Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Cellule d’origine
Le phénotype particulier des cellules de HRS avec la co-expression de différents marqueurs phénotypiques et l’absence de marqueurs « B » en immunohistochimie a longtemps rendu difficile l’identification de leur origine cellulaire qui demeura longtemps mystérieuse.
Les antigènes majeurs exprimés par les cellules tumorales sont le CD30, membre de la famille des récepteurs au TNF (Tumor Necrosis Factor Receptor (TNFR)) qui est constamment exprimé et le CD15, exprimé dans 75% des cas environ. Par ailleurs on note l’absence d’expression du CD45, marqueur commun des leucocytes, l’expression fréquente de PAX5, un marqueur spécifique de la lignée cellulaire B et qui peut dans certains cas être utile au diagnostic différentiel entre LHc et certains lymphomes T.
Les cellules de HRS peuvent exprimer différents autres marqueurs : marqueurs des cellules dendritiques (CCL17, fascine), des cellules « T » (granzyme B, perforine, CD3, CD4, NOTCH1, GATA3), des cellules « B » (CD20), des macrophages (alpha1-antitrypsine), des granulocytes (CD15), des cellules NK (Natural Killer) (ID2) et enfin des cellules myéloïdes (CSFR1).
Il existe dans la cellule tumorale une perte globale du phénotype B. Elle ne garde comme fonction lymphocytaire B que les fonctions de présentation d’antigène et les interactions avec les lymphocytes T CD4+.
La cellule de HRS est issue d’un lymphocyte B mature du centre germinatif (GC), ayant perdu secondairement son phénotype B et ayant échappé à l’apoptose. En effet l’étude par PCR (Polymérase Chain Reaction) des cellules de HRS obtenues par microdissection a démontré que la cellule de HRS présentait des réarrangements des gènes des Ig et des mutations hypersomatiques prouvant ainsi son origine B (4). Ceci suggère que le processus oncogénique est intervenu au moment ou après le passage dans le centre germinatif. En effet c’est dans le centre germinatif des follicules lymphoïdes que se produisent les évènements de mutations somatiques des gènes des immunoglobulines, dont le but est de sélectionner le récepteur B qui aura l’affinité idéale pour l’antigène. Les cellules de HRS subissent également dans la plupart des cas le phénomène de commutation de classe (5) ce qui constitue un argument de plus pour leur origine B. Néanmoins une faible proportion de cellules de HRS n’a pas de réarrangements des Ig et possède un phénotype T.
Par ailleurs il existe de nombreuses mutations somatiques dans les gènes des Ig des cellules de HRS (environ 25% des cas) les rendant non fonctionnelles, ces mutations sont pour la plupart des cas des mutations non sens inactivatrices ou des délétions décalant le cadre de lecture aboutissant à une immunoglobuline non fonctionnelle (6)(7). Ces mutations surviennent également à l’état physiologique dans les cellules B du centre germinatif et entrainent l’apoptose des cellules B. Il est intéressant de constater que ces mutations inactivatrices surviennent essentiellement dans des cas de LHc EBV positifs, en effet le gène LMPA2 (EBV latent membrane proteins A2) mime les signaux produits par le BCR (B-cell receptor) et permet ainsi aux cellules précurseurs HRS de survivre malgré un BCR défectueux suite aux mutations inactivatrices (8)(9).
Lymphomagenèse
Le lymphome de Hodgkin est la conséquence d’une dérégulation de plusieurs fonctions biologiques. L’anergie lymphocytaire, la résistance à l’apoptose et l’amplification de plusieurs voies de signalisation, comme celle du facteur NF-κB (Nuclear Factor kappa B) sont essentielles à la prolifération anormale et à la survie des cellules de HRS. Les cellules de HRS présentent également des lésions génétiques modifiant l’activité de facteurs de transcription. Enfin le microenvironnement tumoral joue un rôle majeur dans les mécanismes de lymphomagenèse ainsi que dans l’échappement au système immunitaire, via la sécrétion de cytokines, la perte des molécules HLA (Human Leukocyte Antigen) de classe II ou encore l’expression de PD-L1 (Programmed Death-Ligand 1).
Voies de signalisation
Plusieurs voies de signalisation sont dérégulées dans la cellule tumorale. Les causes de cette dérégulation sont multiples, les deux principales sont les boucles de rétrocontrôle paracrine et autocrine et les lésions génétiques, entrainant des activations constitutives des voies de signalisation (Figure 3). Les principales voies de signalisation impliquées dans la lymphomagenèse sont :
La Voie NF-κB
C’est la voie la plus importante et la plus étudiée. NF-κB est un facteur de transcription régulant l’expression de plusieurs gènes impliqués dans la prolifération cellulaire, la réponse inflammatoire et l’apoptose. La dérégulation de cette voie est un mécanisme clé dans la physiopathogénie de plusieurs hémopathies lymphoïdes (10). L’inhibition de la voie NF-κB altère la survie et la prolifération des lignées cellulaires de LH (11).
NF-κB se présente sous forme d’homo ou d’hétérodimères, composés des facteurs p50, p52, p65(RelA), c-Rel et RelB. Les protéines NF-κB sont inactivées de deux manières, soit elles sont séquestrées dans le cytoplasme grâce à l’action inhibitrice de IκB, soit elles sont directement synthétisées sous forme de précurseurs inactifs.
Il existe deux voies d’activation NF-κB, les deux sont présentes dans les cellules de HRS :
– Voie canonique : la stimulation du BCR ou des membres de la superfamille des TNFR (ex : le CD30 ou le CD40) active le complexe IKK (IκB kinase) . IKK phosphoryle IκB aboutissant à son ubiquitination et à sa dégradation via le protéasome, permettant ainsi la libération et la translocation nucléolaire de NF-κB p65/p50.
