Principes de la recherche clinique en cancérologie

Principes de la recherche clinique en cancérologie 

Cadre législatif

Le réflexion éthique sur la recherche biomédicale remonte au XIXème siècle, et a fortement émergé au milieu du XXème siècle, devenant également une préoccupation juridique des suites de différents scandales et souffrances infligées à la personne humaine au nom de l’aide au progrès scientifique, notamment lors des expérimentations menées par des médecins nazis et décrites lors du procès de Nuremberg(1). Des textes fondateurs internationaux ont posé les principes de la recherche biomédicale, à commencer par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales née en 1950 des suites de la seconde guerre mondiale, suivie par d’autres textes comme la déclaration d’Helsinki élaborée en 1964 par l’Association Médicale Mondiale et fixant les principes éthiques recommandés aux médecins afin de mener la recherche médicale sur les personnes humaines, la déclaration de Manille en 1982 à l’initiative de l’Organisation Mondiale de la Santé et du Conseil des organisations internationales des sciences médicales, ou encore la convention d’Oviedo en 1997 qui représente un instrument juridique contraignant les modalités de recherche. Un cadre juridique est nécessaire pour encadrer les pratiques de recherche, et engager la responsabilité des chercheurs, afin de protéger les personnes susceptibles d’être objet de la recherche, qui sont exposées à de nombreux risques. En effet, tout intervention médicale, d’autant plus lorsqu’elle est expérimentale, est liée à un risque physique (pouvant aller jusqu’au décès par toxicité d’une intervention) et psychique, pouvant porter atteinte à la dignité de la personne. L’objectif de la légalisation est de protéger les individus, sur la base d’une réflexion rationnelle et éthique (en respectant des valeurs clefs telles que les principes d’autonomie, bienfaisance, non-malfaisance, justice, énoncées par Childress et Beauchamps(2)), et dans un cadre démocratique, afin d’obtenir une responsabilité partagée autour des questions concernant la recherche sur la personne humaine et ses conséquences. Cette responsabilité est ainsi partagée entre les chercheurs (promoteurs, investigateurs) et la société.

En France, la première loi à fixer un cadre législatif aux essais cliniques a été la loi Huriet-Sérusclat du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales(3). Elle a été suivie de la loi de Santé Publique du 9 aout 2004 et de son décret d’application du 26 avril 2006(4). Actuellement, la loi Jardé du 5 mars 2012 régit le cadre spécifique à la « recherche impliquant la personne humaine »(5).

L’objectif est d’adapter la règlementation et le niveau de sécurité en rapport avec une étude, en fonction du risque prévisible pour les participants de cette recherche. La loi Jardé différencie la « recherche impliquant la personne humaine » (RIPH) de la « recherche n’impliquant pas la personne humaine ». Trois niveaux sont définis pour la recherche impliquant la personne humaine. Le niveau 1 concerne les recherches interventionnelles à risques (qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle, avec l’exemple principal des essais cliniques médicamenteux). Le niveau 2 concerne les recherches interventionnelles à risques minimes (qui comportent des risques et contraintes minimes, dont la liste est fixée par arrêté ministériel, avec pour exemples des bilans biologiques ou scanners supplémentaires). Le niveau 3 est nommé « recherches non interventionnelles » : bien qu’il existe une intervention, celle-ci est jugée sans risque pour la santé du sujet, puisque la prise en charge médicale est habituelle mais complétée par un recueil de données supplémentaires (par exemple via des entretiens auprès des personnes). La recherche est jugée comme n’impliquant pas la personne humaine si la finalité n’est pas le développement des connaissances biologiques et médicales visant à évaluer le fonctionnement de l’organisme ou l’efficacité et la sécurité d’actes ou produits médicaux (enquêtes de satisfaction, expérimentations en sciences humaines et sociales, évaluation des pratiques professionnelles médicales ou d’enseignement, études conduites exclusivement à partir de l’exploitation de traitement de données à caractère personnel). Par ces différentes définitions et par un encadrement adapté à chaque situation, la loi Jardé répond à la nécessité d’adapter les règles de sécurité et le niveau de contrainte des études en fonction du niveau d’intervention et de l’ampleur du risque associé.

Les essais cliniques médicamenteux, qui exposent les participants au plus haut niveau de risque, sont classées RIPH 1, nécessitent une autorisation de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM), après avis auprès d’un comité de protection des personnes (CPP), et sont menés sous la responsabilité d’un promoteur devant répondre à un certain nombre de contraintes.

