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Rôle et souhaits des médecins généralistes
Les médecins généralistes (MG) ont un rôle central dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque. Les sociétés savantes telles que l’European Society of Cardiology (ESC) (14), la Haute Autorité de Santé (HAS) (21), l’Association Heart American (AHA) (22) rappellent toutes leur rôle majeur dans la détection précoce pour éviter une partie des hospitalisations.
Dans ce contexte, en France, la HAS a instauré plusieurs recommandations à l’attention des médecins généralistes pour la prise en charge de l’insuffisance cardiaque en soins primaires (21) (Annexe 4) :
– Penser à l’insuffisance cardiaque, y compris devant des signes non spécifiques.
– Faire un ECG si possibilité et un dosage de BNP ou NT-proBNP si doute diagnostic.
– Obtenir une consultation de cardiologie avec échographie doppler qui :
o Confirme ou non le diagnostic.
o Chiffre la fraction d’éjection (FE) et précise le type d’insuffisance cardiaque.
– Définir le stade fonctionnel de la classification NYHA.
– Rechercher les critères de mauvais pronostic.
– Rechercher les causes déclenchant une décompensation.
– Éliminer une cause pulmonaire.
– Évaluer les besoins du patient.
– Annoncer le diagnostic et mettre en place l’ALD.
– Si le patient est âgé de 75 ans ou plus, élaborer un Plan Personnalisé de Santé (PPS).
La plupart des patients souffrant d’IC se présenteront en premier lieu en médecine générale (23). Il apparaît donc nécessaire d’améliorer la faisabilité du diagnostic en soins primaires, avec en outre un diagnostic précoce pouvant favorablement modifier le pronostic et diminuer la mortalité.
Des médecins généralistes belges (24) évoquent la nécessité d’un cheminement de soins axé sur un protocole des soins chroniques de l’IC. Contrairement aux trajectoires de soins existantes, ils souhaitent un parcours flexible, sans charges administratives supplémentaires avec un rôle central pour les généralistes.
Cependant, les MG ont rapporté des expériences mitigées avec les soins multidisciplinaires de l’IC en ce qui concerne la collaboration interprofessionnelle (25).
Prise en charge de l’insuffisance cardiaque au domicile post-hospitalisation
Structures d’accompagnement au domicile dans le Monde
La continuité des soins de l’IC de l’hôpital vers la ville est un parcours ciblant une période de fragilité à la suite d’une hospitalisation. De multiples interventions sont proposées à travers le monde sur une période de temps donné et pour un type de patient bien précis. On intervient notamment sur la prise en charge thérapeutique, l’organisation des consultations de suivi, la communication entre les professionnels de santé, la prise en charge non médicamenteuse (conseils hygiéno-diététiques, rééducation physique, prise en charge psychosociale…)
Les différentes structures d’accompagnement au domicile en post-hospitalisation ont déjà fait l’objet de plusieurs méta-analyses dont Vedel (26) en 2015, Van Spall (27) en 2017 et Mai Ba (28) en 2020. Elles montrent une réduction du taux de réhospitalisations. Ces interventions varient en termes de composantes, de durée et de fréquence. Mais l’ensemble des études (29) (26) établissent un large consensus sur la nécessité de leurs mises en place, pendant ou immédiatement après l’hospitalisation, avec une éducation thérapeutique personnalisée, un apprentissage individualisé de la maladie, une conciliation médicamenteuse, une facilité d’accès aux systèmes de santé et un suivi organisé à la sortie de l’hôpital. Plus les interventions sont fréquentes et multidisciplinaires, plus elles montrent de meilleurs résultats (29) (26).
Les soins multidisciplinaires ou DMP (disease management programme) ont montré leur potentiel de réduction des réadmissions pour IC de 30% et des décès jusqu’à 18% (30). Ils se développent progressivement ayant pour but de développer un système de soins « homogène » englobant les soins de ville et hospitaliers.