– Voie alterne : différents ligands se lient et stimulent leurs récepteurs : BAFF (B cell activating factor), TACI (transmembrane activator and CAML interactor), CD30, CD40 et RANKn (receptor activator of NF-κB). La liaison des ligands à leurs récepteurs active IKKα, entrainant la dégradation protéasomique du précurseur p100 vers sa forme active p52, aboutissant ainsi à l’hétérodimérisation de p52/RelB et à sa translocation nucléolaire.
Une fois dans le nucléole, le complexe NF-κB régule la transcription de nombreux gènes cibles incluant les gènes des cytokines pro-inflammatoires (IL6, IL13, TNFα et CCL5), des facteurs anti-apoptotiques (Bcl-xL, cIAP2, FLIP), mais également des molécules d’adhérence, de prolifération et de survie cellulaire (12).
La voie NF-κB est activée de différentes manières dans le LH :
– Les cellules de HRS expriment de multiples membres de la famille des TNFR (CD30, CD40 et RANK). Les ligands de ces récepteurs sont exprimés par les cellules infiltrant le microenvironnement tumoral, ex : expression du CD40L par les cellules T, expression du CD30L par les mastocytes et les éosinophiles.
– D’autres facteurs contribuent à l’activation de cette voie comme Nocth1(13), TACI et BCMA (B-cell Maturation Antigen) (14).
– Dans les cas EBV positifs, la molécule LMP1 recrute des protéines TRAF (receptor associated factor) mimant le CD40 et autres membres de la superfamille des TNFR (15).
– NF-κB interagit également avec d’autres facteurs de transcription tel que AP-1 (Activator Proteine-1). AP-1 stimule la prolifération des cellules de HRS et induit l’expression de gènes cibles tels que le CD30 et Galectine-1(16).
La voie JAK/STAT
STAT (Signal Transducers and Activators of Transcription) est une famille de facteurs de transcription qui compte plusieurs membres dont certains sont fréquemment surexprimés dans la cellule de HRS (STAT3, STAT5 et STAT6) (17). Les cellules de HRS détournent les cellules du microenvironnement et modulent leur activité autocrine en exprimant différentes cytokines, chimiokines et récepteurs. Les cytokines se lient à leurs récepteurs et activent JAKs (Janus Kinase) qui phosphorylent STATs, entrainant leur dimérisation et leur translocation nucléolaire activant ainsi la transcription des gènes cibles.
Environ 25% des LHc ont une amplification du locus JAK2 sur le chromosome 9p24 contribuant ainsi à l’activation de STATs dans les cellules de HRS (18). Dans les cellules de HRS, JAK2 agit en activant la signalisation STAT mais il est également impliqué dans la régulation épigénétique en phosphorylant l’histone H3. STATs activent l’expression du facteur suppresseur de cytokines SOCS1 (suppressor of cytokine signaling 1) qui régule négativement la signalisation des cytokines en phosphorylant JAK, entrainant la dégradation des facteur STATs via le protéasome (19).
Les récepteurs à activité tyrosine kinase
Plusieurs récepteurs à activité tyrosine kinase (PDGFRA, DDR2, EPHB1, RON, TRKA et TRKB) connus pour favoriser la prolifération cellulaire, sont exprimés de façon aberrante dans certains cas de LH. Les ligands de ces récepteurs se situent soit dans l’infiltrat inflammatoire du microenvironnement tumoral soit sont co-exprimés par la cellule de HRS elle même (20).
La voie MAPK/ERK
Les MAPKs (mitogen-activated proteines kinases) font partie de la famille des sérines-thréonines kinases. Ils reçoivent des signaux activateurs du milieu extracellulaire. Ces signaux régulent l’apoptose, la prolifération et la différenciation cellulaire. Plusieurs membres de cette voie sont présents à l’état actif dans les cellules de HRS (Erk-1/2 et Erk-5), par ailleurs l’inhibition de Erk dans des lignées de LH a des effets antiprolifératifs. L’activation de la voie MAPK/Erk dans les cellules de HRS est également médiée par des membres de la famille des TNFR comme le CD30, CD40 et RANK (21).
PI3K/AKT
PI3K (phosphoinositide 3 kinase) reçoit des signaux activateurs via le CD40, CD30, RANK et RTKs. Par ailleurs, la plupart des cellules de HRS contiennent des formes actives phosphorylées de Akt et des protéines cibles de Akt. L’inhibition de Akt dans des lignées cellulaires de LH aboutit à l’apoptose suggérant que la voie PI3K/Akt a un rôle essentiel dans la croissance et la survie des cellules de HRS (22)(23).
Facteurs de transcription
Il existe une dérégulation de nombreux facteurs de transcription intervenant dans les processus de différenciation et de survie cellulaire. La perte du phénotype B est le résultat de phénomènes épigénétiques (25) entrainant la perte d’expression (silencing) de facteurs de transcription clés de la différenciation cellulaire B associés à une activation de facteurs de transcription antagonistes (Figure 4).
Facteurs de transcription spécifiques de la lignée « B » (Oct-2, Pu.1 et BOB1)
Il existe dans la cellule tumorale une diminution majeure voire une perte d’expression des facteurs transcriptionnels « B » des gènes des immunoglobulines tels que Oct-2 (Octamer protein-2), Pu.1 et BOB1(26)(27)
D’autres facteurs de transcription sont bien présents mais non fonctionnels :
E2A et PAX5 :
E2A est un facteur de transcription régulant l’expression de plusieurs gènes spécifiques de lignée B tels que CD19 et CD79A. Il est également essentiel au maintien de l’expression du programme génétique des cellules B matures. E2A est inactivé par ABF1 (Activated B cell Factor 1) et ID2 (facteur de transcription des cellules NK) qui sont anormalement exprimés dans les cellules de HRS. L’hétérodimère E2A/Id2 ne peut pas se lier à l’ADN contrairement à l’hétérodimère E2A/ABF1 qui se lie à l’ADN mais ne peut pas activer la transcription (28). Cette absence de fonction répressive, en plus de l’expression aberrante de masters régulateurs d’autres lignées, tels que le facteur de transcription T, NOTCH1 et le facteur ID2 des cellules NK, expliquent probablement l’expression de marqueurs myéloïdes ou lymphoïdes T.