La participation du patient repose sur un principe de volontariat, libre et éclairé. Le patient exprime son consentement de façon écrite, sur un document stipulant qu’il a reçu de la part du médecin investigateur les informations concernant :
– les objectifs, les méthodes, et la durée de la recherche
– les bénéfices attendus de la recherche
– les contraintes et risques prévisibles
– des éventuelles alternatives thérapeutiques
– la prise en charge médicale en fin de recherche si nécessaire, ou en cas d’arrêt prématuré ou d’exclusion de la recherche
– l’avis du CPP et l’autorisation de l’autorité compétente
– le droit au refus de participer
– la possibilité de retrait du consentement à tout moment sans encourir de préjudice
– la communication des informations concernant sa santé au cours ou à l’issue de la recherche
– les possibilités d’être informé sur les résultats globaux de la recherche à la fin de l’essai.

On peut noter que la loi Jardé n’est qu’un outil au sein d’un maillage juridique diversifié et complexe, en évolution perpétuelle, qui s’adapte au contexte d’évolution technologique, sociétale, politique. Une réglementation européenne sur les essais cliniques est ainsi imminente. Par ailleurs, il est important d’ajouter que la conformité juridique ne doit pas être la limite de la réflexion éthique concernant les façons de mener une recherche clinique. Bien que ces lois aient été promulguées de façon rationnelle et dans le cadre d’un contrat social, afin d’apporter une sécurité pour les personnes, le chercheur devra toujours s’interroger sur la portée de ses pratiques, individuellement et collectivement, afin de mener des recherches ayant une finalité pertinente, avec des moyens adaptés, et sans nuire aux sujets volontaires, en respectant un principe de primauté de l’individu sur la recherche. Le respect du cadre juridique est ainsi nécessaire, mais non suffisant.

Les différentes phases de la recherche clinique

Le développement des nouveaux médicaments s’inscrit dans un cadre strict, basé non seulement sur ces principes de protection des individus, mais également sur des principes de validité scientifique afin de prouver l’intérêt ou non d’un médicament. Le développement des médicaments suit donc différentes phases.

Dans un premier temps, il existe des étapes pré-cliniques, en travaillant sur des modèles théoriques, des modèles cellulaires, ainsi que d’éventuelles expérimentations sur l’animal. Il s’en suit des étapes cliniques menées chez l’Homme en différentes phases. Les essais cliniques de phase I concernent la première utilisation d’un médicament, ou la première utilisation d’une combinaison de médicaments connus, ou la première utilisation d’un médicament connu dans une nouvelle situation médicale, et l’objectif principal est alors de tester la sécurité du médicament, d’évaluer son profil de toxicité, et de rechercher par une augmentation progressive des doses données aux patients la dose maximale tolérée chez l’Homme, qui servira de référence pour les essais ultérieurs (la recherche de premiers signaux d’efficacité étant un objectif secondaire). Les essais cliniques de phase II vont avoir pour but de rechercher des signes d’efficacité du traitement (exemple : diminution de taille des lésions cancéreuses, temps de survie sans progression de la maladie) et de définir la dose optimale du médicament. Les essais cliniques de phase III vont avoir pour objectif une comparaison avec le traitement de référence dans une situation donnée, afin de prouver ou non l’apport du traitement expérimental, et aboutir à une autorisation d’utilisation ou autorisation de mise sur le marché (AMM), et à la commercialisation des médicaments. Enfin, la phase IV est une phase de pharmacovigilance, permettant de suivre le profil de toxicité du médicament après son autorisation d’utilisation à une large échelle, et de détecter l’apparition de toxicités non décrites au cours du développement des médicaments.

Particularités des essais cliniques de phase précoce en cancérologie

Aux vues des risques importants de toxicités des traitements anti-tumoraux, leur expérimentation n’est pas autorisée chez les sujets sains, contrairement au développement d’autres médicaments. Afin de protéger les individus volontaires, et de justifier cette expérimentation selon des principes éthiques, les essais cliniques concernant des traitements anti-tumoraux ne sont possibles légalement que chez des individus pouvant tirer un éventuel bénéfice individuel de ces expérimentations, donc chez des patients atteints de cancer et nécessitant un traitement anti-tumoral.

