Prise en charge thérapeutique de la dent permanente immature nécrosée

Une dent permanente est dite immature (DPI) lorsque l‟édification radiculaire n‟est pas encore terminée et la jonction cémento-dentinaire apicale n‟est pas en place. ‟objectif des traitements de la DPI, lorsqu‟elle est affectée par un traumatisme ou une infection bactérienne, est de maintenir la vitalité pulpaire pour permettre la poursuite physiologique de la rhizagenèse ou bien de maintenir la dent sur l‟arcade lorsque cette vitalité est perdue. En effet, la pulpe dentaire constitue la pièce maitresse de l‟organe dentaire. Grâce à sa composition cellulaire et extracellulaire, sa riche vascularisation et son innervation, elle assure le maintien de l‟homéostasie dentaire. Sur une dent immature, la perte de vitalité pulpaire entraine un arrêt de l‟édification radiculaire mais également une apposition de dentine sur les parois radiculaires avec comme conséquence une absence de structures anatomiques radiculaires associées à un déficit de résistance radiculaire et coronaire (1) . En effet, en cas de nécrose pulpaire, la prise en charge de la dent permanente immature devient un véritable challenge du fait de son apex largement ouvert en forme d‟entonnoir (« tromblon »), des parois radiculaires fines et divergentes et une édification radiculaire incomplète. Ses particularités rendent complexes les traitements endodontiques conventionnels de par un risque de dépassement du matériau d‟obturation et d‟une impossibilité de combler tout l‟espace endodontique. Ainsi, pendant longtemps, la thérapeutique conventionnelle était l‟apexification qui consistait en un renouvellement périodique de Ca(OH)2 jusqu‟à la formation d‟une barrière apicale calcifiée (2, 4). Avec l‟apparition du MTA® (3) et de la Biodentine® (5, 6), la procédure est simplifiée et le nombre de séances réduit considérablement. Cependant, quel que soit le matériau utilisé, cette approche ne permet ni une reprise de développement radiculaire ni un retour de vitalité pulpaire et entraine un risque de fracture à long terme. A partir des années 2000, avec la mise en évidence des cellules souches dentaires, le concept de revascularisation pulpaire qui est apparu pour la première fois en 1961 (7), a connu un regain d‟intérêt dans la prise en charge de la DPI nécrosée. Il s‟agit d‟une approche biologique et conservatrice basée sur le potentiel régénérateur des cellules souches de la pulpe et de la papille apicale. C‟est un procédé très intéressant en Odontologie pédiatrique puisqu‟il permettrait la poursuite du développement radiculaire et la fermeture apicale d‟une DPI nécrosée. Son protocole opératoire plus rapide et moins fastidieux comparé à celui de l‟apexification est un atout dans la gestion de la population infantile. Cependant, la connaissance des principes et techniques de revascularisation est d‟une importance capitale pour obtenir un succès thérapeutique. ‟objectif de ce travail était de faire le point sur les traitements de la DPI nécrosée.

Développement dentaire 

Embryogenèse dentaire

‟embryologie du système dentaire est indissociable de l‟embryogenèse céphalique car les dents sont issues de la neurulation. Le développement dentaire est un processus physiologique d‟origine embryologique. Il débute à la 5ème semaine de la vie intra-utérine, au niveau de la bouche primitive à l‟emplacement des futures arcades dentaires et à partir de l‟ectoderme et du mésoderme. On lui distingue plusieurs stades.