PAX5 est un facteur de transcription d’engagement et de maintenance de la lignée B, il restreint le développement des progéniteurs lymphoïdes vers la lignée B. Il est exprimé dans les cellules de HRS mais n’active pas ses gènes cibles pour d’obscures raisons.
EBF
EBF (Early B cell factor) est faiblement exprimé dans les cellules de HRS. Des études in-vitro ont démontré que l’expression de EBF dans des lignées cellulaires de LH activait le promoteur des gènes rapporteurs de CD19 et CD79a cotransfectés et non les gènes endogènes suggérant une répression de ces marqueurs B par des phénomènes épigénétiques (25).
NOTCH1
NOTCH1 est un facteur de transcription suppresseur de la différenciation B et activateur du développement cellulaire T à partir de progéniteurs lymphoïdes (29). L’expression aberrante de ce master régulateur du développement cellulaire T dans les cellules de HRS contribue à la perte du phénotype B et à l’expression aberrante de nombreux marqueurs spécifiques de lignée T dans le LHc (30).
Les cellules de HRS subissent ainsi une reprogrammation drastique de leur programme génétique suite à des altérations de facteurs de transcription présents dans les cellules B normales. En effet plusieurs facteurs de transcription clés du développement cellulaire B sont sous exprimés comme Oct-2, Pu.1 et BOB1, alors que d’autres sont soit exprimés à des niveaux réduits comme EBF, soit inactivés comme E2A par l’expression aberrante d’inhibiteurs.
Facteurs de transcription des cellules souches hématopoïétiques
Il a récemment été démontré que les cellules de HRS exprimaient de manière aberrante des facteurs de transcription spécifiques des cellules souches hématopoïétiques (CSH) comme GATA-2, BMI-1, RYBP et EZH. Il existe ainsi des similitudes phénotypiques entre les cellules de HRS et les progéniteurs lymphoïdes dont la signification reste encore à élucider (24).
D’après R.Schmitz et al (24). Perte d’expression des facteurs spécifiques de lignée B : Oct-2, Pu.1 et BOB1.
ABF1 et Id2 sont exprimés de manière aberrante dans la cellule de HRS et inactivent E2A : l’hétérodimère E2A-Id2 ne peut pas se lier à l’ADN alors que l’hétérodimère E2A -ABF1 se lie à l’ADN mais n’active pas la transcription des gènes cibles. Le récepteur NOTCH1 subit deux clivages protéolytiques aboutissant à la forme active intra-cellulaire NOTCH1-IC, NOTCH1-IC inhibe E2A et EBF. PAX5 est exprimé par la cellule HRS mais n’active pas ses gènes cibles. Des phénomènes épigénétiques aboutissent à la méthylation des promoteurs des gènes cibles et participent ainsi à la perte de l’expression des gènes spécifiques de lignées B.
lésions génétiques
L’étude des anomalies génétiques est difficile du fait de la rareté des cellules de HRS et de leur faible index mitotique. L’étude des lésions génétiques se fait grâce à des techniques de FISH (Fluorescent In Situ Hybridation) ou de PCR couplées à du séquençage sur des microdissections. Il existe une instabilité génomique majeure se traduisant par les caryotypes complexes des lignées cellulaires de LH et des cellules de HRS.
Translocations impliquant les chaines lourdes ou légères des Ig :
Du fait de leur origine cellulaire B, il n’est pas rare de retrouver des translocations impliquant les gènes des chaines lourdes et en faible proportion, les chaines légères des Ig. Ces translocations sont détectées dans environ 20% des cas LHc (31). Les partenaires sont essentiellement BCL2, cycline D1 et MYC. BCL6 étant plus fréquemment impliqué dans le lymphome nodulaire à prédominance lymphocytaire. Dans la plupart des cas le partenaire est inconnu (32). L’extinction des loci des Ig dans les cellules de HRS soulève des questions, en effet on pourrait s’interroger sur l’importance des oncogènes dérégulés par ces translocations dans le clone cellulaire HRS définitif. Ces translocations sont essentielles aux cellules tumorales au stade précurseur, lorsqu’elles ont encore un phénotype B, mais par la suite elles perdent de leur importance du fait de phénomènes génétiques supplémentaires.
Voie NF-κB
– Gène REL : mutation gain de fonction ou amplification dans 50% des cas entrainant une augmentation du taux nucléaire de REL, contribuant ainsi à l’activation constitutive de la voie NF-κB (33).
– Gènes IkBα et IkBε : mutations somatiques inactivatrices de IkBα dans 10 à 20% des cas des LH et des mutations de IkBε dans des lignées cellulaires. Ces gènes codent pour des inhibiteurs de la voie NF-κB et fonctionnent comme des gènes suppresseurs de tumeur (34)(35)(36).
– Gène A20 : délétion chromosomique de la région 6q23 impliquant A20, mais également des mutations somatiques inactivatrices dans environ 45% des LHc (37).
Voie JAK/STAT
Il existe de nombreuses mutations perte de fonction du gène SOCS1 (Suppressor of cytokine signaling 1) dans les cellules de HRS entrainant une activation constitutive de STAT dans le LH (38)(19). SOCS1 étant le principal inhibiteur de STAT, il existe des mutations inactivatrices de SOCS1 dans environ 40% des LHc. Le gène JAK2 est fréquemment muté (39)(18). Par ailleurs les gains chromosomiques en 9p24.1 affectent le gène JAK2 mais également les gènes PDL1 et PDL2 (Programmed death-ligand) (40).
