Prise de contact avec un moine zen et passage à Yamaguchi

Prise de contact avec un moine zen et passage à Yamaguchi

Le moine Shun.oku Myôha

Le périple au Japon des deux ambassadeurs n’a que très peu d’importance et d’influence pour la Chine et pour les relations qu’elle entretient avec l’étranger, voilà pourquoi le reste du voyage de Zhao Zhi et Zhu Ben n’est compilé par aucune source chinoise de l’époque comme le Ming shilu et même des époques postérieures tel que le Mingshi ou le Dongxiyang kao. Ainsi, pour trouver une description précise de leur séjour, il est obligatoire de se tourner vers les textes japonais. Une seule source, écrite par un contemporain des deux ambassadeurs nous décrit leur périple, le Unmon Ikkyoku, écrit par le moine d’obédience zen, Shun.oku Myôha (1312-1388). Cette source compile la correspondance dense entre Zhao Zhi et Shun.oku Myôha, écrite en kanshi漢詩, en vers sous forme de poème.

Afin de comprendre cette source difficile d’accès aux premiers abords, nous utiliserons le Dai nihon shiryô 大日本史料 ( Documents historiques du Grand Japon ), gigantesque compilation débutée au milieu de l’ère Meiji toujours en production à l’heure actuelle qui se présente sous la forme d’un recueil de tous les textes d’importance historique classés chronologiquement. Cette encyclopédie a la particularité de résumer chaque occurrence en un court texte qui énonce le fait historique décrit dans la source qui le suit. Ce résumé s’avère très utile lorsque la source en question est un kanshi difficile d’accès. Comme annoncé précédemment, ce moine fut sans doute l’interlocuteur japonais de Zhao Zhi avec lequel ce dernier eut certainement la correspondance et les échanges les plus conséquents. Aussi avant d’aller plus loin, il est indispensable de présenter ce moine et son parcours.

Le moine Shun.oku Myôha (1311-1388), natif de la province de Kai 甲斐国, dans l’actuel département de Yamanashi est un moine zen de la secte Rinzai 臨済宗 du début de l’époque de Muromachi. Il devient moine sous la direction de son grand-père maternel également moine zen Musô Soseki 夢窓疎石. Il entre en 1326 au Nanzenji 南禅寺, temple Rinzai situé à Kyôto et fondé en 1291. Il entre au Jôchiji 浄智寺 de Kamakura puis reviens à Kyôto en 1336 au Nanzenji. Il est ensuite nommé au Tenryûji 天竜寺 en 1345 en tant que jûshoku 住職, le plus haut statut dans l’administration d’un temple qui confère à son porteur la fonction de dirigeant du dit temple. Il est ensuite nommé au Tôjiji 等持寺 à Kyôto en 1357 puis revient au Tenryûji en 1363.23

C’est en raison d’un conflit entre le Nanzenji et le Enryakuji 延暦寺 du mont Hiei 比叡山, de la secte Tendai 天台宗, que Shun.oku Myôha part pour le Unmonji 雲門寺 dans la province de Tanba 丹波国 (dans l’actuel département de Kyôto 京都府) en 1369, il y restera pendant 10 ans. Ce n’est donc qu’en 1379 qu’il retourne à Kyôto et retrouve son poste au Tenryûji où il ne restera que très peu de temps puisqu’il est nommé la même année au Nanzenji sous l’impulsion d’Ashikaga Yoshimitsu 足利義満 en tant que Sôrokushi 僧録司, grade nouvellement crée par ce dernier qui place Shun.oku Myôha à la tête de tous les temples et moines zen du pays.24 Ashikaga Yoshimitsu, non loin de sa résidence du Hana no gosho 花の御所, fonde le Shôkokuji 相国寺 en 1384, qu’il place au sommet de la hiérarchie des temples zen gozan 五山, système d’administration des temples zen en vigueur à Kamakura puis également à Kyôto à partir de l’époque de Muromachi. Shun.oku Myôha en sera le deuxième responsable.
A travers ce bref historique des différentes fonctions qu’à occupé Shun.oku Myôha, il est facile de constater que nous avons affaire à un éminent personnage d’une importance primordiale pour le Japon du XIVème siècle. Dans le contexte de la période Nanboku-chô 南北朝 qui voit se disputer le contrôle du pays par deux cours rivales, sa nomination par le shôgun Ashikaga Yoshimitsu, soutien de la cour du Nord, à une position religieuse d’une puissance inédite tend à faire penser qu’il est un soutien de longue date de ce dernier. Il est peut-être le moine zen japonais le plus important de ses contemporains et le pilier d’un gozan de Kyôto naissant.
Ayant maintenant dressé son historique, décrit et situé Shun.oku Myôha dans son époque, concentrons-nous sur sa relation avec Zhao Zhi et la façon dont il a aidé l’ambassadeur.

