Les criquets sont des animaux qui appartiennent à l’embranchement des Arthropodes, à la classe des Insectes, à l’ordre des Orthoptères, à la super famille des Acridoïdes et à la famille des Acrididae. Cette dernière est divisée en deux sous familles : Oedipodinae pour les sauteriaux c’est-à-dire les acridiens sédentaires, peu ou non grégariaptes et Cyrtacanthacridinae pour les criquets grands migrateurs classiques fortement grégariaptes. Oedaleus senegalensis (Krauss, 1877), communément appelé criquet sénégalais, est un de ces ravageurs qui est largement répandu dans le Sahel, des zones soudano-sahéliennes au sud, aux zones sahélo-sahaliennes (Lecoq, 1978). Ces insectes attaquent essentiellement les cultures vivrières. En 1980, ils ont entraîné une perte de 40% des récoltes au Sahel (Launois & Launois-Luong, 1989 ; Krall, 1994).
Au Sénégal, chaque année, des criquets sénégalais essaiment dans le bassin arachidier, zone traditionnellement productrice de cultures vivrières et d’arachide. En octobre 2005, ces sauteriaux sont apparus dans la communauté rurale de Mbar (située dans le département de Gossas dans la région de Fatick) entraînant une perte évaluée à 1/4 des récoltes. Plus tard en septembre 2006, ils attaquent des champs dans la région de Matam. En 2007, ils font leur apparition à Ndiassane dans la région de Thiès et en 2008 ils infestent les champs de la communauté rurale de Noto. Oedaleus senegalensis est capable de provoquer des dégâts considérables sur les cultures saisonnières et plus particulièrement sur les céréales (LaunoisLuong, 1979). L’importance économique des dégâts occasionnés par le criquet sénégalais est élevée.
Une agriculture durable qui prend en considération la protection de l’environnement, la santé humaine et la sécurité alimentaire au Sénégal est fondamentale et doit intégrer une gestion rationnelle du criquet sénégalais.
Pour mieux comprendre, et espérer prévoir les pullulations de ce ravageur avec une certaine précision, des recherches sur sa distribution et sa dynamique en milieu naturel sont menées. Elles concernent des localités du bassin arachidier et permettent une étude globale du criquet sénégalais dans le milieu naturel. Ainsi, dans la lutte contre ce ravageur de culture, plusieurs méthodes sont utilisées : la lutte mécanique, la lutte thermique, la lutte chimique, la lutte biologique, la lutte écologique et la lutte intégrée (Hajek & Leger, 1994, Stonehouse et al., 1997 ). La lutte chimique est la plus employée et offre beaucoup plus de résultats. L’utilisation des pesticides à grande échelle dans la lutte antiacridienne a soulevé de réelles préoccupations pour les conséquences très néfastes sur la santé des êtres vivants et sur l’environnement (Harold et al., 1999). Dans la recherche de méthode alternative à la lutte chimique, des ennemis naturels des acridiens sont observés. Les travaux résultants constituent une base importante de connaissance, surtout sur la biologie de quelques ennemis naturels et leur impact sur les populations acridiennes (Greathead et al., 1994).
Généralités sur le criquet sénégalais
Oedaleus senegalensis (Krauss, 1877), communément appelé criquet sénégalais ou OSE, est largement répandu dans le sahel. Ce ravageur pullulait depuis longtemps par endroits et a acquis une dimension régionale d’Afrique de l’ouest entre 1974 et 1975. Le dernier épisode d’explosion démographique date des années 1985 et 1986. L’année 1987 est considérée comme un retour à une situation normale qui n’était que provisoire.
Il est bien de distinguer cette espèce des trois autres du même genre, mais dont les aires de répartition sont décalées par rapport à celle de O. senegalensis. Il s’agit de Oedaleus nigeriensis (Uvarov, 1926) que l’on trouve dans le sud, de Oedaleus johnstoni (Uvarov, 1941) au nord et d’Oedaleus obtusangulus (Uvarov, 1936) à l’est du sahel (Launois et LaunoisLuong, 1989). Dans ce chapitre nous donnerons les caractéristiques biologique, écologique du criquet sénégalais et son importance économique dans les pays du sahel.
Position systématique
La position taxonomique de Oedaleus senegalensis (Krauss, 1877) peut se résumer par des caractéristiques complètes extraites de clés de dichotomies. Elles ne suffisent pas pour définir chaque taxon en lui-même mais précisent les différences.
