Problématique de la terminologie militaire

Problématique de la terminologie militaire 

On ne peut parler de « terminologie », sans en dresser l’historique afin de mieux cerner et de comprendre notre motivation dans notre étude sur le vocabulaire militaire. Compte tenu du domaine de notre étude, nous discuterons des différentes théories sur la terminologie depuis le XVIIème siècle. Nous nous appuierons sur leurs définitions en ayant toujours comme idées finales, celles de développer les termes militaires afin de les analyser et de proposer une nouvelle méthodologie de la langue militaire. Mais la notion de « Langue » sera aussi notre préoccupation en répartissant les différentes sortes de langues, naturelles, techniques, vernaculaires en n’oubliant pas les terminologues anciens et actuels qui ont travaillé sur ce thème.

Notre principal objet d’étude étant la langue militaire, nous démontrons les liens avec la langue générale. Nous exposons différentes visions sur les études antérieures portant sur la langue en question, des points critiques sur les résultats de ces travaux. Définir « l’armée » et la position de « militaire » sont importantes pour mieux s’imprégner de notre étude. Nous nous rapprocherons de cette conception, chère aux militaires de « culture militaire » développée depuis quelques années. A ce stade, nous nous intéressons en particulier aux préoccupations de la terminologie en tant que langue commune adoptée par les militaires. Les problèmes que suscite la traduction dans une autre langue des termes de la défense. De plus, nous insistons sur l’importance de la recherche sur l’emploi des termes donnés qui montrent explicitement leur comportement syntaxique. L’approche socioterminologique, ethnolinguistique face à la militarité sera aussi un sujet important à aborder comme l’ont développé les chercheurs actuels. Nous aborderons aussi les dictionnaires bilingues traditionnel et militaire en faisant un sérieux point de situation. Nous terminons ce chapitre par l’introduction nécessaire du modèle des classes d’objets, base de notre thèse d’une méthodologie afin de décrire les termes militaires.

Termes et description dans la terminologie 

Voyons dans un premier temps la définition et les fondements de la terminologie, puis nous exposerons le modèle de la description des termes dans ce cadre théorique.

Définition et caractéristiques de la terminologie 

Le terme terminologie a fait sa première parution en 1786 en allemand dans les écrits du philosophe C. G. Schutz (1747-1832) dans le sens d’un ensemble de termes servant de désignation à une théorie philosophique. Plus tard, en 1837, William Whewell a référé dans sa définition du terme en question à un autre objet de description qui est celui de l’histoire naturelle. Au milieu du XIXème siècle, nous assistons à la propagation du sens de terminologie comme l’ensemble des termes d’un domaine. Cette définition vient à la suite de l’usage qu’a fait M. N. Bouillet en 1864 du terme dans l’ouvrage « Dictionnaire des sciences des lettres et des arts ». Après 1872, ce terme a connu, une restriction de sens pour se référer à l’ensemble des termes dont fait usage un auteur ou un groupe. P. LERAT (1997) définit la terminologie comme un « ensemble d’expressions dénommant dans une langue naturelle des notions relevant d’un domaine de connaissance fortement thématisée», et M.C. L’HOMME (2004 : 31) la décrit de trois manières : 1/ « ensemble des termes d’un domaine (par exemple la terminologie du vocabulaire de la bière) », 2/ « ensemble de modèles et de pratiques visant à décrire des termes (ce que nous avons appelé terminographie jusqu’à maintenant », 3/ « science dont l’objet est constitué par des termes, les concepts qu’ils désignent et les relations existant entre les concepts ». Sur le modèle de l’opposition lexicologie/lexicographie, on opposera terminologie et terminographie. La terminographie enregistre, traite et présente les données obtenues par la recherche terminologique. Il s’agit donc de l’activité dictionnairique du terminologue (Larousse, Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, p. 481).

De plus selon encore M. C. L’HOMME (2004 : 21), « la terminographie regroupe un ensemble d’activités dont l’objet principal est de décrire des termes dans les dictionnaires spécialisés ou les banques de terminologie […]. Les deux répertoires peuvent proposer des descriptions dans une seule langue, mais le plus souvent, ils sont bilingues et visent à établir des équivalences. Les produits terminographiques s’adressent aux traducteurs, aux rédacteurs spécialisés ou, encore, aux spécialistes eux-mêmes, aux étudiants en voie de devenir enseignants ».

