Principe de la méthode Array CGH

Nouvelles méthodes de cytogénétique moléculaire : ARRAY CGH

Principe de la méthode Array CGH

Une puce ADN est un support de quelques centimètres cubes, le plus souvent en verre ou en silice, sur lequel est déposé un grand nombre de fragments correspondants à des séquences d’ADN humain, appelées « marqueurs », répartis sur l’ensemble du génome. Plus le nombre de marqueurs est élevé, plus la résolution de la puce est grande et des anomalies de plus petites tailles pourront être décelées.

La technique d’analyse des chromosomes sur puce ADN la plus utilisée est l’Array CGH pour array comparative genomic hybridization (hybridation génomique comparative sur puce, qu’il est possible de traduire en français par hybridation génomique comparative sur microréseau d’ADN).
Il s’agit de comparer l’ADN du patient étudié avec l’ADN d’un témoin (ADN de référence). Si une région chromosomique est délétère, elle va apparaître en moindre nombre chez le patient par rapport au témoin. A noter par conséquent que seules les anomalies dites « déséquilibrées » sont détectées avec cette technique à l’inverse des anomalies dites « équilibrées » telles les translocations ou les inversions.

Initialement, l’ADN du patient est extrait de cellules vivantes, le plus souvent des lymphocytes sanguins. Dans un second temps, l’ADN du patient (marqué) par incorporation d’un fluorochrome (rouge par exemple) et l’ADN de référence est marqué par un second fluorochrome d’une couleur différente (vert). Ces deux ADN sont ensuite déposés sur la puce pour l’étape d’hybridation au cours de laquelle les ADN vont se fixer de façon spécifique sur la séquence d’ADN complémentaire présente sur la puce.
La présence simultanée de l’ADN du patient et de l’ADN du témoin va entraîner une compétition entre ces deux ADN. Une région chromosomique surreprésentée sur un des ADN se fixera de façon plus importante sur les marqueurs correspondants. Enfin, la lecture de la puce s’effectue à l’aide d’un scanner qui détermine les rapports d’intensité entre chaque fluorochrome et compare ainsi le nombre de copies de chaque ADN (patient et référence) au niveau de chaque marquer étudié.

L’analyse recherche la différence de nombre de copies (CNV pour copy number variation) entre le patient et la référence. Ces CNV peuvent être en perte (délétion): il manque une partie de la séquence nucléotidique chez le patient ou enregistre un gain (duplication) : il y a une portion de séquence nucléotidique supplémentaire chez le patient [7, 21].

L’Array n’est pas la seule technique d’analyse des chromosomes sur puce ADN : d’autres types de puces, dites « puces SNP » sont également utilisées [21].

Un SNP pour « single nucleotide polymorphism » désigne une variation de la séquence d’ADN entre les individus d’une même espèce au niveau d’un nucléotide unique [7, 18]. Le génome humain comporte des millions de SNP répartis sur tous les chromosomes, la grande majorité d’entre eux n’ont pas d’effet pathogène.

Le puces SNP sont des puces ADN comme celles de l’Array CGH, à la différence près de chaque fragment d’ADN présent sur la puce correspond à un SNP. Elles permettent donc de déterminer non seulement le nombre de copies d’ADN au niveau du marqueur chromosomique étudié, mais également le génotype du SNP correspondant [7, 22].

Applications de l’Array CGH dans les pathologies constitutionnelles en période postnatale :

Le retard mental (RM) touche 3% de la population et l’étiologie n’est identifiée que dans la moitié des cas seulement [23, 24].

Alors que le caryotype standard détecte une anomalie chromosomique chez 9,5% des patients avec retard mental, de nombreuses études ont montré que l’Array CGH pouvait identifier des déséquilibres chromosomiques (génomiques) chez 5 à 17 % des patients, dont le caryotype était préalablement considéré comme normal [7, 24].

Ainsi, la recherche de déséquilibre chromosomique chez les patients atteints de RM associé ou non à des malformations congénitales est devenue la principale application diagnostique de l’Array CGH. Bien que sa prescription reste soumise à l’avis spécialisé d’un généticien, l’Array CGH fait désormais partie intégrante du bilan étiologique des RM .

Par ailleurs, l’Array CGH est une aide précieuse dans la caractérisation d’anomalies chromosomiques difficiles à appréhender par les techniques conventionnelles, comme les réarrangements chromosomiques complexes (définis par 3 points de cassure ou plus) et les marqueurs chromosomiques surnuméraires (fragments chromosomiques additionnels trop petits pour être caractérisés de façon ambigüe par le caryotype seul) [25, 26].

Enfin, l’étude d’un grand nombre de patients par cette technique a permis de mettre en évidence des anomalies chromosomiques récurrentes jusqu’alors inconnues et d’y associer des syndromes cliniquement identifiables. Par exemple, la microdélétion du bras long du chromosome 17 en 17q21.31 a été découverte en 2006 (27). Elle est associée au RM, dysmorphie faciale, retard de langage, hypotonie, convulsions et malformations cardiaques et rénales.

