Problématiques et défis du développement du MRT Jakarta : le rôle central de l’intégration

La place donnée aux véhicules privés, dans le modèle urbain

La construction urbaine et le développement des transports sont fortement liés (Offner, 2006). Un des aspects majeurs dans le cas de Jakarta, est la place donnée aux véhicules privés dans le développement du modèle urbain depuis l’indépendance. Ceci permet de comprendre la structure des transports actuels.
En effet, la période du développement du marché automobile a débuté fortement à partir des années 1970, durant le régime de Suharto. Les politiques de cette époque visaient à prioriser le développement de ce marché, dans une période de nouvelles ouvertures de « relations » avec l’occident, et notamment la Banque Mondiale (Lo, Ria Hutabarat, 2010), en développant fortement le réseau routier. La construction d’infrastructures routières s’est multipliée dans la capitale, pour étendre le réseau routier aux municipalités périphériques, qui forment aujourd’hui l’aire métropolitaine de la ville, avec notamment la première autoroute radiale de Jagowari, construire entre 1970 et 1978 pour joindre Bogor, au Sud de Jakarta ; une seconde en 1984 vers Tangerang à l’Ouest, puis une autre vers l’Est, en 1988, vers Bekasi, allant jusqu’à Cikampek (« Géographie d’un milieu : propriétaires, chauffeurs et organisations de minibus à Jakarta » Rémi Desmoulière, 2019, INALCO). Dans la même période, un périphérique autoroutier se développa jusqu’aux années 1990, entourant le centre de Jakarta (entre Muara Angke, Grogol, Semanggi, Cawang), puis un second par la suite, sous forme de seconde couronne, en reliant l’ensemble des municipalités périphériques et Jakarta (Tangerang à l’Ouest, Depok au Sud, Bekasi à l’Est). Cette période marque donc un tournant des transports urbains de Jakarta, avec un développement routier fort et une « sub-urbanisation routière » (Lo, Ria Hutabarat, 2010). Ce n’est que par la suite, à partir de la fin de l’ère de Suharto au pouvoir, et le début de la phase de reformasi, que des projets de transports publics de masse sont mis en place, pour répondre aux problématiques de congestion routière déjà présente. Cette dynamique fut marquée par la mise en place par le gouverneur de Jakarta de l’époque, Sutiyoso, d’un système du Bus Rapid Transit à voies spéciales, basée sur l’exemple du BRT de Bogota, le « Transjakarta » dont la première ligne à ouverte en 2004, et qui est aujourd’hui le mode de transport de masse le plus utilisé dans la capitale, avec une moyenne de 800 000 usagers quotidiens (Transjakarta: A Study in Success, ITDP, 2019).
Malgré cette réalisation, les investissements en infrastructures routières n’ont pas cessé, jusqu’à la période actuelle, avec notamment au début des années 2000 la construction du deuxième et troisième périphérique urbain de Jakarta. (R. Desmoulière, 2019).
L’orientation des politiques publiques vers un développement automobile fort a donc guidé le développement d’infrastructures urbaines (routières), qui ont régie et forgé les formes urbaines de la métropole de Jakarta, avec un étalement vers les périphéries qui composent le « Grand Jakarta » (Jabodetabek).
La place donnée aux voitures fut basée sur une dynamique politique claire, de développement économique. Cela a marqué les formes urbaines par le développement de grandes infrastructures routières, en connectant les villes périphériques, et en participant à l’étalement urbain. Le modèle d’urbanisation s’est donc lié à la forte dépendance automobile créée par les politiques qui ont encouragé son développement.
Ces villes périphériques se sont développées massivement, avec une croissance démographique (de 3% en moyenne entre 2000 et 2010)12 qui mène directement à la croissance de mobilités quotidiennes périphéries/centre entre ces zones et Jakarta. C’est à travers cette évolution que s’est renforcée la catégorie des « commuters » (navetteurs), avec une multiplication par 10 de leur nombre entre 1985 et 2002 (JICA & BAPPENAS, 2004), qui représentaient en 2014 1,382 millions déplacement quotidiens, et dont le moyen de transport le plus adapté restent les véhicules privés, voiture et deux-roues, avec une part d’utilisation des transports publics encore faible (Budiati et al., 2018).
Ces évolutions et l’urbanisation massive vers ces zones périphériques permettent de comprendre l’importance de la prise en compte à l’échelle de Jabodetabek (aire métropolitaine de Jakarta) des enjeux de mobilités quotidiennes de la capitale Indonésienne, et particulièrement de la problématique centrale de la congestion urbaine.
Comme évoqué, les politiques urbaines qui ont menée à cette situation se sont basées principalement sur le développement économique fort dans les décennies suivant l’indépendance du pays, et certains traits communs se retrouvant dans les autres capitales d’Asie du Sud-Est, avec une croissance démographique forte, une augmentation de la motorisation, et un développement commercial et résidentiel éparpillé en périphéries, basé sur l’extension des réseaux de voirie, qui mène à l’allongement des parcours quotidiens entre les lieux de résidence et les destinations (T. Nguyen, 2011).
L’augmentation des infrastructures routières, pour répondre à l’augmentation des véhicules en circulation et éviter la congestion, mène à une logique de cercle vicieux, dont l’expansion du réseau est la conséquence mais aussi la cause des embouteillages et de l’étalement (Dupuy, 1999).
Le développement qu’a connu l’Indonésie et Jakarta particulièrement, en tant que capitale, à savoir l’industrialisation, la croissance économique, l’étalement urbain et la motorisation forment un ensemble de phénomènes inter-connectés, qui amène à la situation actuelle de congestion et de problématiques de transport, avec notamment la très faible part d’usage des transports publics jusqu’à aujourd’hui. Ces évolutions historiques, de constructions urbaines et de priorité au développement des véhicules privés, permettent d’observer les inter-connections entre ces deux domaines. Les conséquences des trajectoires de politiques urbaines s’observent aujourd’hui dans le système des transports urbains de la ville, à travers les structures des modes de transport dominants.