Relations entre Shun.oku Myôha et Zhao Zhi

Nous l’avons déjà énoncé, Zhao Zhi ne rentre pas en Chine accompagné du moine ambassadeur Sôrai envoyé par Kaneyoshi se présenter à la cour des Ming. A la place il séjourne à Hakata. Il y reste jusqu’en 1373, date à laquelle il prend pour objectif de se rendre à la Capitale, Kyôto. Afin de s’y rendre, il prend contact avec deux moines disciples de Shun.oku Myôha, Ryûkai 竜海 et Gyokurin Shôryû 玉林昌流. Grâce à l’entremise de ces derniers, il parvient à se rendre à Yamaguchi 山口 et à y séjourner à partir du printemps de la même année.26 Pourquoi Yamaguchi ? D’un point de vue strictement géographique, Yamaguchi étant situé dans la province de Suô 周防国, actuel département de Yamaguchi au niveau de la pointe sud de Honshû et donc au nord d’Hakata, l’endroit peut représenter une étape dans le voyage vers la Capitale. D’autres raisons sont à l’origine de cette décision. Si peu d’informations sont disponibles sur Ryûkai, une entrée pour Gyokurin Shôryû est disponible dans le « dictionnaire » des moines zen compilé par Tamamura Kenji, voici ce que l’on peut y lire :

臨済宗夢窓派。法諱は昌旒、道号は初めは玉江、のち玉林と改む。地名を防城という。周防の人、俗姓は多々良(大内)氏.
Moine de la secte Rinzai, de la mouvance de Musô. Son nom est Shôryû, son nom de moine fut en premier Gyokue, puis a changé ensuite pour Gyokurin. Son nom rattaché à son lieu de naissance est Bôjô. C’est un homme de Suô, son nom avant sa vie monastique est Tatara (du clan Ôuchi).
L’un des disciples de Shun.oku Myôha vient donc de la province de Suô, destination prochaine de Zhao Zhi et Zhu Ben. L’entrée nous apprend également que Gyokurin Shôryû avant son entrée en vie monacale, fut un membre du clan Ôuchi 大内氏. Au milieu de la période Nanboku-chô, le clan et son chef Ôuchi Hiroyo 大内弘世 (1325-1380) sont en possession des provinces de Suô et de Nagato 長門国, toutes deux situées dans l’actuelle région du Chûgoku 中国地域. D’abord allié à la cour du Sud, Ôuchi Hiroyo choisit de s’allier à la cour du Nord grâce à l’entremise d’Hosokawa Yoriyuki 細川頼之 (1329-1392) en échange de la reconnaissance de son contrôle des deux provinces en tant que shugo 守護 (gouverneur), par le shôgun en 1363.28Shôryû entre, sous la direction de Shun.oku Myôha au Tenryûji et au Nanzenji.29 Commentons également un autre passage issu de son entrée dans l’ouvrage de Tamamura Takeji :

春屋が細川頼之との抗争によって、丹波雲門寺に隠栖したが、その間は郷里周防に帰り、恰も防府に滞留した明使趙秩・朱本と共に、応安六年(一三七三)に和韻を応酬している .
Quand Shun.oku part se réfugier au Unmonji dans la province de Tanba en raison de la lutte contre Hosokawa Yoriyuki, Shôryû rentre dans sa province natale de Suô. En l’an 6 de l’ère Oan (1373) échange des kanshi avec Zhao Zhi et Zhu Ben qui résidaient également à Hôfu à ce moment.
Selon Tamamura, les ambassadeurs auraient pris contact avec Gyokurin Shôryû à Hôfu防府, lieu natal de ce dernier, dans lequel il serait retourné un temps en raison du même conflit à l’origine du départ de Shun.oku Myôha pour le Unmonji. En se basant sur les sources précédentes, nous pouvons émettre l’hypothèse que les ambassadeurs sont arrivés à Hôfu par leurs propres moyens depuis Hakata et ont été guidés jusqu’à Yamaguchi par Shôryû.31 Nous pouvons émettre l’hypothèse que le choix de ce dernier se soit porté sur cette ville, fief du clan Ôuchi dont il est issu, en raison des vraisemblables bonnes ententes que celui-ci devait entretenir avec les membres de son clan d’origine. De plus, la ville étant un centre monastique zen important dans l’ouest du Japon depuis la période de Kamakura, elle représente un intérêt intellectuel certain pour un moine zen.

