Prise en charge décentralisée du diabète sucré

Diabète sucré, du grec traduisant « qui traverse », est un terme englobant diverses affections ayant en commun un état d’hyperglycémie chronique, secondaire à une défaillance des mécanismes biologiques de régulation de la glycémie. Il existe deux principaux types de diabète ; le diabète de type 1 et le diabète de type 2, dont la prévalence augmente parallèlement au vieillissement, à l’urbanisation et à la sédentarisation de la population.

Le diabète surtout de type 2 constitue un problème de santé publique car sa dont la prévalence ne cesse d’augmenter. D’après la Fédération Internationale du Diabète (FID), le nombre de personnes atteintes par le diabète sucré dans le monde est estimé à 382 millions en 2013. Parmi ceux-ci, 80% vivent dans des pays sous développés ou en voies de développement. Les experts de la FID prévoient 592 millions d’adultes atteints de diabète dans moins 25 ans [78]. Malgré cette forte prévalence, il existerait toujours des cas non diagnostiqués, rendant le diabète redoutable par ses complications métaboliques aigues mais surtout les complications chroniques dégénératives. Il s’agit d’une affection métabolique redoutable de par son évolution, le plus souvent insidieuse. Ceci conduit à un retard diagnostique pouvant dépasser 5 ans. Ceci a pour conséquence d’exposer les patients aux complications nécessitant parfois une prise en charge longue et onéreuse.

Aux USA, environ 77% des hospitalisations pour une maladie cardiovasculaire sont attribuables au diabète [138]. En Europe, 20% des patients dialysés sont des diabétiques. Ce taux dépasse 40% aux USA. C’est la première cause de cécité avant l’âge de 50 ans dans les pays développés [25]. Près de 10% des diabétiques subiront une amputation de l’orteil ou de la jambe. Parmi les patients amputés, 80% des diabétiques sont de type 2 [138]. En Afrique, la prévalence du diabète est en augmentation, atteignant ou dépassant celle trouvée dans les pays développés. L’Afrique a aussi la plus forte proportion de diabète non diagnostiqué estimée à au moins 78% [52].

Au Sénégal, dès 1960, les premières publications scientifiques sur le diabète ont fait prendre conscience de l’importance du problème [130] au même titre que les maladies infectieuses et parasitaires. Dès lors, la prise en charge du diabète sucré et de ces complications fut essentiellement centralisée à Dakar au Centre de référence du diabète sucré Marc Sankalé (CHU Abass Ndao). Ce centre avait une vocation régionale et sous régionale avec des patients qui venaient des pays limitrophes comme la Gambie, les Guinée, le Mali et la Mauritanie. Ceci avait occasionné augmentation de la demande de soins qui devenait de plus en plus difficile à satisfaire. C’est dans ce cadre, qu’avait était initiée dans le cadre du programme national de lutte contre le diabète et les maladies non transmissibles (MNT) une décentralisation de la prise en charge du diabète sucré et des autres pathologies cardiovasculaires au niveau des différentes régions du Sénégal.

DEFINITIONS

Le diabète sucré est une pathologie caractérisé par un état d’hyperglycémie chronique lié à une carence absolue ou relative en insuline, en rapport avec des facteurs génétiques et/ou environnementaux agissant souvent de concert [117]. La glycémie désigne le taux de glucose dans le sang. La glycémie à jeun normale est comprise entre 0,7 g/l et 1,10 g/l. Le diabète sucré correspond à un état d’hyperglycémie chronique dont le diagnostic est porté sur les critères édictés depuis 1998 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) :

– Glycémie à jeun supérieure ou égale à 1,26 g/l à deux reprises. Le jeun étant défini par une absence d’apport calorique depuis au moins 8 heures.
– Signes cliniques d’hyperglycémie et découverte au hasard d’une glycémie supérieure ou égale à 2 g/l. Les symptômes de l’hyperglycémie sont des signes cardinaux classiques : polyurie, polydipsie et perte de poids inexpliquée souvent associée à une polyphagie [9].
– Glycémie à la deuxième heure d’HGPO supérieure ou égale à 2 g/l. Si l’hyperglycémie n’est pas flagrante dès le premier test, ces critères doivent être confirmés par un nouveau test.