Récepteur Fas
Les cellules de HRS expriment le récepteur Fas (tissus et lignées cellulaires de LH), mais dans les lignées cellulaires, les cellules de HRS sont largement résistantes à l’apoptose induite par la voie Fas (41). Il existe quelques mutations de FAS mais aucune mutations de FADD (Fas-associated protein with death domain), Caspase 8 ou Caspase 10 (42)(43)(44). Par ailleurs, les patients présentant des mutations germinales de FAS ont 50 fois plus de risque de développer un LH (45). Il est maintenant clairement établi que le phénotype de résistance des cellules de HRS à l’apoptose induite par Fas est secondaire à une surexpression de c-FLIP (cellular FADD-like interleukin 1B-converting enzyme inhibitory proteine), un inhibiteur de la voie Fas et que cette surexpression est médiée par la voie NF-κB (46)(47).
Complexe majeur d’histocompatibilité (CMH)
Des translocations impliquant CIITA (class 2 major histocompatibility complex transactivator) sont détectées dans environ 15% des cas de LHc. Le gène CIITA est fréquemment impliqué dans des translocations chromosomiques à l’origine d’une diminution de l’expression du CMH II (complexe majeur d’histocompatibilité) (48). Ceci constitue un facteur de mauvais pronostic (49). Le gène de la B2-microglobuline (B2M), un composé du CMH I présente également des mutations inactivatrices (50).
Apoptose
Les cellules de HRS expriment dans la majorité des cas le CD95 (Fas) à leur surface cellulaire mais sont résistantes à l’apoptose médiée par le CD95. A l’état normal, CD95 interagit avec son récepteur cD95L, entrainant la formation du complexe de mort cellulaire DISC (death-induced signaling complex) composé de FADD, caspase-8 et caspase-10. FADD est souvent surexprimé. Les patients présentant des mutations du gène FAS dans les syndromes lymphoprolifératifs auto-immuns (autoimmune lymphoproliférative syndrome, ALPS) ont sept fois plus de risque de développer un LH, alors que seulement 5% des cas de LH non associés à l’ALPS sont associés à des mutation de FAS (43). c-FLIP est une protéine anti-apoptotique, elle a une localisation essentiellement membranaire et inhibe l’apoptose en se liant à DISC. Elle est exprimée dans la majorité des cas de LHc (47). c-FLIP est un régulateur clé du mécanisme de résistance à l’apoptose dans les cellules de HRS, en effet l’inhibition de c-FLIP par des ARN oligonucléotidiques interférents est suffisante pour sensibiliser les cellules de HRS à l’apoptose induite par CD95.
Microenvironnement tumoral
Les cellules de HRS recrutent de nombreux composants de l’infiltrat inflammatoire du microenvironnement tumoral via la sécrétion de cytokines et de chimiokines, à leur tour les cellules de HRS bénéficient de signaux paracrines produits par les cellules non tumorales du microenvironnement. Les cellules de HRS interagissent avec les cellules T CD4+ et CD8+, les cellules B, les plasmocytes, les macrophages, les mastocytes, les cellules dendritiques, les neutrophiles, les éosinophiles et les fibroblastes (Figure 5).
Les interactions avec le microenvironnement tumoral sont nécessaires à la survie des cellules de HRS. Les cellules de HRS sont incapables de survivre chez des souris immunodéficientes (54) et il est difficile de générer des lignées cellulaires de HRS. En effet les quelques lignées cellulaires de LH disponibles, ont été générées à partir d’épanchements pleuraux, de sang périphérique et de moelle osseuse de patients réfractaires dont les cellules de HRS ont probablement perdu leur dépendance au microenvironnement suite à l’acquisition de mutations additionnelles ou à des phénomènes épigénétiques.
Les cellules T CD4+ constituent l’infiltrat cellulaire le plus important. Elles sont attirées par différentes chimiokines secrétées par les cellules de HRS (CCL5, CCL17, CCL22) et par les fibroblastes (CCL11 (eotaxine) (55). Les cellules CD4+ helper (Th CD4+) sont souvent localisées à proximité immédiate des cellules de HRS et expriment le CD40L, permettant ainsi d’activer la signalisation CD40 dans les cellules de HRS (56). Le CMH de classe II et les molécules de co-stimulation, CD80 et CD86, exprimés à la surface des cellules de HRS favorisent les interactions avec les cellules T. La proximité entre les cellules de HRS et les cellules T du microenvironnement est également favorisée par des molécules d’adhésion cellulaire exprimées soit à la surface des cellules de HRS, telles que le CD54 et le CD58, soit à la surface des cellules T CD4+, telles que LFA-1 et CD2.
Les cellules T régulatrices (Treg) CD4+CD25+FOXP3+, en supprimant l’immunité cellulaire anti-tumorale, jouent également un rôle essentiel au sein du microenvironnement tumoral. Elles inhibent l’expression de l’IL2 et du CD25, empêchant ainsi l’activation des cellules T CD8+ cytotoxiques et NK. Elles secrètent également des molécules immunosuppressives telles que l’IL10. Tous ces effets concourent à protéger les cellules de HRS de l’activité cytotoxique des cellules T et NK, en particulier dans les LHc EBV positifs exprimant des antigènes viraux (57)(58).
Les cellules de HRS secrètent également le TGFβ (Transforming growth factor β) (59) et la Galectine-1. Ces molécules suppriment la réponse immunitaire (60). La Galectine-1 induit la mort cellulaire des cellules Th1, stimule l’expansion des cellules Treg et inhibe l’activité T cytotoxique anti-EBV.
Les cellules de HRS expriment également PDL-1 qui se lie et active PD1 au niveau des cellules T et inhibe ainsi la réponse immunitaire anti-tumorale (61).