Séjour à Yamaguchi

Lors de son arrivée à Yamaguchi, les deux ambassadeurs sont accueillis par Ôuchi Hiroyo, shugo de la province qui les autorisent à séjourner au Nisshinken 日新軒, à l’intérieur de la ville33. Après son arrivée, Zhao Zhi envoie à l’aide d’un intermédiaire à Shun.oku Myôha un kanshi, c’est de cette façon que le moine est au courant de l’arrivée des deux ambassadeurs à Yamaguchi.34 A présent, utilisons le Unmon Ikkyoku. Comme dit précédemment, nous utiliserons cette source par le biais du Dai nihon shiryô, nous ne citerons donc pas directement le passage en vers du Unmon Ikkyoku mais le texte explicatif présent devant chaque entrée dans le Dai nihon shiryô. La première mention du Unmon Ikkyoku faisant allusion à Zhao Zhi est la suivante..

Un ambassadeur Ming rencontre un moine et un shugo

Nous allons, en guise de conclusion à cette première partie, nous intéresser ici à la nature des relations qu’a entretenu Zhao Zhi avec les japonais en essayant de nous interroger sur le rôle que jouent ses interlocuteurs dans la société de l’époque et d’essayer de trouver les raisons de leur intérêt à s’entretenir avec un envoyé chinois dans le contexte de la fin de période Nanboku-chô. Durant son séjour de trois ans, Zhao Zhi a rencontré, ou correspondu par courrier interposé avec des japonais issus de différents milieux sociaux, occupant une place plus ou moins importante dans la société japonaise de l’époque. En raison de son statut d’envoyé de la dynastie Ming, il est amené à rencontrer les potentats locaux, ce qu’il fera dès son arrivée au Japon en 1370 en faisant face au prince Kaneyoshi. Par la suite, si nous n’avons pas de traces certaines d’une quelconque entrevue, nous savons qu’Ôuchi Hiroyo, shugo de la province de Suô le laisse séjourner à Yamaguchi.

Pour finir, c’est certainement grâce aux relations qu’il entretient avec les moines zen et en particulier Shun.oku Myôha (qui de par sa dense correspondance épistolaire avec l’envoyé Ming peut être considéré comme l’interlocuteur japonais principal de Zhao Zhi) qu’il subsiste des traces écrites en quantité importante du séjour de Zhao Zhi au Japon. Afin de comprendre les raisons de la coopération de Shun.oku Myôha ainsi que celle de Ôuchi Hiroyo, il nous faut d’abord revenir sur le rôle du zen dans le Japon du XIVème siècle.

Le zen = centre d’information sur la Chine au Japon

La première pénétration du zen au Japon se situe au XIème siècle, lorsque le moine Kakua 覚阿 transmet les enseignements qu’il a suivis lors de son voyage dans la Chine des Song.44 Ce moine est le premier d’une longue série de moines japonais qui se rendit en Chine durant les périodes de Heian et de Kamakura. Citons par exemple Dôgen 道元 (1200-1253) qui se rendra en Chine dans les années 1220 et importera au Japon les enseignements de l’école Caodong sous le nom de Sôtô 曹洞宗. Par ailleurs, les moines zen chinois de la même période, loin de se contenter d’attendre passivement dans leurs monastères l’arrivée de moines étrangers, sont particulièrement actifs dans la diffusion du zen dans toute l’Asie de l’est.45 Dans ce but, plusieurs moines chinois zen se rendront au Japon à la même période ; ils seront appelés toraisô 渡来僧.

