Prise en charge médico-chirurgicale des escarres de la région fessière

Physiopathologie

   « L’escarre est une lésion cutanée d’origine ischémique liée à la compression des tissus mous entre un plan dur et les saillies osseuses. » (définition établie en 1989 par le National Pressure Ulcer Advisory Panel (NPUAP) (1)). Cette définition a été modifiée en 2009 permettant de créer une définition commune internationale entre le NPUAP et l’European Pressure Ulcer Advisory Panel (EPUAP). Elle est la suivante : « L’escarre est une lésion ischémique au niveau de la peau et ou des tissus sous-jacents, située en général sur une saillie osseuse. Elle est le résultat d’un phénomène de pression, ou de pression associée à du cisaillement. » De ces définitions ressortent les 2 facteurs prépondérants dans la formation d’une escarre : la pression et la perte de mobilité. L’application d’une hyperpression entraîne une hypoxie tissulaire. Si cette hyperpression se prolonge (rôle de la perte de mobilité), il en résulte une ischémie cellulaire responsable de dommages tissulaires irréversibles. Il est difficile de définir la valeur de la pression limite qui provoque une hypoxie tissulaire, de même que la durée. Cependant, l’application d’une faible pression sur le tissu cutanée et sur la microcirculation entraîne rapidement les premiers dégâts tissulaires. Chez le patient blessé médullaire, l’insensibilité sous lésionnelle est un facteur aggravant. En effet, la douleur n’est pas ressentie lorsque les tissus, dont la peau, deviennent anoxiques ou ischémiques du fait de la pression. Une forte sensation de douleur est normalement envoyée le long du tractus spinothalamique par la moelle épinière jusqu’au thalamus et à la zone sensorielle somatique du cortex cérébral, créant ainsi un sentiment de douleur. Cette sensation inconfortable amène la personne à bouger, soulageant ainsi la pression et rétablissant le flux sanguin vers la peau. Chez le patient blessé médullaire, cette réaction et cette action physiologique n’existent pas. Par ailleurs, les personnes présentant des lésions de la moelle épinière ont tendance à perdre les récepteurs alpha-adrénergiques responsables du contrôle du tonus vasculaire. Une diminution de la pression artérielle entraîne un retour veineux lent, ce qui augmente les risques d’occlusion des vaisseaux de petits calibres par la pression (2). Il en résulte une nécrose locale. Son développement est toujours pyramidal tel un iceberg de la profondeur à la surface avec des lésions superficielles visibles toujours moins importantes que les dégâts profonds. L’escarre est donc décrite comme une plaie conique à base profonde, contrairement aux abrasions cutanées qui ne sont pas des escarres. Différents stades ont étés définis en fonction de l’étendue et de la profondeur de l’atteinte tissulaire.

Dénutrition et fonte musculaire

   Comme toute plaie chronique, la présence d’une escarre est responsable d’un hyper catabolisme potentiellement source de dénutrition. Dans la population générale, de nombreuses études montrent que la dénutrition est un facteur de risque majeur de présenter une escarre (21,22) et, parallèlement, un état nutritif correct est nécessaire à la cicatrisation cutanée (23–25). Ces deux éléments montrent l’importance du suivi nutritionnel de l’ensemble de la population à risque de présenter une escarre et, dans notre cas, des patients blessés médullaires. Malgré un état nutritionnel satisfaisant, les patients paralysés présentent inévitablement une fonte musculaire, qui est également un facteur de risque non modifiable de présenter une escarre. En effet, atrophiés, ceux-ci ne jouent plus leur rôle de protection lors de la position assise. Par ailleurs, ce phénomène doit également être anticipé lors des tentatives de couverture par lambeau musculaire : le lambeau est plus petit que chez une personne valide.

