PRISE EN CHARGE ET TRAITEMENT DU TABAGISME

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EPIDEMIOLOGIE DU TABAGISME

La prévalence

Le nombre de fumeurs dans le monde est estimé à plus d’un milliard de personnes âgées de 15ans et plus [67].
Cependant les pays en voie de développement ont la plus grande part. La prévalence dans les pays en voie de développement croît de 2,7% par an alors dans les pays développés elle décroît de 1,8% par an [19].
Au Sénégal le nombre de fumeurs est mal connu mais du fait de la prolifération publicitaire en faveur du tabac, du non respect des lois et règlements et la médiocrité des campagnes de sensibilisations, il est à craindre que ce nombre augmente.

Le sexe

On compte, dans le monde, plus d’un milliard de fumeurs dont 20% environ sont des femmes. Toutefois, l’épidémie de tabagisme parmi les femmes est en augmentation dans certains pays. Les femmes sont une cible de choix pour l’industrie du tabac, qui doit recruter de nouveaux consommateurs pour remplacer près de la moitié des consommateurs actuels, qui mourront prématurément de maladies liées au tabagisme [71].
Le tabagisme masculin tend cependant, depuis quelques années à se stabiliser voire à diminuer bien que cela se fasse lentement.

L’âge

Selon l’OMS le tabagisme est plus fréquent chez les jeunes et les adolescents. Ceci est lié à la publicité, au libre accès, à l’esprit d’autorité d’indépendance et de curiosité des jeunes [70].

La morbi-mortalité

Le tabac a fait 100 millions de morts au XXème siècle, c’est-à-dire plus de 5 millions de morts par an. Si l’on n’agit pas rapidement le nombre de décès dépassera 8 millions d’ici 2030.Dans les pays en voie de développement plus de 80% des décès seront liés au tabagisme d’ici 2030 [67].
Actuellement les décès dûs au tabac font rarement les gros titres ; pourtant une personne meurt des conséquences du tabagisme toutes les six secondes. Plus d’une trentaine de pathologies sont causées par le tabac après un délai de plusieurs décennies. La mortalité des fumeurs dépasse largement celle des non fumeurs ; cette mortalité causée par les cancers, les maladies cardio-vasculaires, les maladies de l’appareil respiratoire entre autres.
En Mai 2003 l’Assemblée Mondiale de la santé a adopté à l’unanimité la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), l’un des traités du système des nations unis emportant la plus grande adhésion, et le premier contre le tabac, afin de mobiliser une action au niveau mondial et au niveau des pays contre l’épidémie de tabagisme [67].
Ainsi l’OMS conçu le programme MPOWER qui comprend six politiques éprouvées [68] : (Monitor) Surveiller la consommation de tabac et les politiques de prévention ;
(Protect) Protéger la population contre la fumée du tabac ; (Offer) Offrir une aide a ceux qui veulent renoncer au tabac ; (Warn) Mettre en garde contre les dangers du tabagisme ;
(Enforce) Faire respecter l’interdiction de la publicité, de la promotion et du parrainage ; et (Raise) Augmenter les taxes sur le tabac.

Le niveau socio-économique

Les recherchent montrent que ce sont les pays en voie de développement et les pays pauvres qui fument le plus.
L’industrie du tabac prétend créer des emplois et générer des revenus qui contribuent à la croissance de l’économie locale et nationale, mais sa plus grande contribution à la prospérité d’un pays n’est que souffrance, maladie, mort et pertes économiques.
Les décès liés au tabac suppriment des possibilités économiques .Le coût économique des décès liés au tabac pèse lourd sur le monde en développement, où se produiront quatre décès par tabagisme sur cinq d’ici à 2030 [70].Dans la plupart des pays, les pauvres consomment davantage de tabac que les riches et c’est dans les régions où le revenu moyen est des plus bas que l’écart est le plus grand.
Les méfaits économiques sont :
Le coût des soins des maladies liées au tabac, la banque mondiale l’estime à 200 milliards de dollars US à travers le monde.
La diminution de la productivité due à l’absentéisme professionnel à cause des maladies et des décès.
Les dépenses liées à la production de cigarettes par :
– l’augmentation de la destruction des forêts pour l’énergie calorique nécessaire pour le séchage des feuilles de tabac (1/3 des forêts au Malawi) [37] ;
– la diminution de surfaces de cultures vivrières [8] ;
L’augmentation des dépenses individuelles et familiales [32] ; L’augmentation des risques d’incendie.
Le tabac a pour effet économique net d’aggraver la pauvreté. Le but commercial de l’industrie est de rendre davantage de clients dépendants et de nuire davantage aux pauvres.