● Famille Acrididae : sillon fastigial absent,
● Sous-famille Oedipodinae : pas de peignes stridulatoires sur la face interne des fémurs postérieurs,
● Genre Oedaleus : pronotum généralement marqué d’un dessin en X,
● Espèce senegalensis .
Biologie de la reproduction
Trois états biologiques
Le cycle biologique annuel d’une génération complète de Oedaleus senegalensis (Krauss, 1877) comprend plusieurs générations successives selon une alternance d’états biologiques épigés (larve et imago) et d’état hypogé (œuf). Il est noté un arrêt de développement embryonnaire obligatoire de type diapause en saison sèche. Chacun de ces états, dont le sexe est génétiquement déterminé, se décompose en différentes phases de développement. Les œufs sont pondus dans le sous-sol et la masse ovigère, entourée de matière spumeuse, forme l’oothèque. Les œufs s’hydratent aux premières heures qui suivent la ponte. Le développement de l’embryon est marqué par deux étapes essentielles jusqu’à la rupture de l’enveloppe externe ou chorion, libérant la larve nouveau-née. La première est l’anatrepsis (étape à la fin de laquelle peut survenir un blocage du développement de l’embryon), la seconde est la catatrepsis juste avant l’éclosion. Les larves de Oedaleus senegalensis (Krauss, 1877) passent par cinq stades, numérotés par convention de I à V, de la mue intermédiaire, juste après l’éclosion, à la mue imaginale donnant un jeune imago. Les imagos passent d’abord par une phase préreproductive marquée par le durcissement cuticulaire et l’accumulation de substances de réserves mobilisables ultérieurement. La phase reproductive qui lui succède voit chez les femelles la formation des œufs et la ponte. Les imagos sexuellement mûrs sont alors qualifiés d’adultes.
Œufs
Les œufs, au nombre de 25 en moyenne (extrêmes 15 à 45) sont pondus dans le sol et la masse ovigère entourée de matière spumeuse forme l’oothèque. Cette dernière mesure 5 à 8 cm de long avec un diamètre de 4,5 à 5 mm. Dans un sol sableux friable, l’oothèque est droite, verticale et dans un sol plus compact, elle est coudée jusqu’à former un angle droit par rapport à la surface. L’oothèque est constituée d’une succession de couches de 2 à 4 œufs en position plus ou moins oblique par rapport à la paroi. Cette dernière est uniformément fine, dure mais fragile. Le bouchon spumeux est long, très blanc et occupe plus de la moitié de la ponte. Il y a des risques de confusion avec l’oothèque de Oedaleus nigeriensis qui est fort ressemblante tout en étant en moyenne plus courte et plus grosse (Figure 1). Les œufs mesurent 5 à 6 mm de long et 1 mm de diamètre à la ponte, ils sont fins, légèrement courbes (Figure 2). Les femelles en période reproductive recherchent des sols sablonneux ou sablo-limoneux à végétation claire, assez humides pour assurer l’hydratation initiale et le développement de l’embryon. Toutefois, le développement des œufs peut s’interrompre en conditions adverses. Il est continu en saison des pluies, durant au moins deux générations successives. En saison sèche, le développement est interrompu par un mécanisme physiologique particulier : la diapause. L’espèce passe ainsi la mauvaise saison en vie ralentie et devient moins vulnérable aux conditions écologiques qui lui sont défavorables. Cet arrêt de développement, obligatoire chez O. senegalensis, est induit chez les reproductrices par la diminution de la longueur du jour en septembre, annonçant l’approche de la saison sèche, c’est-à-dire des conditions écologiques défavorables pour l’espèce. En pratique, pour observer l’état de développement des embryons, il faut plonger les œufs pendant quelques instants dans un bain d’eau de javel qui éclaircit la membrane chorionique. On distingue généralement huit stades principaux de développement, faciles à reconnaître à l’œil ou à l’aide d’une loupe à main. Pour les œufs en diapause, le développement est bloqué au stade 2 du développement embryonnaire. L’embryon est encore difficilement visible et se présente comme une petite masse blanchâtre de 1 à 2 mm à une extrémité de l’œuf.