Ainsi se forme à partir du XIème siècle un lien humain et culturel ténu entre les deux pays, inédit depuis la fin des ambassades japonaises envoyées vers les Tang au IXème siècle, et entretenu par ce nouveau désir partagé par les moines des deux pays de compréhension et de diffusion du zen. Loin de simplement relier de façon unilatérale la Chine et le Japon, c’est tout un réseau régional de transfert de connaissance et d’informations dont les monastères zen ont le contrôle qui voit le jour en Asie de l’est. On ne dénombre pas moins de 220 moines zen japonais s’étant rendus en Chine seulement sur la période de la dynastie Yuan (1279-1368), la plupart s’y étant rendus dans la première moitié du XIVème siècle46. Pour résumer l’influence du zen dans les relations diplomatiques médiévales est-asiatiques, Murai Shôsuke aura ces mots : 「中世禅林は東アジアの国際社会」 « Les monastères zen du Moyen-Age sont le centre des relations internationales est-asiatiques ». Les monastères zen japonais sont à l’époque d’importants centres de collecte d’informations concernant la Chine. Le Kenchôji 建長寺 de Kamakura fondé par le moine chinois Lanxi Daolong 蘭溪道隆 (jp : Rankei Dôryû), un toraisô du XIème siècle, a la réputation d’être un grand centre de savoir sur la Chine. C’est en partie grâce aux moines du Kenchôji que les régents Hojô auraient pour la première fois eu connaissance des invasions mongoles ayant cours dans la Chine des Song et pris conscience d’une éventuelle invasion à laquelle ils devraient faire face48. C’est également un moine zen du Kenchôji disciple de Rankei Dôryû nommé Nanpô Shômyô 南浦紹明 (1235-1309) qui rencontrera l’ambassadeur mongol Zhao Liangbi dont nous avons parlé précédemment.

Les relations privilégiées qu’entretiennent les moines zen avec la Chine et les toraisô font d’eux les plus érudits en langue chinoise parmi leurs contemporains. Certains toraisô apprennent le japonais auprès de leurs disciples tandis que les moines zen japonais étudient le chinois auprès de leurs maîtres venus du continent50. Leurs connaissances linguistiques ainsi que leurs connexions avec le continent leur feront obtenir le soutien des shogunats de Kamakura et de Muromachi, le premier voyant en eux un moyen de s’informer sur l’ennemi mongol, le deuxième, un moyen de renouer des relations officielles avec la Chine. Ils seront le relais du shogunat avec les pays voisins à qui on confie régulièrement la rédaction des courriers diplomatiques à destination de la Chine et de la Corée. C’est entre autres Shun.oku Myôha qui rédige le courrier envoyé par Ashikaga Yoshimitsu à la Corée demandant l’envoi du Daizôkyô 大蔵経, le Canon bouddhique chinois au Japon51. Ajoutons par ailleurs que la promotion du zen pour le nouveau shogunat de Muromachi s’inscrit totalement dans le « plan d’usurpation de la royauté » ôken sandatsu keikaku 王権簒奪計画 d’Ashikaga Yoshimitsu que nous décrit Imatani Akira. Ashikaga Yoshimitsu, outre son intérêt pour la Chine et le zen, se sert en effet des récents monastères zen pour créer une nouvelle hiérarchie religieuse basée sur une seule et même secte, plus facilement contrôlable et malléable que les sectes bouddhistes « traditionnelles » telles Shingon ou Tendai solidement établies et ainsi, bâtir un nouvel appareil d’Etat.

Après ce court résumé sur le rôle du zen aux époques de Kamakura et Muromachi, l’intérêt que peut éprouver Shun.oku Myôha, moine zen le plus éminent de son temps, proche du shogunat et d’Ashikaga Yoshimitsu, pour deux ambassadeurs venus de Chine parait naturel. Il est fort possible que Myôha voit en Zhao Zhi un moyen de s’inscrire dans cette tradition d’échanges culturels et religieux avec la Chine. Sa nomination au poste de sôrokushi en 1379 par Yoshimitsu est de six ans postérieurs à sa correspondance avec les envoyés Ming. Correspondre avec ces derniers pouvait également être un moyen de gagner les faveurs du shôgun. Afin de prouver sa correspondance et bien que Zhao Zhi ne soit pas moine, Myôha lui envoie certains de ses écrits que Zhao Zhi est à même de commenter en sa qualité de lettré. Si Myôha se sert de Zhao Zhi à des fins politiques, Zhao Zhi se sert de Myôha et de ses disciples pour se rendre à Kyôto. Outre les raisons culturelles qui peuvent amener un lettré chinois à vouloir se rendre à la Capitale, Zhao Zhi a certainement appris l’existence de la rivalité entre la cour du Nord et la cour du Sud. Il est envisageable qu’il voulut se rendre à Kyôto dans le but de rencontrer le shôgun afin d’établir un dialogue avec ce dernier pour lui demander l’arrêt de la piraterie japonaise le long des côtes chinoises, dialogue finalement établi par les deux ambassadeurs Ming qui lui succèderont53.