Système des transports urbains de la capitale indonésienne

Les transports urbains de l’aire métropolitaine de Jakarta (JMA) sont caractérisés par une forte dominance des véhicules privés, résultats des politiques urbaines évoquées plus tôt. Aujourd’hui, cela s’observe à travers une répartition modale déséquilibrée. En termes de type de véhicules, la plus grande proportion sont les deux-roues, avec 73,92%, suivie par les voitures particulières, avec 19,58% de la part totale, puis le véhicules de chargement (3,83%), et finalement les transports publics, avec seulement 1,88% de la part totale des véhicules en circulation (Source : BPS, the Indonesian Central Statistics Agency, 2018).
La très faible part de circulation des transports en commun est à nuancer, par le nombre plus grand d’individus qu’ils peuvent contenir. Malgré tout, la proportion de déplacement en transport public reste faible dans les déplacements de navetteurs quotidiens, avec une dominance de la part modale de 62,2% des trajets effectuées en transport privés (Farda Muhammad, Al-Rasyid Lubis H., 2018), comme observé sur ce graphique (figure 5).

Les transports publics intermédiaires

« Les deux-roues motorisés sont deux fois plus rapides qu’une voiture à Jakarta, ils consomment un dixième du carburant, sont dix fois moins chères et occupent beaucoup moins d’espace ».
C’est ce qu’explique Nadiem Makarim, fondateur et directeur général de Go-Jek, plateforme de réservation en ligne de motos-taxis (et autres services) dans une interview pour le Guardian .
Cette entreprise indonésienne, avec Grab, sont les deux plateformes numériques de réservations de taxis et motos-taxis. Ces motos-taxis, anciennement ojek, représentent un type de transport issu de la catégorie des transports publics intermédiaires. C’est une des catégories à prendre en considération dans l’organisation des transports de Jakarta, et qui s’observe plus largement dans la plupart des capitales du Sud-Est Asiatique.
En effet, les pays du Sud et particulièrement en Asie, présentent des particularités d’une grande proportion des « transports publics intermédiaires ». (Panjaitan, 2016). Ceux-ci appartiennent à la catégorie des transports publics mais sont souvent organisés de manière indépendante, informelle, et ne dépendent pas de la gestion du gouvernement. Ils interviennent donc comme un complément pour combler les manques de politiques publiques. (Thirumurthy & Yamamura, 1986).
Ils sont tolérés et ne concurrencent pas directement les transports publics formels, « puisqu’ils desservent des trajets courts et sont flexibles en termes de temps et d’espace « (Rahman, 2013) Les caractéristiques principaux de ces transports intermédiaires sont : l’entreprenariat (créés par le secteur privé ou individuel), les conditions d’utilisation (nombre faible de passagers) et le prix (variable selon les usages, possibilité de négociations). (Panjaitan, 2016) Pour évoquer ces transports non-centralisés, la notion de paratransit peut s’y appliquer. Celle-ci désigne en effet des « formes de transports intra-urbains de personnes, accessibles au public, distinctes de transports conventionnels – autobus et trains aux horaires réguliers – et qui peuvent utiliser les réseaux routiers et aviaires (Kirby Ronald, 1974).
La part de transport publics intermédiaires regroupe 4 catégories qu’il est possible de distinguer :
Les Taxis, les Bajaj, Ojek et Gojek (Panjaitan, 2016).
Ce qu’il est intéressant d’observer ici, c’est la grande majorité des transports d’online ojek (Go-jek et Grab) dans la part globale des transports publics intermédiaires. Les services de plateformes en ligne de motos-taxis, à savoir Go-jek et Grab, représentent aujourd’hui un poids fort dans l’organisation et la prise en compte des enjeux de transport à Jakarta. Leur rôle, leurs effets sur les mobilités et leur intégration seront discutés plus en détails dans la 3e partie.
Il existe ensuite de nombreuses compagnies privées de bus assignées par le gouvernement qui assurent les services de transports publics, parmi lesquelles MetroMini, Mayasari, Kopaja, Mikrolet, Angkot.
La notion de para-transit évoquée dans le cas des transports intermédiaires publics s’applique également à cette catégorie.
Il existe plusieurs catégories de bus privés, avec chacune leurs particularités et organisation spécifiques. Les « grands bus «, qui appartiennent tous à des compagnies structurées et de taille beaucoup plus importante, les « bus intermédiaires » avec des chauffeurs propriétaires de leurs véhicules et des aménagements similaires aux autobus standards, puis les minibus (Angkot, Mikrolet, Ompregan) qui se distinguent par l’exploitation de lignes fixes pré-établies, une grande autonomie des chauffeurs et un grand nombre de petits propriétaires de véhicules. « Ils se situent dans un entre-deux, entre le formel et l’informel, et entre des initiatives individuelles éclatées et des formes d’organisation collective. » (Desmoulière, 2019)
La complexité d’organisation de leur milieu, et le rôle important qu’ils jouent dans les mobilités quotidiennes des espaces de paratransit est largement évoqué dans la thèse de Rémi Desmoulière, « Géographie d’un milieu : propriétaires, chauffeurs et organisations de minibus à Jakarta » (2019).
Ces compagnies de bus privés desservent des localisations différentes avec chacun des véhicules de couleurs qui renseignent sur les destinations desservies, comme observé sur la figure 11, qui permet également d’illustrer les embouteillages de Jakarta, et la diversité de véhicules présents dans le trafic routier (voitures privés, forte présence des deux-roues, différents types de bus intermédiaires, angkot..). Ces services de transports sont souvent jugés comme dangereux à cause des véhicules rudimentaires et la conduite des chauffeurs (Panjaitan, 2010). De plus, la vétusté des véhicules utilisés produit un fort taux d’émission de particules.

