Principe de la méthode de la fluorescence
La fluorescence est un outil efficace d’analyse et d’investigation très utilisé dans des domaines variés. Dans l’agroalimentaire elle est utilisée pour la détermination du degré de toxicité et d’altération des produits. Dans le domaine médical et pharmaceutique la fluorescence permet l’analyse des liquides physiologiques (sang, plasma, urines, larmes, etc.), l’étude de la structure et l’ultra structure cellulaire notamment le séquençage de l’ADN, la recherche de drogues (dopage), le contrôle de la qualité des produits pharmaceutiques. Dans le domaine spatial, elle est utilisée pour la recherche des résidus organiques dans des poussières interstellaires et dans la récupération des engins spatiaux. Dans la technologie, elle sert à la production des lasers. Cette technique analytique repose sur l’émission d’une radiation lumineuse à partir d’un analyte (fluorophore) préalablement excité. Dans le cas où l’analyte n’émet pas, il est transformé en un dérivé fluorescent à l’aide d’un sensibilisateur approprié par une méthode de dérivatisation.
La spectroscopie de fluorescence
La fluorimétrie nécessite la maîtrise, de l’instrumentation utilisée, de la spectroscopie d’absorption et/ou de l’excitation et de l’émission de fluorescence. Elle demande aussi la prise en compte de tous les effets affectant le signal de fluorescence (solvants, pH, température, etc.) afin d’augmenter la sensibilité et la fiabilité des analyses.
Excitation et émission de fluorescence
Lors de l’émission de fluorescence comme dans l’absorption, la transition électronique est representée de façon verticale (principe de Franck Condon) car la durée de la transition est très petite (1 fs) devant le temps que mettraient les noyaux relativement lourds pour se déplacer (1 A° en 100 fs) [1-3]. Etant donné que l’énergie émise est inferieure à l’énergie absorbée, le spectre de fluorescence (b) est décalé vers le domaine des grandes longueurs d’onde par rapport au spectre d’excitation (a) (Fig. I.1). C’est le déplacement dit de Stokes.
Pour un même solvant, le pic d’émission ne change pas de position en faisant varier la longueur d’onde d’excitation. La variation de l’excitation se traduit simplement par une diminution de l’intensité d’émission ; ce qui permet de ne pas confondre le pic d’émission de fluorescence avec les pics de diffusion de Rayleigh et de Raman.
➤ Diffusion Rayleigh
L’intensité du pic dépend de la polarisabilité des molécules du solvant. Ces dernières réémettent dans toutes les directions une petite fraction de la lumière excitatrice pour des multiples entiers de la longueur d’onde de la radiation excitatrice [3].
➤ Diffusion Raman
L’intensité du pic est 100 à 1000 fois plus faible que celui de Rayleigh et sa position se trouve du côté des grandes longueurs d’onde car correspond au transfert d’une petite partie de l’énergie excitatrice aux molécules du solvant sous forme d’énergie vibrationnelle. Ensuite, ces molécules réémettent des photons de moindre énergie. La particularité de ce pic est que pour un même solvant, la différence d’énergie entre les photons absorbés et les photons réémis est une constante ; ce qui fait qu’en déplaçant la longueur d’onde d’excitation, le pic de Raman change de position [3,4].
Facteurs affectant le signal de fluorescence
La fluorescence (F) étant un processus compétitif, son intensité dépendra alors de l’importance relative des autres processus concurrents de désactivation de l’état excité décrits dans le diagramme de Jablonsky. Ainsi, la présence d’autres types de molécules favorise le transfert d’énergie (TE) au dépend de la fluorescence. Une élévation de température favorise les processus de désactivation non radiatifs: La relaxation vibrationnelle (rv) suivie d’une conversion interne (CI), la conversion intersystème (CIS), le transfert de l’énergie (TE) et les réactions photochimiques (R) avec des molécules du milieu. La somme des rendements quantiques de tous ces processus doit être égale à l’unité, soit : ΦF+ΦCI+ΦCIS+ΦTE+ΦR=1.