Une enquête a été menée auprès de 537 hôpitaux aux États-Unis (31) afin d’évaluer les interventions mises en place pour réduire les réhospitalisations à 30 jours avec l’IC comme cible majeure du programme. Les interventions mises en place sont : les programmes d’appels téléphoniques (63%), la télésurveillance (54%), l’éducation thérapeutique (73%), la consultation précoce après le retour à domicile (22%), l’évaluation précoce du risque de réadmission pendant l’hospitalisation (22%), la conciliation médicamenteuse (73%), l’implication des aidants (12%), la prise en charge psychosociale (89,5%), la communication avec les médecins de ville (49%), la communication avec les soins infirmiers spécialisés (68%), la communication aux MG de la date de sortie (37%), l’identification d’un contact hospitalier direct (47%). Au final, les résultats étaient très hétérogènes selon les hôpitaux avec des interventions manquant de mise en œuvre notamment dans l’organisation du suivi à domicile.
La dernière méta-analyse est parue en mars 2021. Elle se compose de 42 essais cliniques randomisés, incluant 10 784 patients, majoritairement dans des pays occidentaux à revenu élevé. Elle a montré que les interventions de soins de transition entre l’hôpital et la ville pour les patients IC hospitalisés ont réduit le risque de mortalité de 18%. L’effet positif de ces interventions suggérant également une amélioration de la qualité de vie, invite à ne pas les négliger. L’efficacité a été particulièrement démontrée, grâce aux modèles de soins multidisciplinaires, pour les programmes d’appels téléphoniques et les consultations de suivi ambulatoire (32).
Structures d’accompagnement au domicile en France
Devant un taux toujours trop élevé de réadmission à la sortie d’hospitalisation pour IC, il existe un besoin substantiel de modèles de soins pouvant fournir des soins de niveau hospitalier au domicile du patient. Ces modèles, appliqués aux patients IC, ont démontré une augmentation du délai de réadmission, des coûts réduits et une amélioration de la qualité de vie. Il s’agit donc une alternative fiable offrant de multiples avantages pour le patient et pour le système de santé. (7)
A ce jour, il existe différentes expérimentations dans le but de faire évoluer la prise en charge de l’IC en France sous forme de réseau, filières de soins, etc. La principale structure reste le programme PRADO ainsi que l’essor de l’e-santé.
Le PRADO
Le PRADO ou Programme d’Accompagnement du retour à Domicile (33) a d’abord été initié pour les patientes en sortie de maternité en 2010, puis en sortie de chirurgie orthopédique, puis s’est étendu aux patients en sortie d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, exacerbation de bronchopneumopathie chronique, accident vasculaire cérébral, plaies chroniques et personnes âgées de plus de 75 ans.
Concernant l’IC, cela a été initié en 2013. Elle a pour objectif d’organiser la sortie du patient par la prise et le suivi des rendez-vous nécessaires avec les professionnels de santé de ville, en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), maison de santé pluri professionnelles (MSP), équipe de soins primaires (ESP). Il assure également une prise en charge sociale permettant en cas de besoin l’instauration de prestations adaptées (portage des repas, auxiliaire de vie, etc.)
Il prévoit une consultation avec le médecin traitant dans la semaine suivant le retour à domicile, une consultation longue dans les 2 mois, une consultation avec le cardiologue dans le deuxième mois, un suivi hebdomadaire par un IDE avec une durée variant selon le stade de sévérité NYHA et adapté selon les besoins du patient. (33)
Le rapport de juillet 2020 (34) de l’Assurance Maladie montre par une étude rétrospective s’étendant de 2015 à mi 2018, chez les patients IC accompagnés par le PRADO, un taux de décès pour toutes causes significativement plus faible (Annexe 5), un meilleur accès aux soins, un délai raccourci de recours au cardiologue, au MG et à l’infirmier, ainsi qu’une meilleure utilisation des traitements recommandés à 2 mois. Par ailleurs, on note un taux de réhospitalisation plus élevé, une augmentation sans doute liée à l’augmentation de la survie et au meilleur suivi qui favorise la détection des décompensations. Mais on observe une baisse du taux d’hospitalisation en réanimation et soins intensifs avec une stabilisation du recours aux urgences. Parallèlement, une augmentation des dépenses est observée, par un meilleur recours aux soins de ville (meilleure réalisation des soins et des traitements). Les dépenses en sortie d’hospitalisation chez un patient PRADO s’élèvent à 8012€ contre 7053€ pour un patient témoin sans accompagnement.
