Problématique du divorce par rapport à la conception de l’homme abstrait

PROBLEMATIQUE DU DIVORCE PAR RAPPORT A LA CONCEPTION DE L’HOMME ABSTRAIT 

Nous pouvons, d’entrée de jeu, dire que la pensée de Marx s’est dressée aux antipodes des théories solipsistes, idéalistes, mais aussi contre le matérialisme intuitif. L’individu n’est pas une entité isolée du monde que l’on peut analyser en aparté, dans une dynamique d’introspection. C’est pourquoi Marx s’érige à l’opposé de pensées telles que le cogito cartésien, car l’appréhension de l’homme ne se fait guère par le biais de l’esprit pur. Or dans le solipsisme on retrouve l’idée suivante laquelle la seule réalité existante et primordiale n’est autre que le sujet pensant. Dans ce sens, il faudra comprendre que la conception de l’homme reste confinée dans le domaine de la pensée, de l’esprit; ce qui, dans la perspective de Marx, nous montre que nous sommes là en présence d’une pure abstraction. Et, il s’est toujours battu contre toute approche spéculative à propos de l’individu. Ce dernier n’est pas une réalité à concevoir en dehors de la sphère sociale. Il ne ménagera point ses efforts pour qualifier de « Robinsonnades » toutes les théories qui supposent une étude de l’être humain dans un cadre abstractif. C’est la raison pour laquelle, en s’éloignant de la thèse solipsiste, Marx rompt également avec la vision idéaliste de l’homme. Il rejettera toute conception qui observerait une approche abstractive ou individualiste de l’homme. Dans ce sens, E. Balibar attestait que Marx refusait « à la fois le point de vue individualiste (primat de l’individu, et surtout fiction d’une individualité qui pourrait être définie pour isolément, que ce soit en terme de biologie ou de psychologie, de comportement économique etc.) et le point de vue organiciste (…point de vue holiste : primauté du tout notamment de la société considérée comme une unité indivisible dont les individus ne seraient que les membres fonctionnels) » .

Nous ne devons pas perdre de vue que Marx a été un jeune hégélien. Mais il s’est détourné de l’hégélianisme par la suite (à l’instar de Ludwig Feuerbach). Ce qu’il faut retenir c’est que Marx reproche à Hegel d’avoir une représentation purement idéaliste voire contemplative. Au fait, dans une telle perspective, l’esprit est considéré comme le principe directeur et explicatif de toute chose. De la sorte, la vie de l’homme ne se résume à rien d’autre qu’une simple manifestation de la vie intérieure de l’esprit. C’est pourquoi, on pe ut comprendre l’attitude de Marx lorsqu’il dénonçât l’incapacité de Hegel à supprimer la véritable aliénation dont est victime l’homme. Car, selon lui, Hegel n’a pas assez outillé sa pensée pour agir sur le réel. Or, la liberté est conçue, par Marx, comme représentant l’essence de l’homme, sa nature intrinsèque.

En plus l’homme ne peut se présenter dans sa vérité que lorsqu’il est en phase avec lui-même. Il est vrai qu’étudier l’homme c’est en faire le principe explicatif du monde parce que le monde c’est « le monde de l’homme ». D’où il faut changer l’optique de l’analyse de l’idéalisme dialectique pour pouvoir saisir les rouages de l’assujettissent dont est victime l’homme au sein de son existence réelle. Marx reproche à l’idéalisme hégélien de présenter, à b ien des égards, « la richesse ou le pouvoir de l’Etat, etc., comme des essences [wessen]  étrangères à la nature humaine, il les considère en tant qu’idée seulement… » . L’histoire de l’homme se résume en celle de l’esprit : elle reste et demeure dans le domaine de la pure contemplation voire spéculation. Ce qui pousse Marx à attester à propos de Hegel que « toute l’histoire de la dépossession et de la reconquête n’est pour lui que l’histoire de la genèse de la pensée abstraite et absolue, que la pensée logique et spéculative » .

