Les composites à matrice thermodurcissable, tel que l’époxy, sont largement utilisés depuis la mise en service dans les années 50 du Boeing 707. Dotés d’excellentes propriétés mécaniques, ils souffrent cependant de quelques désavantages notables tels que la nécessité d’un stockage à basse température, un temps de cuisson important, la présence de défauts irréversibles après mise en forme, et une réaction exothermique lors de la réticulation. Ainsi les résines thermoplastiques hautes performances telles que le polysulfure de phénylène (PPS) ou le polyétheréthercétone (PEEK) constituent une alternative prometteuse. Ces résines présentent de nombreuses qualités, à savoir de bonnes propriétés mécaniques sur une large gamme de température, peu d’absorption d’humidité ainsi que de bonnes résistances aux attaques chimiques, aux dommages et aux chocs. Toutes ces caractéristiques les prédisposent à des applications aéronautiques. Elles permettent également l’utilisation de techniques de mise en œuvre, comparables à celles utilisés pour les métaux, telles que l’estampage [Chen et al., 2000] .
C’est dans ce contexte que s’inscrit ce travail de thèse, réalisé dans le cadre du projet TOUPIE (maîTrise des cOmposites carbone/thermoplastique haUtes Performances pour pIèces de structurEs) et financé par le pôle de compétitivité MOV’EO. L’objectif est de valider l’intérêt technique (performances thermiques, mécaniques et sensibilité à l’environnement), d’identifier les paramètres (température de chauffage, pression) et les capacités du procédé d’estampage (type de pièce réalisable) appliqué à des matériaux composites constitués de résines thermoplastiques hautes performances (PEEK et PPS) renforcées par des tissus de fibres de carbone. Ce projet regroupe des industriels Aircelle (groupe Safran), AMPA (groupe Dedienne Plasturgie) et AXS Ingénierie, ainsi que des laboratoires de recherche : l’Université du Havre, l’INSA Rouen, l’ENSI Caen et le Centre des Matériaux de l’Ecole des Mines de Paris.
Motivations industrielles et scientifiques
Les matériaux composites à matrice organique utilisés pour des applications aéronautiques sont historiquement majoritairement à base de résines thermodurcissables. Ces résines ont des caractéristiques mécaniques très intéressantes mais présentent en contrepartie des contraintes d’utilisation indéniables:
– durée d’utilisation limitée avant mise en œuvre et nécessitant un stockage à basse température ;
– problématique de la réticulation entraînant de nombreux défauts irréversibles et nécessitant une parfaite maîtrise et contrôle des cycles thermiques et de pression durant la réticulation ;
– procédés de réticulation nécessitant beaucoup de produits d’environnement consommables et des temps de cuisson longs ;
– opération manuelle de drapage chronophage et génératrice de la majorité des défauts de fabrication ;
– matériaux non recyclables.
Il existe aujourd’hui des résines thermoplastiques hautes performances (ex : PEEK et PPS) pouvant rivaliser en terme de performances mécaniques au sein d’un renfort carbone avec les résines thermodurcissables de type époxydes. Mais ces résines ont aussi le principal avantage que la structure thermoplastique permet de supprimer les cinq inconvénients principaux de mise en œuvre cités cidessus. En effet,
– elles ne présentent pas de durée de vie limitée avant mise en œuvre et ne nécessitent pas de stockage à basse température car la résine n’évolue pas chimiquement en fonction de la température ;
– les cycles de mise en œuvre correspondent à une transformation physique réversible de la résine et peuvent par conséquent être repris en cas de problème ;
– la mise en œuvre peut se faire par estampage à la presse permettant de supprimer les produits consommables ;
– le drapage manuel et les défauts engendrés peuvent être supprimés en approvisionnant directement des plaques drapées et déjà consolidées ;
– les matériaux sont potentiellement recyclables.