Présentation des transports publics de masse

Pour continuer sur la présentation de la structure des transports urbains majeurs de Jakarta et de son aire métropolitaine, les transports publics de masses sont également à considérer. Évoqué dans la construction urbaine et les évolutions en termes de transport, avec sa mise en place supportée par les Nations Unies, inspiré du système de BRT de Bogota (Lo, Ria Hutabarat, 2010), le BRT de Transjakarta, exploité par Transportasi Jakarta Corp (une entreprise créée par le gouvernement local de Jakarta) est aujourd’hui le transport de masse principal de la capitale, avec la voie la plus longue du monde, un système qui s’étend sur 230,9 kilomètres, qui couvre principalement l’aire urbaine de Jakarta, jusqu’au bordures des villes périphériques de Jabodetabek, comme observé sur cette carte de la surface de couverte de son service (figure 11).
Malgré les critiques lors de sa mise en place en 2004, liées à la réduction de capacité routière des véhicules privés (M.Farda, H. al-Rasyid Lubis, 2018,) par son principe de voie spéciale, l’utilisation de ces bus semblent répondre à une véritable demande puisque le nombre de passagers a augmenté de 15.9 millions à 86.0 millions entre 2004 et 2010, selon le Jakarta Transportation Service (JTO).
En transportant plus de 6000 personnes par voie et par heure grâce à son principe de voies exclusives (illustré figure 12, à côté des embouteillages des voies normales), face à une moyenne de 1000 personnes par voie et par heure sur des voies partagées par des véhicules privés (Lo, Ria Hutabarat, 2010), ce mode de déplacement est aujourd’hui le transport public collectif le plus utilisé. Malgré cela, il est souvent en sur-capacité, durant les périodes fortes mais aussi creuses, avec une capacité normale de 80 personnes par bus mais un remplissage effectif de 120 personnes (Dewi, 2011).
D’autres inconvénients viennent remettre en cause la bonne utilisation de ce mode de déplacement, comme le non-respect des couloirs exclusifs, utilisés par d’autres véhicules individuels, acceptés par la police locale à cause de la congestion générale (Adhie Santika, Great Jakarta Agency, 2010).
En outre, malgré la large utilisation de ce mode de transport public, son prix de 3,500Rp (0,21€) par trajet reste trop cher pour une grande partie de la population qui dépend des transports plus abordables (autour de 700Rp (0,04€) à 1500Rp (0,09€) par trajet) de « para-transit », transports de plus faible qualité, informels, et parfois non-motorisés. (Lo, Ria Hutabarat, 2010)
De plus, le succès du Transjakarta et son efficacité reste concentrée dans les limites de la ville de Jakarta, malgré les quelques extensions qui permettent de desservir les périphéries. (M. Farda, H al-Rasyid Lubis, 2018)
En dehors des limites de la municipalité, pour servir les trajets complets des navetteurs quotidiens, venant et allant vers les municipalités périphériques de la métropole, le service de transports public de masse le plus utilisé est le KRL, Jabodetabek Suburban Train.