Larves
On trouve généralement des ailés et des larves en mélange. L’identification des ailés facilite l’identification des larves car chez ces criquets, les jeunes ressemblent aux adultes. Il est aisé de reconnaître les cinq stades larvaires chez Oedaleus senegalensis (Krauss, 1877):
– le premier stade se situe juste après l’éclosion (mue intermédiaire). Les larves mesurent 0,5 à 1 cm de long et pèsent environ 10 mg. Elles sont en majorité brunes, et même en saison des pluies la proportion de jeunes larves vertes est faible. Cette proportion peut augmenter au fil des stades dans une ambiance très humide, mais sans jamais atteindre 100 % de la population. En cas de très forte concentration larvaire, la proportion d’individus de couleur verte baisse.
– les stades 2 et 3 précèdent le retournement des pointes des ébauches alaires, ou ptérothèques, qui sont encore dirigées vers le bas. La différence entre ces stades réside essentiellement dans la taille des larves;
– le stade 4 suit le retournement des ébauches alaires dont les pointes sont maintenant dirigées vers le haut;
– le stade 5 est le dernier stade qui précède la mue imaginale. Ce sont de grosses larves mesurant entre 2 à 2,5 cm et pesant 250 mg . En interstade, la larve est très active, elle se nourrit fréquemment et se déplace beaucoup. En période de mue, il y a un net ralentissement des activités 24 à 48 heures avant l’exuviation .
Imagos
L’imago est de taille moyenne, les mâles ont 2 à 3 cm de long et les femelles 3 à 4 cm. Oedaleus senegalensis (Krauss, 1877) est toujours ailé à l’état imaginal. Le corps est vert ou brun, avec quelques taches disposées sur certaines parties du corps et des appendices. On remarque en particulier un dessin plus clair en forme de croix sur le dessus du pronotum mais celui-ci peut être absent. Les ailes postérieures sont jaunâtres à la base, marquées d’un large croissant brun-noir s’étendant d’avant en arrière. L’apex est légèrement enfumé. La face interne des fémurs postérieurs est blanc-jaune, les tibias rosâtres à rouges .
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Table des matières
Introduction générale
PREMIRE PARTIE
Chapitre I : Généralités sur le criquet sénégalais
Introduction
I- Position systématique
II- Biologie de la reproduction
1- Trois états biologiques
a- Œufs
b- Larves
c- Imagos
2 – Reproduction
III- Écologie
1- Longueur du jour
2- Température
3- Humidité
4- Etat de la végétation
5- Disponibilité de l’insecte
6- Accessibilité des biotopes
IV- Importance économique
Conclusion
Chapitre II : Dynamique du criquet sénégalais dans le bassin arachidier au Sénégal
Introduction
I- Présentation des localités
1- Localité de Mbar
2- Localité de Sanghé
II- Matériel et Méthodes
1- Détermination de la population imaginale
a- Echantillonnage au filet
b- Mesure de la densité imaginale
2- Détermination de la population larvaire
III- Résultats
1- Structure de la population
2- Densité imaginale
a- Localité de Mbar
b- Localité de Sanghé
3- Densité larvaire
IV- Discussion
Conclusion
DEUXIEME PARTIE
Chapitre III : Isolement et préparation du biopesticide
Introduction
I- Matériel et Méthodes
1- Capture des insectes
2- Dépôt sur le sol
3- Collecte des spores
II- Multiplication et identification de la souche
1- Culture de la souche
2- Conservation
3- Identification de la souche
III- Formulation
1- Technique de Mélange
2- Détermination de la concentration
IV- Cycle de développement du champignon
1- Phase parasitaire
a- Préinfection
b- Pénétration
c- Mort de l’insecte
d- Réponses mises en œuvre par l’insecte
2- Phase non parasitaire
Conclusion
Chapitre IV : Etude de l’efficacité de Metarhizium anisopliae au laboratoire
Introduction
I- Matériel et Méthodes
1- Matériel
2- Méthodes
a- Tests sur les stades épigés
i- Capture des insectes
ii- Traitement
b- Tests sur les stades hypogés
i- Elevage des insectes
ii- Traitement des œufs
II- Résultats
1- Sur les stades épigés
2- Sur les stades hypogés
a- Pour les mécanismes d’infection
b- Pour l’efficacité
III- Discussion
Conclusion
Chapitre V : Etude de l’efficacité de Metarhizium anisopliae en milieu naturel
Introduction
I-Matériel et Méthodes
1- Matériel
2- Terrain d’étude
3- Méthodes
a- Traitement
b- Méthode d’évaluation
i- Capture des insectes infectés
ii- Décompte du nombre d’insectes
II- Résultats
1- Mortalité des insectes capturés
2- Densité du criquet sénégalais
III- Discussion
Conclusion
Conclusion générale
Références bibliographiques