Les éosinophiles sont recrutés dans le microenvironnement grâce à la sécrétion de l’IL5, IL9, CCL5, CCL28 et du granulocyte-macrophage colony-stimulating factor par les cellules de HRS, et du CCL11 par les fibroblastes (62). Les éosinophiles secrètent le TGFβ et expriment le CD30L stimulant ainsi la signalisation CD30 dans les cellules de HRS.
La sécrétion de CCL5 par les cellules de HRS attire également les mastocytes au sein du microenvironnement tumoral, les mastocytes expriment également le CD30L. Ils contribuent également à la croissance tumorale en stimulant l’angiogenèse et le remodelage tissulaire. D’après R.Schmitz et al (24). Les fibroblastes secrètent des éotaxines qui attirent les cellules T CD4+ et les éosinophiles. La cellule de HRS reçoit des signaux de survie provenant des éosinophiles et des mastocytes via la signalisation CD30 -CD30L. La cellule de HRS reçoit de nombreux signaux prolifératifs en provenance des cellules Th CD4+ : CD2-CD58, CD40-CD40L, CD54-LFA -1, MHCII-TCR, CD80-CD28. Les cellules T CD8+ cytotoxiques sont inhibées de différentes manières : (i) interaction PD1-PD- L1 entre les cellules T CD8+ et les cellules HRS, (ii) sécrétion de TGFβ, galectine-1 et IL10 par les cellules HRS, (iii) action des Treg qui secrètent également l’IL-10.
Rôle du virus EBV
Dans environ 40% des cas de LHc, les cellules de HRS présentent une infection latente à l’EBV (63). Les cellules de HRS sont infectées de manière clonale suggérant que l’infection est un évènement précoce dans la pathogenèse. Les cellules de HRS expriment alors EBER (EBV encoded RNA) qui est l’ARN viral non codant, EBNA1 (EBV nuclear antigen 1) et LMP1 et 2A (EBV latent membrane proteins 1 et 2A). EBNA1 est essentiel à la réplication du génome épisomal de l’EBV dans les cellules. LMP1 mime un récepteur CD40 actif, molécule de costimulation des cellules B (64). LMPA2 mime le BCR. Le CD40 et le BCR sont deux molécules essentielles à la sélection et à la survie des cellules B du centre germinatif. LMP1 et LMPA2 « sauvent » ainsi les cellules précurseurs de HRS déficientes en BCR de l’apoptose en mimant ces deux signaux. Il est intéressant de constater que tous les cas de LH ayant des mutations inactivatrices du BCR sont EBV positifs confirmant le rôle essentiel de l’infection EBV(65).
Cytokines
La cellule de HRS secrète de nombreuses cytokines : (IL)-5, -6, -9, -10 et 13 (66). L’IL-13 et son récepteur l’IL-13Rα1 sont fortement exprimés dans les lignées cellulaires de HRS (67). L’IL-13 stimule la différenciation des T helper en Th2 et peut ainsi indirectement promouvoir l’immunosuppression et influer sur la survie et/ou la prolifération des cellules B en se liant a son récepteur et en activant STAT6 (68). L’expression de plusieurs facteurs de transcription y compris GATA-3 et T-Bet dirige la production, par les cellules T de cytokines de type Th1 et Th2 (69).
Présentation clinique et évaluation pré-thérapeutique
Le LHc est le plus souvent révélé par une adénopathie périphérique. Dans 60 à 80% des cas, il s’agit d’adénopathies cervicales basses ou sus-claviculaires. L’atteinte médiastinale est présente dans 60% des cas lors du diagnostic et peut être découverte à l’occasion d’une radiographie thoracique réalisée de manière systématique ou dans le cadre d’un bilan pour des symptômes tels que la toux, la dyspnée ou une douleur. Des signes généraux tels qu’une fièvre persistante sans cause apparente, des sueurs nocturnes ou un amaigrissement, peuvent précéder l’apparition d’adénopathies périphériques. Il peut également y avoir un prurit inexpliqué ou des douleurs survenant quelques minutes après l’ingestion d’alcool au niveau d’une atteinte osseuse ou ganglionnaire.
Le diagnostic nécessite une biopsie ganglionnaire réalisant l’exérèse complète d’une adénopathie. En l’absence d’adénopathie périphérique, la biopsie d’une masse médiastinale, d’une atteinte extra ganglionnaire ou une biopsie médullaire permet le diagnostic.
Une fois le diagnostic établi, une évaluation pré-thérapeutique est réalisée permettant un classement en stades selon la classification de Ann Arbor modifiée selon Costwolds (70) (Annexe 1) , complétée par l’évaluation des facteurs pronostics, permettant ainsi de définir des groupes pronostics. Cette évaluation pré-thérapeutique comporte un interrogatoire et un examen clinique rigoureux, un bilan biologique avec un hémogramme, une VS (vitesse de sédimentation), le taux sérique de LDH (lactate déshydrogénase), un bilan hépatique, un ionogramme sanguin et une créatininémie, ainsi que des examens d’imagerie avec un scanner thoraco-abdomino-pelvien et surtout une tomographie par émission de positrons au 18-fluorodéoxyglucose (TEP-FDG) qui reste l’examen de choix dans l’évaluation pré-thérapeutique mais également lors du suivi de la réponse au traitement. La stratification des patients en groupes pronostics est essentielle à l’adaptation des schémas thérapeutiques, afin d’améliorer la survie des patients sans rechute tout en limitant la survenue d’effets secondaires liés à la toxicité retardée des traitements chez des patients souvent jeunes.
Les stades localisés sont caractérisés par un excellent pronostic avec des taux de survie supérieurs à 90%. Les facteurs de risque des groupes coopérateurs LYSA/EORTIC (The Lymphoma Study
Association / European Organisation for Research and Treatment of Cancer) (71) les classent en stades localisés favorables ou défavorables et prennent en compte l’âge, la VS, l’index mediastino-thoracique et le nombre d’aires ganglionnaires atteintes (Annexe 2).