L’E-santé
Sous différentes formes, la télémédecine et l’e-santé se développent en France, dans le but d’une réduction des coûts et une amélioration de la qualité de vie. De nombreuses études se sont intéressées à cette démarche dans le cadre de l’insuffisance cardiaque.
La télémédecine est définie par le décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010 en application de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009. Elle est une forme de pratique médicale à distance, utilisant les technologies de l’information et de la communication. Elle regroupe 5 types d’actes médicaux tels que la téléconsultation, la téléexpertise, la télésurveillance médicale, la téléassistance et la régulation médicale.
La télésurveillance chez les patients IC a fait l’objet de nombreuses études depuis les années 2000 dont beaucoup sont revenues négatives, reprises dans la revue de la littérature du travail de thèse de Charlotte Puel en 2020 (35). Elles ont cependant permis d’appuyer la nécessité d’une adhérence du patient au programme mis en place, ainsi qu’une éducation thérapeutique pour le rendre actif dans sa prise en charge avec un contact humain central. Les rares études révélées positives le sont sur des patients en stade avancé de la maladie avec des taux d’hospitalisation et de mortalité élevés, chez qui une surveillance étroite semble avantageuse.
La plus large étude française randomisée évaluant la télésurveillance non médicale chez les patients IC a fait l’objet d’un essai randomisé multicentrique appelé OSICAT (optimisation de la surveillance ambulatoire des IC par télécardiologie) (36). Le dispositif consiste à utiliser une balance connectée reliée à une tablette numérique et de répondre à un questionnaire sur les symptômes d’IC pour une surveillance continue des paramètres cliniques.
Les alertes sont gérées par téléphone par des IDE formés pour la détection précoce des décompensations cardiaques.
Elle n’a pas permis de montrer une réduction de la mortalité toutes causes, ni des hospitalisations à 18 mois, mais une diminution du risque d’hospitalisation pour IC de 21% majorée pour les patients NYHA III et IV, isolés socialement et observant dans la mesure du poids.
Par ailleurs, la qualité de vie est statistiquement améliorée montrant tout l’intérêt de la télésurveillance.
Cette étude a permis de déployer l’utilisation de la télésurveillance médicale cette fois ci avec un partage direct avec le cardiologue, le programme ETAPES (Expérimentation de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé). Il est généralisé à l’ensemble du territoire français qui depuis 2014 développe les actes de télémédecine afin de leur donner un cadre juridique et une tarification (37).
Les prestations de télésurveillance ETAPES doivent comprendre une télésurveillance médicale, un dispositif médical et une prestation d’accompagnement thérapeutique. On dénombre au 30 septembre 2019, 3577 patients IC inclus dans le protocole avec un allégement des critères d’inclusion depuis le début de l’épidémie de Covid-19.
Autres dispositifs existants
Dans son travail de thèse de médecine générale en 2019, Dr Philippe John compare les dispositifs existants de prise en charge de l’IC au domicile (Tableau 1 : Dispositifs existants de prise en charge de l’insuffisance cardiaque au domicile. Dr Philippe John. 2019 (38). dans le but d’évaluer la pertinence d’une unité mobile de prise en charge de l’insuffisance cardiaque (UMIC) (38).
Hospitalisation à domicile
Intérêt
L’hospitalisation à domicile (HAD) a pour objectif d’assurer au domicile du patient, pour une durée limitée, mais révisable, des soins médicaux et paramédicaux continus et coordonnés. Les patients pris en charge en HAD, en l’absence d’un tel service, seraient hospitalisés en établissement de santé avec hébergement (9).
Une étude de 2017 interrogeant 1000 français montrait que 3 français sur 4 se déclaraient prêts à envisager une HAD, pour eux ou l’un de leurs proches. 70% pensent que cela permet une qualité de vie supérieure et 60% pensent que la qualité des soins est au moins équivalente à celle de l’hôpital (39).
En effet, l’HAD permet de réduire les coûts en raccourcissant ou en évitant l’hospitalisation complète conventionnelle.