Les débuts du clan Ôuchi

Ôuchi Hiroyo est nommé shugo de la province de Suô par Ashikaga Takauji, fondateur du shogunat de Muromachi et grand-père de Yoshimitsu. Il déplace alors la capitale de la province à l’emplacement actuel de la ville de Yamaguchi et débute un important processus de développement en important ce que l’on nomme à l’époque la Kyôto bunka 京都文化, la « culture de Kyôto » si bien que la ville rayonnera dans l’ouest du Japon pendant longtemps sous le surnom de Nishi no kyô 西の京, la Capitale de l’Ouest qui accueillera même quelques décennies plus tard plusieurs lettrés fuyant Kyôto durant la révolte d’Ônin, faisant de sa ville, un réel centre de savoir. Il fait de sa nouvelle capitale un important centre d’étude zen en important son système hiérarchique et met en place le Yamaguchi jyûkyô 山口十境, dix lieux naturels de la province privilégiés pour l’étude du zen. Par cette promotion excessive du zen, Ôuchi Hiroyo entend probablement s’attirer les faveurs du nouvellement établi shogunat de Muromachi. Nous pouvons émettre l’hypothèse que c’est dans le même but qu’il propose activement son aide à Zhao Zhi et Zhu Ben dans leur entremise avec Myôha. C’est ainsi qu’il les loge au Nisshinken, pavillon situé à l’intérieur même de sa résidence55. Il entreprend même de retenir les ambassadeurs à Yamaguchi à la demande de Myôha alors qu’ils s’apprêtaient à rentrer à Hakata56. Une autre raison peut expliquer la coopération d’Ôuchi Hiroyo vis-à-vis des deux ambassadeurs.

Le fils de Hiroyo, Ôuchi Yoshihiro大内義弘 (1356-1400), héritier et successeur de son père à la tête du clan fera des Ôuchi un acteur majeur de l’archipel dans ses relations diplomatiques. Sous son impulsion le clan sera un canal de transmission entre le shôgun et le Roi de Corée et jouera un rôle primordial dans les relations sino-japonaises un siècle plus tard. Il est probable qu’outre l’intérêt qu’un homme faisant de son fief un important centre d’étude zen puisse porter à la culture chinoise, Hiroyo ait en son temps déjà eu l’idée d’utiliser la position géographique avantageuse de ses provinces proches de Hakata à des fins de commerce et de relations fructueuses avec les pays voisins. Accueillir généreusement deux envoyés de la nouvelle dynastie Ming ne peut que montrer à cette dernière la volonté du Japon et de sa classe guerrière à vouloir entamer un nouveau chapitre des relations nippo-chinoises après une rupture de quatre siècles sous les dynasties Song et Yuan marquée par de nombreuses interruptions des échanges et les deux tentatives d’invasions mongoles à la fin du XIème siècle.

