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BASES ANATOMIQUES DE LA MEMOIRE
La mémoire utilise de très nombreuses régions du cerveau, d’où des déficits de mémoire variables d’une maladie à une autre. Selon la maladie, des structures cérébrales différentes sont touchées tandis que d’autres sont préservées.
Le cerveau est constitué de deux hémisphères cérébraux (figure 2, page 21) surmontant en arrière le cervelet et au milieu les ganglions de la base (figure 4, page 25). Chaque hémisphère est constitué de 4 parties qui sont d’avant en arrière: le lobe frontal, le lobe pariétal, le lobe occipital et le lobe temporal. Ce dernier se situe en bas des précédents et s’étend en dedans de l’hippocampe (figure 1 à la page 20, figure 2 à la page 21, figure 3 à la page 23, et figure 4 à la page 25). Ces structures jouent des rôles divers dans la mémoire.
La capacité à acquérir des souvenirs conscients est localisée dans la partie interne des lobes temporaux, notamment l’hippocampe. Mais les lobes temporaux internes ne sont pas nécessaires à l’acquisition de souvenirs inconscients, tel un geste que l’on apprend à mieux pratiquer avec l’apprentissage, ni ne sont le site de stockage de la mémoire à long terme. Le stockage de la mémoire consciente à long terme (nom de ses enfants par exemple) se fait dans le cortex cérébral, au niveau des lobes cérébraux frontaux, pariétaux, occipitaux et temporaux.
Les mémoires inconscientes tel descendre les escaliers, faire de la bicyclette ou utiliser un outil nécessitent quant à elles, le bon fonctionnement des ganglions de la base et du cervelet.
La mémoire à long terme est stockée dans les neurones. Le stockage de souvenir se fait par augmentation des points de communication des neurones entre eux (70).
Le traitement initial des données pour la mise en mémoire est le fait de circuits fonctionnels (système limbique, ganglion de la base). Le concept de conservation des données mémorisées en un ou des lieux précis n’est pas totalement vérifié.
Comme structures nerveuses impliquées dans la mémoire, nous allons parler du système limbique, de l’hippocampe, de l’amygdale, du corps mamillaire, de la région septale, du lobe frontal et de néocortex.
PHYSIOPATOLOGIE DE LA MALADIE D’ ALZHEIMER
Rappelons que la MA se caractérise par plusieurs étapes successives sur le plan clinique (73).
Etape 1
– Perte de mémoire qui gène le suivi d’un travail ou l’accomplissement des tâches domestiques,
– oubli des noms des choses simples comme le beurre ou le lait;
– troubles de reconnaissance des chiffres et des nombres;
– perte d’intérêt pour des activités ou des plaisirs habituels;
– perte du sens commun qui amène à faire les courses en robe de chambre;
Etape 2
– incapacité à reconnaître des proches;
– errance sans but, perte du sens de l’orientation sur des parcours évidents;
– incapacité à accomplir des actes courants de la vie quotidienne comme s’habiller, se nourrir, se brosser les dents;
– délire, hallucinations;
– insomnie;
Etape 3
– perte totale de la mémoire;
– incapacité à reconnaître les membres de sa famille;
– perte de la reconnaissance des mots. La musique, le toucher, le contact visuel éveillent des réactions;
– difficultés à manger ou à avaler;
– incapacité vis-à-vis de tous les actes de la vie quotidienne: se laver, s’habiller, se nourrir, se déplacer, gérer son argent, prendre ses médicaments;
– alitement permanent.
La cognition se définit comme la faculté du cerveau de penser, traiter et d’emmagasiner de l’information afin de résoudre certains problèmes. Les troubles cognitifs graves sont des conséquences de diverses formes de démences.
La démence est le terme qui désigne un ensemble de symptômes qualifiant la détérioration du comportement comme ceux de la mémoire, du langage et du raisonnement. La détérioration découle d’un processus morbide dans le cerveau. La dégénérescence progresse de stades légers à graves et gène la capacité de fonctionner de façon autonome dans le quotidien. Les démences sont des maladies médicales mortelles qui ont des conséquences psychosociales très graves. La démence ne fait pas partie du vieillissement normal (75).