LE TABAC

La plante, espèce et culture

Le tabac appartient à la famille des Solanacées qui regroupe entre autres les pommes de terre, la tomate ou encore les aubergines. Cette plante rudérale, annuelle, originaire des Amériques aime les sols profonds, légers, mouillés et riches en sels minéraux [16 ,20]. Le genre Nicotiana, auquel appartient le tabac, compte une cinquantaine d’espèces. Les principales étant Nicotiana Rustiqua (Figure 1), cultivée en Europe Orientale et autour du bassin méditerranéen, et Nicotiana Tabacum ou tabac Virginie (Figure 2).
Cultivés dans un premier temps en serre à partir de la graine jusqu’à atteindre une hauteur de 20 à 30 cm, les plants sont repiqués mécaniquement ou manuellement en pleine terre entre le mois de mars et le début de l’été [16]. De développement relativement rapide, le tabac peut être cultivé dans la plupart des régions du globe, même celles aux longs hivers.
Les plants, pouvant atteindre jusqu’à 2 m de haut, sont couronnés de fleurs. Celles-ci coupées, les feuilles entre vingt et trente par pied peuvent alors atteindre leur croissance optimale et accroître leur synthèse d’alcaloïdes dont le principal est la nicotine. Environ trois mois après le repiquage, vers la fin du mois de juillet, août, la décoloration des feuilles donne le signal de départ de la récolte. La technique variant d’une région à l’autre, d’une espèce à l’autre, selon le niveau de mécanisation, mais globalement on peut distinguer deux modes opératoires :
– ramassage au fur et à mesure du jaunissement des feuilles (cas du tabac Oriental)
– ramassage en un seul passage du pied en entier (cas du tabac Burley) [24].
Les feuilles sont ensuite séchées, selon la variété, à l’air chaud (Virginie), à l’air naturel (Burley), au feu (Kentucky) ou au soleil (tabacs d’Orient). Puis elles sont classées par grade : taille des feuilles, coloration. Chaque catégorie est enfin emballée par balles avant d’être transportée vers les usines de transformation [84].
L’espèce Nicotiana Tabacum, représente plus de 90 % des tabacs produits dans le monde. Parmi eux, on retrouve les tabacs bruns qui sont utilisés dans la fabrication des cigares, des tabacs pour les pipes ou pour les cigarettes de goût français, les variétés claires comme le Burley qui atteint plus de 40% de la production française et la composition Virginie qui est la variété la plus cultivée au monde et correspond à des tabacs blonds dits de goût américain. Elle représente en France plus de 50% de la production totale de tabac en feuilles. On note aussi les tabacs orientaux et les tabacs séchés à la fumée. Les principaux producteurs de tabac sont la Chine, l’Inde, le Brésil, les États-Unis, la Turquie, le Zimbabwe et le Malawi, qui totalisent plus de 80% de la production mondiale. La Chine, quant à elle produit plus de 30% du tabac à elle seule.

Les différentes variétés de tabac

Les feuilles de tabac sont classées selon leur couleur ou leur mode de séchage

Tabac de Burley

Les feuilles séchées à l’air, sont de couleur brune à rougeâtre texture fine, ressemblant à du papier. Sa combustion est facile. Sa teneur en nicotine est assez élevée. Ce tabac entre surtout dans la fabrication de cigarettes et de cigares.

Tabac séché à l’air pulsé

Il est léger, doux et assez aromatique de texture fine et huileuse. Il est utilisé pour la fabrication de cigarettes, du tabac de pipe, du tabac à fumer et du tabac à chiquer.

Tabac clair séché à l’air libre

Le plus connu est le type Maryland. Il est sans gout prononcé, pauvres en nicotine et en sucre, de couleur brune à rougeâtre (figure 3). Ce tabac est utilisé le plus souvent dans la fabrication de cigarettes et cigares [12].

Tabac d’Orient

Tabac séché au soleil, leurs feuilles sont de couleur brune à jaune pale, leur gout léger à arome sucré. Il présente une faible teneur en nicotine et entre dans la fabrication de cigarettes et du tabac à pipe [84].

Tabac séché au soleil

Nous avons deux catégories : les noirs et les clairs. Les variétés indigènes typiques du Japon dominent ; du Mexique, du Pakistan et de la Chine sont surtout destinés à la consommation locale [84].

Tabac séché au feu

Il est produit le plus souvent aux Etats Unis d’Amérique (Kentucky, Tennessee et Virginie). Ce tabac a un goût de fumée, une couleur brun foncé et entre dans la fabrication de tabacs à chiquer , à priser et aussi de cigares [6].

Feuilles de cape et de sous cape

Ce sont des feuilles séchées à l’air libre, mais à part en raison de leurs qualités et de leurs propriétés particulières. Elles brûlent sans dégager d’odeur particulière ou une odeur semblable à celle du tabac de remplissage et constituent l’enveloppe extérieure des cigares [84].