Les stades avancés ont un moins bon pronostic avec un taux survie globale de l’ordre de 75 à 90%. Le score IPS (International Prognosis Score) (Annexe 4) est utilisé et prend en compte l’âge (> 45ans), le sexe masculin, l’albumine (< 40g/l), l’hémoglobine (<10.5g/dl), le stade IV, l’hyperleucocytose (>15 x 10/L9) et la lymphopénie (< 0.6 x 109/L) (72).
Il est à noter que la définition de LH de stades avancés diffère selon les groupes coopérateurs. Les stades avancés III et IV selon la classification de Ann Arbor modifiée selon Costwolds y sont toujours intégrés, mais certains groupes y ajoutent les stades IIB avec volumineuse masse médiastinale et/ou atteinte extra-nodale, voire parfois tous les stades IIB. Ces différences de stratification sont à prendre en compte dans l’interprétation des résultats des différentes études. Nous prendrons ici pour exemple la classification du groupe allemand GHSG (German Hodgkin lymphoma Study Group), qui intègre les stades IIB avec bulk médiastinal ou atteinte extra-nodale dans les formes disséminées (Annexe 3).
Les stratégies guidées par la TEP avec une évaluation intermédiaire de la chimio sensibilité sont entrain de modifier la stratification pronostique des LHc, en effet la TEP réalisée à deux cycles est prédictive de la survie sans progression à deux ans quelque soit le score IPS initial (73).
Traitement
L’objectif du traitement est d’obtenir un meilleur contrôle de la maladie au prix d’une moindre toxicité afin d’éviter les complications à court terme mais également à moyen et long terme.
Le traitement des stades localisés est basé sur un traitement combiné associant chimiothérapie et radiothérapie. La chimiothérapie de référence depuis les années quatre-vingt est l’ABVD (Doxorubincine, Bléomycine, Vinblastine et Dacarbazine). Pour les stades localisés favorables, le standard est le traitement combiné associant trois cycles d’ABVD et radiothérapie à la dose de 30 Gy sur les aires ganglionnaires initialement atteintes (Involved Field Radiotherapy (IFRT)) (74). Le GHSG a examiné la possibilité de réduire la chimiothérapie de quatre à deux cycles et/ou l’irradiation localisée de 30 à 20 Gy. Cette approche semble prometteuse, en effet l’étude HD10 a comparé quatre schémas thérapeutiques : quatre ou deux cycles d’ABVD suivis d’une irradiation à 30 Gy, quatre ou deux cycles d’ABVD suivis d’une irradiation à 20 Gy. Il n’y avait pas de différence en terme survie globale ou du taux d’échec au traitement, en revanche il y avait plus d’évènements toxiques dans les groupes de patients recevant quatre cycles d’ABVD et 30 Gy (74).
Pour les stades localisés défavorables, le standard est quatre cycles d’ABVD suivis d’une radiothérapie à la dose de 30 Gy IFRT (76).
L’objectif est de diminuer la toxicité dans les formes favorables et d’obtenir un meilleur contrôle de la maladie dans les formes défavorables. Comme il a déjà été mentionné auparavant, la TEP-FDG a un rôle essentiel lors du diagnostic initial et de l’évaluation de la réponse en fin de traitement, mais aucune stratégie guidée par la TEP intermédiaire n’est validée dans les stades localisés en dehors d’un essai clinique.
L’évaluation de la réponse au traitement se fait, selon les recommandations du LYSA, avant la radiothérapie et après les cycles d’ABVD (77). Le patient est réfractaire primaire si la maladie progresse sous traitement ou dans les trois mois après la fin du traitement ou s’il persiste une masse résiduelle au TEP-FDG (score 4 ou 5 sur l’échelle de Deauville) (78) (Annexe 5), associé à une adénopathie significative au scanner. Au moindre doute une documentation histologique est nécessaire (79).
Le traitement des formes avancées est basé sur la chimiothérapie seule. Deux schémas existent, l’ABVD, six à huit cycles sont recommandés avec un taux de survie sans progression à 5 ans de 68 à 76% et un taux de survie globale jusqu’à 88% à 5 ans (80). Cependant le contrôle de la maladie reste insuffisant pour environ 25 à 30% des patients et il existe une toxicité hématologique mais surtout pulmonaire non négligeable qui reste hétérogène selon les essais (81). Le deuxième schéma thérapeutique est le BEACOPP escaladé (Bléomycine, Etoposide, Doxorubicine, Cyclophosphamide, Vincristine, Procarbazine et Prednisone). L’essai HD9 à bien démontré la supériorité de huit cycles de BEACOPPesc sur huit cycles de COPP/ABVD en terme de survie globale et de survie sans échec à 10 ans (82). En comparaison à l’ABVD, le BEACOPPesc permet un meilleur contrôle de la maladie avec une meilleure survie sans progression mais sans bénéfice en terme de survie globale (probablement dû à l’efficacité des traitements de rattrapage). Le BEACOPPesc s’associe à une toxicité immédiate hématologique non négligeable mais également tardive avec risque d’infertilité mais également de cancers secondaires (tumeurs solides, syndromes myélodysplasiques et leucémies aigues). L’étude HD15 a cependant démontré un bénéfice en terme de survie globale et de diminution des toxicités avec six cycles au lieu de huit (83). En conclusion les deux traitements de référence ne présentent pas de différence en terme de survie globale, mais il est important d’identifier les patients à risque de résistance ou de rechute dès la prise en charge initiale.
Actuellement il existe deux stratégies thérapeutiques dans les stades avancés, l’escalade ou la désescalade thérapeutique selon les résultats de la TEP-FDG réalisée précocement. L’essai AHL 2011 du LYSA est une étude de non infériorité qui compare la poursuite du traitement par quatre cycles d’ABVD pour les patients ayant une TEP-FDG négative après deux cycles de BEACOPPesc, à six cycles de BEACOPPesc. L’analyse intermédiaire a retrouvé une survie globale et une survie sans progression identique dans les deux groupes avec un taux de toxicité de grade 3 supérieur dans le groupe BEACOPPesc. Ainsi les patients avec une réponse rapide initiale après deux cycles de chimiothérapie, évaluée par une TEP-FDG négative peuvent bénéficier d’une désescalade d’intensité et de ce fait d’une réduction de la toxicité chimio-induite.