Rôle du système cholinergique
C’est le premier système de neurotransmission dont l’atteinte a été prouvée dans la maladie d’Alzheimer (MA). La dégénérescence du noyau basal de Meynert conduit à la fois à une baisse des concentrations de l’acétylcholine (Ach), de la Choline Acétyl Transférase (ChAT), enzyme de synthèse de l’acétylcholine et de l’acétylcholinestérase (AChE), enzyme de dégradation de l’acétylcholine. La diminution du taux d’acétylcholine dans le liquide céphalorachidien (LCR) est corrélée au degré de la démence. Des baisses de concentration de la ChAT ont été retrouvées dans les amygdales et le néocortex.
Les produits destinés au traitement de la MA et les mieux étudiés visent à renforcer la neurotransmission cholinergique du système nerveux central.
Un large faisceau d’arguments biochimiques et pharmacologiques renforce l’hypothèse d’une implication directe du système cholinergique dans les troubles de la mémoire liés soit à la MA soit à l’âge. Cette » hypothèse cholinergique ″ du dysfonctionnement mnésique lié à l’âge a conduit à évaluer en clinique 3 types de cholinomimétiques: les précurseurs de l’acétylcholine (Ach), les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase (ACE) et les agonistes des récepteurs cholinergiques (71).
Rôle des systèmes noradrénergique, adrénergique, dopaminergique et sérotoninergique
D’autres neurotransmetteurs impliqués dans l’apprentissage et la mémoire sont également perturbés dans la MA: la noradrénaline, l’adrénaline, la sérotonine et la dopamine (71).
Les concentrations de noradrénaline et d’adrénaline diminuent dans plusieurs régions souscorticales. Cette diminution est corrélée à des pertes neuronales au sein du locus cœruleus et a été associée à des états dépressifs.
La dopamine voit sa concentration diminuée dans tout le néocortex et dans les régions souscorticales innervées par le système mésocortico-limbique.
Une corrélation a été trouvée entre la perte des neurones sérotoninergiques dans les noyaux du raphé et la dépression chez les patients. Les taux de sérotonine seraient plus faibles chez les patients agités ou ayant des signes de psychose.
Ces observations font de la dépression et des maladies psychiatriques, des facteurs de risques de démence.
Rôle du glutamate
Le glutamate est le principal neuromédiateur excitateur du système nerveux central.
C’est le neuromédiateur le plus abondant dans le système nerveux des mammifères. Il est impliqué dans la cognition, la mémoire, la motricité et dans la plasticité cérébrale. L’un des sous types de récepteurs au glutamate, le récepteur au N- Méthyl- D – Aspartate (NMDA) joue un roule clé dans la potentialisation à long terme, model élémentaire de la mémoire cellulaire (12).
Rôle du cholestérol
Des études récentes montrent une interaction possible entre le taux plasmatique du cholestérol et la prévalence de la MA (57). Ces observations montrent que quand la concentration plasmatique du cholestérol augmente, il y a une augmentation du taux de cholestérol dans le cerveau, une augmentation du taux d’apolipoprotéine E avec comme corollaire une augmentation de la formation de plaques neuritiques. La mise en évidence de ces dernières dans le cortex cérébral confirme le diagnostic de la démence (96).
Deux processus dégénératifs caractérisent la MA: l’amyloïdogenèse et la dégénérescence neuro fibrillaire (DNF) (68, 72, 97).
L’amyloïdogenèse
Des mutations pathologiques surviennent sur les gènes APP(qui codent pour la synthèse de la protéine précurseur du peptide bêta amyloïde ou APP) au niveau du chromosome 21, sur le gène Préséniline 1 (ou PS1) au niveau du chromosome 14 et sur le gène PS2 au niveau du chromosome 1.
Ces mutations provoquent un catabolisme aberrant conduisant à la surproduction du peptide amyloïde β (Aß). C’est un peptide de 40 à 42 acides aminés. Dans les conditions physiologiques nous avons.
Dans la MA les peptides Aß surproduits s’agrègent sous forme de plaques amyloïdes. Ce qui entraîne une perte de fonction de la protéine entière ou de ses fragments de catabolisme.