Sur l’année 2019, la FNEHAD (Fédération Nationale des Etablissements d’Hospitalisation A Domicile) dans son rapport d’activité 2019-2020 (40) évaluait à 203,8€ le coût moyen d’une journée en HAD pour l’assurance maladie, ce qui est 4 fois inférieur à celui d’une journée en hôpital conventionnel. Sur l’année, le coût global de l’HAD en France revenait à 1,22 milliards d’euros.
En 2012, une importante méta-analyse a montré les bénéfices de l’HAD en termes de réduction de la mortalité, de coûts et de taux de réadmissions à l’hôpital avec une augmentation de la satisfaction des patients et des soignants (41).
Développement
L’HAD a été légalisé par la loi hospitalière de 1970. Elle devient une véritable alternative à l’hospitalisation en 1991 (42) et en 2006, se précisent son rôle et son organisation (9). En 2009, elle devient une hospitalisation à part entière par la loi « Hôpital Patients Santé Territoire » (43). Depuis son essor est important.
En 2006, on comptait 170 établissements HAD, pour un total de 44 000 patients par an et 8 patients par jour pour 100 000 habitants.
A 10 ans d’évolution, on compte en 2016, 313 établissements HAD, pour un total de 110 800 patients par an et 20 patients par jour pour 100 000 habitants (44).
Le rapport d’activité de la FNEHAD de 2020 montre qu’en 2019, l’activité d’HAD a progressé de 7,5% par rapport à 2018 (dont une élévation de 10,7% dans la région PACA) (45) avec un taux de 24,5 patients par jour pour 100 000 habitants (dont un taux supérieur à 35 dans le Var) (40).
Mais en comparaison, à certains pays européens, l’évolution reste trop faible.
Rôle du médecin généraliste
Le médecin généraliste est le pivot de l’organisation de l’HAD qu’il en soit ou non le prescripteur (9).
Cependant, plusieurs travaux ont montré que les MG ne connaissent pas l’HAD et éprouvent des difficultés à travailler avec ces structures par un manque de communication et un sentiment de dépossession (10).
Dans l’étude de la FNEHAD de 2017 ciblant 300 médecins généralistes, la moitié estime que l’HAD est peu connue des médecins libéraux. 1 médecin sur 2 déclare n’avoir jamais reçu d’information sur l’HAD (39).
Au final, la littérature rapporte des MG globalement satisfaits des modalités particulières de partage des rôles entre le médecin traitant et le médecin coordonnateur de l’HAD mais un tiers non négligeable de MG se disent dépossédés de ces prises en charge (10).
HAD pour insuffisance cardiaque
Dans le but d’améliorer les soins médicaux tout en réduisant les coûts, les directives européennes et américaines d’IC recommandent la mise en œuvre de programmes de prise en charge, par un système organisé de soins spécialisés (14)(22). En effet, un obstacle habituel au maintien au domicile d’un patient est l’oxygénothérapie, la nécessité d’un traitement intraveineux ou d’une évaluation quotidienne de l’efficacité d’un traitement.
Devant le constat que près de la moitié des réadmissions pour IC surviennent avant la première visite ambulatoire, un suivi au domicile a largement été mis en œuvre dans les 7 jours suivant la sortie d’hospitalisation (46).
Une méta-analyse de 2015 montre que l’HAD chez les patients IC semble augmenter le délai de réadmission, réduire les coûts et améliorer la qualité de vie des patients nécessitant des soins hospitaliers (47).
Van Spall, en 2017 retrouve une amélioration du pronostic par une diminution de la mortalité et du taux de réadmission, dans la prise en charge de l’IC par la mise en place de structures spécialisées et de soins infirmiers structurés au domicile (27).
En 2018, Voudris et Silver (7) quant à eux démontrent que les patients en insuffisance cardiaque aiguë et pris en charge en HAD, présentent un délai plus long de nouvelle hospitalisation, une diminution du coût de la prise en charge et une amélioration de la qualité de vie.