Le solvant, le pH, la concentration et la structure de l’analyte ont aussi des effets non négligeables sur le signal de fluorescence. C’est ainsi que la planéité et la rigidité des molécules sont favorables à l’émission de signal de fluorescence. D’autre part les composés insaturés comportant un système conjugué d’électrons π délocalisés sont en général fluorescents, contrairement aux molécules saturées qui subissent une prédissociation dans l’UV lointain. Ainsi, le phénol est très fluorescent alors que le cyclohexanol ne l’est pas. Les groupements électrodonneurs (-OH, CH3O-, -NH2, etc.) tendent à exalter le signal de fluorescence tandis que les groupements électroattracteurs (-NO2, -CO2H, -X, etc.) provoquent dans certains cas une extinction plus ou moins importante du signal [4].
Par conséquent, avant toute étude analytique, la prise en compte de tous ces facteurs est nécessaire [1,2,4].
Choix de la méthode fluorimétrique
La fluorimétrie possède quelques avantages sur les autres méthodes analytiques (la colorimétrie, la conductimétrie, la spectroscopie d’absorption (UV-VIS et IR), et la chromatographie (CCM, CPG et CLHP) directe (qui lie la masse du soluté à analyser à l’aire de son pic dans le chromatogramme) et celle couplée d’une détection UV-VIS et IR. La Fluorimétrie a l’avantage d’être plus sélective, plus spécifique et plus sensible [3,4].
➤ Sélectivité
Seuls certains types de molécules sont capables d’émettre un signal de fluorescence. Il est donc possible de doser des molécules fluorescentes, en présence d’autres molécules non fluorescentes qui interfèrent en absorption.
➤ Sensibilité
La fluorimétrie est souvent 10² à 10⁴ fois plus sensible que l’absorption uv-vis et son domaine de linéarité est 10³ fois plus grand. Elle permet de détecter des quantités minimales de substances de l’ordre du nano au picogramme, généralement plus basses que celles détectées en chromatographie en phase gazeuse.
➤ Spécificité
De nombreux composés organiques absorbent dans l’UV où il se pose d’énormes problèmes d’interférences. Il est possible que deux substances quelconques soient excitées par la même longueur d’onde, mais il est peu probable, quoi qu’il en soit, que ces deux substances émettent à la même longueur d’onde. Dans les cas critiques, il est possible par dérivatisation d’obtenir une émission loin de toute zone d’interférence.
La méthode de dérivatisation
C’est une technique qui permet de surmonter certaines difficultés rencontrées lors de l’étude analytique d’une substance. Elle est utilisée de façon générale pour deux raisons principales:
• Permettre l’analyse de composés volatils ou instables par transformation des groupements polaires des molécules volatiles (O-H, NH, S-H) en groupements moins polaires et plus stables.
• Accroître le comportement chromatographique d’une molécule (en augmentant son temps de rétention) ou sa détectabilité par absorption UV-VIS et/ou par fluorescence en le transformant à l’aide d’un sensibilisateur en un complexe détectable de préférence, loin de toute zone d’interférence. Un bon sensibilisateur doit remplir les conditions essentielles suivantes :
❖ avoir une réaction de dérivatisation quasi instantanée;
❖ avoir un rendement de la réaction de dérivatisation ≥95%;
❖ présenter peu ou pas d’interactions avec les autres molécules présent dans l’échantillon réel à analyser ;
❖ conduire à un dérivé stable ou à une stabilité suffisante pour procéder à une analyse. Dans le cas particulier du marquage fluorogénique, la réaction de dérivatisation est utilisée dans 2 cas spécifiques:
a) Pour l’analyse d’un composé fluorescent mais qui interfère avec des molécules du milieu: il est alors possible de transformer ce composé à l’aide d’un sensibilisateur approprié par une réaction chimique spécifique, totale et rapide, en un dérivé émettant à une longueur d’onde éloignée de la zone d’interférence.