Ainsi nous pouvons dire que la perception marxiste de l’homme diffère de celle hégélienne. En effet pour cette dernière, « l’être humain, l’homme, s’identifie à la conscience de soi. Toute l’aliénation de l’être humain n’est par conséquent que l’aliénation de la conscience de soi » . La publication de l’essence du christianisme de Ludwig Feuerbach a largement contribué à influencer Marx. En effet, celui-ci ne manquera guère de se départir de la conception de celui qui fût son maître à penser: Hegel. D’où il montrera q ue la religion est révélatrice de la condition d’aliénation dont est victime l’homme. Feuerbach démontrera que l’homme se projettera en un Dieu supérieur : en vérité, ce dit Dieu qui domine l’individu n’est rien d’autre que sa propre création. Ce que l’homme fait en réalité c’est qu’il « a extériorisé sa richesse en Dieu. Il s’est appauvrit d’autant plus lui-même qu’il a plus enrichi en Dieu. La véritable essence de l’homme c’est celle qu’il a mise en Dieu » . Ainsi, ce qu’il faut surtout noter c’est que l’essence de l’homme se p résente dans l’optique feuerbachienne comme une essence aliénée.

Feuerbach va recentrer le débat portant sur le sujet humain. Nous voyons les germes d’une pensée qui de plus en plus se veut de partir de l’homme concret : nous y voyons un premier pas quoique important. Au fait, il atteste que l’homme est « un être concret et son universalité se retrouve en ceci qu’il agit en tant que représentant d’un genre. L’individu lui-même tire son véritable sens du caractère infini de cette essence » . En 1886, après l’enthousiasme qui s’empara des jeunes hégéliens et que Engels avait dépeint dans Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, Marx se dressera contre la perception feuerbachienne. En effet, selon Karl Marx, Feuerbach a le mérite de se démarquer de la conception de l’homme abstrait prôné par Hegel. Seulement, il e st taxé – par Karl Marx – d’inconséquent même s’il a par ailleurs essayé d’instaurer une appréhension de l’homme concret. Dès lors, son matérialisme est teinté d’abstraction puisqu’il parle de l’homme générique. Et d’après Marx, il faudrait nécessairement dépasser « l’anthropologie de Feuerbach ».

MARX ET LA CONCEPTION DE L’ESSENCE HUMAINE

Les jeunes hégéliens ont tenté de combattre pour la liberté humaine ; seulement cette lutte était toujours confinée dans la sphère théorique. On peut même constater l’illusion que présentait cette dite lutte ; car elle s’est montrée incapable de conduire à une libération effective de l’homme au sein de son existence réelle. Or, il faut le dire la liberté est l’un des points cardinal sur lequel repose l’essence humaine. Le devenir historique de l’homme trouve ses germes dans la philosophie hégélienne. Et Marx ne manquera pas de s’en inspirer. Il en est de même pour ce qui constitue le matérialisme (concept qu’il retiendra de Feuerbach). Celui-ci l’aura permis d’asseoir une conception de l’homme en tant que entité réelle. Le matérialisme feuerbachien est une ouverture dans laquelle Marx s’engouffra pour aborder l’analyse de l’homme concret. Cependant il faudrait se garder de tomber dans le contre sens qui c onsisterait à penser qu’il s’adonne à une somme arithmétique des théories qui l’on influencées.

Nous constatons que dans les Manuscrits de 1844, Marx est plus préoccupé par la question de l’essence de l’homme. C’est la raison pour laquelle il axe sa pensée sur la capacité productive de l’individu. Ainsi, dès que l’on parle de l’homme défini par sa productivité, on se retrouve obligé d’aborder la problématique de l’aliénation. Cette dernière ne fait que renier l’essence véritable de l’homme : au sein de sa vie et de son mode d’existence, l’ouvrier (le travailleur) assiste à sa négation. Il ne s’agit plus, selon Marx, de s’adonner à une définition de l’homme qui se bâtirait sur les bases de l’apriorisme. ; Il ne s’agit pas non plus de se lancer dans une quête effrénée pour reconquérir une essence humaine (en tant que idéal à récupérer). Il est juste question d’interpeller cet te essence dans les faits, dans l’existence de l’homme : par le biais du travail.