Dans une importante méta-analyse de 19 essais cliniques randomisés regroupant plus de 7000 patients, publié en avril 2021 (12), Raat compare les résultats de différents modes de prise en charge multidisciplinaire de l’IC en soins primaires.
Les études correspondantes aux patients IC recrutés dans la population générale ne montrent pas de résultats significatifs ni pour les réhospitalisations toutes causes et pour l’IC, ni sur la mortalité, contrairement aux patients recrutés à l’hôpital à la suite d’une première hospitalisation pour IC. Cela peut s’expliquer du fait que les patients recrutés dans la population générale sont atteints d’une IC probablement moins grave. Plusieurs études observationnelles en Espagne (48), en Suède (49) et en France (50) ont montré une réduction des réhospitalisations pour IC jusqu’à 20% en mettant en œuvre des soins multidisciplinaires intégrés avec une forte collaboration entre l’hôpital et les soins primaires
Compte tenu des évolutions démographiques de la population de patients IC, il semble évident d’impliquer les professionnels de soins primaires, dans la prise en charge multidisciplinaire de l’IC. Raat souligne que les MG sont idéalement placés pour dispenser des soins à cette population gériatrique, par leurs connaissances de leurs antécédents personnels, leurs comorbidités, leurs modes de vie.
Cependant, malgré la nécessité d’un soutien accru aux soins primaires, le financement de l’IC en ville reste encore limité alors que les soins au domicile pour l’IC ont nettement montré une réduction des coûts.
Fil-EAS ic, protocole de suivi à domicile de l’insuffisant cardiaque
Définition
Le protocole Fil-EAS ic s’intitule « Filière d’Évaluation et d’Accompagnement dans le parcours de Soins de l’Insuffisant Cardiaque » (8) (51) (52).
Il a été créé à la suite de recherche de nouvelles solutions dans la prise en charge de l’IC, notamment en sortie d’hospitalisation, en utilisant les ressources hospitalières de façon adaptée, tout en refondant un lien ville-hôpital cohérent et fonctionnel.
Il participe également à la nécessité de modifier l’approche du patient insuffisant cardiaque, souvent poly pathologique et fragile, vers une prise en charge globale.
Le protocole Fil-EAS ic permet l’amélioration de la qualité de vie des patients, en raccourcissant la durée du séjour hospitalier et par conséquence diminuant son coût. Il vise à réduire le risque de réadmission à l’hôpital et le taux de mortalité.
Il a été initialement développé localement en intra-hospitalier au sein du Centre Hospitalier Intercommunal Toulon et la Seyne sur mer (CHITS) dans le but de se développer par la suite, à un niveau régional.
Il s’agit d’un protocole encore unique en France.
Création
En 2013, une étude de cohorte non publiée est réalisée en interne au sein de l’hôpital (CHITS) afin de repérer les critères de sortie précoce d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Plusieurs constats sont faits :
– Une majorité de patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque aiguë ne sont pas pris en charge en cardiologie (55%).
– Une majorité des patients nécessitent une prise en charge gériatrique et sociale.
– Une phase de sécurisation du patient est nécessaire pendant une durée de 24 à 48 heures.
– L’équilibration des diurétiques à l’hôpital ne se fait pas dans les conditions de vie habituelles.
– L’équipe soignante n’est pas en capacité d’assurer un suivi structuré en post hospitalier.
A partir de ces connaissances, de fin 2017 à juin 2018, a été initié une phase de théorisation puis de protocolisation de la filière avec la participation de l’équipe de parcours de soins de l’insuffisance cardiaque du CHITS (Fil-EAS ic), le service de soins à domicile (SSIAD) et le service d’HAD Toulon-La Garde de l’association Santé et solidarité du Var (SSD).
A partir de juin 2018, les premiers patients sont pris en charge avec l’instauration de « débriefing » afin de repérer les fragilités de la filière. Par la suite, des grilles d’évaluation ont été réalisées afin d’améliorer le versant gériatrique et social. La filière est depuis en perpétuelle évolution.
Organisation
L’équipe médicale de Fil-EAS ic est composée de 2 cardiologues spécialisés dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque et de 2 IDE : une infirmière de coopération (ICoop) et une infirmière en pratique avancée (IPA).