Joignant les différentes zones de Jabodetabek (figure 13), il permet aux commuters venant de ses villes périphériques d’effectuer leurs trajets quotidiens vers le centre de Jakarta. Basé sur les voies ferroviaires mises en opération lors de la période coloniale en 1924, son service est depuis 2008 opéré par Indonesia Railway Corporation, entreprise publique, qui a créée une filiale pour gérer ce service de périphérie, appelé KAI Commuter Jabodetabek Corp., changé par la suite enPT Kereta Commuter Indonesia (« Train navetteur d’Indonésie »). (Commuter Indonesia, « KRL – Commuterline Indonesia, 2018). Le gouvernement a commencé à investir à partir de 2007 sur ce service, dont les investissements étaient faibles et les infrastructures insuffisantes (Turner, 2013).
Ce graphique (figure 14) démontre son utilisation croissante lors de la dernière décennie, ici entre 2011 et 2017, en augmentation constante, atteignant une moyenne de 993,804 passagers par jour en 2017.
Comme observé sur cette carte, la faible longueur de cette ligne, ainsi que sa mise en place encore plus récente que celle du MRT ne permettent pas une étude si complète. Pour cette raison, dans cette étude, le cas du LRT ne sera pas abordé à la même hauteur que le MRT Jakarta, mais seulement dans le cadre des relations et des éventuelles intégrations qu’il pourra avoir avec la ligne existante du MRT.
Face aux systèmes existants du Transjakarta et du KRL qui existent depuis la première décennie des années 2000, le cas du MRT et LRT représentent des infrastructures encore nouvelles, dont les projets sont encore en cours et dont l’ensemble des phases de construction ne sont pas terminées. Ces projets de transports publics de masse sont coûteux et leur période de construction longue, et viennent s’installer dans un contexte de transport urbain qui s’est défini et formé en leur absence.
Comme évoqué au fil de cette première partie, les structures de transports urbains se sont formées en inter-connection avec les évolutions urbaines de la capitale indonésienne. Comme observé dans les structures des transports, une des évolutions majeures du développement urbain de Jakarta est son expansion du centre vers l’ensemble des périphéries qui forment l’aire métropolitaine de Jabodetabek.
Le poids croissant des périphéries dans l’aire métropole de Jakarta, qui concentrent les augmentations démographiques, pèse directement sur les mobilités quotidiennes.
En effet, entre 1990 et 2010, la part de la population de Jakarta parmi l’ensemble des zones périphériques de l’aire métropolitaine a diminué, passant de 54,6% à 35,5% (T. Firman & F. Z. Fahmi , 2017). Le taux de croissance démographique moyen annuel sur la même période est effectivement supérieur (3%) dans les municipalités de Jabodetabek, que dans la ville de Jakarta (1,5%). Cette évolution illustre donc l’étalement urbain qui s’est effectué, avec des périphéries qui ont renforcé leur poids démographique, mais avec Jakarta qui a conservé la même centralité, et des mobilités quotidiennes qui restent dirigées vers ce centre, causant l’allongement des temps de trajet et l’augmentation des embouteillages. L’intensité de ces déplacements quotidiens depuis les périphéries (Bogor District, Bogor City, Depok, Tangerang District, Tangerang City, South Tangerang City, Bekasi District, Bekasi City) vers les différentes zones de la ville de Jakarta peut être largement observée dans ce tableau (figure 17) qui regroupe le nombre de trajets quotidiens entre ces périphéries et centres.

