PRISE EN CHARGE DE DE L’INSOMNIE

Architecture du sommeil

       Le sommeil et l’état de veille sont liés. Le sommeil est composé de plusieurs stades : le sommeil lent et le sommeil paradoxal. Le sommeil lent est défini d’une part par le sommeil lent léger (stades 1 et 2) et d’autre part par le sommeil lent profond (stades 3 et 4). Nous possédons aujourd’hui des appareils permettant d’étudier ces stades : l’électroencéphalogramme (EEG) donne une image de l’activité électrique du cerveau, il présente des ondes de très faibles amplitudes qui varient en fonction de l’activité cérébrale et permet ainsi de détecter l’état de veille et de sommeil. L’électromyogramme (EMG) mesure le tonus des muscles et l’électro-oculogramme (EOG) analyse les mouvements oculaires. L’ensemble de ces examens s’appelle la polysomnographie [6]. Concernant le sommeil lent léger, le stade 1 correspond à une somnolence et un assoupissement. C’est la transition entre l’état de veille et de sommeil. Le tonus musculaire s’affaiblit, des myoclonies peuvent apparaître. Le rythme cardiaque diminue, l’EEG enregistré présente des ondes de fréquences de plus en plus lentes. Le moindre bruit peut facilement réveiller le sujet : il affirme alors qu’il ne dort pas. Ce stade correspond à environ 5 % du temps de sommeil total chez l’adulte jeune. Le stade 2 représente le début du sommeil lent. Des ondes lentes sont observées au niveau de l’EEG. Le sujet est moins réceptif aux stimulations d’éveil. Pour l’organisme, c’est le début de la récupération. Il représente 50 % de la durée totale du sommeil. Le sommeil lent profond est composé des stades 3 et 4, le stade 3 assurant la transition entre le sommeil léger et profond, le stade 4 traduisant le sommeil profond. Les ondes électriques de l’électroencéphalogramme sont très lentes : l’activité cérébrale est à son minimum. Les fonctions vitales ralentissent : baisse du rythme cardiaque et respiratoire, ainsi que de la température corporelle. Les activités musculaires et oculaires disparaissent. Le sommeil lent profond favorise les sécrétions hormonales, renforce les défenses immunitaires et l’ancrage de l’information dans la mémorisation. Il permet la récupération de l’organisme. Environ 25 % du temps de sommeil est consacré aux stades 3 et 4 [7]. Le sommeil paradoxal (ou REM : rapid eye movement sleep) présente des ondes rapides à l’EEG proches de celles de l’état de veille. Les fonctions vitales sont instables : le rythme cardiaque et la pression artérielle augmentent, la respiration est irrégulière. Le tonus musculaire est inexistant et les mouvements oculaires sont rapides (d’où le nom de sommeil paradoxal). Ce stade permet la maturation du système nerveux et l’augmentation des capacités de mémorisation. L’expression des rêves y est plus importante, la personne s’en rappellera plus facilement que dans les autres stades. Il représente environ 20 % du temps de sommeil [8]. Le sommeil est constitué de 4 à 6 cycles par nuit, chacun durant environ 90 mn. Dans chaque cycle se succèdent le sommeil lent léger, le sommeil lent profond et le sommeil paradoxal. L’évolution d’une nuit se représente par la succession des cycles via un hypnogramme. Le sommeil profond est majoritaire dans la première moitié de la nuit, tandis que le sommeil léger et paradoxal augmente dans la deuxième moitié de la nuit.