Parmi ces différents sens, adopter la troisième définition signifiera que la terminologie est l’étude des termes avec l’objectif la dénomination des concepts dans les divers domaines spécialisés de la connaissance. Elle est un instrument de communications entre les spécialistes pour répondre aux besoins terminologiques suivants (A. REY 1979 : 55-56) :
– Besoins de description systématique des ensembles de termes (terminologies) nécessaires à la formation des discours portant sur un domaine socialement distinct.
– Besoins de transmission et de diffusion des connaissances dans un domaine au moyen de sa terminologie.
– Le besoin de normes s’applique en général à l’usage linguistique, à la formation théorique, à la pratique complexe et à la transmission du savoir.

A l’aide de cette définition, nous voyons que la terminologie est créée dans le but de résoudre des problèmes de communication de nature linguistique, liés à la relation terme et notion (M.T. CABRÉ 1998). La démarche traditionnellement employée dans cette discipline est donc onomasiologique.

C’est le romaniste Antoine Thomas qui a introduit dés 1904 la notion d’onomasiologie par opposition à la notion de sémasiologie : « quand on parle d’un mot donné pour regrouper dans un ordre logique les différentes significations de ce mot, on fait de la sémasiologie ; quand on part d’une idée donnée pour grouper les différents mots qui servent à exprimer cette idée, on fait de l’onomasiologie » (Romania, « sémasiologie » in Trésor de la langue française, Dictionnaire des 19° et 20° s., Paris, CNRS Editions, 1972-1994, p 289).

Cette définition part du concept et recherche les signes linguistiques qui lui correspondent. Elle s’oppose donc à la sémasiologie, qui part du signe pour aller vers l’idée.

Les préoccupations théoriques d’Eugen WÜSTER (1985), qui est considéré comme le père fondateur de la théorie de la terminologie contemporaine, étaient d’« ordre purement méthodologique et normatif pour l’élimination des ambiguïtés dans les communications scientifiques ou techniques » . Donc, beaucoup de travaux d’inspiration wüsterienne ont bien abordé la définition des concepts représentés par des termes en systématisant des relations entre terme et concept, en se basant sur l’univocité et la monoréférentialité dans la relation dénomination et notion. C’est leur vocation de contribuer à structurer le système conceptuel et de représenter le mieux possible cette structure. Pour cette raison, la langue de spécialité se caractérise par « les dénominations complexes, les distributions restreintes et les relations interconceptuelles », comme l’affirme P. LERAT (1997 : 1).

Correspondant à une notion au sein d’un ensemble structuré, le terme est défini comme un « symbole conventionnel représentant une notion définie dans un certain domaine du savoir » (H. FELBER : 1987 : 3).

P. LERAT le désigne comme « une notion sous forme de lettres, chiffres, pictogrammes ou d’une combinaison quelconque de ces éléments ».

Il y a un lien entre « terme » et « mot » car les mots peuvent devenir des termes, et vice versa. Car un mot s’il est suffisamment précis et spécialisé, peut en effet acquérir le statut de terme. Comme le définit (J. SAGER 2000 : 42-45) : « nous considérons que les termes ont une signification spécifique qui apparaît dans leur compréhension. Leur extension est en général plus restreinte que celle de mots. Elle se limite souvent à un domaine de connaissance donné, par là même, à un usage donné ».

Donc par rapport au terme dans la langue de spécialité, le mot dans la langue générale est opposé à celui-là par ses emplois : monosémique et polysémique. L. GUILBERT admet que « le trait spécifique de la terminologie technique est la recherche de la monosémie par opposition à la polysémie généralisée des termes du lexique général de la langue. Ainsi, le vocabulaire technique tend à réaliser cette situation privilégiée selon laquelle les locuteurs ne pourraient jamais se méprendre sur la signification exacte de leur message parce que chacun des lexèmes du message ne pourrait jamais comporter qu’une signification […].