Feuilles reconstituées

Ces feuilles sont obtenues en pulvérisant finement les brisures, la poussière et les cotés des feuilles de tabac. Au moyen d’un liant, les feuilles reconstituées peuvent être utilisées comme feuilles de cape ou sous cape.
Il y a aussi celles qui après avoir été coupées et hachées en lanières, servent à la fabrication de cigarettes [16].

MODE DE CONSOMMATION DU TABAC

Tabac à fumer

Cigarette

La cigarette est le principal débouché du tabac brut. Elle représente 90% des utilisations mondiales. Et pourtant elle ne fut que récemment inventée, vers 1850, et ne devient « produit de consommation courante » qu’au XXème siècle [13].
C’est le mode le plus répandu d’utilisation du tabac, la consommation de tabac se fait sous forme de mélange de plusieurs crus provenant de différentes récoltes, ce qui permet de maitriser le goût et les concentrations de nicotine [16].
La cigarette est constituée d’un cylindre de tabac séché haché et émietté enveloppé d’un papier de cellulose appelé Vélin ou d’un matériel similaire (figure 4). Sa fumée est inhalée et sa composition est influencée par la qualité du tabac et celle du papier [6].

Cigare

« Un cigare est une poupée de tabac vêtue d’une robe de tabac » [15]. Il est composé de :
– la sous cape : fermée par une lanière de feuilles de tabac ou de tabac reconstitué, elle entoure l’intérieur pour former la poupée.
– la cape ou robe : faite de morceaux d’une mince feuille de tabac à texture fine, elle est enroulée en hélice autour de la poupée pour fermer le cigare [6].
Un cigarillo est un petit cigare, sans sous cape dont le poids est légèrement inférieur à 3 grammes (g) (équivalent de 3 cigarettes). Certains contiennent autant de nicotine que 20 cigarettes [84].
La bonne combustibilité du cigare dépend des éléments qui le composent (cape, sous cape, intérieur), de la compacité ; il faut que la cape soit plus combustible que la sous cape et celle-ci plus combustible que l’intérieur, sinon le cigare brûlerait en creux et finirait par s’éteindre faute d’air [24].
La fumée de cigare est alcaline et nocive. Longtemps considéré comme un luxe, certains ont pu avancer que le cigare est moins dangereux que la cigarette, ce qui n’est pas le cas (figure 5). Le cigare entraine plus de risque de survenue de cancer ORL [32].
Il dégage vingt fois plus d’ammoniac (NH3) et dix fois lus de cadmium (Cd) que la cigarette. Le cigare contient aussi du monoxyde de carbone (CO) et du goudron.

Tabac à Chiquer

C’est un mode de consommation du tabac sans fumée. Ces tabacs se présentent sous les formes traditionnelles de « rôle » et de « carotte » ( carotte de tabac :feuilles de tabac à chiquer roulées en forme de carotte), mais également sous des formes plus récentes de tabacs hachés gros, saucés et conditionnés en boîte de plastique ou de métal [84].
Le goût (salé, sucré, doux, piquant, fruité) et l’arôme dépendent de la marque.
Elles sont fabriquées à partir des qualités les plus lourdes de Burley, de tabacs séchés à l’air pulsé, de tabacs noirs séchés à l’air libre ou au feu, brisures de tabac à cigares [6].
Dans les pays du Maghreb, la forte consommation du tabac à mâcher attire l’attention. Aux USA les tabacs à mâcher sont aromatisés à différents goûts qui tendent à les faire assimiler au chewing-gum. L’usage du tabac à chiquer a plusieurs inconvénients sur l’organisme qui sont :le cancer oropharyngé, les paradontopathies, le déchaussement des dents etc. …Les tabacs à sucer finement broyés et présentés dans un sachet de gaz de cellulose, sont interdits dans certains pays, notamment en France[43].

Tabac à Priser

C’est une absorption par le nez suivie du rejet et accompagnée d’un éternuement qui est la partie caractéristique de la satisfaction du priseur.
Le tabac à priser se présente sous forme broyée, vieillie et fermentée.
Cette poudre de tabac doit présenter certaines caractéristiques : finesse et régularité du grain, le taux d’humidité élevée, arôme agréable, velouté.
Ce type de tabac est dangereux car ayant une forte production d’ammoniac et son l’utilisation prolongée et excessive peut entrainer une atteinte de la cloison nasale [10].