Conclusion

Malgré un malencontreux départ lors de la rencontre avec le prince Kaneyoshi ayant failli l’amener à sa propre mort, la mission au Japon de Zhao Zhi est une réussite pour les deux pays. L’envoyé Ming est dans l’ensemble reçu chaleureusement par les membres de la classe guerrière et les moines de la nouvelle mouvance religieuse zen qui commence, grâce à l’appui du nouveau shogunat de Muromachi, à prendre une grande importance dans la politique intérieure et surtout extérieure du pays à partir de cette époque.
Côté chinois, Zhao Zhi rentre en Chine faire son rapport à l’empereur Hongwu. Le voyage a permis d’établir des relations tributaires avec le Japon, concrétisées par le moine Sôrai venu à la cour de l’empereur à qui on remet un courrier destiné au prince Kaneyoshi le désignant comme vassal officiel. Côté japonais, la venue de l’ambassadeur fut un premier contact réussi avec la dynastie Ming. Si Zhao Zhi ne parvient pas à se rendre à Kyôto, il noue tout de même des relations avec la cour du Sud et ses deux successeurs établiront un contact avec la cour du Nord quelques temps plus tard. En établissant une correspondance conséquente et régulière avec Zhao Zhi, le moine Shun.oku Myôha établit une première connexion entre la Chine et les soutiens de la cour

Song Suqing, un marchand du début de l’époque Sengoku

Période de Sengoku et lutte de clans

Une époque troublée

A travers la première partie décrivant le séjour de Zhao Zhi, nous avons décrit les relations et les réseaux utilisés entre l’un des premiers Ming posant le pied sur le Japon avec les locaux au tout début de l’époque de Muromachi. Grâce à Zhao Zhi, le zen retrouve son rôle d’interlocuteur privilégié et de passerelle avec le continent, qu’il conservera durant les deux prochains siècles jusqu’à la seconde moitié de la période de Muromachi. Comme nous allons le voir dès à présent, les moines et les monastères zen de la période Sengoku remplieront tel Shun.oku Myôha en son temps, un grand rôle dans les relations sino-japonaise. Le Japon sur lequel Song Suqing pose le pied est bien différent de celui que Zhao Zhi a connu. Ce marchand arrive en effet après la guerre d’Ônin Ônin no ran 応仁の乱 qui s’est déroulée de 1467 à 1477. En se référant à l’historiographie japonaise traditionnelle, cette guerre marque le passage à l’époque Sengoku 戦国時代 (1477-1573), qui voit le pouvoir central du shogunat Ashikaga s’effondrer au profit du pouvoir féodal qu’exercent les shugo (gouverneurs) sur leurs provinces, les faisant passer de gouverneur militaire provincial du shogunat (shugo) à de véritables seigneurs féodaux daimyô 大名, gouvernant leurs provinces de manière indépendante du pouvoir central.

L’absence de gouvernement central fort entraine une augmentation des conflits et des conquêtes entre provinces et leurs nouveaux seigneurs tout puissants. Les vassaux de moindre importance renversent les gouverneurs militaires précédents et se font daimyo, les petits gouvernent les grands. On surnommera ce phénomène gekokujô 下克上 « le faible domine le fort », phénomène que l’on connait en français plus communément sous l’expression trouvée par Pierre-François Souyri du « monde à l’envers ».
Le shogunat perd le contrôle direct sur la plupart des provinces du pays. De même, il ne contrôle plus ses relations commerciales et diplomatiques avec l’étranger. La Chine des Ming continue sa politique de nationalisation du commerce international. Aussi, le commerce avec le Japon ne reste accepté que sous forme tributaire, de vassal (shogun) à suzerain (empereur de Chine).

Les ambassades japonaises envoyées en Chine après la guerre d’Ônin sont donc officiellement munies d’un courrier agréé par le shôgun et envoyées en son nom, les marchandises constituant officiellement le tribut. Mais les shôguns de cette époque sont utilisés ici tels des fantoches par les deux clans, Hosokawa et Ôuchi vers lesquels sont réellement dirigés les profits de ce fructueux commerce, luttant pour obtenir la mainmise sur le commerce avec la Chine. Ces deux clans que nous avons précédemment évoqués en première partie, ont depuis les temps d’Ashikaga Yoshimitsu acquis une importance considérable dans la politique intérieure et extérieure du pays.

