Dans un contexte où le constat est presque partagé que les États démocratiques sont les mieux pourvus d’un gouvernement adéquat, il serait peut-être impertinent de poser un regard critique sur une telle forme de gouvernement et vouloir y déceler une quelconque incommodité, qui ne saurait, au cas échéant, nous réconforter ou renforcer ce grand édifice qu’est la démocratie. Celle-ci, bien qu’étant le seul régime qui a presque atteint une dimension universelle, continue encore de subir des transformations et améliorations. Cela peut-être parce qu’elle est toujours capable de se conformer avec les besoins de chaque communauté, les exigences de chaque époque. Ce qui nous amène à lui concéder sa spécificité d’être une entreprise constamment perfectible. Toutefois, quels que soient le parcours exemplaire et les résultats atteints, surtout en matière de justice, de droits de l’homme ou de développement, nous ne pouvons manquer de clamer le grand écart qui existe entre les principes de la démocratie et l’application de ces derniers dans la réalité.
Mais malgré un tel écart, la démocratie a su atteindre une crédibilité telle, parce que s’imposant comme une forme d’organisation si convenable à la condition humaine et de loin si inégalable, qu’aujourd’hui « la légitimité des États se mesure désormais au degré auquel ils mettent en œuvre ses principes ».
Effectivement, si la démocratie se reconnaît à certains principes essentiels, dont l’assise se trouve être la dignité de la personne humaine, il est de fait que ces principes ne peuvent être manifestés qu’à travers les pratiques et institutions d’un tel gouvernement. Et on en déduit de sitôt que tout manquement à ces principes ne se manifestera également que de par ces pratiques et institutions. C’est ainsi comprendre que tout gouvernement, pour ne pas tomber dans un quelconque discrédit, devra évoluer en sacrifiant à ces principes et valeurs humains. Or, en tant que corollaire de l’état de droit, la démocratie ne peut être que respectueuse de ces droits individuels et libertés fondamentales. Et donc, en tant que régime qui se réclame de ces droits naturels humains, la démocratie apparaît clairement comme le plus convenable aux hommes et se justifie aisément de toutes ces valeurs inhérentes à tous les individus, que tout gouvernement responsable doit exprimer et protéger.
Et donc, s’il est vrai que, comme le fait savoir cette affirmation qui ouvre la Déclaration française des droits de l’homme de mille sept cent quatre vingt neuf, «l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics » , alors la démocratie, dont l’urgence de resurgissement a été l’expression de la dignité humaine après une longue période qui a cumulé injustices et violences arbitraires, ne peut que se faire porte-voix et défenseur de ces droits de l’homme. Ainsi, on ne saurait exprimer ses principes ou déceler sa valeur sans une lecture en filigrane desquels droits.
PROBLEMATIQUE DE LA DEMOCRATIE
AUTOUR DU CONCEPT
La démocratie a vu le jour à Athènes au sixième siècle (avant J .C). Après une éclipse longue de treize siècles, durant laquelle se sont succédés autoritarisme, absolutisme, tyrannie, bref tous régimes manifestant l’autorité sans limite ni partage, le plus souvent sur fond de violences arbitraires, elle réapparaît concrètement vers la fin du dix huitième siècle de notre ère, non sans grandes Révolutions et réformes d’idéaux, qui ont ainsi réussi à la restaurer, à la suite d’ardentes Revendications. Ainsi a-t-elle pu refaire surface après une si longue période, et ce fait d’une renaissance n’est pas sans importance.
En effet, si la démocratie a su ressurgir avec force, c’est parce que les hommes ne peuvent vivre convenablement dans un cadre de vie commun en se passant de ses idéaux. Cela a également montré que ses antithèses, par lesquelles elle a pourtant été remplacée pendant si longtemps, ne pouvaient aucunement contenir les hommes dans une obéissance volontaire, délibérée et constante. Cela parce que la revendication de dignité humaine jaillit toujours des aspirations les plus lointaines de l’homme. Donc vouloir réussir un quelconque projet avec cet être si raisonnable, c’est d’abord sacrifier à l’exigence de liberté tout au moins. De ce fait, la démocratie se reconnaît à un ensemble de principes essentiels et à un dispositif institutionnel qui permet la réalisation de ces principes à travers certaines pratiques qui lui sont propres. De ces principes nous pouvons retenir les droits individuels et libertés fondamentales, inhérents à tous les individus et ainsi garantis par la loi. C’est la raison pour laquelle la démocratie, protectrice des droits de l’homme, qui donnent un fondement et un contenu surs à tous ces autres principes dont elle se réclame, cherche à exprimer ces derniers dans l’équité et la justice afin de sacrifier aux exigences de paix et de transparence.
La réalisation de ces principes, objectifs et idéaux passe par, mais en même temps signifie précisément, ce qu’on appelle les processus démocratiques. Ceux-ci peuvent et doivent être protégés par l’application de la règle de droit, qui pour cela doit être permanente et efficace dans tout État. En tant que tel, ces processus démocratiques « ne doivent pas être mesurés en fonction du but qu’il visent à atteindre mais plutôt en fonction de ce qu’il atteignent » vraiment, car en eux-mêmes, ils symbolisent l’idéal de la démocratie, manifestent le degré d’évolution des États. Effectivement, « la démocratie est un objectif (…). Il est suffisamment louable pour être poursuivi avec vigueur et foi. Néanmoins, comprendre quel est le but recherché ne suffit pas car, sans les processus démocratiques, dont l’efficacité et l’intégrité doivent toujours être améliorés en permanence, la démocratie en tant qu’objectif ne pourra jamais être réalisé ».
Par ailleurs, bien qu’étant un système de gouvernement, un régime parmi tant d’autres, la démocratie a la spécificité d’être également une manière d’être qui recoupe l’organisation de la vie sociale de l’homme, dans son étendue, ses différentes caractéristiques. En tant que tel, comment peut-elle alors justifier le fait qu’il y ait quelques uns qui commandent et d’autres qui obéissent ? Kelsen nous dit que : « de l’idée que nous sommes tous égaux, idéalement égaux, on peut bien déduire que nul ne doit commander à un autre. Mais l’expérience enseigne que si nous voulons demeurer égaux en réalité, il faut au contraire que nous nous laissions commander. (…) c’est précisément la synthèse de ces deux principes qui est la caractéristique de la démocratie ».
Il ressort de là, à première vue, une certaine complémentarité entre liberté et égalité. La liberté ne peut être véritable qu’entre individus égaux, là où n’apparaît aucune discrimination ou usurpation de droit, et l’égalité n’est jamais effective là où quelques uns sont privés de leur liberté. On comprend par suite que liberté et égalité sont des moteurs de l’appareil de l’État démocratique. Elles sont également une soupape à l’acceptabilité des citoyens en tant que sujets soumis à la loi sociale. C’est cela qui justifie le transfert de leur souveraineté aux gouvernants.
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Table des matières
INTRODUCTION
I/ PROBLEMATIQUE DE LA DEMOCRATIE
A/ AUTOUR DU CONCEPT
B/ DE LA MAJORITE A LA MATURITE
II/ POUR UNE LEGALITE LEGITIMABLE
A/ LA DESINCORPORATION
B/ D’UNE CITOYENNETE COMME VIE
CONCLUSION