Les instruments classiques d’analyse pour la détection d’une espèce (bio)chimique sont généralement complexes, coûteux, volumineux et souvent difficiles à mettre en œuvre. De plus, les phases de préparation des échantillons, d’incubation, et d’exploitation des résultats augmentent souvent très fortement la durée totale d’analyse.
Depuis une trentaine d’années, ils font face à l’avènement des capteurs chimiques appelés plus couramment microcapteurs [1]. Ceux-ci sont des dispositifs souvent simples et compacts transformant le signal (bio)chimique en un signal électrique facilement exploitable. Ils sont pour la plupart issus des techniques de la microélectronique. Ils sont en général constitués d’une partie sélective (couche sensible), et d’un système transducteur transformant en signal électrique les modifications physicochimiques induites par les interactions se produisant dans la couche sensible. Ils disposent aussi d’un environnement d’exploitation qui permet notamment le traitement électrique des signaux.
Ces dernières années, le domaine des microcapteurs a connu un développement remarquable sous la pression de trois facteurs principaux:
▪ le besoin en capteurs fiables qu’entraîne la croissante sévérité des normes dans les domaines tels que l’environnement, la santé, l’agroalimentaire, ….
▪ la généralisation de l’automatisation dans le génie des procédés;
▪ la recherche du moindre coût dans le domaine de l’analyse biomédicale ou environnementale.
L’utilisation des techniques de la microélectronique dans le domaine des microcapteurs permet en particulier d’envisager des productions massives à faible coût. Ainsi a vu le jour la réalisation de différents types de microcapteurs tels que les microélectrodes, les microleviers, les transistors chimiques à effet de champ, les microbalances à quartz, … Cependant, l’intense activité de recherche n’a induit à ce jour que peu de réalisations commerciales. Une des raisons du peu de commercialisation de ces capteurs est la sévérité des contraintes de la fonctionnalisation d’un transducteur par une molécule spécifique. Mais les dernières barrières qui empêchent un développement commercial généralisé des microcapteurs ne vont certainement pas manquer de s’écrouler sous la forte pression que constitue l’attrait d’un équipement d’analyse de taille réduite, permettant des tests simples et rapides, et nécessitant une préparation limitée des échantillons. Le but de ce travail a été de développer deux types de microcapteurs: les ChemFETs et les microélectrodes. Ce travail a été également consacré à l’apport des polymères dans les microcapteurs sous deux aspects : l’encapsulation à travers la réalisation de microcuves, microcanaux et microcavités et l’intégration de couches ionosensibles.
Dans les années 70, Bergveld a présenté le principe de mesure de la concentration des quantités chimiques présentes dans une solution avec un dispositif électronique, appelé ChemFET (chemical Field Effect Transistor) [2]. Les avantages de ce composant par rapport aux grosses électrodes de mesure de pH en verre (la méthode la plus couramment utilisée pour la mesure du pH) sont la taille très petite, la rapidité de réponse, la possibilité de production en volume élevé, le bon rapport signal sur bruit, et enfin la possibilité d’intégration de l’électronique ensemble avec le capteur sur la même puce. Nous retrouvons la plupart de ces avantages avec les microélectrodes qui sont elles aussi issues de la fabrication de la microélectronique. Leur simplicité de réalisation en fait des capteurs jetables très concurrentiels.
L’utilisation des électrodes pour l’analyse et le traitement physicochimique en milieu liquide a été parmi les premières à être utilisées dans le milieu industriel. La diminution en taille des électrodes classiques en verre a atteint ses limites. Ainsi de nouvelles électrodes de plus petites dimensions (microélectrodes) ont été développées en utilisant les technologies issues de la microélectronique et les technologies polymères. L’utilisation des polymères dans la microélectronique est plus récente (fin des années 70) avec la réalisation des premiers systèmes microfluidiques [3,4]. Ainsi, des laboratoires sur puces (lab on chips) ont vu le jour permettant d’acheminer et de mélanger plusieurs petites quantités de liquides sur des zones précises afin qu’elles soient analysées par des microcapteurs intégrés. Les polymères ont également été utilisés comme couches sensibles en utilisant directement certaines de leurs propriétés chimiques ou indirectement comme supports matriciels pour des agents actifs.