Ces dépôts imprègnent le parenchyme nerveux et diffusent dans la substance grise corticale de toutes les régions cérébrales. Au stade initial, la distribution des dépôts est diffuse et hétérogène. Le cortex occipital semble être plus fréquemment affecté. Le peptide (Aß) s’accumule également à des taux variables dans les parois des vaisseaux pour former l’angiopathie amyloïde.
La Dégénérescence Neuro- Fibrillaire (DNF)
La DNF correspond à l’accumulation intra neuronale des protéines tau sous forme de filaments pathologiques appelés PHF (Paired Helical Filaments). Les PHF sont constitués de triplets de protéines tau anormalement phosphorylées nommées «tau 60, 64, 69» ou PHF tau. Les neurones affectés vont dégénérer puis mourir et seront digérés par les cellules gliales. Les tau pathologies sont spécifiquement présents dans le cortex associatif des patients atteints.
La DNF envahit les aires néocorticales. Les déficits cognitifs sont observés quand l’hippocampe, le cortex temporal et les régions associatives sont affectés.
La dynamique de progression de la DNF est modulée par des accélérateurs (inflammation, ApoE ε4, stress oxydatif) ou neuro protecteurs (œstrogènes, antioxydant, anti-inflammatoire, facteurs neuro- trophiques, ApoE ε2, etc.).
Le dysfonctionnement de la protéine APP et/ou la neurotoxicité Aß accélère (nt) la DNF et provoque (nt) son extension dans les aires néocorticales. La DNF progressivement l’emporte sur la plasticité neuronale pour provoquer des déficits cognitifs.
Certaines plaques amyloïdes sont entourées d’une couronne de neurites en DNF. Elles sont nommées «plaques séniles ou neuritiques». Les plaques séniles sont donc la sommation des 2 processus dégénératifs qui caractérisent la pathologie Alzheimer. Il a par ailleurs été observé que la protéine Aß empêche la dégradation des protéines tau phosphorylées.
Les allèles ε1 et ε2 de l’ApoE empêchent l’hyperphosphorylation contrairement à l’allèle ε4 qui n’a pas d’affinité avec les protéines tau.
NB: il existe d’autres causes de démences neuro dégénératives qui sont (9, 92):
La démence vasculaire (DV)
Elle est la deuxième cause de démence après la MA. Elle est souvent associée à une MA avec laquelle elle partage un facteur de risque commun, l’HTA.
La Démence Frontotemporale (DFT)
La DFT se caractérise par un syndrome frontal et des troubles comportementaux (conduite sociale et modification comportementale d’allure psychiatrique). Les troubles de la mémoire sont mineurs. Le patient présente peu ou pas d’aphasie et l’évolution est progressive. Le déficit sérotoninergique est prédominant.
La démence à Corps de Lewy
C’est la 4ème cause de démence chez le sujet âgé. Les troubles attentionnels et visio-spatiaux prédominent. Elle est associée à au moins 2 ou 3 signes suivants: fluctuation cognitive, signes parkinsoniens, hallucinations (visuelles surtout).
Tout ceci montre que plusieurs facteurs interviennent dans la genèse et le développement de la MA. D’où la complexité de sa prise en charge, surtout médicamenteuse. Avant d’aborder cette prise en charge, faisons un rappel sur l’épidémiologie de la MA.
EPIDEMIOLOGIE DES DEMENCES
Démence
Prévalence
La démence a fait l’objet de plusieurs études dans les pays développés.
Ainsi au Canada, Graham et al ont trouvé une prévalence de 18,8 % (54); la démence touche 8 % des canadiens âgés de 65 ans et plus, et 35 % des plus de 90 ans. La plupart des cas de démences (64 %) sont causées par la MA (22).
Elle est de 28,4 % aux USA (15), 36,7 % en Australie (28), 10,7 % en Italie (32), 5,3% en Finlande (58), 24 % en France (30) et 15 % en Suède (49). Zhang et al (112), quant à eux, ont observé une prévalence de 4,6 % dans une population de 5055 personnes âgées de 65 ans et plus non institutionnalisées de la ville de Shanghai. Woo et al (111) dans une population rurale de Yonchon en Corée du Sud, ont estimé la prévalence de la démence à 9,5 %.