Problématiques urbaines liées aux transports, leurs conséquences sur l’environnement

L’intensification des flux des mobilités quotidiennes, l’allongement des distances vers les zones périphériques et la diversité des modes de transports utilisés amènent à de forts encombrements routiers. (H. Rahardjo, 2012) Comme l’évoque M. Wiel dans « Étalement urbain et mobilité » (2010) : « En ville, le trafic routier supplémentaire résulte d’abord massivement de l’allongement des trajets et de leur concentration là où les moyens de déplacements autres que l’automobile ne sont pas assez compétitifs (temps, sécurité, confort, flexibilité…) pour être une alternative suffisamment crédible. Cet allongement comme cette concentration sont les conséquences des transformations urbaines induites par l’amélioration des conditions de déplacement. La boucle est bouclée, il s’agit d’un processus qui s’auto-entretient ».
De nombreux embouteillages et congestions du trafic routier sont observés chaque jour dans les zones centrales de Jakarta et les autoroutes environnantes. Cela augmente directement le temps passé dans les transports, la pollution environnementale et les pertes économiques. (Hidayat & Asri, 2005) Cette congestion urbaine s’explique par l’étalement des activités, des infrastructures routières insuffisantes pour soutenir la croissance du nombre de véhicules en circulation, et les insatisfactions des transports publics. (Hidayat & Asri,2005) L’enjeu du temps est évidemment fortement présent, dans une Mega-City où l’activité économique se concentre. Malgré cela, selon une étude menée en 2018 par l’Agence Nationale des transports, 74 % des résidents de Jakarta déclarent être en retard dans différents évènements à cause des embouteillages. De plus, les propriétaires de voitures privées déclarent passer en moyenne 21 minutes par jour dans la recherche de places de stationnement. (M. Farda, & H. al-Rasyid Lubis, 2018)
« Le développement économique, industriel, démographique et l’urbanisation qui les accompagne a causé de fortes répercussions sur la qualité de l’air de Jakarta ». (Handayani, 2008)
Comme le montre ce tableau, Jakarta est désormais classée 5ème ville la plus polluée au monde, selon le rapport mondial sur la qualité de l’air de IQAir AirVisual de 2019 (figure 18) . Le taux de pollution de la capitale indonésienne est aujourd’hui supérieur de 20 % à celui de la capitale chinoise, Pékin, qui a mis en oeuvre ces dernières années des politiques de réduction pour améliorer ses émissions. Ces mesures sont basées sur les particules PM2.5 qui, en raison de leur taille, peuvent pénétrer profondément dans les poumons et être responsables de diverses maladies telles que l’asthme, le cancer du poumon, les maladies cardiovasculaires, le diabète et d’autres causes de décès.
Ce tableau (figure 20) met en évidence l’estimation des problèmes de santé causés par la pollution atmosphérique de la ville entre 1998 et 2015 (estimations car étude menée en 2004).
Les maladies directement liées sont la mortalité infantile, les admissions enregistrées dans les hôpitaux, les crises d’asthme, les problèmes respiratoires infantiles, les bronchites chroniques et l’ensemble des symptômes de difficultés respiratoires.
L’estimation de l’ensemble de ces maladies a considérablement augmenté, avec la mortalité infantile qui est estimée passer de 3 305 à 7 893 morts entre 1998 et 2015 pour la totalité de Jakarta ainsi des crises d’asthmes et des bronchites chroniques qui sont estimées à doubler en moyenne. Certaines parties de la capitale se démarquent comme encore plus fortement touchées, à l’image de l’Ouest de Jakarta, qui concentre les activités industrielles. (Napitupulu & Resosudarmo, 2004)
Un autre forme de pollution est sonore, qui touche l’ensemble de la métropole, à cause du bruit permanent lié à l’encombrement des transports, ceci peut être générateur de stress pour les habitants, ce qui a valu à la ville d’être classée parmi les villes les plus stressantes d’Asie et du monde .
La pollution environnementale est également présente dans les eaux de la ville, les rivières, les canaux et les eaux souterraines. Ces dernières années, diverses politiques ont été formulées pour s’attaquer au problème. (P. Luo, S.Kang et autres, 2019). Au niveau économique, l’encombrement urbain et les embouteillages causent également des externalités négatives. En effet, en 2002, une estimation à hauteur de 300 millions de dollars de perte économique a été calculée concernant le temps perdu dans les transports (Sugiarto, 2015).
