Ecole primaire publique Ankadifotsy
En général, les écoles primaires publiques sont l’héritage des écoles officielles créées durant la colonisation. Elles suivent le programme officiel et la politique linguistique régie par le gouvernement en place. En 2011, le programme officiel en application dans les écoles primaires publiques demeure l’approche par les compétences. L’approche par le système, inscrit dans le programme gouvernemental : Madagascar Action Plan reste en période d’essai. Par conséquent, il n’est appliqué que dans 20 Circonscriptions Scolaires dans tout Madagascar. Présentes dans tout le pays, ces écoles publiques offrent gratuitement la scolarité. Depuis2007, les droits d’inscription et les fournitures scolaires des élèves sont subventionnés par le gouvernement malgache en collaboration avec l’UNICEF. Par ailleurs, elles sont, en général, fréquentées par la couche sociale la plus pauvre.
Personnel
L’école a été ouverte en 2004 par une personne à la fois propriétaire et Directrice, titulaire d’un Diplôme d’Etude Approfondie en langue anglaise de la Faculté des Lettres et Sciences humaines. L’école comprend deux niveaux d’étude : le préscolaire et le primaire. La directrice procède elle-même au recrutement des enseignants selon ses propres critères, principalement basés sur les expériences dans le métier d’institutrice et la maîtrise de la langue française. Sous sa direction, elle nomme la responsable pédagogique, qui est également surveillante générale de l’établissement. Cette dernière est titulaire d’une licence en gestion, et a suivi des formations en pédagogie. Elle s’occupe des dossiers administratifs et assure l’intérim de la Directrice durant son absence. Les 12 enseignants à Soaranto sont classés sous deux catégories : la première correspond aux enseignantes salariées qui travaillent en moyenne 8 heures par jour du lundi au vendredi. La deuxième catégorie comprend les enseignants vacataires qui sont payés par heure. L’âge moyen de ses instituteurs est de 30 ans. Deux d’entre elles sont à la retraite, bénéficient d’une grande expérience dans le domaine de l’enseignement. Elles assurent respectivement le cours de CM1 et de CM2 car la directrice estime que ces deux niveaux constituent les bases de l’enseignement-apprentissage du primaire. Les autres niveaux sont tenus par des institutrices plus jeunes, titulaires du baccalauréat. Elles ont suivi des formations pédagogiques dans les instituts supérieurs privés à Antananarivo notamment le club Académie, fournissant des formations initiales pour les niveaux préscolaires et primaires.
CE et CM2 à l’EPP
La classe CE à l’école primaire publique Ankadifotsy I comprend 35 élèves dont 22 filles et 13 garçons. Comme la scolarité dans les écoles publiques est fixée à 6ans, les enfants ont entre 8 et 14 ans, et la moyenne d’âge moyen correspond à 9ans. Cette différence d’âge entre l’aîné et la benjamine s’explique par le contexte social où les enfants vivent. Certains parents sont certes moins motivés à scolariser leurs enfants faute de moyen financier. Le gouvernement a mis en place plus récemment la politique éducative nationale de redoublement zéro spécifiée par l’absence de redoublants dans cette classe. Il en résulte que certains élèves ont été admis dans cette classe sans avoir les prérequis nécessaires. L’effectif de la classe CM2 s’élève à 40 avec 25 filles et 15 garçons. Le tiers des élèves a suivi leurs quatre années d’étude primaire dans des écoles privées des alentours. Ces élèves ont été admis dans cette école après examen de leur dossier par le directeur. Ce transfert d’élèves correspond à l’une des implications de la crise politico-sociale et économique du pays en 2009. Leurs parents ont été obligé de les transférer dans une école publique non payante car ils ne disposent plus des moyens financiers nécessaires pour payer leurs frais de scolarité dans les écoles privées. L’intégration de ses nouveaux élèves a modifié l’âge moyen de la classe à 13 ans: la plus jeune 10 ans et la plus âgée 17 ans. Faute de réussite à l’examen officiel CEPE, la classe accueille trois redoublants.
