La prise en charge des glaucomes réfractaires reste à l’heure actuelle un défi pour l’ophtalmologiste. En dépit d’une littérature riche en études cliniques, il n’existe pas de consensus pour sa prise en charge. La multitude des traitements possibles reflète sans doute la complexité et l’hétérogénéité étiologique de cette pathologie. Employé sur des yeux parfois multi-opérés, l’arsenal thérapeutique doit s’adapter à une anatomie remaniée pour entraver la progression du glaucome vers la cécité.
Deux techniques s’opposent pour faire baisser la pression intraoculaire dans le glaucome réfractaire : celles visant à augmenter l’évacuation de l’humeur aqueuse, il s’agit des systèmes de drainage (tubes et valves) et celles permettant de réduire la production de l’humeur aqueuse grâce à la destruction des procès ciliaires, il s’agit de la cyclodestruction. Les techniques conventionnelles de cyclodestruction trans-sclérale dominent actuellement la prise en charge du glaucome réfractaire. Non invasive, elles restent sujettes à controverse en raison de la survenue de complications sévères liées aux dommages collatéraux d’un traitement administré en « aveugle ».
Depuis 25 ans, un traitement sélectif des procès ciliaires est possible grâce au développement de l’endocyclophotocoagulation. La visualisation directe du corps ciliaire par l’intermédiaire d’un endoscope couplé à un laser diode permet une titration de la cyclodestruction. Les résultats pressionnels rapportés sont encourageants avec un taux de complications relativement peu marqué.
A la lumière de ces constatations, nous avons réalisé un travail dont l’objectif était d’évaluer les résultats à 6 mois de l’endocyclophotocoagulation dans la prise en charge des glaucomes réfractaires au travers d’une série de cas.
Rappels
Le glaucome se définit comme une neuropathie optique progressive dans laquelle la pression intraoculaire joue un rôle prépondérant. Avant d’aborder la question spécifique du glaucome réfractaire, il convient de rappeler les mécanismes de formation et d’évacuation de l’humeur aqueuse qui sont les cibles des différents traitements.
Humeur aqueuse
La pression intraoculaire est reconnue comme un facteur de risque et de progression majeur dans l’histoire évolutive du glaucome .
D’un point de vue biomécanique, le globe oculaire se forme :
– d’un contenant représenté par la coque cornéo-sclérale
– d’un contenu comprenant l’humeur aqueuse, le cristallin, le corps vitré et l’uvée .
L’élément le plus susceptible de varier et donc de modifier la pression intraoculaire est le volume d’humeur aqueuse. Déterminé par l’équilibre entre production et excrétion, il est la cible des différentes armes thérapeutiques visant à réduire la pression intraoculaire. La production d’humeur aqueuse s’établit au niveau de l’épithélium ciliaire et son élimination s’effectue essentiellement par voie trabéculaire et uvéosclérale.
Anatomie du corps ciliaire
Le corps ciliaire représente la partie intermédiaire de l’uvée. Naissant en arrière de l’éperon scléral, il présente une structure annulaire faisant face à l’équateur du cristallin. Sa longueur antéropostérieure est de 4,6 mm à 5,2 mm en nasal et de 5,6 à 6,3 mm en temporal . Il est distant du limbe d’environ 1,5 mm, cependant cette valeur est très variable d’un individu à l’autre.
Schématiquement triangulaire en coupe, il présente trois faces :
– Face antérieure : site d’insertion de l’iris sur son versant externe, elle constitue la partie postérieure du sulcus ciliaire.
– Face externe : faisant face à la sclère, elle forme avec cette dernière un espace virtuel, l’espace supra-ciliaire.
– Face postérieure : elle présente deux parties d’avant en arrière :
➠ La pars plicata (corona ciliaris) : d’une longueur de 2 mm, d’aspect plissé, elle abrite les procès ciliaires.
➠ La pars plana (orbicularis ciliaris) : d’une longueur de 4 mm, d’aspect lisse et peu vascularisée, elle se termine en arrière au niveau de l’ora serrata, zone de jonction entre le corps ciliaire et le complexe choroïde/rétine.