Dans une étude multicentrique menée au Chili, en Argentine et à Cuba, auprès d’une population de personnes âgées de 60 ans et plus, Anzola-Perez et al (10) ont observé des prévalences variant entre 9,4 et 19,7 %, 7,2 et 18 %, 4,5 et 8,4 % respectivement.
Au Nigeria, l’étude de Osuntokoun et al (90) concernant 930 sujets de 65 ans et plus, résidant à Ibadan n’a retrouvé aucun dément mais seulement 41 d’entre eux ont un déficit cognitif lié à l’âge. Au cours de la même année Happi a retrouvé au Togo, dans une communauté rurale une prévalence de 0,83 % (59). En 1995, parlant de la même origine ethnique (Yoruba du Nigeria), Hendrie et al (63) ont réalisé une étude comparative entre 2212 africains noirs vivant à Indianapolis (USA) et 2494 nigérians résidant à Ibadan (Nigeria). Les auteurs ont retrouvé des prévalences globales ajustées à l’âge de 2,29 % à Ibadan et 4,82 % à Indianapolis. Les résultats de cette étude soulignent l’importance de l’environnement et de la culture qui pourraient protéger contre la démence.
Dans la région d’Assiut en Egypte, une étude réalisée sur 2000 personnes âgées de 60 ans et plus, résidant dans 11 localités différentes ont trouvé une prévalence de 4,5% (40).
Incidence
Les études sur l’incidence des troubles cognitifs sont beaucoup moins nombreuses que sur la prévalence.
Au Canada, l’incidence est évaluée à environ 1 % par année et ce taux atteint 3 % chez les personnes âgées de plus de 80 ans (23).
L’étude, réalisée par O.Aevarsson et I. Skoog, dans une population âgée de 88 à 90ans a estimé l’incidence de la démence à 96,4/1000/ an. L’incidence de la MA était de 36,3/1000/an, celle de la démence vasculaire était de 42,0/1000/an et celle des autres formes de démence de 9,1/1000/an (88).
L’étude montre que pratiquement un dixième des sujets non déments âgés de 88 à 90 ans devient dément chaque année, ce qui renforce encore l’importance du problème de la démence chez les très vieux qui constituent le segment de la population occidentale croissant le plus rapidement. L’incidence annuelle en France serait de 180000 nouveaux cas de démence dont 100000 MA. Enfin, si aucun progrès n’est fait dans la prévention de la maladie, on peut estimer qu’en 2010 le nombre total de patients atteints de démence pourrait être de 800000 dont 550000 atteints de la MA en France.
En Afrique, une seule estimation d’incidence a été faite (63) au cours d’une étude comparative concernant 2463 sujets à Ibadan et 2172 sujets à Indianapolis. Le taux moyen global annuel pour la MA est de 1,35 % à Ibadan et 3,24 % à Indianapolis. Le phénomène de la démence semble donc avoir moins d’ampleur en Afrique qu’en Occident.
Coût économique et social
La démence a un impact considérable sur le système de santé, l’économie mais aussi sur le système social.
Elle représente un défi important pour la société en raison des conséquences majeures en terme de dépendance et de coût.
La démence entraîne une dépendance fonctionnelle (1), une augmentation de l’utilisation des services de santé (39), de l’institutionnalisation (2) et des soins à domicile (37, 38). Le coût économique est énorme et estimé à 3,9 milliards de dollars au Canada (91).
Mortalité
Aguerro Torres et al. (3) ont trouvé dans leur étude une mortalité de 2,4 % par an. Après analyse des facteurs sociodémographiques et des facteurs de comorbidité, 18 % des décès étaient attribués à la démence avec un risque de décès 2 fois plus grand chez les déments que chez les sujets normaux (113). Les taux de mortalité étaient de 2 % pour la MA, et 3,3 % pour les démences vasculaires (41).