Principe, théorie et méthode de base de l’électrochimie
Courant dans un électrolyte
Après avoir mentionné les expressions générales à partir desquelles le courant est calculé, nous donnerons la relation de Butler-Volmer qui est reprise dans tous les traités de l’électrochimie. Cette relation tient compte des constantes de vitesse, de transfert de charge et de l’activité faradique. Enfin, en nous plaçant dans le cas de nos expériences, nous rappellerons les simplifications permettant d’aboutir à la relation de Tafel et à l’expression de la résistance de transfert de charge. Dans le cas général, pour tout système Ox + ne– ↔ Red, les réactions électrochimiques reliant les nombres de mole NOx ou NRed produites ou consommées aux électrodes à la charge électrique totale Q transférée à travers l’interface électrode/solution sont données par la loi de Faraday.
NOx = NRed = Q / n.F
Transfert et transport de matière
Que ce soit dans la matière solide ou la matière liquide, il est nécessaire pour étudier le transport et le transfert de matière de considérer les 3 modes suivants :
– la diffusion : c’est le mouvement des espèces électroactives provoqué par un gradient de concentration créé à la suite d’oxydoréduction des espèces à la surface de l’électrode ;
– la migration : c’est le mouvement des espèces chargées provoqué par un gradient de potentiel appliqué à l’électrode ;
– la convection : c’est le mouvement des espèces en solution provoqué par des forces mécaniques (exemple : agitation de la solution).
Rappelons que dans notre cas, nous nous sommes toujours placés en solution saturée ce qui nous permet de supposer que dans le volume de l’électrolyte nous pouvons minimiser la migration des espèces et que nous n’avons ni agité la solution, ni mis en mouvement les électrodes et donc que nous minimisons le mode de convection. Nous ne considérerons donc dans ce paragraphe que le transfert de charge dû à la diffusion. Quel que soit le système, la diffusion obéit aux lois de Fick qui lient le flux au gradient de la concentration et la variation du profil de la concentration au cours du temps.
Méthode expérimentale généralement utilisée
En général, on utilise des solutions contenant outre les espèces électroactives, un sel d’électrolyte support totalement dissocié permettant de saturer la solution afin de ce placer en régime de diffusion pure. Dans ces conditions le tracé d’un voltampérogramme est de quelques millisecondes à quelques minutes. Afin d’éliminer, quand il est nécessaire, l’oxygène dissous, le mode opératoire généralement utilisé est de faire barboter un gaz inerte pendant quelques minutes [22]. La figure I.9 donne le schéma de base d’un montage expérimentale couramment utilisé dans toutes expériences électrochimiques. Il est composé de trois électrodes :
– une électrode de travail sur laquelle on examine les différents processus électrochimiques à explorer.
– une électrode de référence dont le potentiel est constant et connu, ce qui permet ainsi de contrôler le potentiel à l’électrode de travail.
– une électrode auxiliaire appelée aussi contre-électrode qui permet de mesurer le courant circulant dans la cellule électrochimique.
Le potentiostat permet de réguler la tension entre l’électrode de travail et la contreélectrode de manière à maintenir constante la différence de potentiel entre l’électrode de travail et l’électrode de référence (tension de consigne).
Spectroscopie d’impédance
De tous les travaux traitant de la spectroscopie d’impédance appliquée à l’électrochimie, nous citerons plus particulièrement les ouvrages de B. Trémillon, J.-P. Diard, B. Le Gorrec, C. Montella et C. Gabrielli [15, 23, 24]. Tous systèmes physiques ou chimiques peuvent se modéliser par des circuits électriques constitués de résistances, condensateurs, inductances, sources de courant, sources de tension, … Ainsi une cellule électrochimique peut être considérée comme un dipôle électrique d’impédance Z. Cette méthode d’analyse de systèmes électrochimiques par des mesures impédancemétriques a été introduite en 1960 par Sluyters [25]. Elle consiste à analyser la réponse du système en fonction de la fréquence du signal alternatif d’excitation. Le signal fréquentiel de faible amplitude est superposé ou non à une tension continue de polarisation. Une impédance Z(ω) peut se présenter soit sous forme polaire soit en coordonnée cartésienne.
Z(ω) = |Z|.exp( j φ) = Re(Z) + j.Im(Z) (18)
D’où il découle deux types de tracé, le diagramme de Nyquist et le diagramme de Bode. Nous avons vu précédemment que le courant était dû à un transport de charge (figure I.3) qui donne un courant faradique IF et un courant capacitif IC dû à la variation de charges inter-faciales. En conséquence, le circuit équivalent appelé aussi schéma de Randles, est donné figure I.10 où Re est la résistance série de l’électrolyte et Cd et ZF sont respectivement les impédances capacitives et faradiques de l’interface.