Ces matériaux semblent par conséquent très intéressants d’un point de vue industriel car cette technologie d’estampage devrait pouvoir apporter des gains économiques, compte tenu de son caractère plus automatisé que le drapage manuel traditionnel des composites et de son cycle de fabrication plus court. D’un point de vue scientifique, ce travail collaboratif entre laboratoires de recherche et industriels doit permettre d’apporter des avancées dans les domaines de la conception, de calcul de structure, de simulations numériques du procédé d’estampage, d’essais de caractérisation de lois de comportement pour des pièces composites en général et à matrice thermoplastique en particulier.
Partenaires
Aircelle (groupe Safran), leader des nacelles de moteurs avions, s’est entouré de partenaires scientifiques : Université du Havre, INSA Rouen, ENSI Caen et l’Ecole des Mines de Paris pour appréhender les phénomènes physiques chimiques des composites à matrice thermoplastique et a recherché des partenaires industriels de taille moyenne AMPA (du groupe Dedienne Plasturgie) et AXS Ingénierie pour la mise au point de démonstrateurs technologiques sur respectivement deux aspects: pièces prototypes réalisées par ce nouveau procédé de fabrication et, calculs de structure ainsi que les essais mécaniques d’une des pièces prototypes.
Estampage
L’estampage consiste à former, après chauffage, des pièces brutes par pression entre deux moules aussi appelées matrices, en général métalliques mais des poinçons en silicones peuvent être utilisés, ayant la forme exacte à réaliser . Cette technique de fabrication nécessite donc l’usinage préalable des matrices. Cette technique est donc destinée à des pièces produites en grande quantité. Dans le cadre du projet, la procédure se déroule en trois phases :
– en a, préchauffage de la plaque drapée et déjà consolidée jusqu’à la température de fusion de la résine puis un transfert vers la presse ;
– en b, fermetures des moules puis application de la pression toujours en température ;
– en c, ouverture des moules afin d’accélérer le refroidissement et de démouler la pièce.
Applications visées
La nacelle, soit le carénage entourant un turboréacteur (voir figure I.2), doit remplir cinq grandes fonctions :
– aérodynamique et thermique en assurant la protection du moteur, la canalisation du flux d’air froid et en gérant les différences de températures entre l’extérieur et le moteur ;
– structurelle par la reprise des efforts entre le moteur et le mât de liaison ;
– acoustique en atténuant le bruit émis par le moteur ;
– freinage par les inverseurs de poussé qui génèrent une force opposé à au mouvement de l’avion lors de l’atterrissage.
Dans cet environnement, les pièces pouvant être réalisées par estampage sont des raidisseurs, des cloisons, ou des carénages appartenant soit à l’entrée d’air soit au capot de soufflante. Les limitations sont d’avoir une forme ouverte compatible avec le moulage par compression, d’être en fibres continues afin de viser des applications sollicitées mécaniquement et d’être monolithique . A l’issu du projet, un prototype, une cloison d’entrée d’air, a été assemblé sur la nacelle NAIAD, qui est un démonstrateur de nacelle acoustique innovante.
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Table des matières
Introduction
Première partie : Contexte et matériaux de l’étude
Chapitre I : Contexte industriel
Chapitre II : Présentation du matériau
Deuxième partie : Caractérisation mécanique à l’état sain et à l’ambiant
Chapitre III : Identification de la matrice de rigidité
Chapitre IV : Description du comportement non-linéaire des éprouvettes découpées à 45°
Chapitre V : Détermination des résistances d’interfaces au moyen du dispositif expérimental Arcan-Mines
Troisième partie : Modélisation numérique
Chapitre VI : Validation de la matrice de rigidité
Chapitre VII : Loi du comportement des éprouvettes découpées à 45°
Chapitre VIII : Méthode des éléments finis appliquée à l’essai ArcanMines
Chapitre IX : Critère d’amorçage du délaminage
Quatrième partie : Influence de l’environnement sur le comportement mécanique
Chapitre X : Caractérisation expérimentale de la tenue en fatigue
Chapitre XI : Caractérisation expérimentale de l’influence de différentes conditions de vieillissement
Conclusion