Particularités du sujet âgé (>60ans) :
Il existe un 2ème pic de fréquence dans le LH, survenant chez les sujets âgés (> 60ans) et représentant 20% des LH. L’âge à lui seul est un facteur de risque péjoratif. S’y ajoutent les comorbidités et une tolérance réduite des traitements. Les études sont peu nombreuses mais elles semblent toutefois montrer de moins bons résultats que chez les sujets jeunes. En effet avec les traitements standards type ABVD se pose la question de la tolérance de la Doxorubincine et de la Bléomycine (84). Dans une série de 95 patients âgés (âge médian de 67 ans) de stades avancés, traités par ABVD, les taux de survie globale et de survie sans progression à 5 ans étaient de 58% et 44%. Il y avait 6% de décès toxiques dont 25% secondaires à la toxicité de la Bléomycine (85). Des protocoles alternatifs ont été proposés par les groupes coopérateurs. L’essai du GHSG a évalué, chez 59 patients, le protocole PVAG : Prednisone, Vinblastine, Doxorubicine et Gemcitabine. Les taux de survie globale et de survie sans progression à 3 ans étaient respectivement de 58% et 66%, et il y avait un seul décès toxique (86). Une étude prospective de phase II du LYSA : PVAB évalue l’efficacité de la Bendamustine en association à la Prednisone, Vinblastine et Doxorubicine. Les inclusions sont toujours en cours.
L’enjeu majeur de la prise en charge thérapeutique du LHc est l’indentification précoce des patients à risque de résistance au traitement de première ligne afin d’adapter au mieux le traitement. A l’heure actuelle, il existe peu de facteurs pronostics cliniques ou biologiques permettant d’identifier ces patients à risque.
Les nouveaux marqueurs pronostics : les biomarqueurs
Etude du profil d’expression génique ou Gene Expression Profiling (GEP)
Principe
L’étude du profil d’expression génique ou gene expression profiling (GEP) de l’ensemble du tissu tumoral a permis d’introduire une nouvelle approche dans l’étude des biomarqueurs. Les études de GEP ont permis de développer des modèles pronostics basés sur l’expression génique. Ces modèles ont pur but d’identifier, dès la prise en charge initiale, les patients susceptibles de résister au traitement de première ligne. La mesure des niveaux d’expression génique au sein du transcriptome a permis de mettre en évidence des signatures moléculaires associées à la réponse initiale au traitement. A la différence des lymphomes non hodgkiniens et autres cancers solides, où le profil d’expression génique des tissus tumoraux reflète celui des cellules tumorales, le tissu tumoral dans le LHc est essentiellement constitué de cellules non tumorales du microenvironnement, ainsi le profil d’expression génique dans le LHc reflètera la composition variable des cellules du microenvironnement tumoral.
Les études de GEP sont basées sur le pouvoir pronostic de gènes, soit à l’échelle individuelle moléculaire, soit à l’échelle de « cluster » ou de « signature moléculaire ». Cela nécessite dans un premier temps, la sélection de signatures d’expression génique pertinentes décrites dans la littérature, puis dans un second temps, la quantification du niveau d’expression d’ARNm extrait à partir de tissus tumoraux, soit frais congelés, soit inclus en paraffine (Formalin Fixed, Paraffin Embedded, FFPE). Le but est d’établir un score moléculaire prédictif de résistance et/ou de rechute, applicable en routine dès la prise en charge initiale du patient et d’identifier ainsi des sous-groupes pronostics. Les différentes étapes peuvent être ainsi résumées :
1. Sélection des gènes.
2. Sélection d’une cohorte training et d’une cohorte de validation.
3. Extraction de l’ARNm à partir d’échantillons tumoraux et analyse du GEP.
4. Sélection d’un nombre de gènes pour validation à l’échelle protéique par immunohistochimie (IHC) dans une cohorte indépendante de validation.
Analyse de biostatistique
Essais basés sur la PCR en temps réel
L’étude pionnière est celle de Devilard et al en 2002 (87). En utilisant des puces à ADN (micro-arrays), l’équipe a pu analyser le niveau d’expression d’environ 1000 gènes à partir de 21 biopsies au diagnostic ou la rechute de 20 patients (stades avancés ou localisés). Malgré le faible nombre d’échantillons, l’hétérogénéité des biopsies et l’absence de cohorte de validation, rendant les résultats de cette étude difficiles à interpréter, cette étude a apporté la notion que le profil d’expression génique contenait des signaux du microenvironnement tumoral pouvant être utilisés pour prédire la réponse au traitement. L’étude a démontré pour la première fois la faisabilité du profiling d’échantillons de biopsies de LHc en utilisant des puces à ADN, l’hétérogénéité transcriptionnelle et ainsi l’établissement d’une corrélation entre profil d’expression génique et pronostic.
Par la suite trois équipes se sont intéressées à la réponse tumorale après un traitement de première ligne en analysant des biopsies réalisées au diagnostic.
