La gestion des cours d’eau en Suisse se distingue de la gestion pratiquée en France qui est régit par la Directive Cadre sur l’Eau, DCE, mise en application en 2000 (Parlement Européen 2000). Malgré des ambitions similaires, cette différence majeure induit une vision distincte de la politique de gestion et de protection des cours d’eau entre l’Union Européenne, UE, et la Suisse. Souhaitant développer une gestion uniforme et non restreinte par les frontières, l’UE a construit un cadre législatif sur lequel les pays concernés peuvent appuyer leurs lois nationales. Extérieure à cette union, la Suisse a forgé sa propre législation adaptée aux enjeux constatés ainsi qu’à son organisation territoriale. Comparée à la France, la Suisse possède une gestion administrative décentralisée laissant une part conséquente des pouvoirs à l’échelle cantonale, ce découpage peut s’apparenter aux régions françaises (Bonin et al. 2012). Malgré leurs différences, l’UE et la Suisse placent à la même importance l’échelle des bassins versants. Ces entités géographiques sont considérées comme fondamentales pour une meilleure gestion des cours d’eau. Précisée depuis 1964 dans la loi relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution (Assemblée nationale et Sénat 1964), la gestion par grands bassins versants est désormais incontournable sur le territoire français. La Confédération Suisse permet, contrairement à la France, à chaque canton de développer sa propre stratégie et n’impose pas une gestion par bassins (OFEV 2012). Malgré la volonté des cantons de contribuer activement à la préservation de leurs cours d’eau, la mise en place d’une telle gestion nécessite une adaptation des outils de travail utilisés.
Dans l’objectif de promouvoir et d’accompagner les cantons, la Confédération a rédigé un guide d’accompagnement de cette approche intégrée dans l’Agenda 21 (OFEV 2012; Chaix et al. 2011). Aujourd’hui, la plupart des cantons n’ont pas développé de stratégie de gestion par grands bassins. Toutefois, une réelle dynamique se met en place au sein de plusieurs cantons comme celui de Fribourg ou de Vaud. Par le biais de sa publication sur la Stratégie de surveillance et de protection de la qualité des eaux superficielles (Direction générale de l’environnement (DGE) et al. 2019), le canton de Vaud montre son ambition de développer une méthode de gestion par grands bassins versants. Cette stratégie repose sur plusieurs objectifs phares pour l’amélioration de la qualité des eaux de surface. Dans cet arsenal de mesures, la mesure n°11 concerne le développement de la gestion des cours d’eau par bassins versants. L’objectif majeur de cette mesure est d’élaborer une stratégie de priorisation des territoires afin d’appréhender l’ensemble des enjeux auxquels se confrontent la préservation des eaux superficielles. L’intérêt est de comprendre les spécificités de chaque région afin de pouvoir améliorer et préciser la législation et le suivi cantonal. Or, l’élaboration d’une telle planification nécessite de prendre en considération un ensemble de paramètres permettant de réaliser une modélisation suffisamment représentative de l’état des cours d’eau pour l’ensemble du canton.
Contexte
Territoire suisse
Située à la frontière de quatre pays, la Suisse est un bassin culturel riche dont la diversité est préservée. Découpée en 26 cantons, la culture du pays se décline au travers de ces entités territoriales. En effet, ces dernières sont indépendantes et représentent de fortes déclinaisons des cultures française, allemande et italienne. La préservation de cette interculturalité est caractérisée par les quatre langues officielles qui sont l’allemand, le français, l’italien et le romanche. Le territoire suisse est caractérisé par une variété de paysages condensés sur près de 41000km². Représentée à la fois par des zones montagneuses et des vallées qui sont caractéristiques des régions biogéographiques . Ces reliefs influencent le système hydrographique et les processus hydrologiques par la création conditions climatiques particulières .
C’est à partir de ces régions biogéographiques que l’Office Fédéral de l’Environnement, OFEV, a élaboré une méthodologie afin de définir les typologies de cours d’eau à partir de tronçons de référence (Schaffner et al. 2013). Ces différentes typologies montrent l’influence du contexte montagnard sur le réseau hydrographique Suisse . En effet, l’ensemble du réseau est dense avec un linéaire de près de 65000 km réparti sur du pays. De plus, le pays dénombre de nombreux lacs avec près de 1600 lacs dont la superficie est supérieure à 0,5 ha. L’ensemble de ces espaces fait partie intégrante de la culture Suisse et représente un patrimoine écologique considérable. Le mise en place de moyens de gestion et de protection est alors fondamentale pour assurer la pérennité de ces milieux. Cependant, les activités anthropiques ainsi que la surexploitation accentuée par le changement climatique sont à l’origine de dégradations et de déficits remarquables qui impactent, entre autres, l’état biologique des cours d’eau suisses (Kunz et al. 2016). Par conséquent, le suivi des caractéristiques qualitatives ainsi que l’élaboration d’un cadre juridique précis permet d’enclencher une dynamique globale sur l’ensemble du pays.