Historiquement, l’éligibilité aux essais cliniques de phase précoce en cancérologie (phase I et II) concerne donc des patients présentant une maladie réfractaire aux traitements standards, avec un pronostic défavorable donc, dans un contexte de ressources thérapeutiques limitées. Dans une telle situation, il peut exister trois options théoriques :
– Le recours à un traitement anti-tumoral connu et disponible, pouvant participer au contrôle des symptômes et au ralentissement de l’évolution de la maladie.
– La décision d’une prise en charge symptomatique palliative exclusive, où seuls des médicaments visant à soulager les symptômes sont utilisés, sans traitement anti-tumoral et sans objectif de ralentir l’évolution de la maladie.
– L’inclusion dans un essai clinique de phase précoce.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
I – INTRODUCTION ET REVUE DE LITTERATURE
I.1 – PRINCIPES DE LA RECHERCHE CLINIQUE EN CANCEROLOGIE
I.1.1 – Cadre législatif
I.1.2 – Les différentes phases de la recherche clinique
I.1.3 – Particularités des essais cliniques de phase précoce en cancérologie
I.2 – LE PARTAGE DE L’INFORMATION MEDICALE
I.2.1 – Information délivrée aux patients en cancérologie
I.2.2 – Risques liés à une sur-motivation ou une sous-motivation médicale
I.2.3 – Risques liés à l’asymétrie des savoirs entre médecins et patients, et modèles d’inadaptation entre attentes du patient et bénéfice prévisible : « therapeutic misconception », « unrealistic optimism »
I.3 – EVOLUTIONS DES ESSAIS CLINIQUES, ET EVOLUTION DES ATTENTES DES ONCOLOGUES ET DES PATIENTS ?
I.3.1 – Evolutions scientifiques
I.3.2 – Evolutions sociologiques : à la frontière entre soin et recherche
I.4 – HYPOTHESES DE RECHERCHE
II – METHODES
II.1 – OBJECTIF DE LA RECHERCHE
II.2 – MATERIEL ET POPULATION
II.3 – INFORMATION, CONSENTEMENT, ET PROTECTION DES DONNEES
II.4 – ENCADREMENT DE LA RECHERCHE
II.5 – ANALYSE DES DONNEES
III – RESULTATS
III.1 – POPULATION INCLUSE DANS L’ETUDE
III.2 – CONSULTATIONS D’INCLUSION DANS LES ESSAIS DE PHASE PRECOCE: ANALYSE STRUCTURELLE
III.3 – INFORMATIONS DELIVREES PAR LES MEDECINS EN RAPPORT AVEC LES ESSAIS CLINIQUES DE PHASE PRECOCE
III.3.1 – Explications générales sur le fonctionnement de la recherche clinique
III.3.2 – Rationnel physiopathologique
III.3.3 – Informations logistiques
III.3.4 – Effets indésirables
III.3.5 – Bénéfice individuel
III.3.6 – Objectif de l’essai clinique
III.3.7 – Critères d’éligibilité
III.3.8 – Notice d’information et consentement
III.4 – INFORMATIONS DELIVREES DANS LE CADRE DE LA PRISE EN CHARGE ONCOLOGIQUE GLOBALE
III.4.1 – Alternatives thérapeutiques
III.4.2 – Discussion concernant le pronostic
III.5 – CONTENU IMPLICITE : ANALYSE DES DISCOURS DES MEDECINS
III.5.1 – Thèmes d’orientation positive
III.5.2 – Thèmes d’orientation négative
III.5.3 – Un thème central émergent : la liberté
III.5.4 – Remarques supplémentaires
IV – DISCUSSION
IV.1 – INTERPRETATION DES RESULTATS DE L’ETUDE
IV.1.1 – Informations délivrées aux patients par les médecins investigateurs
IV.1.2 – Vision actuelle de la recherche clinique par les médecins investigateurs
IV.2 – ACCES AUX ESSAIS CLINIQUES DE PHASE PRECOCE, UNE QUESTION DE JUSTICE ?
IV.2.1 – Modalités de pré-sélection des patients dans les centres observés
IV.2.1 – Des inégalités d’accès aux essais cliniques de phase précoce ?
IV.2.2 – Modification des critères d’éligibilité pour un plus large accès à la recherche clinique ?
IV.2.3 – Des modèles de développement de la recherche clinique plus justes ?
IV.2.4 – Accès à l’innovation thérapeutique : un « droit fondamental » ?
IV.3 – VERS UN MODELE DE RECHERCHE INTEGREE AU SOIN, ET DE SOIN INTEGRE A LA RECHERCHE
IV.3.1 – Risques liés à une inclusion dans un essai de phase précoce
IV.3.2 – La recherche ne doit pas s’opposer à la logique de soins : critères utilisés par les médecins dans les décisions d’inclusion
IV.3.3 – Modèle de prise en charge globale
IV.4 – BIAIS DE L’ETUDE
CONCLUSION

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