Examen et prise en charge des comorbidités

  La consultation pluridisciplinaire est l’occasion d’un dépistage des pathologies générales fréquentes chez le patient neuro lésé principalement sur le plan respiratoire, urinaire, orthopédique et digestif. La spasticité est également évaluée avec recherche des points d’appuis secondaires et des positions vicieuses, tout comme l’état nutritionnel. Les modalités de vidange urinaire et fécale sont anticipées. Le cas échéant, les examens complémentaires adaptés et une prise en charge spécialisée sont organisés en amont, à distance de tout geste chirurgical de couverture.

Quid de l’antibiothérapie pré opératoire

   La colonisation bactérienne d’une escarre est physiologique. Les espèces le plus souvent retrouvées sont Staphylococcus Aureus, Proteus Mirabilis, Pseudomonas Aeruginosa, et Enterococcus Faecalis (38). L’exposition osseuse étant quasi systématique, une ostéite de contact est souvent associée (39). Cependant, il n’y a pas d’indication à initier une antibiothérapie pour traiter une escarre en cicatrisation dirigée, en l’absence de signes infectieux locaux (cellulite, abcès profond, etc.) et/ou généraux (fièvre sans autre point d’appel )(40). En effet, les antibiotiques risquent d’entraîner des résistances bactériennes et ne pourront pas stériliser la plaie (41,42). D’autres points concernant la prise en charge préopératoire de l’ostéite nous semblent également importants à souligner :
– La biopsie osseuse peropératoire est le seul examen nécessaire au diagnostic d’ostéite et à sa documentation (43),
– La corrélation entre les prélèvements bactériologiques superficiels préopératoires et les biopsies osseuses peropératoires est faible : il n’y a donc aucune indication à réaliser des prélèvements bactériologiques préopératoires systématiques (44),
– Aucun examen d’imagerie n’a montré d’utilité dans le diagnostic et la prise en charge de l’ostéite associée aux escarres pelviennes : l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) et la Tomodensitométrie (TDM) n’apportent rien de plus que l’examen clinique de la plaie au diagnostic. Le seul examen d’imagerie éventuellement indiqué est la radiographie du bassin de face (39,45).

Quelle place pour la chirurgie en 2 temps ?

  La prise en charge chirurgicale des escarres est habituellement réalisée en un temps. L’inconvénient majeur de cette technique est l’absence de documentation bactériologique fiable en post opératoire immédiat. Andriansolo et al. (59) proposent une prise en charge alternative en deux interventions. La première intervention consiste en la réalisation du parage osseux et des tissus mous en marge saine et la réalisation des prélèvements bactériologiques. S’en suit une phase de cicatrisation dirigée sous thérapie à pression négative sous couvert d’une antibiothérapie adaptée dès que possible aux prélèvements peropératoires. Le deuxième temps opératoire est réalisé 6 semaines en moyenne après le parage et consiste en la couverture par lambeau. Lors de la couverture, l’antibiothérapie est donc adaptée aux germes présents dans l’os. Avec cette technique en deux temps, le taux d’échec rapporté est de 23% au dépend d’une durée d’hospitalisation et d’une mise en décharge rallongées. Cependant, la présence d’une thérapie par pression négative après le parage n’exclue pas une contamination secondaire qui nécessite automatiquement un second parage, même superficiel agrandissant encore la perte de substance.