Composition la fumée de tabac

Lors de leur combustion autour de 800°, les quelques 4.000 composants du tabac subissent une distillation ou une pyrolyse.
La fumée comprend deux phases : l’une gazeuse, l’autre particulaire [20].
La première est composée de Monoxyde de Carbone (CO), d’Azote, d’Hydrocarbures, de Benzène, de Toluène, d’Acroléine et de nombreux autres irritants.
La seconde est composée de Nicotine, de Goudrons, de Benzopyrènes, de Phénols, d’Alcools, pour les principaux.
Toutes ces substances sont classées en 4 groupes, qui sont : la nicotine, le CO, les goudrons et les irritants.

La nicotine

Alcaloïde du tabac, la nicotine est un liquide incolore. Il se volatilise en suspension avec des particules de goudrons dès que la cigarette est allumée. L’absorption est maximale lors de l’inhalation, et la nicotine atteint le cerveau en 5 secondes (l’héroïne met 12 secondes pour atteindre le cerveau). Elle est éliminée par les urines, après métabolisme hépatique [10].
Une goutte de nicotine placée devant le bec d’un oiseau suffit à le tuer. De même, quelques grammes injectés à un cheval le tuent [20].
La nicotine est le produit qui, outre ses effets physiques sur l’organisme, induit l’accoutumance et la dépendance. Elle est le principal facteur de la dépendance chimique. Elle est éliminée sous forme de cotinine dans les urines et passe rapidement dans le sang. Elle est responsable d’effets cardio-vasculaires et neurologiques [10].

Le CO

Le CO se fixe sur l’hémoglobine du globule rouge, à la place de l’Oxygène et empêche la bonne utilisation de l’Oxygène par l’organisme. Son affinité pour l’hémoglobine est 250 fois supérieure à celle de l’Oxygène. Il a une demi-vie de 6 heures dans le sang [6].
C’est pourquoi, la fonction respiratoire s’en trouve réduite d’autant, et que quelqu’un qui fume 1 paquet de cigarettes par jour voit son taux d’oxygène dans le sang réduit comme s’il était à une altitude de 2 000 mètres.
Il peut être utilisé comme marqueur du tabagisme récent par dosage dans le sang ou dans l’air expiré. Le cœur, les muscles et le cerveau subissent directement ces effets néfastes [36].

Les goudrons

Les goudrons (3-4 Benzopyrène, etc..) sont cancérigènes et irritants. Ils agissent principalement sur les voies respiratoires, mais ils passent dans le sang et sont éliminés par le rein vers la vessie où ils sont stockés entre deux mictions. Ils induisent des cancers par simple contact (chez l’animal, leur badigeonnage provoque des tumeurs cutanées). Ils sont responsables d’au moins 30% des cancers humains et de la quasi totalité des cancers bronchiques [38].

Les irritants

Les aldéhydes, l’acroléine et les phénols qui sont des irritants de la fumée du tabac. Ils ont une toxicité directe sur le tapis roulant muco-ciliaire par paralysie des cils bronchiques, d’où la stase du mucus. L’escalier mécanique qui doit évacuer les impuretés est transformé en toboggan qui laisse s’accumuler toutes les scories du tabac. Les substances cancérigènes sont donc retenues. Concentrées, elles peuvent agir contre les défenses immunitaires, qui sont très vite dépassées. Par ailleurs, les irritants sont responsables des broncho-pneumopathies chroniques obstructives, invalidantes pour la plupart [38].

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : Revue de la littérature
I. DEFINITIONS
I.1. Tabagisme
I.2. Tabagisme actif et passif
II. HISTORIQUE
III. EPIDEMIOLOGIE DU TABAGISME
III.1. La prévalence
III.2. Le sexe
III.3. L’âge
III.4. La morbi-mortalité
III.5. Le niveau socio-économique
IV. LE TABAC
IV.1. La plante, espèce et culture
IV.2. Les différentes variétés de tabac
V. MODE DE CONSOMMATION DU TABAC
V.1. Tabac à fumer
V.2. Tabac à Chiquer
V.3. Tabac à Priser
VI. TABAC ET SA FUMEE
VI.1. Composants d’une cigarette
VI.2. Composition la fumée de tabac
VI.3. Différents courants de la fumée de tabac
VII. DEPENDANCE
VII.1. Initiation à la dépendance
VII.2. Types de dépendance
VIII. PATHOLOGIES LIEES AU TABAGISME
VIII.1. Dangerosité du tabagisme passif
VIII.2. Effets du tabac sur l’organisme
IX. PRISE EN CHARGE ET TRAITEMENT DU TABAGISME
IX.1. Lutte individuelle
IX.2. Lutte collective
DEUXIEME PARTIE : Notre étude
I. METHODOLOGIE
I.1. Cadre d’étude
I.2. Patients et méthodes
II. RESULTATS
II.1. Présentation de la population globale
II.2. Profil du tabagisme
II.3. Tabagisme et autres facteurs de risque cardio-vasculaires
DISCUSSIONS
CONCLUSION
REFERENCES

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