Le diabète gestationnel correspond à un trouble de la tolérance glucidique apparaissant entre la 24ème et la 28ème semaine de la grossesse et disparaissant après l’accouchement. Son diagnostic doit être systématique et repose sur une glycémie supérieure à 1,80 à 60ème minute et à 1,53 g/l à la 120ème minute d’une épreuve d’HGPO avec 75g de glucose effectuée au 6ème mois de la grossesse. On parle d’hyperglycémie à jeun non diabétique lorsque la glycémie à jeun est comprise entre 1,10 g/l et 1,25 g/l. L’intolérance au glucose correspond à une glycémie à jeun comprise entre 1,40 g/l et 2 g/l à la deuxième heure de l’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO).

CLASSIFICATION DU DIABETE SUCRE 

Nouvelle classification 

La classification nosologique du diabète publiée en 1997 par un groupe d’experts sous la responsabilité de l’Association Américaine du Diabète (ADA) remplace celle élaborée en 1979 par le National Diabetes Data Group et entérinée par l’OMS [132]. Plusieurs mécanismes physiopathologiques distincts peuvent aboutir au syndrome biologique commun à tous types de diabète sucré : l’hyperglycémie. Ce sont ces entités physiopathologiques qui permettent de définir le type de diabète et non le mode de traitement, l’âge ou les circonstances de survenue (même s’il s’agit d’éléments d’orientation). Ainsi cette nouvelle classification répartit le diabète selon la pathogénie en 4 types.

● Diabète de type I : défini par une disparition profonde ou totale de l’insulinosécrétion endogène pancréatique par destruction auto-immune des cellules béta pancréatiques.
– Ia : auto-immum
– IIb : autre cause
● Diabète de type II : lié à un déficit relatif en insuline en rapport avec un trouble de l’insulino-sécrétion ou une anomalie de l’effet insulinique.
● le diabète gestationnel : il est défini comme une intolérance au glucose de sévérité variable survenant ou diagnostiquée pour la première fois pendant la grossesse, quel que soit le terme de cette grossesse, quel que soit le traitement nécessaire et l’évolution après l’accouchement. Le diagnostic est généralement fait entre la 24ème et 28ème SA (6ème mois) [66].
● les autres types de diabètes spécifiques plus rarement rencontrés que le type 1 et 2 correspondent à la catégorie appelée antérieurement « diabètes secondaires »[4].
o Défauts génétiques de la cellule bêta : « Maturity onset diabetes of the young » MODY : C’est une forme particulière de diabète de type 2 qui commence à un âge relativement jeune (25 ans) et qui est transmis comme un caractère autosomique dominant [31, 32, 33]. Cette maladie représente environ 1% des diabétiques de type2. Dans certaines familles le gène responsable a été identifié ; actuellement plus de 60 mutations hétérozygotes différentes identifiées dans le gène HNF l alpha sont associées au phénotype MODY3, parmi lesquels ;
– une mutation du chromosome 12, HNF-12 (anciennement MODY3)
– une mutation du chromosome 7, glucokinase (anciennement MODY2)
– une mutation du chromosome 20, HNF-42 (anciennement MODY1)
– une mutation de l’ADN mitochondrial associé à de la surdité et parfois d’autres troubles neurologiques.
o Défauts génétiques dans l’action de l’insuline.
o Maladies du pancréas exocrine :
– traumatisme/ pancréatectomie ;
– infection/ pancréatite ;
– cancer du pancréas ;
– hémochromatose.
o Endocrinopathie qui s’accompagne d’une hypersécrétion hormonale et/ou inhibition de l’action ou de la sécrétion d’insuline :
– syndrome de Cushing,
– acromégalie,
– phéochromocytome,
– glucagonome,
– hyperthyroïdie,
– somastatinome,
– hyperraldosteronisme primaire.
o Médication ou intoxication :
– La rodenticide et la pentamidine détruisent les cellules bêta ;
– certains médicaments peuvent diminuer l’action de l’insuline et/ou rendre manifeste un diabète latent tels que les glucocorticoïdes, acide nicotinique, alpha- et bêta agonistes, thiazides).
o Syndromes génétiques : syndrome de Down, Ataxie de Friedreich, Chorée de Huntington, Klinefelter, Turner, autres…
o Les infections (Rubéole congénitale, CMV autres…).