L’encombrement du trafic routier s’est accentué ces dernières années et la perte économique qui en résulte est estimée à 1.5 milliards de dollars par an selon l’agence Jakarta Transportation Office (perte de temps, coût de santé et consommation énergétique) (Dewi, 2011). “En tant que métropole participant au processus d’émergence de l’économie de son pays, Jakarta prend part au mouvement de course à la compétitivité avec les autres métropoles majeures de la région “ (Dietrich, 2014). Selon André Chantal qui a étudié l’importance de l’image d’une ville, «l’objectif est d’attirer des entreprises, des hommes et des capitaux extérieurs, mais aussi de re-dynamiser l’existant en valorisant les acteurs locaux ». (Chantal, 1987)
Les transports urbains participent au façonnement de l’image de la ville, puisque comme étudié précédemment, ils renvoient à des enjeux économiques, écologiques, sociaux et pratiques.
Comme observé, la problématique principale de l’agglomération de Jakodetabek semble être la congestion automobile et l’ensemble des externalités négatives qu’elle engendre. Celle-ci peut donner à la ville une image négative, ce qui la pénalise dans sa compétitivité avec les capitales de la région dans l’objectif d’attraction d’investissements.
Les investissements étrangers directs en Indonésie représentent en moyenne 75,21 milliards de Rupiah Indonésiens (4 753 151,66€) entre 2010 et 2018. Les investisseurs internationaux cherchent en effet à capter le bassin de consommateurs de ce marché de 235 millions d’habitants (Banque Mondiale).
Cette partie, qui a commencé par se concentrer sur le processus de construction urbaine de Jakarta, influencée par la période coloniale et le développement intense de son aire urbaine depuis la période post-coloniale, avec des politiques urbaines marquantes de métropolisation, héritées par les périodes au pouvoir du premier président Sukarno, puis Suharto, qui malgré les différences d’orientation politiques possèdent le point commun d’une dynamique de modernisation constante, d’ouvertures aux capitaux et au développement d’une ville « vitrine ».
Les politiques urbaines et les investissements ayant permis le développement intense et large du transport automobile ont mené à l’étalement urbain et au renforcement constant du poids des périphéries, qui amène à considérer les mobilités et les enjeux de transports à l’échelle de la métropole du Grand Jakarta. Cet allongement des distances et la centralité de la ville de Jakarta entraîne des trajets des navetteurs quotidiens massifs, cause directe de la congestion urbaine de la ville et de la pollution, qui en fait donc un des enjeux central de la capitale indonésienne.

Le MRT Jakarta, son modèle et sa mise en place

Tout d’abord, l’arrivée du MRT (Mass Rapid Transit) se place dans un contexte de plan global, formulé par le gouvernement municipal et national, qui vise au développement des transports publics durables, pour la zone métropolitaine de Jakarta. Dans ce plan, les infrastructures du Transjakarta (Bus Rapid Transit) et du KRL (Jabodetabek Commuter Line), présentées précédemment, ont d’abord été développées (M. Farda & H. al-Rasyid Lubis, 2018). Venant compléter ces deux transports publics de masse, les infrastructures du MRT et du LRT (Light Rapid Transit) viennent en complément, pour répondre aux problèmes de congestion et de pollution urbaine, persistants malgré l’existence des réseaux de Bus et de Train opérants depuis la première décennie des années 2000. La construction du MRT en tant que solution possible pour faire face à la congestion des axes routiers peut s’observer symboliquement sur cette photo (figure 21), lors de la phase de construction de la première ligne, le long d’une autoroute urbaine de Jakarta.
Comme présentée brièvement dans la première partie, l’infrastructure du MRT en fonctionnement depuis Mars 2019 se caractérise par une ligne allant de Lebak Bulus, au Sud de Jakarta, à Bunderan Hotel Indonesia, au centre de Jakarta, à travers 13 stations, en couvrant un axe Sud/ Nord, un des plus fréquentés de Jakarta (F. Bachtiar, A. Rahardjo & A. Olii, 2019).