Facteurs de risque de démence
De nombreuses études ont montré le rôle de l’âge, du sexe, de l’éducation et des affections comorbides comme facteurs de risque de la détérioration cognitive chez les personnes âgées du monde. En effet, selon Becker et al. (11), le vieillissement normal s’accompagnera de déclin cognitif surtout au niveau des habiletés intellectuelles, du processus attentionnel, de la mémoire et de la résolution des problèmes chez la personne âgée. Ces troubles cognitifs semblent liés aux différentes modifications morphologiques observées lors des études neuroradiologiques et neuro pathologiques de cerveau de personnes âgées normales (60). Ces modifications peuvent entraîner des détériorations cognitives dont la gravité dépend de l’importance des troubles anatomiques et physiologiques qui en résultent (82, 88).
L’âge
L’âge est sans contexte, le principal facteur de démence; l’incidence doublant pratiquement par tranche d’âge de 5 ans après 65 ans (88).
Kim et al. (82), lors d’une étude menée auprès 1566 personnes âgées de 65 ans et plus habitant une zone rurale et urbaine de la Corée du Sud, ont montré que la détérioration subjective de la mémoire était associée entre autres à l’âge et au sexe féminin.
D’autres études menées en Inde (95); en Corée du sud (111), en Chine (67), au Brésil (64) et au japon (98) ont monté que la détérioration cognitive chez les personnes âgées était de façon significative associée à l’âge et à l’éducation. Evans et al. (39) ont montré que la prévalence de la maladie d’Alzheimer est fortement associée à l’âge avec une prévalence de 3 % pour la tranche d’âge 65-79, 18,7 % pour 75-84 ans et 47,2 % pour 90 ans et plus.
Le sexe
Le rôle du sexe est encore l’objet de controverse. En effet, pour certains auteurs, le sexe féminin constitue un facteur important pour la survenue de la détérioration cognitive chez la personne âgée (35, 67, 88, 111) qu’on peut expliquer par des différences biologiques et hormonales, avec notamment un possible effet des œstrogènes, mais également des différences socioculturelles. L’espérance de vie plus élevée chez les femmes que chez les hommes, pourrait également expliquer ce phénomène (21, 88).
Pour d’autres, ce rôle n’est pas significatif (32, 40, 69, 88, 98).
Le statut matrimonial
Des associations, ont été mises en évidence entre le risque de démence et le statut matrimonial. Les sujets célibataires ont un risque double de développer une démence, par rapport à ceux qui vivent en couple. La stimulation cognitive, au sein du couple protègerait contre, ou retarderait la phase clinique de la démence.
Cependant, ces résultats ne sont pas concluants. En effet, pour Ylikoski (21), le fait d’être veuf ou divorcé entraîne une baisse de performance au Mini Mental Status Examination (MMSE) alors que cette baisse n’est observée que chez les personnes âgées mariées selon Black et al. (16).
Le niveau d’éducation
Des études réalisées à partir de données d’incidence ont observé une association entre le niveau bas d’éducation et un risque accru de démence (6, 21, 46), même si certains auteurs ne retrouvent pas d’association. Ce serait plus le niveau d’éducation atteint que le nombre d’années d’études qui interviendrait (102, 104).
Une étude réalisée auprès d’une population de personnes âgées exemptes de détérioration cognitive a montré des modifications anatomiques cérébrales différentes selon le niveau d’éducation (88), modifications qui confirment l’hypothèse de la capacité de réserve liée à l’éducation.
Pour Hänninen et al. (58), la MCI est beaucoup plus fréquente chez les personnes âgées présentant un faible niveau d’instruction.
Le mode de vie et le réseau social
La consommation d’alcool augmente de risque de survenue de la démence vasculaire alors que la pratique régulière et modérée d’activité physique a un effet protecteur contre la MA) (79, 88).
Des études réalisée à Boston dans le cadre du programme EPESE (Etablished Population for Epidemiological Study) ont montré que la consommation d’alcool et le tabagisme n’étaient pas associées à la MA (61). Cependant, ils constituent un facteur de risque élevé pour la démence vasculaire (82, 110).
En plus, certains comportements à risque (alcool, tabagisme, sédentarité) sont associés à la survenue d’affections morbides en particulier les maladies cardiovasculaires (20, 36, 66, 88).
