Prise en charge et traitements de l’HPP

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Prise en charge et traitements de l’HPP

La prise en charge

La prise en charge de l’HPP est multidisciplinaire, elle repose sur une bonne coopération de l’équipe obstétricale et de l’équipe d’anesthésie. Elle doit être conjointe, simultanée et nécessitant une coordination entre les différents praticiens, celle-ci est fortement facilitée par un protocole de service bien établi et connu de chacun [11]. Le facteur temps est très important dans la prise en charge optimale de l’HPP. Un relevé chronologique de la surveillance et de la prise en charge doit être réalisé tout au long du traitement jusqu’à l’arrêt des saignements pathologiques..

Les traitements médicamenteux

Le traitement de l’hémorragie du post-partum commence par la délivrance, si celle-ci ne s’est toujours pas réalisée. Si elle a eu lieu, le traitement débute par une révision utérine permettant de s’assurer de la vacuité utérine. Le geste est suivi d’une injection d’utérotonique. L’ocytocine est recommandée à une posologie de 5 à 10UI en intraveineuse lente. Elle devra être suivie d’une perfusion d’entretien à un débit de 5 à 10UI par heure pendant 2 heures [13]. Un traitement précoce par Acide Tranexamique peut également être envisagé en parallèle du traitement par utérotonique. L’Acide Tranexamique (Exacyl®) est un antifibrinolytique. Il va potentialiser l’hémostase du patient en inhibant l’effet fibrinolytique qui contre balance physiologiquement l’augmentation de l’activité plaquettaire par libération importante de facteurs de coagulation au moment du décollement placentaire. Cette molécule est déjà fortement utilisée dans diverses interventions chirurgicales, elle montre de très bons résultats dans le traitement des hémorragies [14]. Elle est actuellement envisagée en obstétrique suite à plusieurs publications dont la cochrane qui montre un effet bénéfique de ce traitement dans l’HPP [15,16]. L’étude lilloise randomisée nommée EXADELI montre une diminution des pertes sanguines de 46% à 1 heure et de 49% à 6 heures, une diminution de la durée des saignements et aussi un taux d’HPP graves moins important. De plus, les effets secondaires étaient peu nombreux [17]. L’effectif de cette étude reste faible mais une grande étude randomisée sur 15000 patientes a débuté au Royaume Uni. Elle permettra de mieux préciser l’efficacité et les effets secondaires de ce traitement.

Si les saignements persistent, l’examen de la filière génitale doit être réalisé afin d’éliminer toutes plaies cervico-vaginale passées inaperçues et d’affirmer qu’il s’agit d’un saignement endo-utérin.
Si l’hémorragie persiste au bout de 15 à 30 minutes selon son intensité et son retentissement sur l’hémodynamique, les RPC du CNGOF sont un passage au traitement de deuxième intention [13]. Ce traitement consiste en une perfusion de prostaglandines (PGE2), la sulprostone (Nalador®), en intraveineux à une posologie comprise en 100 et 500µg par heure. La posologie de 500µg par heure ne doit jamais être dépassée.
On considère que cette thérapeutique a échoué s’il n’y a pas d’amélioration des saignements au bout de 30 minutes ou si la situation s’aggrave avant ce délai. Selon ces RPC, une thérapeutique invasive de l’HPP doit être envisagée. Elle consiste en une embolisation ou une chirurgie d’hémostase [13]. Du fait de la difficulté d’accès à ces techniques pour certaines maternités et surtout dans le souci de diminuer l’éventuelle morbidité iatrogène qui leur est attribuée, les techniques de compression intra-utérine ont été envisagées et développées.

Compression intra-utérine

Cette technique consiste en l’insertion d’un ballonnet dans la cavité utérine, qui une fois gonflé, s’applique sur le myomètre au niveau du lit placentaire et obture les vaisseaux restés béants. L’utérus distendu par ce ballonnet réagirait en se contractant. Il semblerait également que la pression hydrostatique du ballonnet entraîerait une baisse du débit au niveau des artères utérines ainsi comprimées par voie interne [18]. Plusieurs types de sondes ont été détournés de leur utilisation pour traiter l’hémorragie du post-partum (préservatif relié à une sonde, sonde de Folley, ballonnet de Rush, sonde de Sengstaken-blackmore).