Anatomie des procès ciliaires
Au nombre de 70 à 80 par œil chez l’homme, ils sont responsables de la formation de l’humeur aqueuse. Ils se composent d’un axe conjonctivo-vasculaire surmonté par l’épithélium ciliaire. Chaque procès ciliaire est centré par une artériole issue du grand cercle artériel de l’iris. Macroscopiquement, ils se présentent sous forme de cryptes ou d’extensions digitiformes donnant à la pars plicata son aspect plissé. Les régions entre chaque procès ciliaire sont appelées vallées de Kuhnt ou plus communément vallées ciliaires. Tout comme le corps ciliaire, ils présentent une pigmentation brune liée à la présence de mélanocytes .
Histologie de l’épithélium ciliaire
Surmontant un stroma richement vascularisé, il se compose de deux couches cellulaires se faisant face, apex contre apex. On y distingue :
– Les cellules épithéliales pigmentées, cubiques, reposant sur une membrane limitante externe au contact du stroma ciliaire.
– Les cellules épithéliales claires, cylindriques, reposant sur une membrane limitante interne faisant face à la chambre postérieure. Elles présentent entre elles des complexes jonctionnels développés :
➠ Jonctions adhérentes (desmosomes) assurant la cohésion de l’épithélium.
➠ Jonctions serrées (zonula occludens) imperméables, concourant à la barrière hémato-aqueuse. Elles évitent la diffusion libre de molécules de poids moléculaire moyen ou élevé entre le stroma et la chambre postérieure.
➠ Jonctions communicantes (GAP junctions) permettant le passage de molécules ou d’ions d’une cellule à l’autre.
Physiopathologie de la sécrétion d’humeur aqueuse
La majeure partie de l’humeur aqueuse est sécrétée au niveau de l’épithélium ciliaire bordant les procès. Le débit moyen est de l’ordre de 2,5 µL/min en période diurne et 1,5 µL/min en période nocturne . Sa composition est proche de celle du plasma sur le plan ionique, cependant elle présente une concentration moindre en glucose et surtout en protéines. Cette particularité concourt à générer un gradient de pression osmotique à la faveur du compartiment plasmatique. Les capillaires présents dans le stroma sont fenêtrés permettant le passage libre de l’eau et des solutés dans le stroma ciliaire . La production d’humeur aqueuse nécessite ensuite le passage de la barrière hémato-aqueuse. Celui-ci est principalement rendu possible par sécrétion active. Les mécanismes passifs occupent un rôle bien plus modeste.
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Table des matières
I. Introduction
II. Rappels
2.1 Humeur aqueuse
2.1.1 Anatomie du corps ciliaire
2.1.2 Anatomie des procès ciliaires
2.1.3 Histologie de l’épithélium ciliaire
2.1.4 Physiopathologie de la sécrétion de l’humeur aqueuse
2.1.5 Voies d’évacuation de l’humeur aqueuse
2.2 Glaucome réfractaire
2.2.1 Définition
2.2.2 Facteurs de risque
2.2.3 Démarche diagnostique et thérapeutique
2.2.4 Traitements du glaucome réfractaire
a) Dispositifs de drainage
b) Cyclodestruction
c) Arbre décisionnel
2.3 Endocyclophotocoagulation
2.3.1 Historique
2.3.2 Mode de fonctionnement
2.3.3 Accès aux procès ciliaires
2.3.4 Photocoagulation des procès ciliaires
III. Intérêt et objectif de l’étude
IV. Matériels et méthodes
4.1 Critères de jugement
4.2 Critères d’inclusion
4.3 Recueil des données
4.4 Protocole opératoire
4.5 Protocole postopératoire
4.6 Statistiques
V. Résultats
5.1 Population
5.2 Protocole chirurgical
5.3 Critère de jugement principal : pression intraoculaire
5.4 Critères de jugement secondaires
5.4.1 Nombre de traitements hypotonisants
5.4.2 Acuité visuelle
5.4.3 Complications
VI. Discussion
6.1 Interprétation des résultats
6.1.1 Mise en perspective de nos résultats avec la littérature
6.1.2 Limites de l’étude
6.2 Comparaison aux autres méthodes de cyclodestruction
6.3 Comparaison de l’endocyclophotocoagulation à la chirurgie filtrante
6.4 Indications de l’endocyclophotocoagulation
VII. Conclusion et perspectives
VIII. Bibliographie