La pratique d’activités comme le jardinage, le bricolage ou le tricotage est également associée à un risque moindre de démence.
Une étude réalisée dans le Bronx, (New York au USA), a montré que les activités de loisir et la danse pouvaient réduire le risque de survenue de la démence dans une population de 488 personnes âgées de 75 ans et plus, habitant dans la communauté et suivie de 1980 à 2001 (21, 99).
Le rôle de la pratique régulière d’une activité sportive est encore l’objet de controverse. Des études réalisées en Chine et en Australie n’ont pas montré un effet bénéfique alors qu’au Canada (91), chez les femmes, elle était associée à une réduction de 50 % du risque de survenue de détérioration cognitive sans démence, de 60 % pour la MA et de 50 % pour la démence en général.
Le rôle du réseau social dans la survenue des troubles cognitifs chez la personne âgée a fait l’objet de nombreuses études dans le monde. En effet, les relations sociales, l’intégration et l’engagement sociaux ont un impact significatif sur la fonction cognitive (48). Quant à la religion, c’est plutôt le fait d’assister aux cérémonies religieuses qui est associé à un faible risque de démence (74, 77 107).
Les facteurs génétiques
Plusieurs études ont mis en évidence un risque accru de MA chez les sujets ayant un parent au premier degré atteint de cette pathologie.
Des facteurs génétiques sont également reconnus comme des déterminants de l’apolipoprotéine ε4 du gène codant pour l’apolipoprotéine E (18, 21, 67, 87)).
Les affections comorbides
De nombreuses affections morbides ont été associées à la survenue de troubles cognitifs. Elles interviennent de manière directe ou indirecte sur le système nerveux central (SNC) avec des modifications cérébrales diverses. On en distingue plusieurs en particulier les affections cardiovasculaires, neurologiques, psychiatriques, la MCI, la trisomie 21 et la maladie de Parkinson. Notons aussi le cas des affections endocriniennes, métaboliques et les infections du SNC (5, 19, 24 54, 55).
Les maladies cardiovasculaires
De nombreuses études ont été réalisées sur le rôle des affections cardiovasculaires et cérébrales sur la survenue de troubles cognitifs chez les personnes âgées. En effet, leur rôle a été défini et confirmé (19) lors d’études transversales et populationnelles dans le monde. Ainsi Hänninen et al (49) ont montré, dans une étude réalisée sur une population de 806 personnes âgées de 60 à 80 ans à Kuopio, que la MCI était fortement associée à l’hémorragie cérébrale et à la fibrillation auriculaire.
Fujishima et Kiyohara (21, 88), lors d’une étude longitudinale auprès d’une population subrurale à Hisayama, ont trouvé que l’hypertension artérielle (HTA) systolique et l’accident vasculaire cérébral (AVC) étaient associés à la démence vasculaire (DV).
Pour Hertzog et al. (65), les affections cardiovasculaires en particulier l’arthérosclérose, les AVC, l’hypertension associée à l’arthérosclérose sont des facteurs prédictifs des tests neuropsychologiques (68).
Pour Farmer et al. (43), l’association entre l’HTA et la performance aux tests dépend de l’âge et du stade de l’HTA. Ainsi, l’hypertension limite était surtout associée à une mauvaise performance au test « Number of Digit Forward » et l’HTA systolo-diastolique au rappel immédiat et au «Number of Digit Forward» chez les personnes âgées de 65 à 79 ans. Cependant, la performance au test était améliorée chez les personnes âgées de 75 ans et plus. Ces mêmes constats ont été observés avec l’HTA systolique et l’HTA diastolique isolée (51).
Pour Wallace et al. (109), seule l’HTA diastolique est associée à une détérioration du rappel au test neuropsychologique alors que Boller et al. (17) suggèrent que l’HTA est associée à une mauvaise performance aux tests de vigilance et d’attention. Cependant Glynn et al (53), suggèrent qu’il n’existe pas de relation linéaire entre la pression artérielle et la cognition.