Physiologie du sommeil

       La veille et les deux types de sommeil dépendent de neurones et de neurotransmetteurs assurant la transmission de l’influx nerveux de neurones à neurones et reposent sur l’existence de systèmes de neurones avec entre eux des relations complexes dont on ne connait pas encore l’exacte organisation [12]. Il existe un système de l’éveil, un système de production du sommeil lent et un système assurant la régulation du sommeil paradoxal. Ces systèmes comportent de nombreuses structures cérébrales organisées en réseau et impliquées dans le contrôle de la régulation de ces états. La régulation s’organise selon une bascule veille-sommeil qui contrôle l’endormissement et une bascule sommeil lent-sommeil paradoxal à l’intérieur du sommeil lui même [10]. L’état de veille est réglé par un réseau complexe de neurones qui vont inhiber le système du sommeil et activer des réseaux avec divers neuromédiateurs excitateurs. Le système d’éveil comporte une structure qui synthétise le neuropeptide hypocrétine (ou orexine) située dans la zone latérale de l’hypothalamus. Elle a été découverte très récemment en 1998 et participe à la régulation du comportement alimentaire, mais aussi à celle de la veille. L’hypocrétine est stimulante du système d’éveil et agirait notamment sur le système à histamine. En effet le système d’éveil comporte aussi un réseau histaminergique situé dans les noyaux tubéro-mamillaires de la zone postérieure de l’hypothalamus qui agit sur toutes les structures de l’éveil. L’inactivation de ces neurones histaminergiques déclenche le sommeil comme on peut le remarquer avec des médicaments anti-histaminiques. D’autre  part le locus coeruleus au niveau du tronc cérébral contient des neurones noradrénergiques : leur stimulation augmente l’éveil, et le blocage de la libération de noradrénaline diminue l’éveil, la vigilance. De plus le raphé dorsal situé dans le tronc cérébral contient des neurones sérotoninergiques dont la stimulation est éveillant. Toutefois l’inhibition de la synthèse de la sérotonine entraîne une insomnie de deux à trois jours. Ainsi le système sérotoninergique contrôle les différents états de vigilance, aussi bien la veille que le sommeil. S’y ajoute le réseau cholinergique dont les neurones se situent dans les aires du tegmentum pédonculopontin et du tegmentum latérodorsal du tronc cérébral. La libération d’acétylcholine stimule le cortex cérébral et donc l’état de veille. Le glutamate qui est libéré par la formation réticulée mésencéphalique active aussi l’état de veille. Enfin le système dopaminergique participe aussi à l’état de veille en siégeant au niveau de l’aire tegmentale ventrale. Pendant l’éveil, toutes ces structures sont activées, préparant l’organisme à réagir à son environnement [10 11 19]. Le passage de la veille au sommeil a lieu grâce l’inhibition du système de l’éveil et à l’activation du système promoteur du sommeil. Ce système promoteur du sommeil est situé dans l’aire pré-optique de l’hypothalamus ventrolatéral (VLPO). Ce noyau contient des neurones synthétisant l’acide gammaaminobutyrique (GABA) et la galanine qui sont des substances fortement inhibitrices. Pour activer ce système, des peptides (encore inconnus) synthétisés sous l’influence de la sérotonine et accumulés au cours de l’éveil agiraient au niveau du VLPO. De plus l’adénosine qui est le produit de dégradation de l’ATP (adénosine triphosphate) est aussi accumulée au cours de l’éveil. Son accumulation faciliterait l’endormissement par l’activation du VLPO et par l’inhibition des neurones impliqués dans l’éveil notamment les neurones cholinergiques. Une fois le VLPO activé, les neurones de cette région inhibent principalement les neurones producteurs d’histamine et d’hypocrétine de l’hypothalamus postérieur et latéral ainsi que l’ensemble des structures impliquées dans l’éveil. Le GABA et la galanine du VLPO maintiendraient cette mise au repos des systèmes d’éveil, tout en commençant à activer les systèmes de sommeil [10]. Il est à noter que les réseaux aminergiques (à histamine, à noradrénaline et à sérotonine) et cholinergiques ont aussi une action inhibitrice sur la zone VLPO. Les systèmes d’éveil et de sommeil s’inhibent donc réciproquement et on peut concevoir l’équilibre entre les réseaux de l’éveil et ceux de l’endormissement comme un système de bascule. Pour s’endormir, il ne suffit pas que le réseau de la veille soit inactivé, il faut aussi que le réseau du sommeil soit activé. Ainsi une insomnie survient quand le réseau de l’éveil est activé en même temps que celui du sommeil [10]. L’endormissement conduit au sommeil lent et à la mise en place de l’alternance entre le sommeil lent et le sommeil paradoxal. Le sommeil lent est essentiellement contrôlé par les neurones producteurs de GABA qui prennent le relais du VLPO après l’endormissement. Ces neurones sont situés dans le cortex et une partie du thalamus. Ils sont à la base des ondes lentes et des fuseaux rapides (spindles). Les ondes lentes sont produites au niveau du cortex et les fuseaux au niveau des neurones allant du thalamus au cortex. Ces fuseaux sont importants car ils permettraient de bloquer les messages sensitifs au niveau du cortex et donc de protéger la continuité du sommeil [5]. Le mécanisme de régulation du sommeil paradoxal se trouve à la base du cerveau dans le tronc cérébral. Il est contrôlé par une population de neurones cholinergiques localisée dans les aires tegmentums pédonculopontin (PPT) et latéro-dorsal (LDT) appelés neurones SP-on. Ces neurones sont inhibés pendant le sommeil lent par la noradrénaline, la sérotonine et l’histamine libérées par des neurones dits neurones SP-off, dont l’activité diminue alors que celle des neurones cholinergiques SP-on augmente. Cela permet l’apparition du sommeil paradoxal mais aussi de certaines de ses caractéristiques. Les neurones SP-on entraînent une activité EEG proche de celle de la veille ainsi que des mouvements oculaires rapides (cf. paragraphe I.1.2.3.3). L’atonie musculaire qui est une autre caractéristique du sommeil paradoxal est déclenchée par des neurones situés dans le locus coeruleus alpha, qui ne sont actifs que lors du sommeil paradoxal. Ces neurones, par l’intermédiaire d’un neuromédiateur, stimulent au niveau du bulbe médian la libération de glycine par le noyau magnocellulaire. Ce neurotransmetteur qu’est la glycine inhibe alors les neurones moteurs de la moelle ce qui entraine l’atonie [5 11]. Ainsi les systèmes de veille et de sommeil fonctionnent comme une balance à deux plateaux que l’on nomme le « flip-flop system ». Lorsque le système hypothalamique à hypocrétine est activé et stimule le réseau histaminergique qui va inhiber le VLPO : la balance penche en faveur de l’éveil. A son tour, lorsque la VLPO inhibe les noyaux de l’éveil, la balance penche en faveur du sommeil. Ce modèle d’inhibition mutuelle entre le noyau préoptique ventro-latéral et les systèmes monoaminergiques de l’éveil explique que l’on soit la plupart du temps dans un état soit de veille, soit de sommeil [19]. Toutefois dans certains cas, il arrive que ce fonctionnement soit perturbé entrainant des troubles du sommeil comme une insomnie.