b) Pour rendre fluorescent un analyte non fluorescent : dans ce cas, il est possible de transformer le composé en un dérivé permettant d’observer une fluorescence, à l’aide d’un traitement spécial (chimique, thermique, photochimique, etc.) avec un sensibilisateur déjà fluorescent ou non, mais conduisant à un dérivé fluorescent. Dans le cas des amines en général et de l’histamine en particulier, le dérivé fluorescent est obtenu par voie chimique au moyen d’une réaction simple (amidation, substitution nucléophile, etc.) grâce à l’usage de réactifs parmi lesquels nous avons : la fluorescamine, l’orthophthalaldéhyde (OPA), le chlorure ou le fluorure de NBD, le chlorure de dansyl, etc.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
I. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I.A. PRINCIPE DE LA METHODE DE LA FLUORESCENCE
I.A.1. LA SPECTROSCOPIE DE FLUORESCENCE
I.A.1.1. Excitation et émission de fluorescence
I.A.1.2. Facteurs affectant le signal de fluorescence
I.A.1.3. Description quantique d’un fluorophore
I.A.1.4. Analyse quantitative
I.A.1.5. Choix de la méthode fluorimétrique
I.A.2. LA METHODE DE DERIVATISATION
I.A.2.1. La Fluorescamine
I.A.2.2. L’OPA et le NDA
I.A.2.3. Le chlorure de Dansyl et autres chlorures
I.A.2.4. Les dérivés NBD
I.A.3. EFFETS DU SOLVANT SUR LA FLUORESCENCE
I.A.3.1. Les différents types de solvant
I.A.3.2. Effet solvatochromique d’un solvant
I.A.3.3. Effet hyperchrome et hypochrome du solvant
I.A.4. EFFET DES MICELLES SUR LA FLUORESCENCE
I.A.4.1. Molécule tensioactive
I.A.4.2. Structure des micelles
I.A.4.3. La concentration micellaire critique (cmc)
I.A.4.4. Effets micellaires
I.B. PRODUCTION ET MODE D’ACTION D’HISTAMINE
I.B.1. PRODUCTION DE L’HISTAMINE
I.B.2. MODE D’ACTION DE L’HISTAMINE
I.B.3. LES METHODES DE DOSAGE DE L’HISTAMINE
I.B.3.1. Méthodes de dosage indirectes
I.B.3.2. Les méthodes de dosage direct
II. TECHNIQUES EXPERIMENTALES
II.A. PRODUITS UTILISES
II.A.1. LES SOLVANTS
II.A.1.1. Solvant polaire protique
II.A.1.2. Solvant aprotique
II.A.2. LES REACTIFS ANALYTIQUES
II.A.3. LES REACTIFS D’EXTRACTION
II.A.4. LES SURFACTANTS
II.A.4.1. Propriétés des surfactants
II.B. INSTRUMENTATION
II.B.1. SPECTRE UV-VISIBLE
II.B.2. SPECTRE DE FLUORESCENCE
II.B.3. SPECTRE INFRA ROUGE (IR)
II.B.4. SPECTRE DE MASSE
II.B.5. EXTRACTION DE L’HISTAMINE
II.B.6. TRAITEMENT DES RESULTATS
II.C. PROCEDURE EXPERIMENTALE
II.C.1. PREPARATION DES SOLUTIONS
II.C.2. METHODES DE MESURE
II.C.3. PROCEDURES D’EXTRACTION DE L’HISTAMINE
III. RESULTATS ET DISCUSSIONS
CHAPITRE III.A. LE DERIVE HISTAMINE-FLUORESCAMINE
III.A.1. REACTION DE CONDENSATION
III.A.2. FACTEURS AFFECTANT LA REACTION DE CONDENSATION
III.A.2.1. Le milieu aqueux
III.A.2.2. Ordre d’ajout des réactifs
III.A.2.3. La concentration de la fluorescamine
III.A.2.3.1. Stœchiométrie du complexe histamine-fluorescamine
III.A.2.3.2. Optimisation de la concentration de la fluorescamine
III.A.3. ETUDE SPECTROSCOPIQUE DU COMPLEXE HISTAMINE-FLUORESCAMINE
III.A.3.1. Spectroscopie d’absorption uv-vis
