Prise en charge de l’électrisation grave en milieu de réanimation polyvalente

L’emploi de l’électricité est ubiquitaire et omniprésent dans la vie courante. L’électrisation désigne l’ensemble des manifestations physiopathologiques liées à l’action du courant électrique sur le corps humain, alors que le terme d’électrocution, plus couramment employé correspond à un décès par électrisation [10, 30]. Les accidents d’électrisation (AE) occupent une place importante parmi les mécanismes de survenue d’une brûlure. Les brûlures électriques correspondent à une destruction cutanée causée par un courant électrique et constituent la conséquence la plus habituelle des accidents d’électrisation. Elles peuvent être soit des brûlures secondaires à l’étincelle électrique appelée «flash» et correspondent à des brûlures thermiques, soit des brûlures électriques vraies dues au passage du courant électrique entre un point d’entrée et un point de sortie appelés « marques électriques de Jellineck » [9, 30]. Le point d’entrée est souvent situé sur un membre supérieur, en contact avec le conducteur électrique. Le point de sortie est alors en contact avec le sol. Les points d’entrée et de sortie sont caractérisés par des brûlures profondes et bien limitées, sur une faible surface cutanée. Entre les deux, le courant électrique passe dans l’organisme en générant des lésions électriques vraies au niveau cardiaque, neurologique et musculaire, et des lésions électrothermiques par production de chaleur sur le trajet du courant. Les lésions électrothermiques sont le plus volontiers situées au niveau des masses musculaires et des axes vasculonerveux, générant un tableau apparenté au crush syndrome. Les brûlures dues à l’électricité se caractérisent par une évolution insidieuse et torpide. Il existe une dissociation entre la clinique initiale et l’étendue exacte des lésions, qui sont souvent sous-évaluées en raison des atteintes sous-jacentes initialement inapparentes [30].

La gravité réside dans leurs effets sur tous les systèmes de l’organisme. La diversité des lésions impose une prise en charge multidisciplinaire précoce. Cette gravité se traduit ainsi par une morbidité et une mortalité non négligeable. La bonne connaissance des mécanismes lésionnels et de leurs conséquences physiopathologiques et cliniques constitue un préalable indispensable permettant d’envisager des modalités optimales de prise en charge en urgence et une prévention adaptée. Aux Etats-Unis et en Europe, l’électrisation a une fréquence relativement faible par rapport à celle dans les pays en voie de développement. L’expérience hospitalière, nous a permis de constater que les accidents d’électrisation sont très fréquents au Sénégal et la prise en charge se fait avec beaucoup de difficultés. Paradoxalement, il s’agit d’une pathologie négligée.

GENERALITES

Epidémiologie

Les accidents d’électrisation ne donnant pas tous lieu à une consultation ou à une hospitalisation, leur recensement exact est rendu difficile, en particulier pour les accidents domestiques [16]. Ils sont plus fréquemment observés dans les accidents de travail et concernent principalement les jeunes hommes [36]. Mais près d’un tiers des accidents se produisent chez des particuliers ou à l’hôpital. Les équipements des blocs opératoires, de l’endoscopie ou du service de réanimation, peuvent causer une électrisation chez le personnel médical et les patients, surtout ceux porteurs d’une sonde endo-cavitaire ou d’un cathéter central. Trois types d’appareils sont en cause : défibrillateurs, bistouris électriques, seringue électrique connectée à un cathéter central. Aux Etats-Unis, on estime les AE à 70 cas pour 100 000 habitants/an. Les hommes sont plus fréquemment touchés que les femmes, et la distribution d’âge est bimodale, les accidents concernant :
✓ les enfants en bas âge, généralement à domicile
✓ les jeunes adultes, dans un contexte professionnel.

La mortalité varie entre 2-3% (AE à basse tension) et 5-30% (AE à haute tension) ; elle dépend des complications cardiaques aiguës, de l’étendue et de la profondeur des brûlures, ainsi que des traumatismes liés aux chutes associées. La morbidité liée aux séquelles parfois permanentes est importante [43]. En Europe, il survient 5 AE mortels par million d’habitants et par an, soit environ 200 morts par an en France, dont 10 à 20 par la foudre [30].