Ce qui est modifie dans cette classification 

o Le DID est appelé diabète de type 1, le DNID diabète de type 2.
o La catégorie de diabète liée à la malnutrition disparait dans cette classification
o La pancréatopathie fibrocalculeuse a été reclassée comme maladie pancréatique
o Les diabètes de type 2 vont progressivement se démembrer vu les progrès de la physiopathogénie. Ainsi les MODY sont classés à part
o Pour le diabète gestationnel les critères du NDDG (National Diabetes Data Group) sont maintenus
o Les critères de l’intolérance au glucose sont maintenus .

EPIDEMIOLOGIE DU DIABETE 

Le diabète pose un problème de santé publique car sa prévalence augmente parallèlement au vieillissement, à l’urbanisation, à la sédentarisation et au développement de l’obésité dans les populations des pays industrialisés. Mais cette maladie de pléthore n’épargne pas les pays sous-développés en raison d’une prédisposition héréditaire associée à une modification rapide du mode de vie caractérisée par l’urbanisation brutale allant de pair avec une sédentarisation accrue des populations. Il constitue la quatrième ou la cinquième cause de décès dans la plupart des pays à revenu élevé. De nombreuses données tendent aujourd’hui à prouver qu’il atteint des proportions épidémiques dans de nombreux pays en développement et récemment industrialisés. Le diabète est incontestablement un des problèmes de santé les plus compliqués de ce XXIe siècle.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. DEFINITIONS
2. CLASSIFICATION DU DIABETE SUCRE
2.1. Nouvelle classification
2.2. Ce qui est modifie dans cette classification
3. EPIDEMIOLOGIE DU DIABETE
3.1. Répartition géographique
3.1.1.Diabète dans le monde
3.1.2.Diabète en Afrique
3.1.3.Diabète au Sénégal
3.2. Répartition selon l’âge et le sexe
4. ETIOPATHOGENIE
4.1. Biosynthèse de l’insuline
4.2. Rôle de l’insuline et implications de son déficit
4.3. Diabète de type 1 (DT1)
4.3.1. Prédisposition génétique au diabète de type 1
4.3.2. Mécanisme d’auto immunité
4.3.3. Les facteurs d’environnement
4.4. Le Diabète de type 2 (DT2)
4.4.1.La prédisposition génétique
4.4.2.Altération de l’insulinosécrétion et de l’insulinosensibilité
4.4.3.Facteurs environnementaux
4.4.4.Autres facteurs de risque
5. DIAGNOSTIC
5.1. Circonstances de découverte
5.1.1.Dépistage systématique
5.1.2.Dépistage dirigé
5.1.3.Manifestations cliniques
5.2. Critères Diagnostiques du Diabète sucré
6. PARAMETRES DE SURVEILLANCE DU DIABETE SUCRE
7. COMPLICATIONS
7.1. Complications aiguës métaboliques
7.1.1. Acidocétose diabétique
7.1.2. Hyperosmolarité diabétique
7.1.3. Acidose lactique
7.1.4. Hypoglycémie
7.2. Complications infectieuses
7.3. Complications chroniques
7.3.1. Micro angiopathie
7.3.1.1. Rétinopathie diabétique (RD)
7.3.1.2. Néphropathie diabétique (ND)
7.3.1.3. Neuropathie diabétique
7.3.2. Macroangiopathie
7.3.2.1. Hypertension artérielle (HTA)
7.3.2.2. Ischémie myocardique
7.3.2.3. Artérite des membres inférieurs
7.3.2.4. Accidents vasculaires cérébraux
7.4. Pied diabétique
8. PRISE EN CHARGE
8.1. Buts
8.2. Moyens
8.2.1. Les moyens non médicamenteux : l’éducation
8.2.1.1. Conseils hygieno-diététique
8.2.1.2. Activité physique
8.2.2. Les moyens médicamenteux
8.2.2.1. Antidiabétiques oraux (ADO)
8.2.2.2. Les insulines
8.2.3. Traitement médicamenteux des autres facteurs de risque
8.2.3.1. Les anti-hypertenseurs chez le diabétique
8.2.3.2. Les hypolipémiants
8.3. Modalités du traitement de l’hyperglycémie
8.3.1. Dans le diabète de type 1
8.3.2. Dans le diabète de type 2
CONCLUSION

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