Les IDE peuvent prendre en charge :
– Consultations de titration des thérapeutiques validées dans l’insuffisance cardiaque.
– Consultations de suivi de télésurveillance programmées.
– Consultations de suivi de télésurveillance non programmées suite à une alerte non gérable en distanciel.
– Consultations d’évaluation gériatrique et sociale.
– Consultations d’évaluation poly pathologique pour orientation du patient vers les spécialistes adaptés, pour l’IPA.
– Éducation thérapeutique.
Le parcours de soins est organisé en trois étapes (Annexe 6).
Phase de sécurisation au sein de l’hôpital
Tout d’abord, a lieu une étape de sécurisation, d’en moyenne 3 jours et demi.
Le patient est admis en service hospitalier, soit par une admission première aux urgences, soit de façon directe ou à la suite d’une consultation. Il est immédiatement traité et hémodynamiquement sécurisé.
La filière Fil-EAS ic est alertée par mail de toute nouvelle admission pour le motif d’insuffisance cardiaque aiguë, quelque soit le service dans lequel le patient est pris en charge, afin de permettre une analyse du dossier en 48H. Dans le même délai, une IDE effectue une évaluation gériatrique et sociale selon une checklist préétablie (Annexe 8). Une évaluation selon différents scores permet alors l’intervention de l’assistante sociale de l’HAD ou de l’équipe mobile de gériatrie (UMG).
Le diagnostic d’insuffisance cardiaque aiguë est confirmé et les besoins du parcours de soins sont définis au travers d’une checklist spécifique (Annexe 9) reprenant les recommandations de l’ESC (14) (vaccinations nécessaires, comorbidités à suivre ou traiter, titrations à poursuivre, réadaptation à organiser…)
Phase d’équilibration thérapeutique, lors de l’HAD
Le patient entre ensuite dans une phase d’équilibration au domicile, d’en moyenne 11 jours et demi, en l’absence de contre-indication gériatrique, sociale ou un état clinique jugé trop instable pour une gestion au domicile (patient sous amines, vasodilatateur IV, débit d’oxygène de plus de 3L/min, dialyse).
Avec l’accord du patient (ou de l’aidant éventuellement), des intervenants médicaux et paramédicaux de ville, et de l’équipe d’HAD, la poursuite de l’hospitalisation se fait dans le cadre d’une hospitalisation à domicile, avec la participation des IDEL habituels ou non du patient.
La responsabilité est déléguée à l’équipe médicale et paramédicale dédiée à Fil-EAS ic avec l’aide de l’HAD selon un protocole défini (Annexe 7).
Les informations sont gérées et transmises à l’hôpital par l’HAD, via un dossier patient informatique intitulé « AtHome ». C’est un outil conçu pour gérer l’ensemble des services et des ressources mis en œuvre dans le cadre d’une hospitalisation à domicile, cette solution permet d’organiser la prise en charge du patient, en lien avec les différents intervenants.
L’équipe Fil-EAS ic effectue une visite quotidienne sur dossier avec pour objectifs principaux :
– Titration de diurétiques dans les conditions du domicile selon les apports hydriques et sodés habituels du patient.
– Titration des thérapeutiques recommandées.
– Repérage des conduites à risque : mauvaise observance et compliance, consommation sodée, hydrique, potassique inadaptée, mauvaises conduites des aidants.
– Mise en place d’un protocole de suivi pouvant perdurer en fin d’HAD avec ou sans l’aide de la télésurveillance.
– Consolidation d’un lien de confiance ville-hôpital :
o Coopération entre l’HAD et l’hôpital. o Coopération entre l’IDEL et l’hôpital.
o Prise en charge des patients adressés par les MG dans une filière homogène, quelque soit le service.
o Caractère systématique de comptes rendus d’hospitalisation et de clôture.
o Transmission d’objectifs thérapeutiques clairs pour le MG, le cardiologue, l’IDEL.
o Système de télésurveillance permettant à l’IDEL ou au MG d’avoir un référent en cas de difficultés.
Une infirmière de l’équipe d’HAD est de garde 24 heures sur 24 et un médecin Fil-EAS ic reste disponible 7 jours sur 7 aux heures ouvrables (9h-18h).