Le ballonnet de Bakri a été spécialement développé pour traiter les HPP. Ses avantages sont sa forme ovoïde, adaptée à la forme de l’utérus, mais aussi un double feuillet perforé permettant l’extériorisation et la quantification des saignements. Ce n’est pas le cas des autres sondes, avec lesquelles un caillot intra-utérin peut se former et passer inaperçu aux yeux de l’équipe soignante. Le ballonnet de Bakri peut être placé après un accouchement voie basse ou une césarienne. Il doit être gonflé entre 250 et 500cc. Les études disponibles sur cette thérapeutique montraient un taux d’efficacité entre 80 et 100% mais leurs effectifs étaient faibles (5 à 13) et les prises en charge médicales ou chirurgicales sont très hétérogènes. Son efficacité reste à évaluer sur de plus grandes études, avec une prise en charge plus standardisée..

Les traitements invasifs

L’embolisation consiste en un cathétérisme uni ou bi-fémoral qui permet une exploration de tout l’arbre vasculaire utérin. L’embolisation sélective des artères utérines doit être réalisée en première intention mais elle peut également être réalisée au niveau des artères hypogastriques ou des artères de la région cervico-vaginale. En cas de persistance d’un saignement, les branches anastomotiques telles que les artères ovariennes et du ligament rond doivent être explorées. L’embolisation est indiquée en cas d’hémorragie du post-partum due à une atonie utérine résistante aux utérotoniques, à une hémorragie d’origine cervico-isthmique, à un thrombus vaginal, à un saignement d’origine cervico-vaginal. L’embolisation peut être réalisée malgré une coagulopathie. Le risque d’hématome péri-fémoral dans ces conditions reste faible, la balance bénéfice/risque est en faveur de ce traitement..
Le temps nécessaire pour bénéficier du plateau technique et le délai nécessaire pour la réalisation de l’embolisation sont à mettre en relation avec l’état hémodynamique de la patiente avant de poser l’indication d’embolisation.
Les traitements chirurgicaux sont indiqués en cas d’hémorragie persistante aux utérotoniques, au décours d’une césarienne, si les conditions nécessaires pour le transfert en embolisation ne sont pas réunies ou en cas d’échec d’embolisation. Le geste chirurgical recommandé en première intention est une ligature des artères utérines associée à un capitonnage des parois utérines [13]. Les ligatures peuvent aussi être réalisées si nécessaire, au niveau des ligaments utéro-ovariens, du ligament rond ou des artères hypogastriques.

En dernier recours ou devant une hémorragie massive d’emblée, avec défaillance hémodynamique et multiviscérale non corrigée par les manœuvres de réanimation, une hystérectomie d’hémostase doit être envisagée [13]. L’ensemble de ces recommandations est de grade C selon la classification de la HAS, c’est à dire d’un faible niveau de preuve, basé sur des études cas témoins. Cependant la réalisation d’essai clinique randomisé est irréalisable dans ce contexte d’urgence où le pronostic vital est engagé.
On remarque donc que le sulprostone est un traitement charnière dans la prise en charge de l’hémorragie du post-partum car il est le dernier stade des traitements non invasifs, s’il se solde par un échec la prise en charge nécessitera des traitements invasifs.

Les prostaglandines et leur utilisation dans le traitement de l’HPP

La concentration en prostaglandines endogènes augmente de façon physiologique après la délivrance, entraînant une contraction myométriale. Les prostaglandines ont donc été envisagées rapidement dans les années 80, en cas d’échec du traitement par ocytocine. Leur action se fait par contraction de la paroi vasculaire des vaisseaux utérins, par une augmentation des pressions externes due à une contraction du myomètre. La prostaglandine E jouerait également un rôle dans l’agrégation plaquettaire.

Mécanismes d’action de la PGE2

L’action des prostaglandines E2 se fait par fixation sur les récepteurs EP. Il existe 4 isomères de ce récepteur numérotés de 1 à 4. Ces récepteurs sont présents sur de nombreux tissus de l’organisme. Les récepteurs EP2 sont plus spécifiquement localisés sur l’utérus. L’utérus présente aussi les récepteurs EP3 et 4 qui sont plus largement distribués dans l’organisme. Ces récepteurs sont couplés à la protéine G qui une fois activée, active à son tour l’adénylate cyclase et de la phospholipase provoquant une augmentation du calcium intracellulaire créant une contraction des fibres musculaires..

