Principe de fonctionnement d’une batterie au lithium
Une batterie de type Li-ion, initialement commercialisée par Sony en 1991, est composée d’une électrode positive, d’un séparateur polymère et d’une électrode négative. Un électrolyte liquide assure le transport des ions Li+ d’une électrode à l’autre et il est composé d’un mélange de carbonates organiques dans lequel un sel de lithium (LiPF6) est dissout. Chaque électrode est constituée d’un matériau actif (siège des réactions électrochimiques), d’un liant (polymère qui assure la cohésion entre les particules au sein de l’électrode) et de carbone (qui assure la conductivité électronique dans l’électrode). Le matériau actif de l’électrode positive est un oxyde lamellaire comme le LiCoO2 ou le LiNi0,33Mn0,33Co0,33O2, spinelle comme le LiMn2O4 ou un polyanionique comme le LiFePO4. Celui de l’électrode négative est le graphite (pouvant être mélangé à une certaine quantité de SiOx, SiC ou Si) ou le Li4Ti5O12[1]. La Figure I.1 présente schématiquement le principe de fonctionnement d’une batterie Li-ion. Lors de la charge, le matériau actif de l’électrode positive s’oxyde ( ?????2 → ??1−????2 + ???+ + ??−) et le matériau actif négatif se réduit (?6 + ???+ + ??− → ????6). Lors de la décharge, on observe les processus inverses. Le problème majeur des batteries Li-ion réside dans l’électrolyte qui est inflammable. De plus, le sel de lithium LiPF6 peut conduire à la formation du gaz extrêmement toxique HF, s’il est exposé à l’humidité. Pour augmenter la densité d’énergie, une solution est d’utiliser une électrode négative de lithium métallique. Cependant, la formation rapide des dendrites, menant à un court-circuit, la rend jusqu’ici difficile à envisager.
Par comparaison, une batterie lithium tout solide ne contient pas d’électrolyte liquide. L’électrolyte est un matériau solide conducteur de ions lithium qui n’est pas inflammable et qui est stable sur une large gamme de températures et de potentiel. Les matériaux actifs sont les mêmes (on peut également envisager d’utiliser des matériaux de cathode haut potentiel qui ne seraient pas stable dans un électrolyte liquide) sauf pour l’électrode négative pour laquelle le lithium est envisagé. Dans ce cas, les ions lithium se déposent sur l’électrode négative lors de la charge et s’en extraient lors de la décharge. Il existe deux types de batteries tout solide : les microbatteries (pour carte électronique par exemple) et les batteries massives. Dans ce travail nous discuterons exclusivement des batteries massives.
Les batteries tout solide
Les électrolytes
Depuis l’étude des solides Ag2S et PbF2 par Michael Faraday dans les années 1830, de nombreux électrolytes solides ont été découvert et étudiés[3]. On peut citer l’alumine β, matériau conducteurs des ions Na+ et l’oxyde de polyéthylène (PEO) qui associé à un sel de lithium conduit les ions Li+[4,5]. Depuis la fabrication du LIPON dans les années 90, beaucoup de travaux ont permis de développer des électrolytes solides inorganiques conducteurs des ions lithium comme la famille des perovskites[6], la famille des supers conducteurs ioniques du sodium (NASICON)[7], la famille des grenats[8] ou encore celle des sulfures[9]. Pour une application dans les batteries tout solide, les électrolytes solides ne doivent pas seulement posséder une conductivité ionique élevée, mais aussi être stables sur une large fenêtre de potentiel, être isolants électroniquement, chimiquement compatibles avec les autres composants de la batterie et posséder une très bonne stabilité thermique. La Figure I.2 regroupe les avantages et les inconvénients des oxydes, des sulfures et des polymères. Les oxydes présentent l’avantages d’avoir une bonne conductivité ionique (jusqu’à 10-3 S.cm-1 à température ambiante), une excellente sélectivité, ils sont stables sur une très large gamme de températures et sont assez stables chimiquement. Leur intégration dans un procédé de fabrication est cependant difficile[10–12]. Les sulfures ont quant à eux une excellente conductivité ionique (jusqu’à 2 × 10-3 S.cm-1 à température ambiante) et une excellente sélectivité. La ductilité de ces matériaux les rend facile à densifier par l’application d’une pression de plusieurs centaines de MPa à température ambiante. Ainsi les procédés de mise en forme sont plus faciles que ceux impliquant les oxydes qui nécessitent des températures de densification élevées (environ 1000 °C). Malgré ces avantages, la mauvaise stabilité chimique et électrochimique de ce type de matériaux demeure un problème[12,13]. Les électrolytes de type polymère sont eux facile à intégrer dans des procédés de fabrication déjà existants. C’est ici leur seul avantage puisqu’ils ont une mauvaise conductivité à température ambiante, ils sont peu stables chimiquement, électrochimiquement et thermiquement, et ils ont une mauvaise sélectivité ionique[14]. On peut retrouver également la famille des hybrides, c’est-à dire un mélange d’un électrolyte polymère et d’un électrolyte inorganique. La combinaison des deux types d’électrolyte pourrait idéalement améliorer les propriétés, notamment améliorer l’intégration d’un électrolyte céramique dans un procédé de fabrication simple et peu coûteux. Cependant les électrolytes hybrides souffrent des inconvénients des deux familles ce qui les rends finalement peu attractifs à l’heure actuelle[15].