Le médecin généraliste est encouragé à participer à l’évaluation du patient, notamment dans les composantes non cardiologiques et peut être sollicité pour une évaluation intercurrente en cas d’apparition de nouveaux symptômes.
L’adaptation des thérapeutiques cardiologiques restent toutefois sous la responsabilité de l’équipe Fil-EAS ic.
Phase de consolidation, suivant l’arrêt de l’HAD
La 3e phase, dite de consolidation, débute par une consultation de clôture qui peut avoir lieu :
– En présentiel ou en téléconsultation.
– Au cours d’une hospitalisation de jour (si nécessité d’une supplémentation en fer pour une carence martiale fonctionnelle, consultation en pneumologie, néphrologie, gastroentérologie, diabétologie, gériatrie, mémoire, diététique…).
– Au cours d’une hospitalisation de semaine (si nécessité d’effectuer des examens invasifs non ambulatoires).
Elle donne lieu à un compte-rendu remis au patient et transmis au médecin traitant avec des recommandations et des objectifs thérapeutiques, diététiques et biologiques.
Des outils de suivi sont proposés avec une éducation thérapeutique systématique par l’IDEL, une télésurveillance voire une rééducation par kinésithérapie ou réadaptation.
Deux solutions de télésurveillance sont proposées et choisies du fait de leur complémentarité (« AirLiquide » et « Satelia »). La première met à disposition une balance et une tablette connectée, la deuxième une application mobile à télécharger. Elles permettent de détecter tout signe d’aggravation et de déclencher une alerte. Les sociétés de télésurveillance effectuent un premier tri des alertes générées et réalisent une éducation thérapeutique (maladie, traitements et diététique). L’équipe Fil-EAS ic traite en seconde intention les alertes quotidiennes.
Lors de cette consultation de clôture, il peut être décidé́de poursuivre les IDE déjà̀en place ou de les majorer. La prescription est réalisée pour 1 ou 2 mois, laissant au MG la décision de la conduite à tenir pour la suite.
Implication actuelle du médecin généraliste dans Fil-EAS ic
Pour chaque admission en HAD, le médecin coordonnateur contacte le médecin traitant pour l’informer de cette inclusion. Il reçoit rapidement un formulaire d’accord de prise en charge en HAD (Annexe 10) et le projet personnalisé de soins (Annexe 11) qu’il doit retourner signé.
Les patients pris en charge par le protocole Fil-EAS ic retournent à domicile avec une fiche d’information générale (Annexe 12) comportant des indications sur l’organisation du suivi, des conseils sur la prise en charge et les interactions médicamenteuses, les coordonnées des médecins référents. Dans ce document, il est rappelé au MG son rôle de suivi au domicile du patient en tant que pivot de la prise en charge en HAD, en coopération avec le médecin coordonnateur de l’HAD et le cardiologue hospitalier. Il peut participer activement à l’optimisation du traitement tout en réduisant les risques iatrogènes, et par la suite à la sensibilisation du patient à l’importance de l’observance de son traitement et à son auto-surveillance.
Le MG trouve également au domicile du patient une fiche d’évaluation médicale (Annexe 13) l’interrogeant notamment sur les œdèmes, l’état respiratoire, la situation vaccinale, le risque d’automédication, le suivi diététique, l’état cognitif, la perte d’autonomie, l’observance médicamenteuse, le risque de polymédication du patient. Elle a pour but d’affiner les objectifs et les points de vigilance pour la suite de la prise en charge et l’éducation du patient. Cette fiche d’évaluation est à remettre à l’IDE de l’HAD.
Avant le transfert en HAD, le MG reçoit le compte-rendu de fin d’hospitalisation du CHITS. A la fin de l’HAD, il reçoit le compte-rendu de clôture par les cardiologues du CHITS et le compte rendu de clôture par les médecins coordonnateurs de l’HAD. Si le patient a été hospitalisé en HDJ, un compte-rendu est transmis au médecin traitant. Sur ces comptes rendus figurent des recommandations et des objectifs thérapeutiques, diététiques et biologiques.
