Prises en charge palliatives en EHPAD

Mon projet professionnel s’est révélé au fur et à mesure de ma formation d’infirmier. Au gré des apprentissages et des stages, je me suis rendu compte que j’étais moins intéressé par les soins prodigués en réanimation que par le contact, la relation et le suivi des patients dans la durée. A la fin de mes études, j’ai fait le choix d’effectuer un stage en unité de soins palliatifs à l’issue duquel j’ai pu constater le décalage qu’il peut y avoir dans les prises en charge de fin de vie selon les structures. Cela étant, ces prises en charge ont aussi des points communs, à savoir leur singularité, leur complexité et le fait qu’elles confrontent très souvent les soignants à des difficultés. J’exerce désormais en gériatrie, et plus précisément en EHPAD.

Les EHPAD, à la fois établissements médicalisés, lieux de vie et lieux de mort, accueillent des résidents de plus en plus dépendants et polypathologiques. Quand leur état de santé se dégrade, la plupart font le choix de ne pas être hospitalisés, souhaitant finir leur vie au sein de la résidence. Les soignants qui les accompagnent sont ainsi régulièrement confrontés à la fin de vie et aux décès. D’après la publication de la DREES , « L’EHPAD est le dernier lieu de vie pour un quart des personnes décédées en France en 2015, représentant 150000 personnes. Parmi elles, 75,9 % sont décédées dans l’établissement ». On comprend bien le rôle incontournable qu’ont ces établissements dans les prises en charge palliatives. Depuis plus de deux ans, je suis infirmier référent dans un EHPAD de 125 lits dans le 17ème arrondissement de Paris. Mon travail consiste, en binôme avec l’infirmière coordinatrice, à organiser les soins, accompagner les soignants dans leurs difficultés, mettre en place et vérifier le bon suivi des protocoles. Etablissant le lien avec les médecins traitants, les intervenants et paramédicaux extérieurs, les familles, je m’assure du suivi de l’ensemble des résidents au quotidien en gardant un vrai contact avec le terrain.

Entouré d’une équipe très investie, avec un médecin coordonnateur titulaire d’un DU de soins palliatifs, nous sommes en lien avec un réseau de soins palliatifs et avec une HAD, à l’image des chiffres rapportés par la DRESS : « 23% des EHPAD privés à but lucratif déclarent avoir au moins un employé possédant un DU de soins palliatifs. Parmi ces établissements, 78% ont signé une convention avec un équipe mobile de soins palliatifs ou un réseau de santé en soins palliatifs ». Grâce à cette organisation, nous sommes en mesure de pouvoir mieux répondre aux volontés de nos patients. La plupart des accompagnements de fin de vie se passent sereinement. Il reste cependant des situations qui posent question.

NARRATION DE LA SITUATION CLINIQUE 

Le 27 février 2019, j’accueille M. B., un nouveau résident. Il a 80 ans, sort de l’hôpital Beaujon, il a subi une néphrectomie pour tumeur du rein gauche il y a sept jours. Il a des antécédents cardiaques (plusieurs stents), une hypertension artérielle et un syndrome dépressif pour lesquels il a des traitements. Dès le premier contact, M. B. m’apparait comme un homme très sympathique, même si l’entrée en EHPAD l’angoisse. Au bout d’un mois, il s’est parfaitement adapté à la vie en institution. Il s’est constitué un groupe d’amis parmi les résidents, sort tous les jours dans le quartier, voit sa famille et part en vacances à l’étranger à deux reprises. Dynamique, plein d’humour, il devient très vite un résident moteur pour les autres résidents de l’établissement, il connait l’ensemble des membres du personnel et a toujours un mot gentil ou une marque de sympathie à leur égard.

