Prise En Charge Cognitivo-comportementale (PECC)
La confรฉrence de consensus du NIH tenue en 1996 expose lโefficacitรฉ de lโapproche comportementale dans le traitement des douleurs chroniques et met lโaccent sur le rรดle du praticien. (22). 10 ans plus tard, Truelove et coll. montrent lโimportance de lโauto-prise en charge comportementale chez les patients souffrant de dysfonctionnement de lโappareil manducateur (DAM), par opposition au traitement par gouttiรจre occlusale seule.
Motivation ร la diminution du bruxisme
Dรฉfinition de la motivation
Dรฉfinition selon Daniel Rozencweig : intรฉrรชt spontanรฉ pour une tรขche particuliรจre. Elle en dรฉtermine le dรฉclenchement dans une certaine direction, avec lโintensitรฉ souhaitรฉe, et en assure la prolongation jusquโร lโaboutissement ou lโinterruption. Cette motivation est donc lโรฉlรฉment clรฉ dans le succรจs de toute thรฉrapeutique comportementale. En effet, elle conditionne lโobservance du patient dans la thรฉrapie, soit sa capacitรฉ ร suivre les prescriptions du praticien. Cette motivation sera par consรฉquent plus importante lorsque le patient perรงoit le besoin. Motiver un patient revient ร le faire adhรฉrer ร des motifs profonds, suffisamment forts pour changer sa conduite.
Le rรดle du chirurgien-dentiste
Le bruxisme รฉtant le plus souvent indolore, le patient ne ressent pas le besoin naturel de se faire soigner, encore moins de sโinvestir lui-mรชme dans le traitement ; notamment dans les cas oรน les atteintes sont lรฉgรจres ou modรฉrรฉes. Le rรดle du chirurgien-dentiste est primordial dans la prise de conscience de la parafonction, le maintien de la motivation et avant tout, la mise en confiance du patient.
Selon la commission centrale dโรฉthique mรฉdicale de lโAcadรฉmie Suisse de sciences mรฉdicales (1992) une relation de confiance passe par le respect (le fait de ne pas juger), la sincรฉritรฉ et lโempathie. Mettre en confiance passe รฉgalement par lโutilisation de discours simple et concis, des explications accessibles et lโutilisation de diffรฉrents supports (photos/miroirs pour les usures) qui tรฉmoignent des effets du bruxisme en bouche, et qui participent par la mรชme occasion ร la prise de conscience.
Selon Duminil et Orthlieb : ยซ crรฉer le besoin de sโapproprier le processus de rรฉรฉducation est une garantie de succรจs ยป.
Pour crรฉer ce besoin, il faut :
– informer le patient de ce que lโon constate en bouche et des consรฉquences possibles (en particulier face ร des reconstructions prothรฉtiques qui par dรฉfinition, sont plus fragiles que les dents naturelles)
– identifier les facteurs de risques prรฉsents chez ce dernier (tabac, alcool, substances psychoactives, hypersensibilitรฉs รฉmotionnelles)
– montrer au patient ce que lโon a constatรฉ (attritions, abfractions) ร lโaide de miroirs ou de photos, et montrer des cas dโusure extrรชme afin de susciter un dรฉclic รฉmotionnel chez le patient.
Afin dโENTRETENIR CETTE MOTIVATION, il faut mettre lโaccent sur lโintรฉrรชt dโune prรฉservation des tissus dentaires (dans un but esthรฉtique et fonctionnel) ainsi que le coรปt dentaire et financier que peuvent engendrer les fractures de prothรจses liรฉes ร un bruxisme non traitรฉ. Mais il faut aussi et surtout ENCADRER LE PATIENT dans sa thรฉrapie, ce qui implique dโinstaurer des rendez-vous de contrรดle pour :
– sโassurer de lโobservance des rรจgles dโauto-rรฉรฉducation
– confirmer la prise en charge du stress par le patient
– rรฉรฉvaluer le niveau supposรฉ de bruxisme.
Concernant les patients prรฉsentant des atteintes sรฉvรจres, on constate gรฉnรฉralement des phรฉnomรจnes de catastrophisassions (24) :
– le patient se focalise sur ses symptรดmes = rumination
– il surรฉvalue lโimpact de ses symptรดmes sur sa santรฉ = magnification
– il sous-รฉvalue ses ressources personnelles pour faire face ร sa pathologie = impuissance .
Il appartient au praticien de modifier la faรงon de penser du patient. Pour cela on demande au patient dโinclure des idรฉes positives mais aussi de mettre lโaccent sur la rรฉsignation et lโacceptance โ il faut faire face ร la douleur, apprendre ร relativiser.
Ainsi, le praticien devra aider le patient ร :
– prendre conscience de sa parafonction
– comprendre la nรฉcessitรฉ de la prendre en charge
– prendre confiance en lui et ร se motiver pour rรฉduire son bruxisme.
La clรฉ du succรจs est dโinstaurer un ยซ pacte dโobservance ยป (Duminil et Orthlieb), qui lโengage de faรงon tacite ร tout mettre en ลuvre pour atteindre les objectifs thรฉrapeutiques. A ce jour, une application mobile mise en place par Daniel Manfredini, BruxAppยฐ, permet au patient dโaugmenter sa vigilance envers son activitรฉ mandibulaire. Ainsi, elle reprรฉsente un intรฉrรชt majeur dans la prise de conscience de la parafonction et donc dans la motivation au long terme. De plus, grรขce ร une interaction avec le patient sur son รฉtat dโactivitรฉ, elle participe ร lโรฉtablissement diagnostique et au suivi de lโรฉvolution de son bruxisme au cours du temps.