Certains ont remarqué que in vitro les prostaglandines jouaient un rôle dans l’agrégation plaquettaire. Les prostaglandines ont la capacité d’amplifier la réponse plaquettaire lorsque celle-ci est en contact avec son agoniste (collagène, ADP, TXA2) [19]. Cette action amplificatrice se fait par l’intermédiaire du récepteur EP3 présent à la surface des plaquettes. Ce récepteur couplé à la protéine G va inhiber l’Adénylate cyclase et donc, de ce fait, diminuer la concentration intra-plaquettaire d’AMPc, elle-même inhibitrice de l’agrégation plaquettaire. Cet effet pro-coagulant de la PGE2 est discuté car d’autres études in vitro montrent qu’en cas de concentration trop importante cette molécule va inhiber l’agrégation plaquettaire [19]. Cet effet n’est pas spécifique à la PGE2 mais en cas de forte concentration, elle va stimuler les récepteurs IP de la PGI2 qui ont un effet inhibiteur sur l’agrégation plaquettaire. De plus leurs effets in vivo restent peu étudiés et mal connus. Deux études menées sur la souris ont suggéré que la PGE2 facilitait la thrombose veineuse [20,21].

Les différentes prostaglandines traitant l’hémorragie du post partum

Plusieurs molécules ont été étudiées, la PGF2α (Prostine®), la PGE1 (Misoprostol®), la PGE2 (Sulprostone®).
La PGF2α est décrite en premier par Takagi et al. en 1976, qui ont montré une bonne efficacité de cette molécule et particulièrement par voie intra-myométriale. Son inconvénient est une demi-vie courte, obligeant une répétition des injections. Des dérivés méthylés ont alors été développés pour augmenter sa durée d’action. Plusieurs études ont été menées avec la 15-methylPGF2α en intramyométrial ou en intramusculaire. Elles montrent une bonne efficacité avec un taux de réussite allant de 82.5% à 95% selon les études [22].
La PGE1 a également été étudiée pour traiter les hémorragies du post-partum. Deux études randomisées en double aveugle ont été publiées dans le Lancet en 2010 [23,24]. La première comparait l’utilisation du misoprostol (800mg) à celle de l’ocytocine (40UI en IV) pour traiter l’HPP. Cette étude a inclus 809 femmes présentant une hémorragie du post-partum après un accouchement voie basse. Elle montrait que cliniquement le misoprostol était équivalent à l’ocytocine pour traiter une hémorragie du post-partum par atonie utérine [23]. La seconde étude comparait l’utilisation du misoprostol (600mg sublingual) à un placebo en parallèle au traitement par utérotonique usuel (10 UI d’ocytocine en IM ou IV). Cette étude a inclus 1422 femmes qui présentaient une hémorragie du post-partum. Elle ne montrait pas un bénéfice à l’utilisation du misoprostol en parallèle des utérotoniques injectables standard..

La PGE2 ou sulprostone est la prostaglandine la plus utilisée en France dans le cadre de l’hémorragie du post-partum, elle est celle recommandée dans les RPC du CNGOF de 2004. Elle est utilisée dans cette indication depuis 1982. Elle est préférée à la PGF2α pour son utéro-sélectivité supérieure, avec pour conséquence des effets secondaires moins importants. Dans certains pays, la PGE2 a été retirée des thérapeutiques disponibles du fait d’arrêts cardiaques observés lors d’injections intramusculaires ou intramyométriales. Elle est commercialisée dans seulement 23 pays. Ceci pose un problème d’exhaustivité de la littérature internationale concernant l’utilisation de cette molécule. Elle est indiquée en cas d’hémorragie du post-partum résistante aux ocytociques. Son utilisation est contre indiquée en cas d’asthme, de bronchite spastique, d’une affection cardio vasculaire (angine de poitrine, syndrome de Raynaud, trouble du rythme, insuffisance cardiaque, hypertension artérielle), de lésions cardiaques préexistantes, d’antécédents thromboemboliques ou thrombophlébitiques, de trouble grave de la fonction hépatique ou rénale, de diabète décompensé, d’antécédents comitiaux, de glaucome, de thyréotoxicose, d’infections gynécologiques aiguës, d’ulcère gastrique, d’utérus cicatriciel, de thalassémie et de drépanocytose. Elle est également contre indiquée, d’après son AMM, chez la femme de plus de 35 ans et chez la femme fumeuse ou ayant arrêté depuis moins de 3 mois [25]. Etant donné que son utilisation se fait dans un contexte où le pronostic vital des patientes est engagé, il faut que l’équipe soignante évalue le rapport bénéfice/risque à chaque utilisation.