Mise en place du projet de l’infrastructure

La phase 1 du MRT Jakarta, dont la ligne a ouverte depuis le 24 mars 2019, est le résultat d’un financement d’un prêt à taux réduit de 16 000 milliards Rp (environ 1,3 milliards de dollars en 2008) de JICA (Agence de Coopération Internationale du Japon), exploitée par la compagnie publique de PT Mass Rapid Transit Jakarta.

Cadre légal, statut

L’entité du PT MRT Jakarta, a été créé sur la base légale du Règlement Régional de la province de Jakarta DKI, sur la loi numéro 3 de 2008, qui concerne la création des entreprises à propriété régionale (BUMD, Badan Usaha Milik Daerah), sous forme de Société à Responsabilité Limitée (PT, Perseroan Terbatas17). En Indonésie, il existe en effet 3 types d‘entreprises qui peuvent être constituées par le gouvernement régional : les agences de gestion (BP), les entreprises à propriété régionale sous formes de sociétés régionales (BUMD/PD), et les entreprises à propriété régionale sous forme de sociétés à responsabilité limitées (BUMD/PT), qui est le cas de l’entreprise du PT MRT Jakarta. La particularité de ce statut est sa flexibilité lui permettant une ouverture aux ressources financières externes, privées et étrangères, pour pallier les financements publics limités du gouvernement régional. Ce statut possède donc la particularité de pouvoir collaborer avec le secteur privé, mais également de recevoir des investissements étrangers.
En effet, le projet de la première ligne de MRT représente un coût total de 144 milliards de yens (environ 1,5 milliards de dollars), dont une grande partie, 120 milliards de yens (1,3 milliards de dollars) se basent un fond de prêt de JICA (Agence de Coopération Internationale du Japon), dont le remboursement sera couvert par le budget provincial à 30%, et national à 70%, avec un taux de 0,1% pendant 30 ans. La partie restante, non couverte par le prêt, est également partagée par la province de Jakarta à 58%, et le budget national à 42%. (Maimunah, Siti & Kaneko, Shinji, 2016)
Ce type de prêt d’une agence de coopération internationale, de « loan-fund » (fond de prêts) représente une forme « d’aide étrangère ». Les aides étrangères sont en effet divisées en deux types, à savoir les subventions et les prêts. Les subventions étrangères (grant) sont des aides fournies d’une partie à une autre, volontairement, sans remboursement. Les prêts étrangers (loan), nécessitent des remboursements selon les accords fixés entre les deux pays (Ariadi, 2013). La construction du MRT de Jakarta a été financée sous cette forme d’assistance. (A. Prastyani, 2016).