Une étude réalisée en Europe sur le traitement de l’hypertension a démontré que ce dernier réduit l’incidence de la démence de 50 % (de 3,8 % à 7,7 % par patient-année) surtout pour la MA (53). Mais, quel que soit le résultat, l’HTA permanente peut évoluer vers l’AVC mais aussi vers la cardiopathie hypertensive avec comme corollaire la détérioration des fonctions cognitives (65). D’autres facteurs de risque vasculaires ont été identifiés comme le diabète, l’hypercholestérolémie et la fibrillation auriculaire (19, 88).
Dépression et autres maladies psychiatriques
La dépression et les symptômes dépressifs sont fréquemment rencontrés lors de la survenue de la MA. Ainsi de nombreuses études ont montré que la dépression est fortement associée à la survenue de la démence. La dépression et d’autres maladies psychiatriques sévères ont été associées à la MCI et à la performance au MMSE (54, 55, 71).
Détérioration cognitive légère ou MCI
Un trouble mnésique du sujet âgé peut correspondre à un stade très précoce d’une atteinte organique. Il est possible de repérer ces patients qui sont à risque d’évoluer vers une démence caractéristique. C’est le concept de trouble cognitif léger ou détérioration cognitive légère (Mild Cognitive Impairment ou MCI). Elle est définie par certains comme une plainte de troubles cognitifs chez une personne âgée sans qu’il y’ait d’interférence avec les activités de la vie quotidienne et sans démence (93, 108).
L’avancée en âge s’accompagne d’une baisse des performances cognitives. Le vieillissement cognitif s’exprime plus ou moins tardivement et sa perception varie selon les individus et selon les capacités de compensation face à ce déclin. La capacité de compensation ou «réserve cognitive» permet de différencier les sujets normaux des porteurs de lésions dégénératives. Le vieillissement cognitif normal n’a pas d’influence sur les activités de la vie quotidienne car les personnes âgées normales compensent spontanément le déclin. La réserve cognitive permet de compenser, de masquer, de retarder l’apparition et d’atténuer l’intensité des difficultés cognitives (13).
Dans la MA, le déclin sera de moins en moins compensé car la réserve cognitive est affectée avec un retentissement sur la vie quotidienne.
Depuis quelques années, la MCI suscite la préoccupation chez de nombreux chercheurs à travers le monde. Elle est considérée comme une condition prédictive de la démence en général (93). A cet effet, elle est devenue une pierre angulaire dans la recherche sur les troubles cognitifs chez les personnes âgées. Cette affection présente un potentiel de conversion vers la démence avec une progression estimée à 10-25% par année.
Les personne âgées présentant la MCI sont actuellement sujettes à des essais cliniques suscitant de l’espoir pour freiner ou retarder la progression de la maladie (88). Ainsi, l’identification des personnes présentant une MCI et leur prise en charge précoce permettraient de minimiser toutes les conséquences qui découleraient de la progression vers la démence en particulier l’inconfort (chez le patient et sa famille) et les risques d’accidents.
La trisomie 21 et la maladie de Parkinson
La trisomie 21 est un facteur de risque de la MA et en partage certains mécanismes physiopathologiques. Il existe un risque relatif d’Alzheimer de 2,7 parmi les parents au 1er degré de patient souffrant de trisomie 21 (88).
La maladie de Parkinson partage certains caractères neuro pathologiques avec la MA et peut en être l’étiologie. Parmi les parents au 1er degré des patients parkinsoniens le risque relatif de développer la MA est de 2.4 (88).
Autres affections comorbides
D’autres affections (l’hypothyroïdie, l’hyperthyroïdie, le déficit en vitamine B12, l’hyperparathyroïdie, le diabète) peuvent s’accompagner de troubles cognitifs réversibles. Une détérioration des fonctions cognitives est souvent associée à d’autres affections neurologiques (25, 29, 62).
L’infection du SNC par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) peut entraîner la survenue de détériorations des fonctions cognitives avec une baisse de performance aux tests neuropsychologiques (31, 103). Le risque est plus élevé chez les personnes avec un faible niveau d’instruction, indépendamment de l’âge, du sexe, du stade de l’infection et de la thérapie antiretrovirale (37).