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Table des matières

Introduction
1. Origine et objectif de la thèse
2. Quelques éclaircissements
3. Méthodologie
4. Plan de la thèse
CHAPITRE 1 : Problématique de la terminologie militaire
1. Termes et description dans la terminologie
1.1. Définition et caractéristiques de la terminologie
1.2. Termes et description dans la terminologie
1.2.1. Langue de spécialité en tant que langue naturelle
1.3. Problématique des termes militaires
1.3.1. Définir la terminologie militaire
1.3.1.1. Armée et militaire
1.3.1.2. La langue militaire
1.3.1.3. Liens entre la langue militaire et la langue générale
1.4. Point de situation des études sur la langue militaire et leurs problématiques
1.4.1. Etudes antérieures sur la langue militaire
1.4.1.1. Point de vue terminologique
1.4.1.2. Problème de traduction
1.4.1.3. Approche socioterminologique
1.4.1.4. Approche didactique
1.4.1.5. Approche psycho-linguistique
1.4.2. Problèmes soulevés
2. Les dictionnaires de spécialité
2.1. La « Dictionnairique » et la lexicographie
2.2. Les dictionnaires de langue de spécialité
2.3. Les dictionnaires militaires
2.4. Les dictionnaires militaires bilingues
2.5. Description du dictionnaire militaire
3. Description du terme dans le cadre de la phrase
CHAPITRE 2 : Description des termes militaires des classes d’objets
1. Une nouvelle méthodologie pour décrire les termes militaires : les classes d’objets
1.1. Introduction théorique
1.2. Cadre théorique
1.2.1 Postulat du modèle des classes d’objets
1.2.2. Principes d’analyse
2. Description de la langue spécialisée à l’aide des classes d’objets
2.1. Application à différentes langues spécialisées
3. Illustration de la réalisation des opérations avec les classes d’objets
3.1. La Lemmatisation
3.2. Codage par catégories
3.3. Dégroupement des catégories syntaxiquement complexes
3.4. Dictionnaire des arguments
3.5. Dictionnaire des prédicats
4. Construction d’un corpus spécialisé
4.1. Traitement des textes militaires
5. Conclusion
CHAPITRE 3 : Etude des prédicats nominaux
1. Objectifs
2. Les définitions de l’action
2.1. Définitions générales des dictionnaires
2.2. Le point de vue militaire
2.3. La « notion d’action » en linguistique
3. Etude générale de l’action
3.1. Propriétés générales
3.1.1. Agentivité
3.1.2. Intentionnalité
3.1.3. Reprise par un classifieur d’action – l’anaphore
3.1.4. Reprise par l’expression « le faire »
3.1.5 Actualisation par des verbes supports appropriés
3.2. Point de situation des classes : action, état et évènement
3.2.1. Les actions et les états
3.2.1.1 Analyse avec des verbes supports aspectuels de type inchoatif
3.2.1.2. Analyse avec l’aspect terminatif et l’emploi du verbe sortir
3.2.2. Les actions et les évènements
4. Substantifs prédicatifs et verbes supports
4.1. Substantifs prédicatifs
4.1.1. Morphologie des prédicats nominaux
4.1.2. Prédicats nominaux et verbaux
4.2. Verbes supports
4.2.1. Descriptif et remarques
4.2.2. Illustrations syntaxiques des verbes supports faire, prendre et donner
4.2.3. Extensions – Variantes lexicales et supplétives
4.2.4. Verbes supports aspectuels
4.2.4.1. L’aspect inchoatif
4.2.4.2. L’aspect progressif
4.2.4.3. L’aspect terminatif
4.2.4.4. L’aspect itératif
4.2.4.5. L’aspect intensif
5. Les restructurations
5.1. Verbes supports passifs
5.1.1. Définition du « passif » et généralités
5.2. Les constructions converses
5.3. Remarques sur les verbes supports standards-converses
5.4. Les constructions réciproques
5.5. Les constructions évènementielles
6. La détermination nominale
7. Les prédicats appropriés d’action
8. Conclusion
CHAPITRE 4 : Préparations militaires en temps de paix
1. Introduction
1.1. La suspension du service national
1.2. Vers une armée de professionnels
2. Les actions de recrutement
3. Constitution d’une composante terrestre de théâtre
3.1. <Montée en puissance>
3.2. <Affectation>
3.3. <Stationnement>
3.4. <Déploiement>
4. Les actions dans l’enceinte militaire
4.1. <Entraînement>
4.2. <Inspection>
4.3. <Approvisionnement>
5. Actions de sûreté
5.1. <Surveillance>
5.2. <Patrouille>
5.3. <Alerte>
Conclusion

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