Les principaux électrolytes solides inorganiques qui sont envisagés pour les batteries tout solide sont les oxydes à structure perovskites, NASICON, les grenats et les sulfures. Notons que le LIPON qui a une conductivité de l’ordre de 10-6 S.cm-1 est utilisé dans les microbatteries tout solide (déposition du LIPON par pulvérisation au magnétron). Bien que la conductivité de la pervoskite Li3xLa2/3-xTiO3 soit excellente (jusqu’à 10-3 S.cm-1 à température ambiante), les ions Ti4+ sont réduits en Ti3+ au contact du lithium ce qui empêche son utilisation avec du lithium métallique[6]. La structure des matériaux de type NASICON de formule NaA2(PO4)3 (AIV = Ge, Ti ou Zr) est constituée de tétraèdres PO4 et d’octaèdres AO6 formant un réseau de diffusion 3D[7,17]. Deux sites sont occupés par les ions Na+, M1 et M2 en position 6b et 18e respectivement, et les ions diffusent sur l’axe c d’une position à l’autre. Le composé analogue LiTi2(PO4)3 (LTP) a été synthétisé par Delmas et co-auteurs en 1988. Ce composé présente une symétrie rhomboédrique de groupe d’espace ?3̅? et une conductivité ionique de 2,0 × 10-6 S.cm-1 à 25°C[18,19]. La taille des tunnels de diffusion peut être ajustée par changement du cation tétravalent. Le matériau LiTi2(PO4)3 présente la conductivité ionique la plus élevée parmi la série A = Ge, Ti, Hf [20]. La conductivité du matériau peut être augmentée par dopage avec un cation trivalent notamment à l’aluminium afin d’obtenir le matériau Li1,3Al0,3Ti1,7(PO4)3 (LATP) ayant une conductivité ionique de 7 × 10-4 S.cm-1 [21]. Cependant, ce matériau est instable vis-à-vis du lithium métallique. En effet, les ions Ti4+ peuvent facilement être réduits en Ti3+ par le lithium entraînant une dégradation de l’interface électrolyte/lithium [22,23]. Le matériau analogue Li1+xAlxGe2-x(PO4)3 présente l’avantage d’être stable sur une plus large fenêtre de potentiel ce qui en fait un électrolyte solide prometteur[24,25]. Les grenats, qui seront abordés plus en détail dans le chapitre 3, ont été découverts en 1969[26] et de nombreux matériaux dérivés ont par la suite montré une conductivité ionique élevée (jusqu’à 10-3 S.cm-1 ) à température ambiante[27]. Kanno et co-auteurs ont obtenu plusieurs matériaux de type thio-LISICON, notamment Li4+x+δ(Ge1-δ’-xGax)S4 qui présente une conductivité ionique de 6,5 × 10-5 S.cm-1 à 25°C et une excellente stabilité électrochimique (jusqu’à 5V vs Li/Li+)[28]. D’autres composés du système Li2S GeS2-P2S5 (LGPS) ont été proposés par Kanno. De formule générale Li4-xGe1 xPxS4, le matériau obtenu pour x=0,75 possède la plus haute conductivité ionique de 2,2 × 10-3 S.cm-1 à 25°C[29]. Parmi les électrolytes polymères, le PEO (associé à un sel de lithium) a été largement étudié. Il a l’avantage d’être flexible et d’avoir une bonne stabilité chimique et électrochimique pour un polymère[30]. Cependant sa conductivité ionique à température ambiante est faible (10-7 S.cm-1 ). En effet, les masses moléculaires étudiées jusqu’ici ne permettent pas d’éviter la cristallisation du polymère à température ambiante[31]. En effet les phases amorphes du PEO sont plus conductrices ioniques que les phases cristallines. Par ajout d’un matériau inorganique, la température de transition vitreuse peut être diminuée ce qui permet de limiter la cristallisation du polymère[32–34]. On parle alors d’électrolyte hybride. Lorsque le PEO est mélangé à un matériau inorganique conducteur des ions lithium (on parle de « filler »), la faible conductivité ionique du polymère est augmentée (10 5 – 10-4 S.cm-1 à 30°C) [35–37]. L’origine de l’amélioration des propriétés de conduction reste floue et semble être principalement liée à une diminution de la cristallinité du polymère. Des résultats similaires sont obtenus en mélangeant des PEO avec des oxydes non conducteurs comme les silices et les alumines[38– 40].
