Problématique de l’accès à l’énergie électrique en Afrique subsaharienne
L’accès à l‘énergie électrique abordable, durable et fiable est connu comme un facteur clé du développement d‘un pays. L‘énergie est l‘un des principaux moteurs du développement agricole, industriel et socio-économique et aussi de la création d’emplois, en particulier dans les zones rurales et éloignées. La question de l‘accès à l‘énergie reste un énorme défi pour 1,18 milliard de personnes vivant sans accès à l‘électricité dans le monde [1] . Plus de 50 % de ces personnes sont situées dans les pays d’Afrique subsaharienne, région du monde où le taux d‘électrification est le plus faible avec seulement 35 % au niveau global (données de 2014) [1]. Le déficit d‘accès à l‘énergie électrique se fait ressentir encore plus en milieu rural où moins de 25 % de la population a accès à l‘électricité [1]. Le développement de ces zones rurales d‘Afrique subsaharienne se voit ainsi freiné alors qu‘elles abritent plus de 70% de cette population [2].
Le mode d’électrification le plus fréquent est l’extension des réseaux nationaux. Cependant, les progrès réalisés dans ce domaine sont restés techniquement et financièrement peu efficaces pour l‘approvisionnement des zones rurales dans de nombreux pays d‘Afrique. Cela est dû notamment à l‘éloignement, à la faible densité démographique et à la faible demande énergétique des populations de ces zones [3]. Par exemple, la consommation d’énergie électrique brute pour les besoins de base par habitant peut être estimée à environ 0,5 kWh/jr [4]. Par conséquent, l’offre hors réseaux (électrification décentralisée) a été considérée comme une option alternative avec l‘utilisation conventionnelle des énergies d‘origine fossile dans des générateurs diesel. Cependant, ce mode de production d‘électricité est affecté par l‘augmentation constante des prix des combustibles fossiles, les difficultés de transport et de distribution des carburants en zone rurale; particulièrement dans les pays non producteurs de combustibles fossiles [5]. En outre, l‘utilisation des combustibles fossiles est une source d‘émission de gaz à effet de serre dans l‘environnement, renforçant ainsi le réchauffement climatique.
Dans ce contexte, l‘intégration des systèmes de production basés sur les énergies renouvelables (soleil, biomasse, hydroélectricité….) est devenue une priorité pour la plupart des Etats africains. Par exemple en 2000, les gouvernements des pays de la sous-région de l‘Afrique de l‘Ouest ont adopté le livre blanc de politique énergétique des Etats de l‘Afrique de l‘Ouest selon lequel au moins 20 % des investissements pour l‘électrification rurale et périurbaine doivent être accordés aux énergies renouvelables (EnR) [6]. L‘Afrique subsaharienne est riche en ressources énergétiques renouvelables qu‘elle pourrait mettre à profit pour un approvisionnement électrique fiable et à coût abordable, permettant un accès aux services énergétiques modernes et durables .
Energies renouvelables et production décentralisée d’électricité en sites isolés
En Afrique, les systèmes basés sur le solaire photovoltaïque sont les plus connus pour la production décentralisée d‘électricité [8]. Cependant, leur utilisation est souvent limitée aux besoins de base comme l‘éclairage et l‘approvisionnement en eau des communautés rurales. L‘intermittence de la source d‘énergie, les petites capacités de la technologie et le coût d‘investissement ont rendu ces systèmes de production moins efficaces pour des activités de production consommatrice d‘énergie (moulins, décortiqueuses, etc.) [9], [10].