Dans les pays en voie de développement, les AE représentent 7 à 17% du recrutement au niveau des centres de brûlés [37]. Les brûlures électriques sont plus fréquemment observées dans les accidents de travail et concernent principalement les jeunes hommes.

Physiopathologie

Rappels

Le courant électrique est un flux d’électrons se déplaçant dans un conducteur entre un point à haut potentiel et un point à potentiel inférieur, sous l’effet de la force électromagnétique [43]. Les lésions occasionnées par le passage du courant électrique dépendent des différents paramètres qui caractérisent le contact avec le conducteur : intensité, tension, résistance au passage du courant lorsqu’il est continu ou impédance en courant alternatif, fréquence du courant, temps et surface de contact. Lors du passage du courant électrique dans un conducteur, il se produit un dégagement de chaleur qui obéit aux lois physiques de Joule : W = RI 2 T et d’Ohm : U = RI. Dans ces équations, W représente le dégagement de chaleur produit en joules, I est l’intensité du courant en ampères, R la somme des résistances en ohms, U la tension en volts et T le temps de contact en secondes [30].

Intensité du courant

Le chiffre de l’intensité ne peut pas souvent être précisé en raison des variations des résistances au passage du courant. Son rôle dans la physiopathologie des AE est pourtant primordial. L’intensité intervient tant pour les effets excitomoteurs (Q=It) que pour les effets thermiques (W=RI2t) .

En effet, elle est responsable de la contraction musculaire et de la sidération des fibres nerveuses. Lorsque l’intensité augmente, on définit des seuils successifs à partir desquels apparaissent les différentes réactions au courant électrique :
❖ Perception : 1 mA. Un picotement de la peau est perçu quel que soit le temps de passage; cette sensation désagréable peut être responsable de chute.
❖ Contraction musculaire : 10 mA. Seuil de « non lâcher » avec tétanisation musculaire tant que passe le courant.
❖ Seuil d’asphyxie ventilatoire par tétanisation des muscles de la respiration: 20 mA. Lorsque le trajet du courant passe par le diaphragme, ce chiffre est une approximation d’après les données expérimentales animales ; lorsque le temps de passage du courant dépasse 3 minutes, la victime peut décéder par asphyxie en l’absence de gestes élémentaires de survie.
❖ Seuil de brûlure : selon la résistance des points d’entrée et de sortie du courant pour des densités de courant entre 10 et 20 mA/mm2 , déterminant un érythème puis une brûlure superficielle et au-delà de 50 mA/mm2 provoquant la carbonisation.
❖ Seuil de fibrillation ventriculaire : le risque vital de fibrillation ventriculaire apparaît si le trajet du courant intéresse la région cardiaque ; le courant emprunte les chemins de meilleure conductance dans le corps ; les modalités les plus fréquemment rencontrées et les plus dangereuses joignent les points de contact à la poitrine et à la main gauche (le trajet poitrine dos, encore plus dangereux, étant rare). Le poids de la victime intervient : l’intensité seuil pouvant déclencher une fibrillation ventriculaire est liée au poids par une relation linéaire I2t= k2 où t est le temps et k est fonction du poids. Le moment de survenue importe pour un courant de durée inférieure à une seconde (phase vulnérable) .