Le clan Hosokawa

Le clan Hosokawa est déjà proche du pouvoir shogunal au temps d’Ashikaga Yoshimitsu qui nomme Hosokawa Yoriyuki 細川頼之 (1329-1392) au poste de kanrei 管領 « député shogunal », plus haute fonction du gouvernement militaire après le shogun lui-même1. Le clan Hosokawa continuera de fournir de nombreux kanrei durant le siècle qui suivra jusqu’à la guerre d’Ônin où il prend une place importante dans le conflit qui oppose deux prétendants à la succession du shogun Ashikaga Yoshimasa 足利義政 (1430-1473), son frère Yoshimi 義視 (1439-1491) et son fils Yoshihisa義尚 (1465-1489). Hosokawa Katsumoto 細川勝元 (1430-1473) soutient le frère du shogun mais c’est finalement Yoshihisa qui succède à son père. Malgré ce contretemps, l’issue de la guerre propulse les Hosokawa à un nouveau stade de leur puissance. La déliquescence du pouvoir central et la perte de l’autorité shogunale sur les provinces rendent les shôguns suivants extrêmement dépendants des décisions de ce clan qui, bien qu’originaire de Shikoku, avait depuis quelques temps déplacé son centre de gravité vers le Kinai et Kyôto en s’accaparant plusieurs provinces avoisinantes.

En 1493, le clan sous l’égide d’Hosokawa Masamoto 細川政元 (1466-1507), organise le « coup d’Etat de l’ère Meiô » Meiô no seihen 明応の政変 et détrône le shôgun Ashikage Yoshitane 足利義稙 (1466-1523) au profit d’Ashikaga Yoshizumi 足利義澄 (1481-1511), un fantoche qui permettra à Masamoto de prendre le contrôle total de l’Etat en tant que kanrei. Le clan Hosokawa entre dans son âge d’or qui perdurera jusqu’au XVIème siècle. Au sommet de sa puissance, disposant d’un shôgun lui procurant l’illusion d’une légitimité, le clan cherche alors à prendre le contrôle du commerce prospère avec la Chine et d’en retirer le monopole jusqu’à présent détenu par le clan Ôuchi.

Le clan Ôuchi

Comme énoncé dans la partie précédente, le clan est depuis la fin du XIVème siècle l’interlocuteur privilégié du Roi de Corée au Japon. Mais en raison des strictes lois des Ming restreignant le commerce international, le clan ne dispose que d’une marche de manœuvre limitée et se doit de passer par le shôgun afin de commercer avec la Chine. Le shogunat restera donc le principal organisateur du commerce tributaire jusqu’à la guerre d’Ônin où celui-ci perd toute autorité et se voit donc dans l’obligation de léguer ses privilèges aux clans Hosokawa et Ôuchi qui se chargeront de patronner les ambassades jusqu’à la fin officielle du shogunat de Muromachi en 1573. Le tableau descriptif des ambassades à l’époque de Muromachi dressé par Tanaka Takeo nous montre explicitement la rupture que provoqua la guerre d’Ônin ainsi que le transfert des compétences de commerce international du shogunat aux deux clans rivaux.

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Table des matières

Introduction
I. Zhao Zhi, un envoyé des Ming
A. L’arrivée au Japon et la rencontre avec le prince Kaneyoshi
B. Séjour à Hakata
C. Prise de contact avec un moine zen et passage à Yamaguchi
1. Le moine Shun.oku Myôha
2. Relation entre Shun.oku Myôha et Zhao Zhi
D. Séjour à Yamaguchi
E. Retour à Hakata
F. Un ambassadeur Ming rencontre un moine et un shugo
1. Le zen = centre d’information sur la Chine au Japon
2. Les débuts du clan Ôuchi
3. Conclusion
II. Song Suqing, un marchand du début de l’époque Sengoku
A. Période de Sengoku et lutte de clans
1. Une époque troublée
2. Le clan Hosokawa
3. Le clan Ôuchi
B. Un marchand de Ningbo
C. Rencontre avec Ryôan Keigo au Tôfukuji
D. L’ambassade de 1509-1511
1. Une ambassade par clan
2. L’ambassade du clan Ôuchi
3. Les marchands de Sakai
4. L’ambassade du clan Hosokawa
E. L’ambassade de 1523 et la révolte de Ningbo
1. Composition des ambassades
2. La révolte de Ningbo
3. Conclusion
III. Wang Zhi, un « pirate » à la fin de l’époque Sengoku
A. Changement des habitudes commerciales en Asie de l’est
B. Premières activités au large de Ningbo
1. Installation dans l’archipel de Zhoushan
2. Wang Zhi, un pont entre Japonais et Portugais, premier voyage au Japon
C. Fuite et installation à Hirado
D. Arrestation par les Ming
E. Conclusion
Conclusion
Annexes
Bibliographie

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