III.A.3.1.1. Absorption uv-vis de l’histamine
III.A.3.1.2. Absorption uv-vis de la fluorescamine
III.A.3.1.3. Absorption uv-vis du complexe histamine-fluorescamine
III.A.3.2. Spectroscopie de fluorescence
III.A.3.3. Diagramme énergétique du dérivé fluorophore
III.A.3.4. Spectroscopie infra Rouge (IR)
III.A.3.4.1. Spectres IR de l’histamine
III.A.3.4.2. Spectres IR de la fluorescamine
III.A.3.4.3. Le spectre IR du dérivé fluorophore
III.A.3.5. Chromatographie en phase gazeuse
III.A.3.6. spectrométrie de masse
III.A.3.6.1. Spectre de masse du pic à 1,56 min
III.A.3.6.2. Spectre de masse du pic à 2.125 min
III.A.3.6.3. Spectre de masse du pic à 3,358 min
CHAPITRE III.B. EFFETS DE SOLVANT
III.B.1. EFFET DE SOLVANTS SUR LES SPECTRES D’EXCITATION ET D’EMISSION
III.B.2. EFFET SOLVATOCHROMIQUE ET HYPERCHROMIQUE
III.B.2.1. Effet solvatochromique
III.B.2.2. Effet hyper ou hypochromique
III.B.2.2.1. Effet de l’indice de réfraction
III.B.2.2.2. Effet de la constante diélectrique ε sur la fluorescence
III.B.2.2.3. Effet du moment dipolaire sur la fluorescence
III.B.3. INTERACTION SOLVANT-SENSIBILISATEUR
III.B.4. EFFET DE L’IRRADIATION DE LA LAMPE EN XENON
III.B.5. CALIBRATION POUR LE DOSAGE DE L’HISTAMINE
III.B.5.1. Calibration dans l’eau
III.B.5.2. Calibration dans l’acétonitrile
III.B.5.3. Calibration dans l’éthanol
III.B.6. ANALYSE D’ECHANTILLONS REELS
III.B.6.1. Solvant eau
III.B.6.2. Solvant acétonitrile
III.B.6.3. Solvant éthanol
III.B.7. PERFORMANCE ANALYTIQUE
CHAPITRE III.C. DOSAGE EN SOLUTIONS TENSIOACTIVES
III.C.1. DOSAGE EN SOLUTION MICELLAIRE AQUEUSE
III.C.1.1. Effet du solvant micellaire sur les spectres
III.C.1.2. Optimisation des conditions opératoires
III.C.1.2.1. Optimisation du pH en solution micellaire aqueuse
III.C.1.2.2. La stabilité du complexe (Etude cinétique) faible
III.C.1.2.3. Effet de la concentration micellaire
III.C.1.2.3.1. Effet de la variation de la concentration de Brij-700
III.C.1.2.3.2. Effet de la concentration de SDS
III.C.1.2.3.3. Effet de la concentration de CTAC
III.C.1.2.4. Effet de la concentration de NaCl
III.C.1.3. Courbes de calibration
III.C.1.3.1. Calibration dans l’eau
III.C.1.3.2. Calibration dans le BRIJ-700
III.C.1.3.3. Calibration dans le SDS
III.C.1.3.4. Calibration dans le CTAC
III.C.1.4. Application analytique
III.C.1.4.1. Dosage d’échantillons réels de poissons
III.C.1.4.2. Performance Analytique
III.C.2. LES TENSIOACTIFS EN MILIEU ORGANIQUE
III.C.2.1. Fluorescence en milieux tensioactifs
III.C.2.1.1. Préparation de l’échantillon
III.C.2.1.2. Effet de solvant sur les spectres
III.C.2.2. Optimisation de la concentration de CTAC
III.C.2.3. Effet de NaOH et HCl
III.C.2.4. Etude Cinétique
III.C.2.5. Calibration en solution tensioactive
CHAPITRE III.D. AVANTAGES ET INCONVENIENTS DE NOTRE METHODE
III.D.1. ETUDE COMPARATIVE
III.D.1.1. Sensibilité et stabilité comparative
III.D.1.2. Effet du pH en milieu binaire eau-méthanol
III.D.1.3. Comparaison de nos résultats avec les autres méthodes
CONCLUSION GENERALE