouvrir les gencives, donner les arcades dentaires et les germes dentaires. Ce qui revient à dire que l’odonte dérive de l’ectoblaste stomodéal et de l’ectomésenchyme. La dent est une muqueuse spécialisée dont la préfiguration se trouve au niveau de la muqueuse antérieure de la cavité buccale. Le germe dentaire est pris en charge très précocement par le mésenchyme odontogène qui donne la partie mésenchymateuse et le sac folliculaire.
Ainsi, l’épithélium ectoblastique donne l’organe amélaire ; la partie mésenchymateuse va donner le complexe pulpo-dentinaire ; le sac folliculaire donnera le cément et le desmodonte.
Anatomie
L’organe dentaire comprend deux parties:
– l’odonte ;
– le parodonte.
L’odonte
L’odonte ou la dent comme entité anatomique est un élément dur, organique et minéral, implanté dans le maxillaire ou la mandibule et dont l’ensemble constitue la denture . Les dents jouent un rôle important dans la mastication, la phonation et l’esthétique. L’odonte est constitué par trois tissus :
– l’émail d’origine épithéliale ;
– la dentine et la pulpe d’origine conjonctive qui constituent une entité appelée organe pulpo-dentinaire ou encore complexe pulpo-dentinaire.
Le parodonte
C’est l’appareil de soutien de la dent. Il est constitué par :
– le cément qui est une couche superficielle recouvrant la racine de la dent ;
– le ligament alvéolo-dentaire attachant la dent à l’alvéole du maxillaire ;
– l’os alvéolaire ;
– la gencive.
Histologie
Les tissus de l’odonte
L’émail
L’émail est à localisation coronaire exclusive. Il recouvre le complexe pulpo-dentinaire dont il assure la protection. C’est le tissu le plus minéralisé de l’organisme. Il est le seul tissu calcifié d’origine éctomésenchymateuse. L’émail est acellulaire et sans vascularisation.
– Structure
On distingue une partie prismatique et une partie inter-prismatique . L’émail prismatique est formé par la juxtaposition de prismes ou de bâtonnets minéralisés qui sont tendus depuis la jonction amélo-dentinaire jusqu’à la surface coronaire. Il renferme des cristaux d’hydroxyapatite. Entre les prismes, se trouve la substance inter-prismatique également minéralisée. L’émail aprismatique correspond à des zones inconstantes où les contours prismatiques ne sont pas visibles.
– Composition chimique
Le matériel amélaire comporte :
– une matrice minérale qui représente 96 à 98 % de l’émail. L’élément essentiel est l’hydroxyapatite. On trouve du calcium, du magnésium, du phosphore ;
– une matrice organique composée de protéines (énaméline, amélogénine, phosphoprotéines) et de lipides. Elle représente environ 2 % du tissu amélaire.
La matrice organique va diminuer pendant la maturation de l’émail. Elle passe de 17 % pour l’émail jeune à 2 % pour l’émail mûr tandis que la matrice minérale augmente avec l’intégration en son sein d’éléments minéraux tels que le fluor. Au cours de la sénescence, l’émail subit un certain nombre de modifications : usure, changement de couleur, diminution de la perméabilité.
Le complexe pulpo-dentinaire
Il est composé par deux entités de la dent :
– la dentine en périphérie ;
– la pulpe au centre.
En effet, l’imbrication des tissus pulpaire et dentinaire atteste au plan embryologique de la même origine éctomésenchymateuse. Du point de vue anatomique et histologique, cette corrélation pulpodentinaire s’explique par le fait que la pulpe élabore la dentine pendant toute la vie de la dent. Elle assure la sensibilité, la nutrition, surtout la défense de l’organe pulpo-dentinaire. Toute atteinte dentinaire entraîne une réaction au niveau pulpaire.
La dentine
La dentine est revêtue par l’émail au niveau coronaire et par le cément au niveau radiculaire. Elle entoure la pulpe sauf au niveau de l’apex. La dentine est caractérisée par son remaniement perpétuel, sa composition chimique et sa structure histocytologique marquée par la présence de tubuli dentinaires par lesquels arrive le fluide dentinaire qui provient de la vascularisation de la pulpe sous-jacente. Du point de vue morphologique nous avons :
– la dentine périphérique atubulaire ;
– la dentine circumpulpaire : la dentine péri tubulaire et inter tubulaire.
Du point de vue chronologique, on distingue :
– la dentine primaire : c’est la première dentine sécrétée ;
– la dentine secondaire sécrétée après éruption de la dent sur l’arcade ;
– la dentine tertiaire encore appelée dentine réactionnelle ou réparatrice.
Elle apparaît après action d’un stimulus nocif.