Les anomalies chromosomiques

Epidémiologie

L’impact des anomalies chromosomiques sur la morbidité et la mortalité est significatif. Les anomalies de nombre sont plus fréquentes que les anomalies de structure . Ces dernières peuvent être responsables de récidive au sein de la même famille. Les anomalies autosomiques sont plus fréquentes que les anomalies gonosomiques du fait que le retentissement phénotypique est plus important pour les autosomes [1].

On estime qu’un tiers des avortements spontanés sont d’origine chromosomique [28]. Elle est de 50 % pour les avortements survenant entre la huitième et onzième semaine de gestation. L’anomalie la plus incriminée est la monosomie X (20 % de toutes les anomalies), puis survient la triploïdie (17 %). La trisomie 16 est la plus fréquente des trisomies autosomiques à l’origine des avortements spontanés [6, 28].

Parmi les mort-nés, 5 % sont porteurs d’une anomalie chromosomique (10 % parmi les mort-nés macérés) [29]. Les anomalies les plus fréquemment incriminées sont par ordre décroissant les trisomies 13, 18 et 21, puis les aneuploïdies des chromosomes sexuels et enfin les anomalies de structure [1].
On estime actuellement que près de 1 % des nouveau-nés vivants ont une anomalie chromosomique et que près de la moitié d’entre eux ont un retentissement phénotypique. La trisomie 21 est la plus fréquente (un nouveau-né vivant sur 650) [28, 29].

Les anomalies de nombre

Par définition, les anomalies de nombre affectent le nombre de chromosomes et non leur structure qui demeure normale [6].
L’espèce humaine possède 46 chromosomes et est caractérisée d’une diploïdie à l’état normal : deux lots haploïdes.

Les aneuploïdies

Elles peuvent être homogènes, présentes dans toutes les cellules de l’organisme, ou en mosaïque (30). Lorsqu’elles sont homogènes, elles résultent le plus souvent d’une non-disjonction méiotique et peuvent se traduire par une trisomie (présence d’un chromosome normal surnuméraire) ou une monosomie (perte d’un chromosome) [1, 6].On parle alors d’aneuploïdie. Une non-disjonction est définie par le fait que deux chromosomes migrent vers le même pôle lors de l’anaphase et passent ensemble dans la même cellule fille, au lieu de migrer chacun dans une cellule fille [6, 31]. Cette non-disjonction peut se produire lors d’une division méiotique maternelle ou paternelle. Elle peut concerner deux chromosomes homologues, lors de la première division méiotique, ou deux chromatides soeurs. Dans le premier cas, le gamète reçoit un chromosome de chacun des parents (maternel et paternel) et dans le second deux exemplaires d’un même chromosome parental (paternel ou maternel) [31]. Ces deux copies ne seront cependant pas génétiquement identiques du fait des recombinaisons qui se reproduisent en début de la méiose [31, 32].

L’étude des polymorphismes de l’ADN permet dans la majorité des cas de distinguer entre les différentes possibilités et a montré le rôle majeur des non-disjonctions d’origine maternelle. L’âge maternel est le principal facteur étiologique favorisant les non-disjonctions (28,33).
Les trisomies autosomiques les plus susceptibles d’être observées à la naissance sont les trisomies 21, 18 et 13 et la trisomie 8 en mosaïque [33]. Les trisomies des chromosomes sexuels sont très fréquentes, et portent aussi bien sur l’X que sur l’Y : 47,XXX ;47,XXY ;47,XYY. On peut également voir des anomalies de nombre plus importantes : 48,XXXX, etc. [34].

Les monosomies autosomiques sont rarement observées à la naissance du fait, sans doute, de leur élimination dès les premiers stades de la vie embryonnaire. Pour ce qui concerne les chromosomes sexuels, la monosomie X est responsable du syndrome de Turner [35].
Les anomalies de nombre en mosaïque sont particulièrement fréquentes dans le cas des chromosomes sexuels. Elles sont caractérisées par la présence d’au moins deux clones différents et résultent d’une non-disjonction post-zygotique. Le zygote d’origine peut être porteur d’une anomalie de nombre. Dans ce cas, la correction d’une monosomie ou d’une trisomie peut être à l’origine d’une disomie uniparentale [35, 36].

Les mosaïques dérivent d’un zygote unique alors que les chimères dérivent de deux zygotes et peuvent être dues à des accidents de la fécondation proprement dite, tels que la double fécondation.

Les poliploïdies

Les polyploïdies correspondent à un nombre anormal de lots haploïdes entiers. Le plus fréquent est la triploïdie, caractérisée par la présence de trois lots haploïdes de chromosomes : 69,XXX ou XXY ou XYY. Elles sont rares chez l’enfant vivant et fréquentes dans les avortements spontanés. Les poliploïdies sont dues à des accidents de la fécondation : une digynie ou une diandrie (36,38).

Les anomalies de structure

Les anomalies de structure sont la conséquence de cassures chromosomiques suivies par un ou plusieurs recollements anormaux. Par définition, les trisomies et les monosomies partielles résultent de remaniements de structure [6].