Par rapport à cela, Karl Marx a montré l’un des mérites de l’économie politique. Car elle aura permis de prouver que l’aliénation de l’homme est réelle. En effet, selon les perspectives de l’économie politique on peut apercevoir que la nature humaine et l’aliénation résident dans le travail : surtout dans les processus d’échange. Ceux-ci nous permettent en quelque sorte de mieux voir et même de pouvoir analyser objectivement l’aliénation qui est aussi présente chez l’ouvrier que chez le capitaliste. Dès lors, l’appropriation par l’homme de sa nature ne rime pas avec la nostalgie d’un « âge d’or révolu » ou la spéculation d’un idéal utopique. Elle et surtout, selon Marx, la suppression d e la cause principale de la source de l’indigence humaine : l’abolition de la propriété privée. Dans les manuscrits de 1844 nous voyons que Marx esquisse, d’une certaine manière, l’épanouissement de l’homme qui n’est possible qu’avec l’avènement du communisme. : Celui-ci n’étant pas seulement la mutation des rapports de production mais plutôt la suppression de la propriété privée. Cependant il ne faudrait pas se verser dans la pure rêverie, car le soubassement de la vision marxiste demeure la libération de l’homme. Lorsque Marx aborde le problème de l’homme, il commence à le traite sous l’angle de la « vérité de l’homme », de sa nature humaine.

Les Manuscrits de 1844 nous montrent l’omniprésence des idées que Marx défendait aux environs des années 1842-1843. Car, c’est en 1842 qu’il se mit à découvrir la pensée de L.Feuerbach. On peut remarquer à quel point il était épris par les questions relatives à la libération humaine. La perspective de l’économie politique permet considérablement à Marx de combattre l’indigence de l’homme. Au fait il ne faudrait pas perdre de vue que l’essence humaine, pour ne pas dire la nature ou la vérité humaine, est complètement niée au sein de la société capitaliste. Aussi, il ne manquera pas de désigner les bornes de cette science qu’est l’économie politique. En effet, il montre que celle-ci n’a non seulement pas justifié ses procédures ; mais plus encore, elle n’aborde pas les problèmes d’un point de vue qui prendrait en considération l’homme. Or elle prétend être une science de l’activité humaine. C’est la raison pour laquelle Marx nous présente ses failles : selon lui, elle ne s’intéresse pas au vécu des individus. Toujours pour aborder dans le même sens, Marx pense que les affections des hommes se cam pent hors du champ de la science de l’économie politique et que « l’absence d’humanité se situe en elle ».

Dans son analyse de l’argent, Marx met en exergue une relation de dépendance que l’homme entretient avec l’argent. Celui-ci tout en étant médiateur, s’approprie les qualités que l’homme investit dans son travail. Cet argent se substitue à l’homme qui devait se présenter lui-même tel le médiateur vis-à-vis de son semblable. Chez Marx, il apparaît que l’homme se retrouve de plus en plus dévaloriser en tant qu’homme au profit de l’argent. Le travail qui devait être le moyen par lequel l’individu affirme son humanité, se trouve être une privation de jouissance et une aliénation. Pire encore, le travail qui devrait être l’objectivation (la manifestation) de la vie de l’homme se m eut en une marchandise que celui-ci est obligé de vendre pour survivre.

En vérité son travail est un terme d’échange pour acquérir des aliments. Cette transaction se renouvelle tous les jours pour entretenir la vie de l’ouvrier. C’est la raison pour laquelle Marx parle d’un esclavage. Le système économique du c apitalisme œuvre pour le développement de l’expertise de l’ouvrier afin d’accroître sa rentabilité mais il « dégrade l’homme ».

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMERE PARTIE
CHAPITRE I : LA CONCEPTION MARXISTE DE L’HOMME
A/ Problématique du divorce par rapport à la conception de l’homme abstrait
B/ Marx et la question de l’essence humaine
CHAPITRE II : L’INDIVIDU ET LES RAPPORTS SOCIAUX
A/ L’appréhension de l’individu comme « être social »
B/ L’homme de l’histoire et/ou l’histoire de l’homme
DEUXIEME PARTIE
CHAPITRE I: ALIENATION ET DECHEANCE DE L’INDIVIDU
A/ L’individu face à l’aliénation
B/ L’individu et son inhumanisation
CHAPITRE II: LIBERATION ET EPANOUISSEMENT DE L’HOMME
A/ Emancipation et libération de l’homme
B/ Quel avenir pour l’individu ?
CONCLUSION

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