Gestion de l’eau en Suisse
A l’échelle européenne, la Suisse est membre de l’Agence Européenne pour l’Environnement, AEE. Cette institution a pour objectif d’accompagner les pays membres vers les meilleurs pratiques pour la protection de l’environnement. Cette coopération est effective grâce à la mise à disposition des mesures d’évaluation de la qualité environnementale à l’échelle nationale. La mise en commun de ces mesures internes contribue au réseau européen d’informations et d’observations pour l’environnement, Eionet. Ce dernier permet de coordonner les mesures et d’assurer un développement cohérent sur l’ensemble du territoire européen. A l’échelle nationale, la législation a évolué afin de répondre aux problématiques émergentes comme le dérèglement climatique afin d’assurer un cadre de vie sain pour la population et pérenniser le patrimoine environnemental. La Loi pour la Protection de l’Environnement, LPE, élaborée en 1983 (Assemblée fédérale de la Confédération suisse, 1983) a permis d’engager une nouvelle dynamique nationale orientée vers la protection des ressources fondamentales ainsi que la préservation des Hommes et de l’environnement dans lequel ils évoluent. Cette nouvelle démarche a engendré l’élaboration de la Loi fédérale sur la protection des eaux en 1991 (L’Assemblée fédérale de la Confédération suisse 1991) qui représente le cadre légal fondamental pour la protection de la qualité des eaux et des milieux riverains. La mise en application de cette loi est régit par l’Ordonnance sur le protection des Eaux, OEaux, qui précise les références de qualité mais également les obligations vis-à-vis des milieux aquatiques (Conseil fédéral Suisse, 1998).
Contrairement à la France de nombreux pouvoirs sont décentralisés à l’autorité cantonale qui est l’interface entre les communes et la Confédération. L’aspect organisationnel des différentes compétences au sein du canton ainsi que les stratégies mises en œuvre varient d’un canton à l’autre. Toutefois, les cantons sont dans l’obligation de faire respecter les lois fédérales en mettant en place des mesures concrètes ainsi que des suivis par rapport à la qualité des cours d’eau. Quant aux communes, elles réalisent également un suivi qualitatif des eaux à une échelle plus locale. La coopération entre le Canton et les communes est fondamentale afin de limiter les conflits entre ces deux entités et ainsi permettre l’élaboration de plans d’actions pérennes. Le canton joue alors un rôle important de conseiller pour les communes. Les cours d’eau sont suivis à l’échelle communal et les résultats sont accessibles au public (Hildbrand et al. 2021).
Comparaison avec la France
En termes de politique de gestion de l’eau, la France et la Suisse présentent des différences considérables. En Suisse, les compétences de gestion des cours d’eau sont détenues en grande partie par les cantons qui doivent garantir de la qualité des cours d’eau sur le territoire. Ces entités administratives doivent s’organiser et assurer la protection des eaux de surface. Par conséquent, la méthode de gestion suisse permet de limiter le nombre d’intermédiaires entre l’échelle fédérale et l’échelle locale. Quant à la France, elle s’organise selon de nombreux organismes compétents en termes de gestion des eaux qui ne sont pas systématiquement en lien avec des entités administratives. Cette hiérarchie entremêlée cause des problèmes de compréhension importants entre les directives nationale et les entités locales. Par conséquent, la mise en place de moyens de gestion peut engendrer ces conflits d’intérêts.
Toutefois, cette distinction entre les entités administratives et les entités gestionnaires peut faciliter la gestion intégrée des cours d’eau grâce à l’unité géographique du bassin versant. En effet, la gestion organisée par bassin versant permet d’avoir un regard centré sur le cours d’eau et ainsi réduire les conflits possibles entre administrations. La mise en place de cette technique de gestion fut initiée par la Directive Cadre sur l’Eau, DCE adoptée en 2000 à l’échelle européenne (Parlement Européen 2000). L’objectif de cette méthode de gestion est d’appréhender les problématiques présentes sur chaque masse d’eau afin d’avoir une action ciblée grâce à l’action des Agences de l’Eau. L’intérêt étant de mettre en place des actions qui auraient un effet possible sur l’ensemble du territoire concerné.