Dans le même temps, plusieurs études positionnent la biomasse comme une ressource énergétique adaptée aux systèmes de production d‘énergie en sites isolés [11],[12]. La biomasse ligno-cellulosique qui peut être utilisée pour la production d’énergie inclut le bois provenant des forêts ou des plantations dédiées, les résidus agricoles et de transformation agroalimentaire (balles de riz, coque d‘arachide, tige de coton, rafle de maïs..), les résidus forestiers et les déchets (déchets de traitement du bois) [11]. L‘hétérogénéité de cette ressource corrélée aux nombreux développements technologiques de ces dernières années offrent l‘avantage d‘offrir des services énergétiques diversifiés (chaleur, électricité, biocarburant…) [11], [12]. L‘Afrique subsaharienne regorge d‘un important potentiel en biomasse-énergie. En 2011, ce potentiel est estimé à environ 15 000 MW en utilisant à la fois 30 % de résidus agricoles et de transformation agroalimentaire d‘une part et 10 % des résidus de l’industrie du bois d‘autre part [13]. Néanmoins, en raison de la dispersion géographique de la biomasse, elle nécessite la mise en place de bonnes stratégies de gestion des approvisionnements pour assurer la continuité de la fourniture d‘énergie [11].
Technologie de conversion de la biomasse-énergie pour la production décentralisée d’électricité
Le processus biologique vise la décomposition de la biomasse humide et fermentescible (humidité > 60 %) en l‘absence d‘oxygène sous l‘effet des bactéries. L‘étape de digestion anaérobie correspond à la phase active du processus pour produire un vecteur d‘énergie, le biogaz [14]. La conversion thermochimique consiste en un traitement thermique à haute température des biomasses sèches (humidité < 50%). Cette voie de conversion regroupe la combustion et la gazéification. La combustion vise la dégradation complète de la biomasse dans un environnement en excès d‘oxygène pour produire de la chaleur. Cette chaleur est transmise à un fluide de travail (le plus souvent de la vapeur d‘eau) avant d‘alimenter un turboalternateur. La gazéification quant à elle, est une transformation incomplète de la biomasse dans un environnement contrôlé d‘oxygène (air, O2, vapeur…) pour produire un gaz de synthèse qui après filtration peut être directement utilisé dans un moteur à combustion interne couplé à une génératrice (groupe électrogène). Le rendement élevé de production d‘électricité qui est obtenu par la gazéification (jusqu‘à 25 %) [15] et le coût de production généralement inférieur à celui de la combustion dans un cycle à vapeur pour des unités de petite capacité [16], rend ce procédé de conversion particulièrement intéressante.
Problématique du choix d’options technologiques durables
Les expériences passées d‘électrification rurale en Afrique ont montré qu’un grand nombre de ces projets d’électrification hors réseau ont échoué parce que l’accent était généralement mis sur l’installation technique dans la phase de conception et de mise en œuvre des projets, sans accorder une attention suffisante à leur durabilité à long terme [17]. La durabilité, une notion dérivée du concept du développement durable, peut être considérée comme la finalité: un équilibre entre les activités sociales, économiques et environnementales [18]. Toutefois, à ces principales dimensions, d‘autres dimensions supplémentaires devraient être prises en compte pour l‘évaluation des systèmes énergétiques tels que : technique ou technologique, institutionnelle, politique et culturelle [19].
Il existe également dans la littérature un consensus concernant un certain nombre de facteurs sous-jacents qui interagissent tels que le niveau des demandes en électricité, les caractéristiques technologiques (adaptabilité, maturité, simplicité…), le transfert technologique, les conditions socio-économiques et financières locales, les émissions de polluants dans l‘environnement…[20]. Ces facteurs sous-jacents peuvent affecter la durabilité des projets quand ils sont mal intégrés dans le processus d‘évaluation et de prise de décision. En outre, il existe des incertitudes liées aux facteurs sous-jacents qui peuvent influencer l‘évaluation.
Ainsi, le décideur fait face à un problème complexe de prise de décision en raison de plusieurs options alternatives et de plusieurs critères souvent contradictoires à satisfaire simultanément. Sa capacité à faire le choix approprié et durable est hautement conditionnée par deux facteurs: (1) avoir une définition claire des critères pertinents, et (2) pouvoir évaluer ou prédire la performance des options alternatives par rapport à ces critères. Cependant, le principal écueil que rencontrent les experts et autres décideurs est de trouver une méthodologie rationnelle pour conduire l‘évaluation et aider à la prise de décision. Cette méthodologie doit leur permettre de tenir compte à la fois de l‘aspect multicritère de l‘environnement d‘implantation des systèmes et de leurs connaissances pour chercher une ou des solution(s) faite(s) de convergences et de concessions. D‘où la principale question de recherche de ce travail de thèse : « quelle méthodologie décisionnelle peut permettre d’évaluer les performances et la durabilité des systèmes de production d’électricité par gazéification de biomasse en sites isolés dans les pays en développement ? » .