Cependant, au cours de cette prise en charge par le protocole Fil-EAS ic, il est à souligner que tous les MG n’ont pu être contactés au début de la prise en charge et que les fiches d’évaluation médicales ont très rarement été retournées. Le médecin généraliste semble être peu impliqué dans les décisions prises autour du patient, notamment en ce qui concerne les décisions thérapeutiques selon l’évolution clinique et paraclinique, la mise en place d’une télésurveillance, d’une hospitalisation de jour ou de la mise en place d’IDE à la sortie. Le protocole d’adaptation des diurétiques n’est mis à disposition que du patient et son IDE.
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Table des matières
Introduction
L’insuffisance cardiaque
A. Définition et classification
B. Données épidémiologiques
1. Données internationales
2. Données françaises
3. Données locales
C. Rôle et souhaits des médecins généralistes
Prise en charge de l’insuffisance cardiaque au domicile posthospitalisation
A. Structures d’accompagnement au domicile dans le Monde
B. Structures d’accompagnement au domicile en France
1. Le PRADO
2. L’E-santé
3. Autres dispositifs existants
C. Hospitalisation à domicile
1. Intérêt
2. Développement
3. Rôle du médecin généraliste
4. HAD pour insuffisance cardiaque
Fil-EAS ic, protocole de suivi à domicile de l’insuffisant cardiaque
A. Définition
B. Création
C. Organisation
1. Phase de sécurisation au sein de l’hôpital
2. Phase d’équilibration thérapeutique, lors de l’HAD
3. Phase de consolidation, suivant l’arrêt de l’HAD
D. Chiffres actuels
E. Projet et ambition
F. Implication actuelle du médecin généraliste dans Fil-EAS ic
Matériels et méthodes
Schéma d’étude
Population étudiée
A. Critères d’inclusion
B. Critères de non-inclusion
C. Critères d’exclusion
D. Faisabilité et modalités de recrutement
Critères d’évaluation
A. Critère d’évaluation principal
B. Critères d’évaluations secondaires
Déroulement de la recherche
A. Calendrier de recherche
B. Tableau récapitulatif du suivi participant
C. Information des sujets de l’étude et consentements
Gestion des données
Aspects statistiques
Résultats
Diagramme de flux
Analyses descriptives
A. Caractéristiques des médecins généralistes
1. Présentation
2. Nombre de patients par médecin inclus dans Fil-EAS ic 41
B. Connaissance de l’insuffisance cardiaque
C. Connaissance du protocole Fil-EAS ic
D. Implication des médecins généralistes pendant l’HAD
1. Accord pour débuter la prise en charge
2. Modes de prises en charge
3. Documents à l’attention du médecin généraliste
3.1. Qualité de réception des documents
3.2. Mode de réception des documents
4. Coordonnées des médecins référents
4.1. Accessibilité des coordonnées
4.2. Utilisation des coordonnées
4.3. Utilité des coordonnées
5. Partage des données entre médecins
E. Implication des médecins généralistes en clôture de l’HAD
1. Comptes rendus finaux
2. Conseils de suivis de l’insuffisance cardiaque
3. La télésurveillance
3.1. Utilité de la télésurveillance
3.2. Mise en place de la télésurveillance
4. Hospitalisation de jour
4.1. Utilité d’une hospitalisation de jour
4.2. Mise en place d’une hospitalisation de jour
5. IDE au domicile du patient
6. Protocole d’adaptation des diurétiques
6.1. Connaissance du protocole d’adaptation des diurétiques
6.2. Utilité du protocole d’adaptation des diurétiques
6.3. Partage du protocole d’adaptation des diurétiques
F. Conclusion
1. Taux de satisfaction des médecins généralistes
2. Implication dans le protocole Fil-EAS ic
3. Suggestions pour améliorer le protocole Fil-EAS ic
Discussion
Interprétation des résultats
Forces et faiblesses de l’étude
Perspectives et actions à mettre en place
A. Amélioration de la communication ville / hôpital
B. Harmonisation des pratiques interprofessionnelles
C. Déploiement de l’e-santé
Conclusion
Bibliographie
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