Enseignantes
Dans tout système éducatif, les enseignants jouent un rôle considérable dans la gestion des langues car ils adaptent et mettent en place la politique linguistique éducative en fonction du contexte scolaire et socio-culturel dans lequel ils enseignent. Dans le cadre de cette enquête, les institutrices témoins et les classes observées ont été choisies et désignées par les deux directeurs respectifs des deux établissements. En occurrence, ils ont opté pour les enseignantes dûment âgées, jugées plus expérimentées et plus aptes à répondre à notre questionnaire. Ce choix nous est favorable étant donné que ces enseignantes ont exercé depuis 1972 et qu’elles pourraient par conséquent témoigner des différents changements dans les écoles au niveau de la politique linguistique éducative. Le stéréotype, métier de femmes, attribué à celui de l’enseignement explique la présence massive des femmes dans le corps enseignant du niveau primaire. Les six femmes enquêtées dans le cadre de notre travail en témoignent. Cinq de ses enseignantes sont des autodidactes, elles sont entrées dans le domaine éducatif sans formation préalable. Seule, une personne a suivi une formation pédagogique dans un centre spécialisé privé avant d’exercer son métier. De même, elle constitue un témoin-clé pour notre enquête étant donné qu’elle figure parmi la génération formée lors de la période de la malgachisation. A Madagascar, la médiocrité des conditions de travail des enseignants et l’image de femmemère, responsable de l’éducation de l’enfant, sont autant de paramètres qui explicitent la présence majoritaire des femmes dans le cadre scolaire. A ces paramètres s’ajoutent les charges de travail lourdes dénoncent les six femmes enquêtées dans notre recherche. Les enseignantes présentes dans le cadre de notre recherche sont principalement âgées. Ce vieillissement du corps enseignant touche tout le pays. En effet, la jeune génération se désintéresse de cette profession à cause des conditions précaires et du salaire médiocre, surtout au niveau primaire. L’avenir de l’enseignement à Madagascar devient alors incertain. Les cinq enseignantes exercent depuis plus de 30 ans tandis que la plus jeune enseigne depuis cinq ans. Leur ancienneté est motivée d’un côté par leur passion pour la profession et d’un autre côté par la difficulté de changer d’orientation professionnelle à Madagascar. En général, la direction impose aux institutrices les classes qu’elles vont tenir. C’est également le cas de nos six enseignantes. Selon leur témoignage, enseigner en primaire demande beaucoup de patiente et une grande expérience avec les enfants. Les trois classes CP1, CE et CM2 sont les plus difficiles à assurer. En CP1, au début de leur scolarisation, les élèves nécessitent une grande motivation. En CE, un suivi personnel est primordial car le passage de l’utilisation du français comme langue d’enseignement reste une étape difficile pour l’élève. Enfin en CM2, les enseignantes ont une obligation de résultat à l’examen officiel CEPE. L’Etat malagasy exige au minimum le diplôme de baccalauréat scientifique ou littéraire aux enseignants du niveau primaire. Les enseignantes témoins n° 1 2 3 4 et 5 ont accompli leur service national après leur baccalauréat. Ce service a existé jusqu’en 1990, et obligeait les nouveaux bacheliers à enseigner bénévolement dans les écoles publiques durant une année. Il est la condition sine qua none pour poursuivre des études universitaires. Faute de moyen financier, les 5 enseignantes ont décidé de ne pas continuer leurs études à l’université et ont plutôt opté pour la fonction d’enseignant. Elles ne disposent en ce sens ni d’un diplôme universitaire, ni d’une formation initiale en enseignement-apprentissage. Les témoinsenseignantes N° 1 2 3 et 4 ont principalement choisi d’exercer dans le secteur public pour une meilleure stabilité d’emploi. Elles ont, en conséquence, continué leur bénévolat durant deux ou trois années avant de devenir des fonctionnaires. Le témoin n°5, en revanche, a intégré le corps enseignant catholique où le salaire était plus attractif. Le témoin 6 appartient, quant à lui, à la nouvelle génération d’enseignants. Son cursus diffère de celui des 5 autres témoins. Elle a suivi une formation pédagogique fournie par un institut privé homologué par l’état après son baccalauréat. Selon elle, cette formation constitue un atout essentiel dans sa suite d’emploi. Elle est en cours de préparation d’un examen pour obtenir le Certificat d’Aptitude Pédagogique afin