Définition de l’anaphylaxie
L’anaphylaxie est une réaction d’hypersensibilité systémique, généralisée, plus ou moins sévère, pouvant engager le pronostic vital (1). Elle survient dans un délai de quelques minutes à quelques heures après l’exposition à un facteur déclenchant. D’un point de vue physiopathologique, on distingue les réactions d’hypersensibilité immunologiques (médiées par les IgE, les IgG ou les fractions du complément), des réactions non immunologiques .
Le plus fréquemment, l’anaphylaxie est une réaction d’hypersensibilité allergique IgE médiée. La réaction allergique se déroule en deux phases. Lors d’un premier contact avec l’allergène, phase cliniquement silencieuse (phase de sensibilisation), des IgE sont synthétisées par les lymphocytes B et les plasmocytes. Ces IgE se lient par leur fragment Fc aux récepteurs de forte affinité FcεRI, présents en grand nombre à la surface des mastocytes et des polynucléaires basophiles et en nombre plus réduit sur les polynucléaires éosinophiles et les macrophages. Lors d’une exposition ultérieure au même allergène, celui-ci se lie aux complexes IgE fixées aux FcεRI provoquant le pontage des IgE, l’agrégation des récepteurs FcεRI et l’activation de la signalisation intracellulaire donc la dégranulation des mastocytes et des basophiles (3-5). Cette activation se traduit par la libération de médiateurs. Une partie est préformée comme l’histamine, la tryptase, la chymase, la carboxypeptidase et l’héparine, certains responsables des signes cliniques observés immédiatement. D’autres sont néoformés comme les leucotriènes, les prostaglandines, le thromboxane A2, le facteur d’activation plaquettaire, la sérotonine et la bradykinine, qui peuvent expliquer la réaction clinique dite biphasique, ou alors entraîner une réaction tardive par rapport à la réaction initiale car ils sont libérés plus tardivement (3, 4). La fixation de l’histamine sur les récepteurs H1 des cellules endothéliales va induire une vasodilatation et une fuite vasculaire, responsable de l’urticaire, de l’œdème cutané ou muqueux, de la chute de pression artérielle aboutissant au choc. Son action sur les récepteurs H1 des fibres musculaires lisses entraîne une contraction des muscles lisses bronchiques, responsable d’un bronchospasme, et une contraction des muscles lisses digestifs entraînant des douleurs abdominales, des diarrhées et des vomissements. Son action sur les fibres nerveuses sensitives induit le prurit (3-5). Les leucotriènes LTB4 induisent le chimiotactisme et le recrutement cellulaire. Ils entrainent également une vasodilatation, une bronchoconstriction, et une inflammation bronchique (3-5). Les IgE peuvent reconnaître un déterminant antigénique (épitope) commun à différents allergènes, expliquant les réactions allergiques sans contact préalable évident. Il s’agit de réactions allergiques dites croisées .
Plus rarement, il peut s’agir d’un mécanisme immunologique non IgE dépendant. L’interaction entre l’allergène et les IgG fixées au récepteur FCγRIII à la surface des polynucléaires basophiles et des macrophages peuvent entrainer la libération de facteur d’activation plaquettaire, de leucotriènes et de cytokines (5). Les mastocytes et les polynucléaires basophiles peuvent également être activés par les fractions du complément appelées anaphylatoxines (C3a et C5a) .
Certains médicaments (curares, vancomycine, fluoroquinolones,..) peuvent provoquer la dégranulation directe des mastocytes via le récepteur MRGPRX2 (masrelated G protein coupled receptor X2) situé à leur surface, entraînant des réactions anaphylactiques non-IgE-dépendantes dont l’expression dépend du ligand .
L’anaphylaxie peut également être liée à une activation directe et non spécifique des mastocytes via des facteurs physiques (effort, températures extrêmes), l’alcool, certains aliments (tomates, fraises, certains poissons,…) ou médicaments (opiacés, anti-inflammatoires non stéroidiens, produits de contraste iodés, vancomycine,…).
Epidémiologie de l’anaphylaxie
La prévalence et l’incidence de l’anaphylaxie dans la population générale sont largement sous-estimées. En effet, cette pathologie est sous-diagnostiquée en raison de la variété des manifestations cliniques (9). Une étude européenne de 2013 sur une sélection de 49 publications estime la prévalence de l’anaphylaxie à 0,3% et une incidence comprise entre 1,5 et 7,9 pour 100 000 personnes par an (10). Dans une étude britannique réalisée entre 1992 et 2012, la mortalité a été évaluée à 0,047 cas pour 100 000 habitants par an, et la principale cause était les médicaments (11). Dans cette étude, le taux d’hospitalisation pour anaphylaxie a augmenté de 615% sur cette période (en partie en raison d’une modification des recommandations internationales sur la majoration de la surveillance après un épisode d’anaphylaxie) .
Entre le 1er janvier 2002 et le 31 juillet 2017, 1890 cas sévères d’anaphylaxie alimentaire ont été colligés par le RAV dont 16 décès (0,8 %). Les cas concernaient majoritairement les adultes (56%). Les allergènes alimentaires les plus fréquemment en cause étaient l’arachide (13 %) et les fruits à coque (11 %). Ces données ont également permis de distinguer un certain nombre d’allergènes émergents comme le lait de chèvre ou de brebis, le sarrasin, le pois blond ou l’alpha-1,3-galactose des viandes de mammifères (14). Entre 2002 et 2010, 333 cas sévères d’anaphylaxie médicamenteuse ont été déclarés au RAV dont 6 décès (1,8 %). La population était essentiellement adulte (90,1 %). Les allergènes les plus fréquemment en cause étaient les antibiotiques de la famille des bêtalactamines (41,4 %) .
La déclaration des anaphylaxies médicamenteuses est probablement sous-estimée. Ceci est liée au fait que les médecins déclarent les accidents graves via la pharmacovigilance, et qu’il existe différents groupes de travail s’intéressant au sujet notamment le Groupe d’Etude des Réactions Anaphylactoïdes Peranesthésiques (GERAP).
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Table des matières
Introduction
1) Définition de l’anaphylaxie
2) Epidémiologie de l’anaphylaxie
3) Diagnostic de l’anaphylaxie
a) Diagnostic clinique
b) Dosage des médiateurs
c) Bilan allergologique
4) Facteurs de risque et facteurs aggravants
5) Prise en charge de l’anaphylaxie
a) En urgence (phase aiguë)
b) Prise en charge de l’anaphylaxie après la phase aiguë
Objectifs de l’étude
Matériels et Méthodes
1) Sélection des patients
2) Recueil des données
3) Analyse statistique
Résultats
1) Caractéristiques de la population
2) Consultation d’un allergologue post-anaphylaxie
a) Analyse univariée
b) Analyse multivariée
3) Sévérité de la réaction
4) Allergènes
a) Les médicaments
b) Les venins d’hyménoptères
c) Les aliments
5) Possession d’une trousse d’urgence avec Auto-Injecteur d’Adrénaline
6) Allergie connue et récidive
7) Evaluation du mode de sélection des patients
Discussion
1) Caractéristiques des réactions
a) Population étudiée
b) La sévérité
c) Allergènes
d) Antécédent d’allergie connu et récidive
2) Prise en charge
a) Consultation en allergologie
b) Auto-Injecteur d’Adrénaline
3) Limites de l’étude
4) Optimisation du suivi post-anaphylaxie
Conclusion et Perspectives
Bibliographie
Annexes