Insomnie psychophysiologique

         Elle est caractérisée par un conditionnement mental et physiologique qui s’oppose au sommeil, indépendamment de pathologies anxieuses ou dépressives. Elles sont en cause dans 15 à 20 % des insomnies. Une fois développé ce type d’insomnie a tendance à s’auto-entretenir, y compris après la disparition de la circonstance initiale ayant présidé à l’établissement du conditionnement négatif au sommeil [21]. Le cerveau finit par anticiper cet éveil. Cela peut être le cas d’une personne qui s’occupe d’un proche malade ayant besoin de soins au cours de la nuit, ou des mamans qui ont l’habitude d’être réveillées par leurs jeunes enfants pendant plusieurs mois.

Questionnaires sur le sommeil

        La consultation auprès de son médecin généraliste est la première étape à franchir. Le médecin doit connaître le contexte familial et professionnel du sujet, ses traitements s’il en a et ses antécédents. Il est nécessaire de consacrer une consultation pour la plainte de l’insomnie pour permettre d’identifier la nature de la plainte. Dans un premier temps, il convient de recueillir des éléments nocturnes et diurnes afin de situer la plainte du patient dans l’ensemble du cycle veille / sommeil. Pour ce faire, il faut tenir compte de l’ancienneté (moins d’un mois ou plus d’un mois), de la fréquence (combien de nuits par semaine ?) et de la sévérité du trouble du sommeil (difficulté à s’endormir, réveils en cours de 22 nuit ou réveil matinal trop précoce), de ses conséquences diurnes (fatigue, nervosité, irritabilité, trouble de la mémoire) du temps passé au lit par rapport au temps de sommeil et des éventuels traitements déjà utilisés ou en cours. Seront également pris en compte les facteurs d’environnement, les rythmes de vie ou de travail, les possibles événements stressants et les habitudes relatives au sommeil (telles que les activités de fin de journée, sieste). Le médecin recherche également des symptômes d’autres troubles du sommeil comme l’apnée du sommeil, le syndrome des jambes sans repos ou mouvements périodiques. Il évalue la présence ou non de pathologies associées : psychiques, somatiques ou états douloureux. Enfin, il détecte l’usage de substances néfastes au sommeil (médicament, alcool, drogues, stimulants) [28]. En complément, divers auto-questionnaires peuvent être utilisés pour compléter l’approche clinique et aider à préciser si l’insomnie est associée ou non à un trouble mental :
– test d’anxiété de Spielberger : une note égale ou supérieure à 55 indique une anxiété marquée d’autant plus importante que la note est plus élevée. L’anxiété est une cause importante d’insomnie.
– test de Beck : permet de mesurer le niveau de dépression. Elle est cliniquement significative à partir de 15. Dans toutes les dépressions, un symptôme d’insomnie est présent. Les tests d’anxiété ou de dépression pourront être passés à plusieurs reprises au cours de l’évolution de l’insomnie pour vérifier l’efficacité du traitement.
– L’échelle HAD (hospital anxiety and depression scale) évalue la sévérité de l’anxiété et de la dépression. Une partie des questions se rapporte à l’anxiété et l’autre à la dimension dépressive. Les items sont cotés de 0 à 3 et permettent d’obtenir les deux scores
– échelle de somnolence d’Epworth (Annexe 1) : permet de préciser le degré de somnolence diurne et ainsi de visualiser l’aspect diurne de l’insomnie. La somnolence est jugée anormale avec un score dépassant 10 et ce d’autant plus que le score est plus élevé [19] (Annexe 1).