En 2006 l’équipe de Sanchez-Aguilera (88) a étudié 29 biopsies de patients de stades avancés III/IV, recevant un traitement standard type ABVD ou similaire (ABVD-like). La réponse au traitement a été classée en deux groupes : réponse favorable (rémission complète maintenue au delà de 12 mois), et réponse défavorable (absence de rémission, progression ou courte période avant rechute). La cohorte était intentionnellement biaisée avec sélection de 14 patients dans le groupe favorable et 15 patients dans le groupe défavorable. L’étude a permis l’identification de 145 gènes pertinents, classés en quatre groupes de signatures moléculaires : (1) Signature « T » (CD8B1, CD3D, CD26, SH2D1A), macrophages (ALDH1A1, LYZ, STAT1) et cellules dendritiques plasmacytoïdes (ITM2A). Cette signature était surexprimée dans le groupe défavorable. (2) Groupe hétérogène de gènes impliqués dans l’adhésion et le remodelage de la matrice extracellulaire (TIMP4, SPON1, LAMB1), des gènes impliqués dans la fonction des fibroblastes et le chimiotactisme (TACR1, CCL26) et des molécules exprimées par les cellules présentatrices d’antigène (CR1, HLA-DRB3) et par certaines cellules B (RTA2, VDR). Cette signature était surexprimée dans le groupe favorable. (3) et (4) Signatures surexprimées dans le groupe défavorable : (3) Groupe de gènes impliqués dans la régulation de l’apoptose (CYCS, CASP14, HSPA1L), la transduction du signal (PDCD10, PRKACB), le métabolisme et la croissance cellulaire (COX7A2, MYCN, DCK), (4) Gènes codant les protéines régulatrices du cycle cellulaire (MAD2L1, BUB1, STK6, CDC2, CHEK1). La signature moléculaire « macrophage » dans le groupe défavorable a été validée dans une cohorte de 235 patients par immunohistochimie pour STAT1 et ALDH1A1.
La deuxième étude est celle de Steidl et al en 2010 (89) qui ont également identifié une signature « Tumor Associated Macrophage » associée à un échec au traitement de première ligne, en étudiant 130 échantillons de patients atteints de LHc au diagnostic (stades localisés et avancés). Les résultats ont été validés dans une cohorte de 166 patients par IHC. A l’instar de Sanchez-Aguilera, Steidl a également utilisé une approche d’enrichissement de la cohorte avec des patients en rechute et/ou réfractaires.
La troisième étude est celle de Chetaille et al en 2009 (90) portant sur 63 échantillons de patients atteints de LHc. Une signature cellulaire B associée à un meilleur pronostic a été identifiée. Les résultats ont été validés par IHC dans une cohorte indépendante de 146 patients.
D’un point de vu moléculaire, à l’échelle individuelle les résultats de ces trois études diffèrent énormément, en effet les profils d’expression génique retrouvent des listes de gènes pertinents différentes, ces différences peuvent être expliquées par : la sélection des cohortes, le nombre variable d’échantillons, les tests statistiques utilisés et les plateformes de microarrays. En revanche, si l’on classe ces gènes en groupes de « signature moléculaire » reflétant des processus biologiques, on retrouve plus de similitude.
|
Table des matières
ABRÉVIATIONS
INTRODUCTION
I. CARACTERISTIQUES HISTOLOGIQUES
II. CELLULE D’ORIGINE
III. LYMPHOMAGENESE
1. Voies de signalisation
2. Facteurs de transcription
3. Lésions génétiques
4. Apoptose
5. Microenvironnement tumoral
6. Rôle du virus EBV
7. Cytokines
IV. PRESENTATION CLINIQUE ET EVALUATION PRE-THERAPEUTIQUE
V. TRAITEMENT
VI. LES NOUVEAUX MARQUEURS PRONOSTICS : LES BIOMARQUEURS
1. Etude du profil d’expression génique ou Gene Expression Profiling (GEP)
2. TEP-FDG et biomarqueurs
VII. PRINCIPE DE LA RT-MLPA COUPLEE AU SEQUENÇAGE NOUVELLE GENERATION (NGS)
1. Principe de la MLPA
2. Profil d’expression génique par RT-MLPA
OBJECTIF
MATERIELS ET MÉTHODES
I. ECHANTILLONS ET PATIENTS
II. EVALUATION DE LA REPONSE AU TRAITEMENT
III. RT-MLPA COUPLEE AU SEQUENÇAGE NGS
1. Principe général
2. Etape de RT-MLPA
3. Séquençage Illumina
4. Adaptation de la technique RT-MLPA au LHc
IV. IMMUNOHISTOCHIMIE
V. ANALYSE STATISTIQUE
RÉSULTATS
I. CARACTERISTIQUES CLINIQUES ET DEMOGRAPHIQUES
II. SURVIE GLOBALE (OS) ET SURVIE SANS PROGRESSION (PFS)
III. ANALYSE DE L’EXPRESSION GENIQUE GLOBALE
IV. CORRELATION ENTRE LES DONNEES D’IMMUNOHISTOCHIMIE ET DE TRANSCRIPTOME
V. DONNEE D’EXPRESSION GENIQUE DES GENES SIGNIFICATIFS
1. Sélection des gènes
2. Expression différentielle des gènes BCMA et MYC entre les groupes RC et RR
VI. COURBES DE SURVIE EN FONCTION DE L’EXPRESSION DE BCMA ET MYC
1. Gène BCMA
2. Gène MYC
VII. PROPOSITION D’UN ALGORITHME DE CLASSIFICATION
DISCUSSION
I. LA TECHNIQUE RT-MLPA « NGS » EST UNE APPROCHE INNOVANTE APPLIQUEE POUR LA PREMIERE FOIS AU LYMPHOME DE HODGKIN
II. LES DONNEES DE RT-MLPA « NGS » CORRELENT AVEC CERTAINES DONNEES IMMUNOHISTOCHIMIQUES
III. UN PROFIL D’EXPRESSION GENIQUE PERMET DE DIFFERENCIER LES PATIENTS EN RECHUTE ET/OU REFRACTAIRES DES PATIENTS EN REMISSION COMPLETE PROLONGEE.
IV. NOTRE ETUDE EST LIMITEE PAR UN FAIBLE EFFECTIF ET L’ABSENCE DE COHORTE DE VALIDATION
CONCLUSION
PERSPECTIVES
Télécharger le rapport complet