Cette analyse non exhaustive des facteurs de risque des troubles cognitifs confirme qu’il s’agit bien d’une maladie multifactorielle.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: RAPPELS SUR LA MEMOIRE ET GENERALITES SUR LA DEMENCE
I- DEFINITIONS ET GENERALITES SUR LA MEMOIRE
II- BASES ANATOMIQUES DE LA MEMOIRE
III- PHYSIOPATOLOGIE DE LA MALADIE D’ ALZHEIMER
III-1- Rôle du système cholinergique
III-2- Rôle des systèmes noradrénergique, adrénergique, dopaminergique et sérotoninergique
III-3- Rôle du glutamate
III-4- Rôle du cholestérol
III-5- L’amyloïdogenèse
III-6- La Dégénérescence Neuro- Fibrillaire (DNF)
IV- EPIDEMIOLOGIE DES DEMENCES
IV-1- Démence
IV-1-1- Prévalence
IV-1-2- Incidence
IV-1-3- Coût économique et social
IV-1-4- Mortalité
IV-2- Facteurs de risque de démence
IV-2-1- L’âge
IV-2-2- Le sexe
IV-2-3- Le statut matrimonial
IV-2-4- Le niveau d’éducation
IV-2-5- Le mode de vie et le réseau social
IV-2-6- Les facteurs génétiques
IV-2-7- Les affections comorbides
IV-2-7-1- Les maladies cardiovasculaires
IV-2-7-2- Dépression et autres maladies psychiatriques
IV-2-7-3- Détérioration cognitive légère ou MCI
IV-2-7-4- La trisomie 21 et la maladie de Parkinson
IV-2-7-5- Autres affections comorbides
V- DIAGNOSTIC
V-1- Diagnostic clinique
V-2- Diagnostic para clinique
V-2-1- Biologie
V-2-2- Imagerie cérébrale
V-2-3- Electrophysiologie
DEUXIEME PARTIE: PRISE EN CHARGE MEDICAMENTEUSE DE LA MALADIE D’ALZHEIMER
I-TRAITEMENTS ACTUELS DES TROUBLES COGNITIFS ET LEURS RÉSULTATS
I-1- Les médicaments du système cholinergique
I-1-1- L’utilisation des précurseurs de l’Ach
I-1-2- L’utilisation des inhibiteurs de la ChE ou Anti ChE (ACE)
I-1-2-1- Tacrine ou THA
I-1-2-2- Donépézil
I-1-2-3- Rivastigmine
I-1-2-4- Galantamine
I-2- La cible glutaminergique: la mémantine
I-3- L association mémantine et inhibiteur de la ChE
I-4- Les anti inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
I-5- Les bloqueurs des canaux calciques
II- TRAITEMENT DES TROUBLES COMPORTEMENTAUX
II-1- La dépression
II-2- L’anxiété
II-3- Les troubles de sommeil
II-4- Les hallucinations
III- STRATÉGIES D’AVENIR POUR LA PRISE EN CHARGE DE LA MALADIE D ALZHEIMER
III-1- Les stratégies thérapeutiques
III-1-1- La stratégie restauratrice
III-1-2- Les stratégies protectrices
III-1-2-1- Les facteurs de croissance: cas du NGF (Nerve Growth Factor)
III-1-2-2- L’utilisation d’un système de drainage à faible débit du liquide céphalorachidien (LCR)
III-1-2-3- Le cuivre, le fer et le zinc: cibles thérapeutiques potentiels dans la MA
III-2- Les stratégies préventives
III-2-1- Les vasodilatateurs
III-2-1-1- L’Extrait de Ginkgo Biloba (EGB)
III-2-1-2- La nicergolide
III-2-1-3- La dihydroergotoxine
III-2-1-4- Le Naphtydrofuryl
III-2-2- Les antioxydants (ATO) ou anti radicalaires
III-2-3- Les œstrogènes et hormones stéroïdiennes
III-2-4- Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
III-2-5- L’action sur la formation de la protéine bêta amyloïde
III-2-5-1- Le clivage enzymatique de l’APP
III-2-5-2- L’agrégation du peptide amyloïde et la formation des plaques
III-2-5-3- L’hyperphosphorylation de la protéine tau
III-2-6- Les anticholestérolémiants
CONCLUSION
REFERENCES
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