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Table des matières
Liste des figures
Liste des tableaux
Nomenclature
CHAPITRE 1 . INTRODUCTION GENERALE
1.1 Contexte général
1.1.1 Problématique de l‘accès à l‘énergie électrique en Afrique sub-saharienne
1.1.2 Energies renouvelables et production décentralisée d‘électricité en sites isolés
1.1.3 Technologie de conversion de la biomasse-énergie pour la production décentralisée d‘électricité
1.2 Problématique du choix d‘options technologiques durables
1.3 Objectifs et méthodologie de recherche
1.4 Organisation du manuscrit de la thèse
CHAPITRE 2 . ANALYSE BIBLIOGRAPHIQUE
Introduction
2.1 Revue des approches méthodologiques d‘évaluation des performances et de la durabilité de systèmes énergétiques
2.1.1 Méthodes d‘identification des critères et indicateurs d‘évaluation
2.1.2 Méthodes d‘évaluation de performances et de la durabilité
2.2 Méthodes d‘analyse de sensibilité
2.2.1 Objectif de l‘analyse de sensibilité
2.2.2 Méthodes mathématiques pour l‘analyse de sensibilité
2.3 Revue des méthodologies appliquées à l‘évaluation des systèmes de production d‘électricité par gazéification de biomasse
Conclusion et positionnement scientifique de la recherche
CHAPITRE 3 . DEVELOPPEMENT METHODOLOGIQUE
Introduction
3.1 Cadre méthodologique global
3.1.1. Evaluation de performances
3.1.2. Analyse d‘incertitudes
3.2 Méthodologie d‘évaluation des performances et de la durabilité des systèmes de production d‘électricité par gazéification de biomasse en Afrique de l‘Ouest
3.2.1 Définition du problème
3.2.2 Définition des critères d‘évaluation de performance
3.2.3 Description du système de production d‘électricité par gazéification de biomasse
3.2.4 Choix des modèles d‘évaluation de performance
3.2.5 Analyse de sensibilité
Conclusion
CHAPITRE 4 . APPLICATION DES MODELES D’EVALUATION SUR UN PROJET DE SYSTEME DE PRODUCTION D’ELECTRICITE PAR GAZEIFICATION DE BIOMASSE EN MILIEU RURAL AU BURKINA FASO
Introduction
4.1 Présentation du contexte d‘étude
4.1.1 Situation géographique
4.1.2 Climat, hydrographie
4.1.3 Population et activités socio-économiques
4.1.4 Caractéristiques de la demande à la centrale électrique de la localité de Bama
4.1.5 Ressources en biomasse valorisables
4.2 Caractéristiques du système de production d‘électricité
4.2.1 Technologie de gazéification
4.2.2 Capacité installée
4.2.3 Différents scénarios de dimensionnement du système de production d‘électricité
4.2.4 Règles de fonctionnement retenues pour les différents scénarios
4.3 Paramètres et hypothèses de simulation
4.3.1 Paramètres techniques et hypothèses
4.3.2 Paramètres socio-économiques et hypothèses
4.3.3 Paramètres environnementaux et hypothèses
4.4 Résultats et discussion
4.4.1 Performance énergétique du système de production d‘électricité
4.4.2 Performance économique du système de production d‘électricité
4.4.3 Performance sociale du système de production
4.4.4 Performance environnementale du système de production d‘électricité
4.4.5 Récapitulatif des résultats de performances et discussion
4.4.6 Analyse de sensibilité sur le coût moyen actualisé de l‘électricité pour les différents scénarios
4.4.7 Analyse de sensibilité sur la disponibilité du système de production d‘électricité
Conclusion
CHAPITRE 5 . CONCLUSION GENERALE
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