– Stade d’initiation
Sous l‟épithélium de la bouche primitive appelée épithélium odontogène, le mésenchyme est transformé en ectomésenchyme par l‟arrivée des cellules des crêtes neurales. ‟épithélium odontogène envoie des messages d‟induction qui transforment les cellules neurales en cellules odontogènes. Puis à la 6ème semaine de la vie intra utérine (VIU), par changement d‟orientation des cellules mitotiques des cellules basales, l‟épithélium odontogène se transforme en mur saillant qui devient mur plongeant ou lame primitive. Cette dernière se dédouble en lame dentaire primaire en dedans et secondaire ou vestibulaire en dehors qui formera le vestibule qui sépare les régions labio-jugales des territoires maxillaires. a lame dentaire s‟hypertrophie en regard de la papille mésenchymateuse suite à une activité mitotique pour donner le bourgeon dentaire. Sur chaque arcade se forment 10 bourgeons. Les bourgeons des incisives et des canines se forment à la 8ème semaine et ceux des molaires à la 9ème semaine de la VIU.
– Stade de morphogenèse
‟ ectomésenchyme envoie des signaux qui déclenchent des proliférations cellulaires avec un allongement des extrémités du bourgeon et une concavité du tissu épithélial. Ce changement de forme transforme le bourgeon en cupule. A ce stade, les cellules provenant du bourgeon vont se différencier en épithélium adamantin interne (EAI) et en épithélium adamantin externe (EAE) entre lesquels se trouve le réticulum étoilé (RE). La différenciation des cellules ectomésenchymateuses sera à l‟origine de la papille primitive en regard de l‟EAI précurseur de la pulpe ainsi que du follicule fibreux en regard de la papille et de l‟EAE et d‟où dériveront le cément et le desmodonte.
– Stade de différenciation et formation radiculaire
Il s‟ensuit le stade de cloche caractérisé par une histo-différenciation cellulaire. es cellules du réticulum étoilé vont au contact de l‟EAI donner le stratum intermedium qui va former avec et l‟ EAI, l‟EAE et le réticulum étoilé l‟organe de l‟émail. es cellules de l‟EAI vont se différencier en pré-améloblastes à l‟origine des futurs améloblastes qui vont synthétiser la matrice amélaire. Les cellules mésenchymateuses (de la papille dentaire), au contact de la membrane basale située sous l‟EAI, vont se différencier en pré-odontoblastes qui deviendront les odontoblastes précurseurs de la dentine coronaire. Ce stade de cloche est aussi marquée par l‟apoptose de la lame dentaire primaire laissant la place à la lame dentaire secondaire qui donnera les germes des dents définitives. Pour les incisives, la canine et la 1ère molaire, on aura une lame dentaire primaire unique qui donnera une lame dentaire secondaire unique (1ère prémolaire). Pour la 2ème molaire, on aura une lame primaire unique qui donnera 4 lames secondaires (2ème prémolaire ; 1ère , 2ème et 3ème molaires). La formation de la racine et du parodonte débute au stade de cloche, une fois l‟émail constitué et la couronne formée. En effet, la boucle cervicale de l„organe de l‟émail correspondant à la jonction des cellules de EAI et EAE situées en périphérie vont former la gaine épithéliale de Hertwig. Cette dernière, par prolifération en direction apicale autour de la papille mésenchymateuse va permettre l‟édification radiculaire. Le follicule fibreux sera à l origine des structures du parodonte profond (ligament parodontal, le cément, et l‟os alvéolaire) .

Éruption dentaire et développement radiculaire 

‟éruption dentaire est un processus de croissance complexe impliquant à la fois les dents et les tissus osseux environnants, et qui correspond au déplacement d‟une dent depuis son site de développement dans les maxillaires jusqu‟à sa position fonctionnelle sur l‟arcade (11). C‟est un phénomène symétrique et génétiquement programmé dans le temps. ‟Homme comme tous les mammifères est diphyodonte (deux dentitions) avec une dentition temporaire allant de 6 mois à 3 ans et une dentition permanente qui va de 6 ans à 12 ou 13 ans avec des écart-types de 2 à 3 mois pour les dents temporaires et 8 à 18 mois pour les dents permanentes. Les dents mandibulaires font leur éruption avant celles maxillaires exceptées les incisives centrales et parfois 2ème molaires temporaires. es dents homologues d‟une même arcade font leur éruption en même temps (Tableau I). La chronologie d‟éruption est soumise à des variabilités relativement importantes liées au sexe, à l‟ethnie, à la classe sociale, à la race, au climat,….

Des travaux de Carmen Nolla en 1960 (13), sur la base de radiographies dentaires annuelles, ont permis d‟établir les stades de développement dentaire depuis la formation de la crypte osseuse jusqu‟à l‟édification radiculaire complète. Selon l‟auteur, l‟éruption dentaire a lieu au stade 8 lorsque les 2/3 de la racine sont formées. Il faudra attendre 3 ou 4 ans pour que la formation radiculaire soit complète et l‟apex fermé. Ainsi entre les stades 8 et 9, la dent permanente est considérée comme immature .