Verrous technologiques
De nombreux verrous technologiques restent encore à lever pour que cette technologie passe du laboratoire à la fabrication à grande échelle. Le contrôle des interfaces, dans l’électrodes positive et entre l’électrolyte solide et le lithium, est primordial pour assurer de faibles résistances et de longues durées de vie. Les variations de volumes des matériaux positifs au cours de l’intercalation désintercalation électrochimique du lithium dans leur structure mènent à des pertes de contact entre les particules du matériau actif et les particules d’électrolyte solide augmentant ainsi la résistance[41]. Côté négatif, la formation de dendrites est également observée, due à une distribution hétérogène du champ électrique à l’interface causée par des interfaces électrolyte/Li et électrolyte/positive de mauvaises qualités[42]. La compatibilité chimique et électrochimique entre l’électrolyte solide et les matériaux de l’électrode positive est également un point clé. Par exemple, l’électrolyte solide polymère PEO/LiTFSI utilisé dans les batterie LMP® est stable sur une fenêtre de potentielle limitée (jusqu’à 4,2 V versus Li/Li+) et est alors surtout utilisé avec du LiFePO4[43]. Pour faciliter les procédés de fabrication et limiter leur coût, il est préférable d’avoir des électrolytes solides stables dans une atmosphère sèche (<100 ppm H2O). Les électrolytes de types sulfures, qui présentent une excellente conductivité ionique, sont sensibles à l’humidité et peuvent former le gaz extrêmement toxique H2S. Les procédés impliquant les électrolytes de type sulfure doivent ainsi être mis en place dans une atmosphère extrêmement sèche. Les électrolytes de types oxydes présentent une meilleure stabilité chimique, en particulier le Li7La3Zr2O12 qui est stable sur une large fenêtre de potentiel, relativement stable à l’humidité, compatible avec un bon nombres de matériaux d’électrode positive et surtout il est stable au contact du lithium[44]. Le principal inconvénient des oxydes est leur intégration dans les procédés de fabrication à cause de leurs températures de densification élevée (>1000 °C)[44]. De nouveaux procédés de densification innovants doivent être développés afin de rendre ce type d’électrolyte plus attractif.
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Table des matières
Introduction
Bibliographie
Chapitre I
I. Principe de fonctionnement d’une batterie au lithium
II. Les batteries tout solide
1. Les électrolytes
2. Verrous technologiques
3. Prototypes actuels de batterie tout solide
III. Conclusion et perspectives
Bibliographie
Chapitre II
I. Principe général
1. Circuit en courant continu
2. Circuit en courant alternatif
3. Modélisation et représentation
4. Conditions de l’analyse d’impédance
II. Propriétés électriques d’un solide
1. Relaxation diélectrique dans les matériaux
2. Distribution des temps de relaxation
3. Conductivité et diffusion dans un électrolyte solide
III. Interfaces et préparation de l’échantillon
IV. Interprétation des spectres d’impédance des conducteurs ioniques
V. Conclusion
Bibliographie
Chapitre III
I. État de l’art
1. Caractéristiques structurales
2. Synthèse
3. Interface avec le lithium.
4. Conclusion intermédiaire et présentation des objectifs
II. Méthode
III. Résultats et discussion
1. Structure et microstructure du LLZO
2. Propriétés de conduction du lithium des pastilles de LLZO.
3. Etude de l’interface LLZO/Li
IV. Conclusion
Bibliographie
Chapitre IV
I. État de l’art
1. Introduction
2. Mécanisme
3. Frittage à froid de conducteurs des ions lithium : Li1,5Al0,5Ge1,5(PO4)3 (LAGP) et Li1,3Al0,3Ti1,7(PO4)3 (LATP)
4. Frittage à froid du LLZO
5. Frittage à froid du LiFePO4
6. Frittage à froid du V2O5
7. Conclusion
II. Frittage à froid du LLZO
1. Méthode
2. Résultats et discussion
4. Conclusion
III. Fabrication d’une batterie tout solide LFP/LLZO/LTO par le procédé de frittage à froid
1. Méthode
2. Résultats et discussion
3. Conclusion
IV. Perspectives : fabrication d’une batterie tout solide LFP/LLZO/Li par le procédé de frittage à froid
1. Méthode
2. Résultats et discussion
V. Conclusion
Bibliographie
Conclusion générale
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