Evolution actuelle
L’Agenda 21 est un réseau de professionnels sensibilisés au devenir des ressources en eau et des milieux aquatiques. Cette association a pour objectif de mettre en place des groupes de discussions centrés sur la protection des milieux aquatiques et la meilleure gestion des ressources. Cette organisation préconise les orientations majeures à suivre pour protéger l’ensemble de ces milieux patrimoniaux. C’est grâce à ces groupes de discussions que la réflexion de la gestion intégrée par bassin versant a été menée. Ils mettent l’accent sur la sectorisation des différents aspects liés à la qualité des eaux. Cette segmentation cause d’importants déficits en termes de gestion transversale et pluridisciplinaire des milieux aquatiques. L’objectif de cette démarche est d’harmoniser à l’échelle nationale cette gestion et ainsi permettre un suivi global des masses d’eau par la Confédération (Chaix et al. 2011). Cependant, cette nouvelle démarche nécessite une réorganisation des méthodes d’évaluation ainsi qu’une homogénéisation des mesures au sein de chaque canton mais aussi entre chacune de ces administrations. Le concept de la gestion intégrée par bassin versant a émergé depuis 2012 au niveau de la Confédération qui concrétise la démarche à suivre et fournit des instruments pour la mise en place d’une telle gestion (OFEV, 2012). Toutefois, l’application de ces mesures reste une difficulté majeure pour les cantons qui ne bénéficient pas de subventions particulières et qui doivent s’adapter aux contraintes de leur territoire. Par conséquent, le développement de cette méthode de gestion se différencie d’un canton à l’autre. Par exemple, le canton de Genève et le canton de Fribourg ont développé des méthodologies distinctes pour cette nouvelle stratégie de gestion.
Le canton de Genève s’est basé sur ses six bassins versants hydrologiques. Chacun est soumis à la rédaction d’un Schéma de Protection, d’Aménagement et de Gestion des Eaux, SPAGE. Ce document de planification permet au canton d’adopter une vision sur le long terme de l’aménagement des cours d’eau. Cinq plans ont été rédigés indépendamment entre 2010 et 2019 et le dernier est en cours d’élaboration. La stratégie adoptée par le canton de Genève ne se base pas sur une vision globale du territoire mais plutôt pour une gestion indépendante de chaque bassin (Office cantonal de l’eau, 2012).
Tandis que le canton de Fribourg a développé un Plan Sectoriel de la Gestion des Eaux, PSGE, publié en janvier 2021 (Mennel et al. 2021). Ce canton a mis en place une méthodologie ayant pour objectif d’avoir une vision intersectorielle de la gestion des cours d’eau en prenant en compte la globalité des facteurs impactant la qualité des cours d’eau. La finalité de ce plan a permis de déterminer les caractéristiques principales des bassins versants et en déduire les mesures phares à adopter pour intégrer efficacement les cours d’eau à leur territoire. L’élaboration de ce plan s’axe sur plusieurs thématiques qui présentent des impacts non négligeables sur la qualité des eaux. Cette vision thématique a permis de comprendre l’importance de la transversalité pour la gestion des eaux.
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Table des matières
Remerciements
Glossaire
Table des illustrations
I. Introduction
II. Contexte
A. Territoire suisse
1. Gestion de l’eau en Suisse
2. Comparaison avec la France
3. Evolution actuelle
B. Présentation du canton de Vaud
1. Gestion des cours d’eau – Stratégie mise en place
III. Présentation de la structure
A. Direction Générale de l’Environnement, DGE
B. DIREV
1. Division Protection des Eaux
2. Réseaux de mesures
II. Cadre du projet
A. Organisation du projet
B. Objectifs du travail réalisé
C. Missions réalisées et rôle
III. Matériels et méthodes
A. Données à disposition
1. Chimie
2. Biologie
3. EPU
B. Cadre méthodologique
1. Echelle spatiale
C. Méthodologie
1. Approche sectorielle
2. Approche intégrative
3. Approche intersectorielle
IV. Résultats et discussion
A. Résultats obtenus
1. Qualité biologique sur le canton de Vaud
2. Evaluation de la qualité sur le bassin de la Venoge
B. Réalisations
1. Cartes et schémas
2. Oral DGE
3. Restitution des données
C. Discussion
V. Perspectives d’amélioration
VI. Conclusion
Bibliographie
Sitographie
Annexes
Table des annexes
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