Complexe pulpo-dentinaire 

La dentine est un tissu conjonctif minéralisé non vascularisé et sans innervation propre occupant le volume le plus important de la dent. Elle entoure le parenchyme pulpaire avec lequel elle constitue une entité unique. En effet, les odontoblastes, constituants principaux de la dentine ont leurs corps cellulaires dans la pulpe et leurs prolongements dans la dentine d‟où le terme de complexe pulpo-dentinaire. Ce dernier constitue l‟unité biologique fondamentale de la dent avec la pulpe comme partie vivante. Il est recouvert par l‟émail au niveau coronaire et le cément au niveau radiculaire. Il est en relation étroite avec le parodonte et le reste de l‟organisme via ses canaux accessoires et secondaires. La pulpe dentaire est un tissu conjonctif lâche entourée par des parois dentinaires rigides. Elle représente à peu près un tiers du volume total. Elle est plus volumineuse chez le sujet jeune et diminue avec l’âge. La pulpe coronaire occupe la chambre pulpaire. La pulpe radiculaire occupe le ou les canaux radiculaires. La pulpe communique avec le reste de l’organisme par le foramen apical. Parfois, elle possède des ramifications qui émergent latéralement de la racine. Elle est composée d‟odontoblastes, de cellules souches, de fibroblastes, de macrophages, de lymphocytes T, d‟histiocytes, de fibres de collagène type I et III. Des vaisseaux sanguins, des nerfs et des odontoblastes tapissent la prédentine dans la pulpe dentaire, ce qui pourrait contribuer à l’apport de nutriments, à la réaction à l’infection et à la formation de dentine réactionnelle, maintenant ainsi l’homéostasie de la pulpe (14). Le rôle primaire de la pulpe est la formation de dentine grâce aux odontoblastes. Elle joue un rôle de défense face aux toxines bactériennes et autres stimuli. Elle est impliquée dans le processus de réparation et de régénération tissulaire.

Lorsque la dent a achevé sa formation, les odontoblastes continuent à fabriquer de la dentine soit par apposition sur les parois réduisant le volume pulpaire, soit par formation de calcifications intra-pulpaires (15). La composition de la pulpe évolue avec l‟âge. Sa vascularisation est importante surtout chez le jeune patient. Avec l‟âge, ses capacités de réaction et de défense diminuent du fait d‟un ralentissement du renouvellement cellulaire.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS FONDAMENTAUX
I. Développement dentaire
1.1. Embryogenèse dentaire
1.2. Éruption dentaire et développement radiculaire
II. Complexe pulpo-dentinaire
III. Particularités de la dent permanente immature (DPI)
3.1. Anatomo- physiologie de la DPI
– Immaturité amélaire
– Immaturité dentinaire
– Immaturité pulpaire et radiculaire
3.2. Pathologies de la DPI
– La maladie carieuse
– Traumatismes dentaires
– Autres pathologies
– Nécrose pulpaire de la DPI
DEUXIEME PARTIE : PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE DE LA DENT PERMANENTE IMMATURE NECROSEE : ETAT ACTUEL DES CONNAISSANCES ET PERSPECTIVES
I. Traitement conventionnel : Apexification
1.1. Définition- But-Indications
1.2. Matériaux d‟apexification
1.3. Protocole opératoire
– Apexification à l‟hydroxyde de calcium
– Technique de la barrière apicale calcifiée (MTA® et Biodentine®)
– Résultats de l‟apexification : Ca(OH)2 versus MTA® / Biodentine®
1.4. imites de l‟apexification
II. Approche moderne : Revascularisation
2.1. Historique et terminologie
2.2. Indications
2.3. Mécanisme de la revascularisation pulpaire
2.4. Principe et protocole opératoire
2.5. Résultats de la revascularisation
2.6. Analyse de la procédure de revascularisation
2.7. Apexification versus revascularisation
2.8. Limites de la revascularisation
III. Perspectives
– Implantation de membranes
– Implantation pulpaire
– Implantation de matrice
– Transplantation de cellules souches
– Injection matricielle
– Thérapie génique
CONCLUSION
REFERENCES

Mots-clés :
– Dent permanente immature nécrosée
– Apexification
– Revascularisation, revitalisation régénération endodontique

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