Tension du courant

Le voltage intervient principalement par effet Joule sur le dégagement de chaleur. C’est la différence de potentiel mesurée entre les deux pôles d’un circuit permettant de distinguer différents régimes dont va dépendre la quantité de chaleur produite (W). On distingue les basses tensions, en dessous de 1000 Volts, et les hautes tensions, supérieures à 1000 Volts [8].
✓ Les courants de très basse tension, limités à 24 V alternatifs ou 40 V continus, qui ne sont pas dangereux (tous les autres exposent à des AE);
✓ Le courant de basse tension (BT) ou courant domestique, délivré en 220 V monophasé ou 380 V triphasé, qui comporte un risque cardiovasculaire plus marqué en cas de type alternatif;
✓ Le courant de haute tension (HT > 1000 V), responsable de brûlures graves car profondes et étendues qui sont à l’origine de syndrome des loges ou crush syndrome. Les effets seront identiques qu’il s’agisse de courant alternatif ou continu, mais le risque de brûlure sera d’autant plus important que la surface de contact est grande. A titre indicatif, les courants industriels et les moyens de transport de classe HT atteignent couramment 25000 V (monophasé industriel);
✓ La classe de très haute tension représente les câbles de transport qui supportent des tensions de 25000 à 400000 V. C’est à ces niveaux d’énergie que l’on assiste à des accidents par phénomène d’arc électrique. Ce sont « les volts qui brûlent » [16, 30].

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Table des matières

INTRODUCTION
I. GENERALITES
I. 1. Epidémiologie
I. 2. Physiopathologie
I. 2. 1. Rappels
I. 2. 1. 1. Intensité du courant
I. 2. 1. 2. Tension du courant
I. 2. 1. 3. Résistances corporelles
I. 2. 1. 4. Temps de contact
I. 2. 1. 5. Types de courant
I. 2. 2. Mécanismes
I. 2. 3. Conséquences
I. 2. 3. 1. A l’échelon cellulaire
I. 2. 3. 2. Hémodynamiques
I. 2. 3. 3. Ventilatoires
I. 2. 3. 4. Métaboliques
II. CIRCONSTANCES DE SURVENUE
II. 1. Accidents domestiques
II. 2. Accidents de loisirs
II. 3. Accidents professionnels
II. 4. La foudre
II. 5. Accidents médicaux
III. SIGNES
III. 1. Cardiovasculaires
III. 2. Brûlures cutanées
III. 3. Signes musculo-squelettiques
III. 4. Signes d’atteinte rénale
III. 5. Signes neurologiques
III. 5. 1. Lésions immédiates et transitoires
III. 5. 2. Lésions immédiates et prolongées ou permanentes
III. 5. 3. Lésions retardées et progressives
III. 5. 4. Lésions neurologiques associées à l’électrisation
III. 6. Signes respiratoires
III. 7. Signes digestifs
III. 8. Manifestations sensorielles
III. 9. Cas particulier de la femme enceinte
IV. PRISE EN CHARGE
IV. 1. Phase pré-hospitalière
IV. 1. 1. Gestes de secours
IV. 1. 2. Mesures de réanimation initiale
IV. 1. 2. 1. Abords veineux périphérique
IV. 1. 2. 2. Remplissage vasculaire
IV. 1. 2. 3. Oxygénation
IV. 1. 2. 4. Analgésie
IV. 1. 2. 5. PEC des intoxications et/ou traumatismes associés
IV. 2. En milieu hospitalier
IV. 2. 1. Examen du patient électrisé
IV. 2. 2. Paraclinique
IV. 2. 2. 1. Biologie
IV. 2. 2. 2. Imagerie
IV. 2. 2. 3. ECG
V. TRAITEMENT SPECIFIQUE
V. 1. Prévention de l’insuffisance rénale myoglobinurique
V. 2. Antibiothérapie préventive
V. 3. Prévention de la maladie thromboembolique
V. 4. Traitement chirurgical
V. 4. 1. Excision ou escarrotomie
V. 4. 2. Fasciotomie ou aponévrotomie
V. 4. 3. Recouvrement
V. 4. 4. Les greffes
V. 4. 5. Chirurgie tardive
VI.SÉQUELLES ET COMPLICATIONS
VI. 1. Cardiovasculaires
VI. 2. Cutanées
VI. 3. Orthopédiques
VI. 4. Rénales
VI. 5. Neurologiques
VI. 6. Sensorielles
VI. 7. Abdominales
CONCLUSION

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