Les anomalies de structure peuvent affecter un chromosome ou deux chromosomes, homologues ou non homologues, parfois davantage [6, 39].

Elles peuvent être équilibrées ou non équilibrées. Les anomalies équilibrées n’entraînent pas de déséquilibre du matériel chromosomique et n’ont habituellement pas d’effet phénotypique. Une situation très particulière est celle où la cassure en interrompant un gène entraîne une maladie génétique correspondante.
Les anomalies équilibrées peuvent entraîner, lors de la méiose, la formation de gamètes déséquilibrés donnant des zygotes anormaux, ce qui se traduira par la survenue d’avortements ou par la naissance d’enfants porteurs d’anomalies congénitales [6]. Les anomalies non équilibrées peuvent survenir de novo (délétions ou translocations non équilibrées de novo, etc.) ou être la conséquence d’un remaniement parental équilibré.

Aberrations portant sur un chromosome

Délétions (del) 

Elles résultent d’une cassure chromosomique avec perte du segment distal (délétion terminale) ou de deux cassures sur un même bras chromosomique avec perte du segment intercalaire (délétion intercalaire). Les délétions terminales supposent un mécanisme de restitution d’un télomère pour assurer la stabilisation du chromosome [6].
Les délétions surviennent le plus souvent de novo. Une minorité (10 à 15 %) résulte de la malségrégation d’un remaniement parental équilibré ; elles s’accompagnent généralement dans ce cas d’une trisomie pour un autre chromosome (duplication/déficience).

Inversions (inv)

Elles sont dues à deux cassures sur le même chromosome, suivies de recollement après inversion du segment intermédiaire [29].
Elles sont dites péricentriques si le centromère est compris dans le segment intermédiaire. Elles sont dites paracentriques si les deux cassures se sont produites sur le même bras chromosomique [29].

Ces inversions sont des remaniements équilibrés mais elles entraînent au moment de la méiose des difficultés d’appariement. Il y a plus souvent formation d’une boucle d’appariement. La formation d’une recombinaison dans le segment inversé entraîne la formation de gamètes anormaux par duplication/déficience.
Ces duplications/déficiences portent sur les segments distaux par rapport aux points de cassure. Plus ces segments sont grands, plus grande est la létalité ; le risque de voir naître un enfant malformé viable est alors très faible. Pour les inversions paracentriques, les segments en duplication/déficience incluent le centromère : les chromosomes recombinés seront dicentriques ou monocentriques, et donc peu susceptibles de donner un zygote viable.

Inversions (inv)

Elles sont dues à deux cassures sur le même chromosome, suivies de recollement après inversion du segment intermédiaire.

Elles sont dites péricentriques si le centromère est compris dans le segment intermédiaire. Elles sont dites paracentriques si les deux cassures se sont produites sur le même bras chromosomique.

Ces inversions sont des remaniements équilibrés mais elles entraînent au moment de la méiose des difficultés d’appariement. Il y a plus souvent formation d’une boucle d’appariement. La formation d’une recombinaison dans le segment inversé entraîne la formation de gamètes anormaux par duplication/déficience.

Ces duplications/déficiences portent sur les segments distaux par rapport aux points de cassure. Plus ces segments sont grands, plus grande est la létalité ; le risque de voir naître un enfant malformé viable est alors très faible. Pour les inversions paracentriques, les segments en duplication/déficience incluent le centromère : les chromosomes recombinés seront dicentriques ou monocentriques, et donc peu susceptibles de donner un zygote viable.

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Table des matières

INTRODUCTION
PATIENTS ET MÉTHODES 
I. Objectifs de l’étude
II. Type de l’étude
III. Critères d’inclusion
IV. Critères d’exclusion
V. Recueil des données
VI. Considérations éthiques
RÉSULTATS 
I. Fréquence des anomalies chromosomiques
II. Fréquence selon l’âge
III. Fréquence selon le sexe phénotypique
IV. Fréquence selon l’âge maternel
V. Les données généalogiques
VI. Fréquence selon les motifs de référence
VII. Le conseil génétique
VIII. Fréquence selon le médecin référent
IX. Fréquence selon l’origine
X. Le devenir des patients avec caryotype normal
DISCUSSION 
I. Histoire de la cytogénétique
II. L’étude des chromosomes
1. Technique de cytogénétique conventionnelle : le caryotype humain
2. Cytogénétique moléculaire
III. Les anomalies chromosomiques
1. Epidémiologie
2. Les anomalies de nombre
3. Les anomalies de structure
4. Les aspects cliniques des principales anomalies chromosomiques
IV. Conseil génétique
V. Le diagnostic prénatal, préimplantatoire et la loi d’interruption de la grossesse au Maroc
VI. Discussion des résultats de l’étude
1. La fréquence des anomalies chromosomiques
2. L’anomalie chromosomique et âge maternel
3. Anomalies chromosomiques et données généalogiques
4. Selon la tranche d’âge
5. Selon le sexe phénotypique
6. Selon le motif de référence
7. Conseil génétique
CONCLUSION
ANNEXES 
RÉSUMÉS
BIBLIOGRAPHIE

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