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Table des matières
Introduction générale
Partie I : Etat de l’art
Introduction
Chapitre I : Principe, théorie et méthode de base de l’électrochimie
I. Interface électrolyte solide
II. Courant dans un électrolyte
III. Transfert et transport de matière
IV. Voltampérométrie
IV.1. Système rapide
IV.2. Système lent
IV.3. Système quasi-rapide
V. Voltampérométrie cyclique
VI. Méthode expérimentale généralement utilisée
VI. Spectroscopie d’impédance
Chapitre II : Les capteurs chimiques en phase liquide
I. Principe de fonctionnement des ChemFETs
II. Principe physico-chimique de détection
III. Détermination du potentiel chimique ψ
III.1 Etude de l’interface solide-électrolyte
III.2. Interface Electrolyte/Isolant/Silicium (EIS)
IV. Détection du pH
V. Principe de mesure
Chapitre III : Intégration des polymères
I. Introduction
II. Définition
III. Dépôts
IV. Accroches
V. Encapsulation
VI. Intégration des matériaux sensibles
Conclusion
Références bibliographiques
Partie II : Réalisations et résultats
Chapitre I : Développement technologique des microcapteurs chimiques
Introduction
I. Développement de microdispositifs génériques
I.1. Conception et réalisation de ChemFETs
I.1.1. Objectif
I.1.2. Fabrication des ChemFETs
I.1.2.1 Description du procédé technologique
I.1.2.2. Résumé de la fabrication des ChemFETs
I.2. Conception et réalisation de microélectrodes
I.2.1 Objectif
I.2.2. Fabrication des microélectrodes
II. Adaptation des capteurs en fonction de l’application
II.1 Réalisation de microcuves en PDMS
II.1.1. Présentation du polydiméthylsiloxane (PDMS)
II.1.1.1. Caractéristiques chimiques
II.1.1.2. Domaines d’applications du PDMS
II.1.2. Conception de cuves en PDMS sans micro-canaux
II.1.2.1. Réalisation des cuves
II.1.2.2 Réticulation, collage, démoulage et assemblage du PDMS
II.1.2.3. Avantages et inconvénients du procédé
II.1.3. Conception de cuves en PDMS avec micro-canaux
II.1.3.1. Réalisation des cuves
II.1.3.2. Réalisation des moules
II.1.3.3. Traitement de surface anti-adhésion
II.1.4. Conclusion
II.2. Dépôt des couches sensibles
II.2.1 Dépôt à la microgoutte
II.2.2. Procédé de fabrication collective
II.2.3. Etude du dépôt de PSX à la tournette
II.2.3.1. Effet du temps d’insolation
II.2.3.2. Effet de la vitesse de rotation de la tournette
II.2.4. Influence de l’ajout d’ionophore
II.2.5. Conclusion
Chapitre II : Caractérisations électriques et chimiques
Introduction
I. Etude des ChemFETs
I.1. Bancs de mesure
I.2. Préparation des échantillons
I.3. Caractérisation des MOSFETs
I.4. Caractérisation des pH-ISFETs
I.4.1 Caractéristique de fonctionnement
I.4.2 Dérive temporelle
I.4.3 Détection du pH
I.4.4 Effet des ions potassium et sodium
I.5. Caractérisation des pK-ISFETs
I.5.1 Détection du potassium
I.5.2 L’effet du pH
I.6. Caractérisation des pNH4-ISFETs
I.7. Caractérisation des pH-ISFETs en microvolume
I.7.1 Principe de mesure biologique
I.7.2 Mesure du pH en microvolume
I.7.3 Détection bactérienne
I.8. Conclusion
II. Etude des microélectrodes
II.1. Bancs de mesure
II.2. Caractérisation des microélectrodes d’or
II.2.1 Caractérisation de l’électrolyte
II.2.2 Choix de l’électrode de référence
II.2.3 Effet de la tension de polarisation
II.2.4 Effet de la vitesse de balayage
II.2.5 Dérive temporelle
II.2.6 Effet du travail en microvolume
II.3. Caractérisation des microélectrodes or-PSX*
II.4. Conclusion
II.5. Autres caractérisations des microélectrodes
II.5.1 Détection d’ions lourds
II.5.2 Détection du paludisme
II.5.3 Conclusion
Conclusion
Références bibliographiques
Conclusion générale
Annexe