Définition des aides au développement

Les aides au développement sont donc un outil de coopération bilatérale entre deux pays. Les aides étrangères peuvent être définies globalement comme « le transfert volontaire de ressources publiques ou de prêts, d’un gouvernement à un autre gouvernement indépendant, à une ONG ou à une organisation internationale, dont l’un des objectifs est d’améliorer la condition humaine dans le pays qui reçoit l’aide. » (Lancaster & Carol, 2007).
La réalisation de ces aides au développement peut généralement être mis en oeuvre de 4 façons, à savoir : le paiement (remboursement du crédit), la passation de marchés (les aides étrangères peuvent servir d’outil de passations de marchés), les projets (le développement de projets dans le pays receveur de l’aide), ainsi que les politiques communes (ces aides peuvent inclure une série d’accords de développement de politiques publiques) (P. Hjertholm & H. White, 2000).
Ces aides étrangères comportent donc de nombreux aspects divers, hors du simple prêt financier, avec notamment l’aspect politique. En effet, celles-ci peuvent souvent servir en tant qu’instrument de politique étrangère, comme signe « d’approbation diplomatique », ou encore pour accroître le pouvoir dans le pays bénéficiaire, étendre l’influence culturelle, ou accéder à l’économie du pays bénéficiaire. (Lancaster & Carol, 2007). Ces aides profitent donc d’une certaine manière, aux deux pays concernés dans les accords.
Comme l’évoque Alan Rix dans son ouvrage sur les aides étrangères japonaise (« Japan’s Foreign Aid Challenge: Policy Reform and Aid Leadership. Japan’s Foreign Aid Challenge: Policy Reform and Aid Leadership, 2010) : « celles-ci ne peuvent être séparées des intentions et des motivations du pays « donateur », à savoir : les motivations humanitaires (visant à réduire la pauvreté dans les pays en développement, en soutenant la coopération économique), les motivations politiques (visant à améliorer l’image du pays donateur), les motivations de sécurité nationale (visant à générer une croissance économique qui favorise la stabilité politique et profitera aux intérêts des pays donateurs), ainsi que les motivations d’intérêt national (visant à soutenir les intérêts nationaux des pays donateurs). »
Ces aides au développement, qui représentent le caractère sur lequel se base le financement de l’infrastructure du MRT Jakarta, venant du Japon, se basent généralement sur plusieurs principes et motivations, avec comme logique une idée « d’aide », venant des pays développés, vers les pays en développement. Leur nature se base donc sur cette séparation qui catégorise les pays selon leur niveau de développement. Ce type de catégorisation peut être remis en question.
En effet, l’Indonésie semble rentrer dans cette catégorie, et bénéficie donc largement des aides au développement. Cette catégorisation mouvante se base sur des critères économiques et sociaux, héritée de la période des décolonisations. Les pays sont alors classés selon les différences de développement, selon « un vocabulaire permettant de classer les pays (développés, en voie de développement, sous-développés) selon leurs différences qui s’expriment en termes de gradient ou plutôt de retard par rapport à un centre « civilisé ». La diversité des sociétés était alors ramenée à des étapes chronologiques » (J. Dietrich, 2015). En se basant sur ces catégories, l’Indonésie, anciennement colonisée, peut se définir comme « en développement ». Malgré les indépendances et les décolonisations, ce type de catégorisation peut renvoyer à une vision héritée de la période coloniale, où la logique de domination entre métropole/colonies (J. Dietrich, 2015) se transforme en une logique de centre/périphérie, développés/en voie de développement.
Le principe d’aide au développement, qui dans sa nature se base sur ces divisions et visions des pays anciennement colonisés, peut se transformer en rapport de dépendance entre « assistant » et « aidé » (J. Dietrich, 2015).

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Table des matières
Introduction
Partie 1: Le MRT, une infrastructure nouvelle à replacer dans le contexte urbain de Jakarta
a) Le contexte historique de la construction urbaine de Jakarta
b) Le système des transports urbains de la capitale indonésienne
c) Les problématiques urbaines liées aux transports, leurs conséquences environnementales
Partie 2 : Le MRT Jakarta, son modèle et sa mise en place
a) La mise en place du projet de l’infrastructure
b) Description et analyse de l’infrastructure
c) Les objectifs de l’infrastructure, fixés lors de sa mise en place
Partie 3 : Les résultats du MRT Jakarta lors de sa première année de fonctionnement
a) Un faible impact sur la congestion urbaine et sur la situation globale des transports urbains
b) Les possibles raisons de sa faible utilisation
c) Les critères d’utilisation du MRT, dans la perspective d’un report modal
Partie 4 : Problématiques et défis du développement du MRT Jakarta : le rôle central de l’intégration
a) Le besoin d’intégration, le MRT ne peut pas résoudre seul les problématiques urbaines de Jakarta
b) Les cas d’intégration existantes, entre acteurs publics
c) La stratégie d’intégration à travers le système de TOD
d) L’importance de l’intégration aux transports publics intermédiaires
Partie 5 : Le besoin de politiques publiques cohérentes, le MRT n’est qu’un outil dans le système global des transports urbains de la capitale
a) Les cas de restrictions routières existantes
b) La nécessité du couplage de politiques dissuasives et incitatives
c) La possibilité du péage électronique urbain
d) Les perspectives d’évolution et recommandations
Conclusion
Bibliographie

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