En novembre 2019 : M. B. se plaint de douleurs abdominales, d’abord soulagées par des antalgiques de pallier 2 et par des massages du kinésithérapeute, prescrits par son médecin traitant. Les douleurs vont ensuite s’accentuer, et entrainer une anorexie, M. B. expliquant ne plus pouvoir manger tout ce qu’il veut. Le 12, en l’absence du médecin coordonnateur et du médecin traitant, ces douleurs se majorant, je contacte un médecin des Urgences Médicales de Paris qui prescrit un antispasmodique et un lavement. Le dimanche 17, je suis de garde, l’IDE me signale que M. B. évalue sa douleur comme étant insupportable. Je me rends à son chevet, et avec son accord, nous l’adressons aux urgences de l’hôpital Beaujon. Il revient avec une prescription de morphiniques (doses de fond et interdoses). M. B. se dit enfin soulagé de ses douleurs. Dans les jours suivants, M.B bénéficie d’examens : un scanner puis une IRM abdominale et enfin une biopsie. Les résultats montrent une récidive cancéreuse avec une masse tumorale dans la loge de néphrectomie et confirment les craintes que je pouvais avoir, les soignants sont eux-mêmes abasourdis. Dès lors, le quotidien de M.B. va changer : abattu par ces résultats et déjà fragilisé par une perte de poids, il va sortir de moins en moins de sa chambre et va refuser quasiment toute nourriture. Mes passages réguliers en chambre, ceux des soignants, de sa famille, n’y changent rien. Son moral est très sombre.

Début décembre 2019 : M. B. se plaint de nouveau de douleurs abdominales intenses, le médecin traitant n’étant pas disponible, le médecin coordonnateur augmente, avec l’accord de ce dernier, la posologie des antalgiques. Au cours d’une de nos conversations, il me dit qu’il voudrait en finir mais qu’il pense à sa famille de plus en plus présente. Il ne fréquente plus le restaurant, a des vertiges. Mi-décembre, de nouveau douloureux, le médecin majore encore les antalgiques. Devant son abattement, la psychologue intensifie ses visites. La douleur est soulagée pour un temps.

Parallèlement, une réunion de concertation pluridisciplinaire a lieu, à l’issue de laquelle l’urologue convoque M. B. Il lui propose de débuter un traitement antinéoplasique, en lui indiquant toutefois que les bénéfices attendus sont extrêmement limités. M. B. reprend espoir, mais au bout d’une semaine, le médecin doit arrêter le traitement en raison de vomissements et d’épistaxis récurrents. Fin décembre, à la demande de M.B., je me rends dans sa chambre, avec le médecin coordonnateur. Il nous explique qu’il ne veut pas être hospitalisé et qu’il souhaite un accompagnement de fin de vie à la résidence. Il se dit en confiance avec l’équipe soignante. Il ajoute qu’il refuse de se battre et espère mourir rapidement. Ce moment est très difficile : j’écoute un patient dont le souhait est de mourir, différents sentiments se bousculent dans ma tête, je pense à mon attachement à M. B., à la solennité de l’instant : il nous accorde sa confiance, il remet sa fin de vie entre nos mains.

J’ai immédiatement conscience de la responsabilité qu’entraîne cette demande, serons-nous à la hauteur de la confiance qu’il nous accorde ? serons-nous capables de l’accompagner comme il faut ? Je repense aux semaines précédentes, aux difficultés rencontrées pour soulager sa douleur, à la détresse des soignants très attachés à ce résident. Comment gérer ce désir de mort ?

Janvier 2020, dès le début du mois, à la demande du médecin coordonnateur, et avec l’accord du résident, je contacte le réseau de soins palliatifs. M. B. commence à avoir des difficultés à dormir la nuit, perturbée par des moments de délires et d’hallucinations qui le terrifient. Le médecin coordonnateur informe le médecin traitant. Il valide l’introduction d’un neuroleptique qui se révèle efficace. Pour les douleurs nocturnes, nous mettons en place une procédure et formons les soignantes de nuit pour qu’elles puissent administrer les interdoses de morphine si besoin (jusque-là non nécessaires), avec un suivi de la traçabilité. M. B. a perdu 12 kg depuis son arrivée. Il a beaucoup de difficultés à se déplacer, son degré d’autonomie se réduit de jour en jour. Accepter cette dépendance est difficile pour lui, aussi, lorsque nous réévaluons ses besoins avec l’équipe, les soignantes reviennent fréquemment vers moi, m’expliquant être confrontées au refus de soins et à la détresse de ce monsieur qui, chaque matin, leur dit être triste de s’être réveillé une fois de plus et n’attendre plus que la mort. Elles sont désemparées, se sentent démunies, me demandent ce qu’elles peuvent faire pour lui, je ne peux alors que les encourager à continuer d’essayer, à continuer en douceur et avec bienveillance. Trois semaines après ma demande, le médecin du réseau de soins palliatifs rend visite à M.B. La prise de contact se fait au cours d’une longue discussion avec lui, il maintient son souhait de ne pas être hospitalisé et d’avoir une fin de vie rapide. Le médecin ne fait aucune modification de prescription, M. B. se disant confortable. Je me sens rassuré d’avoir enfin le réseau à nos côtés.