Auto-rรฉรฉducation fonctionnelle
Si pour le bruxisme dโรฉveil, il est possible au ยซ cerveau du dessus ยป (le cerveau conscient) de se dire ยซje dois dรฉcoller les dents ยป, le problรจme se pose pour le bruxisme de sommeil qui, lui, intรฉresse le ยซ cerveau du dessous ยป (le cerveau inconscient). Lโobjectif de cette auto-rรฉรฉducation fonctionnelle est de remplacer une habitude dรฉlรฉtรจre (le bruxisme excessif) par une nouvelle habitude idรฉale, bรฉnรฉfique pour le patient. On parle alors dโhabituation, cโest-ร -dire de changement de praxie. Pour ce faire, on estime que LA NOUVELLE HABITUDE DOIT ETRE REPETEE ENVIRON 50 FOIS PAR JOUR PENDANT UNE PERIODE DE 6 A 8 SEMAINES. Le but de ces rรฉpรฉtitions est dโautomatiser cette nouvelle habitude, cโest-ร -dire que le cerveau inconscient dรฉclenche ร lui seul cette nouvelle sรฉquence motrice, tel un rรฉflexe. Dans la prise en charge du bruxisme, le but de la thรฉrapie cognitivo comportementale est de remplacer la praxie ยซ je serre pour me sentir moins stressรฉยป, par la praxie ยซ je reviens ร ma posture de repos ยป. Cette nouvelle praxie sous-entend la mise en place dโune boucle rรฉflexe sous le contrรดle du cerveau du dessus.
Les moyens de renforcement de la PECCย
Nous avons vu dans la partie sur lโauto-rรฉรฉducation fonctionnelle que le changementde praxie passe impรฉrativement par la rรฉpรฉtition. En effet, au plus nous rรฉpรฉtons un geste, au plus lโimage cรฉrรฉbrale de ce geste est renforcรฉe. Cette rรฉpรฉtition entraรฎne des changements au niveau synaptique (modification de lโARN) qui facilite le passage de lโinflux. Les moyens les plus utilisรฉs pour atteindre un nombre suffisant de rรฉpรฉtitions sont basรฉs sur la rรฉtroaction sensorielle = biofeedback. Nous rรฉalisons un renforcement proprioceptif par la mise en place dโalertes sensorielles. (27) Ces alertes sensorielles sont regroupรฉes par Duminil et Orthlieb sous le terme de ยซ pense-bรชte ยป. Nous distinguons diffรฉrents pense-bรชtes :
– Pense-bรชte visuels (gommettes de couleursโฆ) responsables dโune interpellation visuelle sur un objet inhabituel.
– Pense-bรชtes objets portรฉs (montre, bijouโฆ) responsables dโune sensations tactile inhabituelle
– Pense-bรชtes de situations (sonnerie de tรฉlรฉphone, ouvrir une porteโฆ)
– Pense-bรชtes รฉlectroniques (smartphone, montres connectรฉesโฆ) qui peuvent รชtre programmรฉs en tant que dรฉclencheur de rappels
– Pense-bรชtes stresseurs, une situation identifiรฉe comme stressante par un individu entraรฎne au contraire un retour ร la posture de repos (grรขce ร un conditionnement prรฉalable).
Ces pense-bรชtes ont pour but de dรฉclencher un nombre suffisant de cercle vertueux au cours dโune journรฉe, afin dโentraรฎner un changement dโhabitudes inconscientes (diminuer le bruxisme excessif et favoriser la posture de repos mandibulaire) .
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Table des matiรจres
Introduction
Chapitre 1 : Le bruxisme
I. Dรฉfinitions
II. Etiologie
Chapitre 2 : Prise En Charge Cognitivo-comportementale (PECC)
I. Motivation ร la diminution du bruxisme
I.1. Dรฉfinition de la motivation
I.2. Le rรดle du chirurgien-dentiste
II. Objectifs de la thรฉrapie
II.1. Accroรฎtre la qualitรฉ du sommeil
II.2. Gestion du stress
II.3. Auto-rรฉรฉducation fonctionnelle
II.3.1. Ventilation nasale
II.3.2. Dรฉglutition
II.3.3. Posture de repos
III. Les moyens de renforcement de la PECC
Chapitre 3 : Mise en place de lโapplication mobile pour le renforcement de la PECC
I. Les fondements de lโapplication
I.1. Rรฉpรฉtition : les rappels directs
I.1.1.Application seule
I.1.2.Utilisation du bracelet connectรฉ (dispositif)
I.2. Accompagnement personnalisรฉ (coaching) : Rappels indirects
I.2.1. Information
II. Interface et prรฉsentation
II.1. Rappel directs
II.1.1. Smartphone seul
II.1.2. Bracelet connectรฉ : Rรฉglages
II.2. Les rappels indirects : Notification journaliรจre prรฉcisant les exercices et objectifs du jour
II.3. Information : la rubrique rรฉglage
Conclusion
Bibliographie
Annexes