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Table des matières

INTRODUCTION
Première partie : La Prise en charge médico chirurgicale des escarres du siège chez le patient blessé médullaire au CHU de Marseille
I. Physiopathologie, prévalence et coût des escarres
I.1. Physiopathologie
I.2. Prévalence
I.3. Coût
I.4. Complications des escarres
II. Les particularités du patient blessé médullaire
II.1. Particularités des escarres du patient blessé médullaire
II.2. Dénutrition et fonte musculaire
II.3. Spasticité et positions vicieuses
II.4. Autres facteurs de risques
III. La consultation pluridisciplinaire, une filière de recrutement indispensable
IV. La prise en charge préopératoire
IV.1. Examen et prise en charge des comorbidités
IV.2. Recherche des facteurs de risques de présenter une escarre et d‘échec de couverture
IV.3. Préparation de la plaie : une phase de cicatrisation dirigée indispensable
IV.4. Quid de l’antibiothérapie pré opératoire
IV.5. Quels examens complémentaires réaliser
IV.6. Quand poser l’indication chirurgicale
V. La Technique opératoire
V.1. Les modalités d’anesthésie
V.2. Une excision des tissus mous exhaustive
V.3. Traitement chirurgical de l’ostéite.
V.4. Quel lambeau choisir pour couvrir la perte de substance
V. Quel lambeau en fonction de la localisation dans notre pratique
V.1. La localisation Ischiatique
V.2. La localisation sacrée
V.3 La localisation trochantérienne
V.4 La localisation périnéale
V.6. Quelle place pour la chirurgie en 2 temps
VI. La gestion de la période post opératoire
VI.1. Les soins de rééducations
VI.2. La prise en charge infectieuse
VI.3. Les complications
VI.3.1.Les différentes complications post opératoires
VI.3.1.1. La désunion
VI.3.1.2. L’hématome
VI.3.1.3. Le sérome
VI.3.1.4. L’infection
VI.3.1.5. La souffrance vasculaire et la nécrose du lambeau
VI.3.1.6. La récidive
VI.3.2 Quelle prise en charge
VII. Les récidives d’escarres ou escarres « secondaires »
VII.1. La prévention
VII.1.1. L’éducation du patient
VII.1.2. La place du lipofilling
VII.2. Quelle prise en charge
VII.2.1. Prise en charge médicale
VI.2.2. Prise en charge chirurgicale
VII.2.2.1. La suture directe
VII.2.2.2. La remobilisation de lambeau
VII.2.2.3. La réalisation d’un autre lambeau
VIII. Conclusion
Deuxième partie : La prise en charge médico chirurgicale des escarres de la région fessière chez le patient blessé médullaire : A propos de 90 cas
I. Introduction
II. Matériels et méthodes
II.1. Objectif
II.2. Type d’étude
II.3. Recueil de données
II.4. Critères d’inclusion
II.5. Critères d’exclusion
II.6. Données recueillies
II.7. Technique chirurgicale
II.8. Critère de jugement principal
II.9. Critères de jugement secondaires
II.10. Analyse statistique
III Résultats
III.1. Analyse descriptive
III.1.1 La population
III.1.2. Les Escarres
III.1.3. L’intervention chirurgicale
III.1.4. Opérateur
III.1.5. Le traitement anti infectieux
III.1.6. Prise en charge en centre de rééducation
III.1.8. Cicatrisation à 6 mois
III.1.9. Complications opératoires
III.2. Analyse univariée
III.2.1. Population générale
III.2.1.1. Critère de Jugement principal: la cicatrisation
III.2.1.1.1. Age
III.2.1.1.2. Sexe
III.2.1.1.3. Indice de masse corporelle
III.2.1.1.4. Statut tabagique
III.2.1.1.5. Niveau de la lésion médullaire
III.2.1.1.6. Localisation de l’escarre
III.2.1.1.7. Premier épisode ou récidive
III.2.1.1.8. Escarres unique ou multiples
III.2.1.1.9. Type de lambeau réalisé
III.2.1.1.10. Biopsies osseuses
III.2.1.1.11. Traitement anti infectieux
III.2.1.1.11.1. Administration d’une antibiothérapie probabiliste
III.2.1.1.11.2. Durée du traitement antibiotique
III.2.1.2. Critère de jugement secondaire : Survenue d’une complication
III.2.2. Sous groupes
III.3. Analyse multivariée
IV. Discussion
IV.1. Nos résultats et comparaison aux résultats de la littérature
IV.2. La stratégie chirurgicale
IV.3. Bactériologie et traitement anti infectieux
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Index des Tableaux et Figures
ANNEXES

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