Prise en charge palliative et charge émotionnelle

Soins palliatifs-Prise en charge palliative en EHPAD

L’ANAES définit les soins palliatifs de la manière suivante (2002) : « Les soins palliatifs sont des soins actifs, continus, évolutifs, coordonnés et pratiqués par une équipe pluriprofessionnelle. Ils ont pour objectif, dans une approche globale et individualisée, de prévenir ou de soulager les symptômes physiques, dont la douleur, mais aussi les autres symptômes, d’anticiper les risques de complications et de prendre en compte les besoins psychologiques, sociaux et spirituels, dans le respect de la dignité de la personne soignée. Les soins palliatifs cherchent à éviter les investigations et les traitements déraisonnables et se refusent à provoquer intentionnellement la mort. Selon cette approche, le patient est considéré comme un être vivant et la mort comme un processus naturel. Les soins palliatifs s’adressent aux personnes atteintes de maladies graves évolutives ou mettant en jeu le pronostic vital ou en phase avancée ou terminale, ainsi qu’à leur famille ou à leurs proches…». Lorsqu’ils entrent en EHPAD, les résidents sont majoritairement très âgés, ils souffrent de polypathologies (cancers, maladies neurodégénératives, défaillances d’organes…). La prise en charge de ces pathologies n’a plus une visée curative, mais palliative. Toutefois il faut bien distinguer la notion de « fin de la vie » (les résidents sont très âgés), de la notion de « fin de vie » (les moyens techniques ou médicamenteux sont devenus inefficaces face à des pathologies qui évoluent, les résidents sont dans une situation où la mort est inéluctable à brève échéance). En gériatrie, les signes de « basculement » vers la fin de vie peuvent être difficiles à repérer, c’est ce que décrivent Murray S.A. et al. dans leur schéma (Voir annexe). Ainsi, la définition, décrivant les soins palliatifs comme « continus et évolutifs » peut être complétée par les précisions apportées par Véronique Blanchet « aux différentes phases de l’évolution d’une maladie grave correspondent différentes stratégies thérapeutiques », cette évolution se matérialise par deux phases distinctes au sein de la phase palliative. La phase palliative active, dont l’objectif n’est pas la guérison mais de ralentir l’évolution de la maladie par des traitements à toxicité faible, tient compte de l’équilibre entre les bénéfices escomptés, les risques et la qualité de vie. Avec les traitements à disposition, cette phase palliative active peut durer des années, jusqu’à ce que les pathologies échappent aux traitements. Vient ensuite la phase palliative symptomatique, au cours de laquelle les traitements prescrits ne visent plus que le confort du patient.

Enfin, il y a la phase terminale, qui comprend la phase pré-agonique et la phase agonique, précédant le décès. Dans le cas de M. B., les difficultés de prise en soins ont débuté au moment de la récidive de son cancer rénal, et la décision en parallèle d’une abstention thérapeutique. La situation décrite se déroule plus précisément en phase palliative symptomatique avec une dégradation rapide de l’état de santé et un sentiment d’impuissance éprouvé par les soignants ; et en phase pré-agonique. La prise en charge ne consiste plus à ralentir le processus de la maladie, mais à soulager et assurer le confort physique, moral, psychologique, relationnel… de M. B.

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Table des matières

I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION  
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME

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