Elle s’administre uniquement par voie intraveineuse à la seringue électrique. Les injections intramyométriale et intramusculaire ont été retirées des conditions d’utilisation pour l’autorisation de mise sur le marché, en raison d’arrêts cardiaques secondaires à un pic plasmatique de PGE2 après injection intramusculaire ou intramyométriale. L’injection intraveineuse se fait à une posologie de 100 à 500 microgrammes par heure. La posologie peut être adaptée en fonction de la réponse au traitement mais la posologie ne doit jamais dépasser 500 microgrammes par heure. Les effets secondaires rapportés à cette thérapeutique sont peu fréquents. Il y a eu moins de 200 effets indésirables rapportés entre 1982 et 2000 pour 1.4 millions de traitements. La survenue de ces effets indésirables est donc inférieure à 0.01%, ce qui les définit comme effets indésirables rares selon la définition de pharmacovigilance. Ces effets sont variés, les plus inquiétants sont les accidents cardio-vasculaires de type arrêt cardiaque, angor, œdème pulmonaire. L’infarctus du myocarde a souvent été décrit comme effet indésirable du traitement par sulprostone mais ceci est très discuté car l’arrêt cardiaque peut être tout autant imputable à l’état hémodynamique de la patiente associant hypotension, tachycardie et anémie en cas d’hémorragie sévère [22]. Des ischémies sévères des membres supérieurs ont été décrites, probablement dues à un passage extra vasculaire du médicament. D’autres effets indésirables moins préoccupants peuvent apparaître : nausées, vomissements, spasmes abdominaux, diarrhées et plus rarement des céphalées et des obnubilations, parfois des troubles hydroélectrolytiques et des convulsions chez les femmes présentant un antécédent de comitialité.

Goffinet et al. ont publié en 1995 une étude rétrospective descriptive portant sur une série de 91 hémorragies du post-partum résistantes à l’ocytocine. Ils montraient une efficacité de 89% du sulprostone. Le résultat majeur de cette étude était un risque d’échec du sulprostone 8.3 fois plus important si celui-ci était initié dans un délai supérieur à 30 minutes après le diagnostic d’hémorragie. Ils ont également émis l’hypothèse que la présence de plusieurs causes d’hémorragie du post-partum était un facteur de risque d’échec du traitement. Ils ont remarqué que pour les 10 échecs présents dans leur étude, 6 patientes avaient une autre cause d’hémorragie que l’atonie utérine (pré-éclampsie, placenta prævia, déchirure cervico-isthmique)..

Malgré sa position charnière dans le traitement de l’HPP en France, les raisons de l’échec du traitement par sulprostone ne sont pas bien documentées. Seule l’instauration du traitement dans un délai supérieur à 30 minutes après le diagnostic d’hémorragie a été décrite. Ce délai a été instauré de manière arbitraire suite à des études comme celle de Goffinet F. qui montrait un risque surajouté d’échec du traitement passé 30 minutes. Il n’est en aucun cas fondé sur des essais contrôlés, permettant de le comparer à un délai inférieur ou supérieur à 30 minutes [26]. Aucune autre étude ne s’intéresse réellement à d’éventuels risques préexistants d’échec du sulprostone. Il parait pourtant important de les connaître s’ils existent car leur dépistage pourrait permettre une meilleure organisation des équipes, grâce à une anticipation et une bonne préparation pour une prise en charge la plus optimale possible.
Il nous est donc apparu qu’il était intéressant d’essayer de déterminer s’il existait des facteurs de risque d’échec du traitement par sulprostone autre qu’un retard à l’initiation du traitement dans le cadre de l’hémorragie du post-partum.

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Table des matières

1. Introduction
1.1. L’hémorragie du post-partum
1.1.1. Introduction
1.1.2. Définition
1.1.3. Etiologies de l’HPP
1.1.4. Prophylaxie de l’HPP
1.2. Prise en charge et traitements de l’HPP
1.2.1. La prise en charge
1.2.2. Les traitements médicamenteux
1.2.3. Compression intra-utérine
1.2.4. Les traitements invasifs
1.3. Les prostaglandines et leur utilisation dans le traitement de l’HPP
1.3.1. Mécanismes d’action de la PGE2
1.3.2. Les différentes prostaglandines traitant l’hémorragie du post partum
2. Matériel & Méthode
3.1. Résultats de la première population de 179 patientes
3.1.1. Analyse univariée : comparaison des deux groupes, réussite et échec du traitement par sulprostone
3.1.2. L’analyse multivariée
3.2. Résultats sur la population de 135 patientes
3.2.1. Analyse univariée : comparaison des deux groupes, réussite et échec du traitement par sulprostone
3.2.2. L’analyse multivariée
4. Discussion
4.1. Critiques de l’étude
4.2. Incidence de l’hémorragie du post-partum
4.3. Comparaison de nos résultats aux autres études
4.4. Synthèse de l’étude
5. Conclusion
Bibliographie

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