– La pulpe
La pulpe est un tissu conjonctif d’origine mésenchymateuse qui occupe la partie centrale de la dent. Elle joue un rôle physiologique fondamental. Elle est responsable de la vitalité de la dent. Elle est caractérisée par sa richesse en cellules, en fibres collagènes et par son système vasculaire et d’innervation très développé.
On peut diviser la pulpe en quatre zones :
– une zone centrale constituée par du tissu conjonctif lâche contenant les nerfs et les plus gros vaisseaux ;
– une zone, riche en fibroblastes et en fibrocytes, située autour de la zone centrale. C’est la zone cellulaire de HOHL.
– une zone acellulaire ou zone de WEILL située sous les odontoblastes ;
– une zone odontoblastique située en périphérie.
Les tissus du parodonte
Le parodonte comprend le cément, le desmodonte, l’os alvéolaire, la gencive. Le parodonte profond est constitué par le cément, le desmodonte et l’os alvéolaire. Le parodonte superficiel est constitué par la gencive. Il est en contact direct avec la pulpe par l’intermédiaire des canaux pulpaires.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : Rappels bibliographiques
I – ORGANE DENTAIRE
I.1- Rappels embryologiques et anatomo-histologiques
I.1.1- Embryologie
I.1.2- Anatomie
I.1.2.1- L’odonte
I.1.2.2- Le parodonte
I.1.3- Histologie
I.1.3.1- Les tissus de l’odonte
I.1.3.1.1- L’émail
I.1.3.1.2- Le complexe pulpo-dentinaire
I.1.3.2- Les tissus du parodonte
I.1.3.2.1- Le cément
I.1.3.2.2- Le desmodonte
I.1.3.2.3- L’os alvéolaire
I.1.3.2.4- La gencive
I.2- Les pathologies de l’organe dentaire
I.2.1- Les gingivopathies
I.2.2- Les parodontolyses
I.2.3- Les traumatismes
I.2.3.1- Définition
I.2.3.2- Classification
I.2.3.2.1- Classification de l’OMS
I.2.3.2.2- Classification de VANEK
I.2.4- Les pathologies carieuses
I.2.4.1- Définition
I.2.4.2- Etiologies des lésions carieuses
I.2.4.3- Les formes cliniques
I.2.5- Les lésions dentaires non carieuses
II- LES LESIONS DENTAIRES NON CARIEUSES
II.1- Définition
II.2- Historique
II.3- Etiologies
II.4- Classifications
II.5- Formes cliniques
II.5.1- L’abrasion
II.5.2- L’érosion
II.5.2.1- L’érosion extrinsèque
II.5.2.2- L’érosion intrinsèque
II.5.2.3- L’érosion idiopathique
II.5.3- L’abfraction
II.5.4- L’attrition
II.5.5- La démastication
II.6 – Diagnostic
II.6.1- L’abrasion
II.6.2- L’érosion
II.6.3- L’abfraction
II.6.4- l’attrition
II.6.5- La démastication
II.7- Traitement
II.7.1- Traitement préventif
II.7.1.1- Diminution de l’acidité en bouche
II.7.1.2- Augmentation du flux salivaire et de la formation de la pellicule acquise
II.7.1.3- Reminéralisation de la surface de l’émail :le fluor
II.7.1.4- La protection chimique
II.7.1.5- La protection mécanique
II.7.2- Traitement curatif
II.7.2.1- Les verres ionomères
II.7.2.2- Les résines composites combinées avec un agent de liaison dentinaire
II.7.2.3- Les composites ou verres de porcelaine
II.7.2.4- Les couronnes et les bridges
DEUXIEME PARTIE / Notre étude : Problèmes de diagnostic et de traitement des lésions dentaire non-carieuses
I- OBJECTIFS ET JUSTIFICATIONS
II- CADRE D’ETUDE
III- MATERIEL ET METHODE
III.1- Matériel
III.1.1- Fiche de recueil de données
III.1.2- Les photographies
III.1.3- Echantillonnage
III.2- Méthode
III .2.1- Critères d’inclusion
III.2.2- Recueil des données
III.2.2.1- Caractéristiques de l’échantillon
III.2.2.2- Problèmes de diagnostic et de traitement
III.2.3. Analyse des données
IV- Résultats
IV.1- Caractéristiques de l’échantillon
IV.1.1- Secteur d’activité
IV.1.2- Année d’obtention du diplôme
IV.1.3- Etudes Post-doctorales
IV.1.3.1- Diplôme de spécialisation
IV.1.3.2- Formation continue
IV.4- DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT
IV.4.1- Terminologie utilisée
IV.4.2- Fréquence des lésions
IV.4.3- Traitement
V- DISCUSSIONS
V.1- Diagnostic
V.3.1- Abrasion
V.3.2- Erosion
V.3.3- Attrition
V.3.4- Abfraction
V.3.5- La démastication
V.3.6- La carie dentaire
V.2- Prise en charge thérapeutique
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE