De par la polyvalence inhérente au métier de pharmacien d’officine, les patients pourront nous interroger sur des sujets aussi divers que la pharmacologie, la phytothérapie, le matériel médical, ou encore la traumatologie. Il m’est déjà arrivé qu’un patient me demande de réaliser des bandages de type strapping à la pharmacie. Je me suis alors rendu compte de mon manque de connaissance sur le sujet : quelles bandes utiliser ? Comment les poser correctement ? Ai-je le droit de bander quelqu’un ? Et surtout, était-ce pertinent de réaliser un bandage ? Il faut toutefois reconnaitre qu’il ne s’agira pas d’une pratique quotidienne. Dans la majorité des cas, il sera bien plus simple et rapide d’utiliser des orthèses de séries pour répondre au besoin du patient. A côté de cela, il existe de plus en plus d’orthèses intégrant des bandes de type strapping dans leur structure dans le but d’offrir un meilleur maintien. Sont-elles pertinentes ? S’adaptent-elles à toutes situations ? Toutefois, il pourra s’agir d’une solution d’urgence dans le cas où l’orthèse adaptée ne serait pas disponible à la pharmacie (un samedi après-midi par exemple). Une bande aura l’avantage d’offrir un renfort sur mesure à n’importe quel patient. Ce travail s’attachera à décortiquer l’usage de bandages pour répondre à une problématique de traumatologie. Il sera donc nécessaire de revoir les bases de l’anatomie des parties qu’il sera possible de prendre en charge, puis de faire un point sur ces pathologie traumatiques. Par la suite, une partie sur la législation précèdera le développement sur les diverses bandes que l’on pourra utiliser, avec leurs propriétés, leurs atouts et leurs inconvénients. Pour clore l’ensemble, un récapitulatif sur les divers types de bandages permettra la réalisation d’un livret résumant l’ensemble du sujet en une dizaine de page. Celui ci sera accompagné d’illustrations réalisées spécialement pour cette thèse par THOMAS Guillaume-Salah, où nous avons tous deux chercher à en faciliter la pratique en officine.
Anatomie
Nous nous concentrerons sur les articulations de la cheville et du genou pour le membre inférieur, et celles du coude et de la main pour le membre supérieur. Avant de débuter, il est nécessaire de définir les trois plans de l’espace qui seront utilisés pour décrire les divers éléments anatomiques. Toute description anatomique se basera sur la position anatomique de référence : le corps vu de face, les paumes tournées vers l’avant et les pouces dirigées vers le dehors. On différenciera ensuite trois plans de coupes permettant de définir des repères anatomiques :
• Le plan frontal : où ce qui est en avant est antérieur (ou ventral) et ce qui est en arrière est postérieur (dorsal)
• Le plan sagittal : où ce qui se rapproche le plus du plan de coupe est médial, et ce qui s’en éloigne le plus est distal
• Le plan transversal : où on différencie le côté crânial (haut) et le côté caudal (bas).
Articulation
L’articulation est une zone de jonction entre deux ou plusieurs os afin de les relier, et éventuellement de leur donner une mobilité l’un par rapport à l’autre. L’amplitude de cette mobilité dépendra de la forme et de la nature des éléments qui la composent. Il existe trois types d’articulation :
• Les synarthroses ou articulations immobiles et fibreuses que l’on retrouve au niveau du crâne par exemple
• Les amphiarthroses ou articulations à cartilage et semi-mobiles, pour les vertèbres ou les os du carpe
• Les diarthroses ou articulations synoviales avec le degré d’amplitude le plus important, ce sont celles où l’on interviendra au cours de ce travail .
L’articulation synoviale est maintenue par une capsule articulaire qui entoure et détermine une cavité articulaire. En son sein, on retrouve les extrémités osseuses recouvertes d’un cartilage hyalin, et qui sont entourées par le liquide visqueux et lubrifiant, la synovie (produite par la membrane synoviale présente sur la face interne de la capsule articulaire). Cet ensemble va permettre de faciliter les mouvements de l’articulation. En complément, les ligaments viendront relier les deux os de l’articulation. Il s’agit de courtes bandes de tissu conjonctif fibreux très solide. Certains ligaments vont limiter la mobilité de l’articulation, d’autres empêcheront certains gestes et ainsi protègeront l’articulation lors de mouvements forcés.
Ce genre d’articulation est donc maintenue dans son axe grâce à un ensemble capsuloligamentaire.
Le Coude
L’articulation du coude comprend trois ensembles à l’intérieur d’une même capsule articulaire.
Une articulation huméro-radiale et une articulation huméro-ulnaire (ou humérocubitale) permettront une flexion-extension qui approche la main de la bouche ; et pour finir, l’articulation radio-ulnaire (ou radio-cubitale) participera au mouvement de supination (supplier en mnémotechnique) et de pronation (prendre). Ce mouvement permet d’effectuer une rotation de l’avant-bras : ouvrir une porte, visser/dévisser .
Le Poignet
Le poignet correspond à la région anatomique centrée sur les os du carpe. Le carpe est lui formé de huit os groupés en deux rangées de quatre . La rangée supérieure ou antébrachiale comprend, de dehors en dedans, les os scaphoïde, lunatum, triquetrum et pisiforme. La rangée inférieure est formée par le trapèze, le trapézoïde, le capitatum et hamatum.
On distinguera par la suite deux articulations différentes. L’articulation supérieure ou radio-carpienne, qui unit l’extrémité distale des deux os de l’avant-bras à la rangée supérieure du carpe. L’articulation inférieure ou médio-carpienne (assez mobile) qui unit les deux rangées du carpe. L’ensemble de ces articulations permettront les mouvements de flexion/extension, d’adduction/abduction et de circumduction qui correspond à une association des deux premiers et offrant la possibilité de réaliser des rotations.
Les Doigts
Les doigts sont les extrémités articulées de la main. Ils sont numérotés de I (pouce), II (index), III (majeur), IV (annulaire) et V (auriculaire). Ils sont composés de trois phalanges (proximale, intermédiaire et distale), sauf le pouce qui en compte deux (proximale et distale).
Au niveau des mouvements, ils sont capables de réaliser des extensions/flexions, des abductions/adductions, et des circumductions. L’opposition du pouce par rapport aux autres doigts permet de former une pince, indispensable à notre préhension.
Le Genou
Le genou est une articulation robuste car portante, mais elle possède également des surfaces articulaires planes. On parle alors d’un manque de congruence, c’est-à-dire que les surfaces articulaires ne s’imbriquent pas aussi facilement que l’articulation du coude par exemple. La stabilité de celle-ci repose sur les fibrocartilages, les ménisques et un ensemble de ligaments croisés et collatéraux .
Le genou ne possède qu’un seul degré de liberté qui permet la flexion-extension. La stabilité latérale étant assurée par les ligaments latéraux collatéraux et la stabilité en flexion par les ligaments croisés dans l’articulation. Il s’agit d’un compromis difficile entre une grande mobilité et la nécessité d’une grande stabilité malgré ce manque de congruence qui explique la diversité des pathologies du genou, tant dans le domaine traumatique que rhumatologique : entorse, rupture méniscale, fracture de rotule, arthrose du genou…
Pathologies traumatiques
Evolution des protocoles de prises en charge de traumatismes
En cas de traumatismes induisant des lésions musculaires, le protocole GREC est une des solutions les plus connues. Il s’agit en fait d’un acronyme, où G représente la Glace, R le Repos, E l’Elévation et C la Compression. La glace pourra être appliquée 3 à 4 fois par jour, à raison d’une vingtaine de minutes minimum par séance. Il sera possible d’utiliser des vessies de glace ou sac en plastique contenant la glace. Idéalement, tout contact direct avec la peau devra être évité pour prévenir les risques de brûlures. Le repos consiste à éviter de nouvelles tensions aux niveaux des éléments traumatisés. Le but sera d’offrir à la personne la position avec le minimum de douleur. L’élévation du membre atteint permettra un meilleur drainage de l’hématome. La compression, qui pourra s’effectuer avec des bandes élastiques, permettra de soutenir les structures lésées tout en réduisant l’œdème initial .
Il est possible de retrouver l’acronyme RICE dans les textes. Il s’agit simplement de la version anglo-saxonne du protocole : Rest, Ice, Compression, Elevation. L’évolution des protocoles a amené à transformer RICE en PRICE, où le P vient rajouter la Protection du membre en question. Par la suite, en 2011, une équipe de recherche anglaise propose l’utilisation de POLICE. Leurs travaux ont mis en évidence l’intérêt de la réhabilitation fonctionnelle ou le fait de faire travailler le muscle. Pour résumer, on ne parle plus de Rest (repos), mais plutôt d’Optimal Loading, c’est-à-dire l’équilibre entre le repos et l’activité qui permettra de faciliter au mieux la cicatrisation .
En 2019, une équipe québécoise présente une nouvelle méthode de prise en charge avec l’acronyme PEACE & LOVE . Cette fois, l’acronyme est divisé en deux étapes, avec la prise en charge immédiate et secondaire.
Le P représente la protection avec le repos qui devra se concentrer sur 1 à 3 jours. Le E reste pour élévation. Le A vient proscrire l’utilisation d’anti-inflammatoire et de glace dont l’inhibition des processus inflammatoires ralentira la cicatrisation. Le C maintient la compression. Le E repose sur l’éducation thérapeutique du patient, en cherchant à le rendre actif. L’apport de conseils par le professionnel de santé lui permettra de limiter sa dépendance par rapport au praticien, et améliorer ses connaissances dans un objectif préventif. Après cette première phase, le but sera d’optimiser la récupération et le retour à l’activité.
L pour Load, qui rappelle l’Optimal Load et donc le rejet de l’immobilisation. O pour Optimisme qui cherchent à écarter les approches négatives, qu’elles viennent du patient ou du soignant. Il a été démontré qu’une perception négative ralentissait la récupération (16). Le V, pour vascularisation, et le E pour exercice, vont fonctionner ensemble : faire travailler le muscle va permettre de stimuler l’activité cardio vasculaire locale en améliorant le métabolisme, et en favorisant la récupération. Le point le plus marquant de ce protocole est le fait que l’usage de la glace n’est plus recommandé. Les auteurs mettent en évidence le manque de preuve, et l’effet antiinflammatoire de celle-ci (néfaste à la cicatrisation) .
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Table des matières
Introduction
Ière Partie – Anatomie
IIème – Pathologies traumatiques
1. Entorse
a. Définition
b. Prise en charge
2. Luxation
a. Définition
b. Prise en charge
1. Contracture
2. Elongation, déchirure ou rupture musculaire
3. Prise en charge des pathologies musculaires
1. Tendinite
a. Définition
b. Prise en charge
2. Périostite
a. Définition
b. Prise en charge
IIIème Partie – Législation et prise en charge
IVème Partie – Bandages et traumatismes
1. Immobilisation stricte contre liberté de mouvement
2. Intérêt de la compression par bandes
a. Action mécanique
1. Positionnelle
2. Pression
3. Hémodynamique
b. Actions neurophysiologiques
1. Les récepteurs cutanés
2. Les récepteurs articulaires ou mécanorécepteur
3. Propriocepteurs
c. Action psychologique
1. Différences de dénomination : strapping et tapping
2. Type de bandes
a. Bandes élastiques
b. Bandes non-élastiques
c. Utilisation
3. Indications
4. Contre-indications et inconvénients
5. LPPR et bandes
a. Inscription à la LPPR
b. LPPR et indications
6. Comparaison avec des orthèses tubulaires de compression
1. Caractéristiques
2. Indications
3. Utilisation
4. Bandes adhésives contre bandes non adhésives
1. Historique
2. Propriétés
3. Recul sur la pratique
Vème Partie – Prise en charge des traumatismes et leurs préventions
1. Avant le bandage
2. Principes de montage
a. Créer des points d’ancrages
b. Attelles
3. Accessoires
4. Schématisation
1. Coude
a. Douleur sur face médiale
b. Douleur sur face latérale
2. Poignet
3. Doigts
a. Pouce (I) – Articulation métacarpo-phalangienne
b. Doigts (II, III, IV, V) – Articulations métacarpo-phalangiennes
c. Doigts (II, III, IV, V) – Articulations interphalangiennes
1. Cuisse
2. Genou
a. Bandages sur le genou : en curatif ou en préventif ?
b. Suite d’une entorse du ligament croisé antérieur
c. Suite d’une entorse du ligament collatéral médial
d. Suite d’une entorse du ligament collatéral latéral
e. Tendinite du tendon patellaire
f. Genouillère tubulaire intégrant des bandes élastiques
3. Cheville
a. Prérequis aux bandages : écarter une fracture
b. Lésion des ligaments collatéraux de l’articulation talo-crurale
c. Tendinite du tendon d’Achille
d. Chevillière tubulaire intégrant des bandes élastiques
1. Essentiel
2. Construction d’une fiche
Conclusion
Bibliographie
Annexes