d’exercer dans les écoles publiques à cause de la sécurité d’emploi. Si la formation initiale pour intégrer le corps enseignant au primaire n’existe pas, l’Etat dispense, en revanche, des formations continues pour les maîtres FRAM et les fonctionnaires. Bien que ces formations ne soient pas généralisées dans toute l’île, les témoins soulignent qu’elles les aident dans leur profession. Les enseignantes-témoins fonctionnaires ont suivi chacune environ dix formations durant leurs 30 années de carrières. Il s’agit entre autres de formation sur l’usage des nouveaux manuels scolaires utilisés dans le cadre de la relance du français langue d’enseignement en 1991 avec le manuel ATDP et l’application de l’Approche par les compétences. Aucun suivi n’a été effectué après les formations, les conseillers pédagogiques réalisent seulement des suivis pour les maîtres-FRAM qui passeront l’examen de Certificat d’Aptitude Pédagogique au Primaire. Contrairement aux enseignantes de l’école publique, l’enseignante témoin n°5 a déclaré bénéficiée d’une formation par an au minimum assurée par les institutions catholiques. Selon elle, en effet, l’Episcopat catholique offre une formation pédagogique à chaque début d’année scolaire à tous les enseignants, tout niveau confondu. Ces formations sont obligatoires et les modules de formation changent tous les ans en fonction des besoins exprimés ou des lacunes rencontrés par les enseignants. Ces formations périodiques influent sur les compétences des enseignants. Nous avons, en effet, remarqué que cette enseignante-témoin a plus de compétence comparée aux autres.
ENTRETIEN SEMI-DIRECTIF ET INTERVIEW INTERACTIVE
Pour compléter les données de l’observation directe, une enquête a été entreprise auprès de 12 élèves et de 6 enseignantes, afin de déterminer les pratiques langagières en situation d’enseignement-apprentissage, ainsi que les besoins langagiers des enseignants et des élèves, en partant de questionnaire sur leurs représentations linguistiques. Le questionnaire combine le mode de questionnement et d’approche de l’interview interactive et de l’entretien semidirectif. En effet, Selon Bres, l’interview représente le meilleur outil d’investigation pour questionner sur un phénomène social tel que les langues, dans la mesure où « sa méditation permettrait d’atteindre la parole des informateurs en court circulant les pratiques sociales dans lesquelles elle se construit » (Bres, 1999, p.18). Nous avons opté pour l’interview interactive afin de mettre à l’aise les sujets enfants, en discutant avec eux de leurs usages de langues et des représentations linguistiques dans une situation de communication apparente à la réalité. En effet, l’interview interactive est similaire à une conversation normale, où l’enquêteur et l’enquêté discutent comme dans une situation de communication semblable à la réalité (Bres,1999, p.18). Les questions posées lors de l’interview interactive sont formulées suivant la méthodologie d’enquête de l’entretien semi-directif. Ce dernier se caractérise par les questions ouvertes, ne proposant aucun élément de réponse à l’enquêté. Ces questions permettent aux témoins de répondre librement. L’enquêteur se contente juste de suivre le dialogue et d’interpeller (Blanchet, 2000, p.45). En laissant les enseignants et les élèves libres de répondre aux questions, nous recueillerions davantage de données riches en informations. De plus, comme le soulignent Bulot et Blanchet, ce type d’entretien permet le recueil du discours et de matériau linguistique de manière spontanée . Les questionnaires sont rédigés en deux langues, en français et en malgache, afin que les témoins puissent choisir leur langue de réponse.
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Table des matières
Introduction générale
Première partie : Protocole d’enquête
Chapitre 1 : Le terrain et les témoins
Chapitre 2 : Outil d’investigation
Chapitre 3 : Grilles d’observation et questionnaires
Deuxième partie : Politiques linguistiques éducatives et réalités de classes
Chapitre 1 : Politiques linguistiques éducatives malgaches
Chapitre 2 : Langues d’enseignement pour les langues vivantes
Chapitre 3 : Langues d’enseignement/apprentissage des Disciplines non-linguistiques
Troisième partie : Représentations linguistiques sur les langues d’enseignement apprentissage
Chapitre 1 : Cadrage théorique
Chapitre 2 : Représentations linguistiques des enseignantes et des élèves
Conclusion générale
Bibliographie
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