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES
I. GENERALITE SUR LE SOMMEIL ET L’INSOMNIE
1. Le sommeil
1.1. Définition
1.2. Architecture du sommeil
1.3. Les fonctions du sommeil
1.4. Physiologie du sommeil
1.5. Evolution du sommeil en fonction de l’âge
2. L’insomnie
2.1. Définition
2.2. Classification des insomnies
2.2.1. Insomnie d’ajustement
2.2.2. Insomnie par hygiène du sommeil inadéquate
2.2.3. Insomnies chroniques sans comorbidité
2.2.3.1. Insomnie psychophysiologique
2.2.3.2. Insomnie paradoxale ou par mauvaise perception du sommeil
2.2.3.3. Insomnie idiopathique
2.2.4. Insomnies chroniques avec comorbidité
2.2.4.1. Insomnie liée à une pathologie mentale
2.2.4.2. Insomnie liée à une pathologie physique
2.2.4.3. Insomnie liée à un médicament ou une substance perturbant le sommeil
2.3. Diagnostic de l’insomnie
2.3.1. Consultation médicale
2.3.2. Questionnaires sur le sommeil
2.3.3. L’agenda du sommeil
2.3.4. La polysomnographie
2.3.5. L’actimétrie
3. Les conséquences de l’insomnie
II. LES TRAITEMENTS DE L’INSOMNIE
1. Les traitements classiques
1.1. Les benzodiazépines hypnotiques
1.2. Les hypnotiques apparentés aux benzodiazépines
1.3. Les barbituriques
1.4. Les antidépresseurs
1.5. Les neuroleptiques
1.6. Les antihistaminiques
2. Des alternatives à l’utilisation des hypnotiques
2.1. Les allopathies dans le traitement l’insomnie
2.2. Homéopathique dans le traitement l’insomnie
2.3. La mélatonine dans le traitement de l’insomnie
2.4. Phytothérapie dans le traitement de l’insomnie
2.5. L’aromathérapie : une alternative pour le traitement de l’insomnie
2.6. Les oligoéléments et l’insomnie
2.7. Les molécules antagonistes de l’orexine
2.8. Les autres méthodes thérapeutiques
2.8.1. La luminothérapie
2.8.2. La médecine chinoise
2.8.3. Les techniques de relaxation
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I. OBJECTIFS
1. Objectif général
2. Objectifs spécifiques
II. METHODOLOGIE
1. Cadre d’étude
1.1. Données physiques
1.2. Données climatiques
1.3. Urbanisation
2. Population étudiée
3. Fiche d’enquête
3.1. Collecte des données
3.2. L’analyse statistique
III. RESULTATS ET DISCUSSION
1. Ancienneté des pharmaciens interrogés
2. La fréquence de la plainte d’insomnie à l’officine
3. Types de plaintes d’insomnies
4. Difficultés rencontrées par les patients
5. Conseils du pharmacien aux premières plaintes
6. Choix médicamenteux du pharmacien
7. Ages, sexes et activités professionnelles des clients
IV. RECOMMANDATIONS
1. Questions à poser au comptoir
2. Les règles d’hygiène du sommeil
3. Conseils dans la dispensation de traitements prescrits
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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