Principe de fonctionnement d’un REP
Les REP sont composés de trois circuits d’eau qualifiés de primaire, de secondaire et de tertiaire. Leur fonction est de transporter l’énergie thermique vers les composants assurant différentes conversions : conversion de l’énergie thermique en énergie mécanique par le GV et conversion de l’énergie mécanique en énergie électrique par le turbo-alternateur. Le cœur du réacteur, qui constitue l’organe essentiel d’une centrale électrogène, est le siège des réactions nucléaires de fission du combustible selon la réaction . Un neutron est absorbé par un atome d’uranium fissile pour donner des produits de fission X et Y (deux noyaux plus légers généralement radioactifs) et des neutrons.
Les réactions nucléaires s’accompagnent, en plus de la production de neutrons et de produits de fission radioactifs, d’un important dégagement de chaleur qui est utilisé pour réchauffer le fluide caloporteur . Dans les REP, une importante pression (15, 5 MPa) doit être imposée au circuit primaire afin de maintenir l’eau à l’état liquide malgré les hautes températures qui règnent dans le circuit (300 °C). L’eau chaude produite est alors acheminée par une pompe vers le GV où elle échange de la chaleur avec l’eau du circuit secondaire. L’eau du circuit secondaire passe alors sous forme de vapeur en absorbant cette énergie thermique. La vapeur produite est ensuite utilisée pour faire tourner la turbine et actionner l’alternateur qui, in fine, produit de l’électricité. Le circuit de refroidissement, formé par le condenseur échange de la chaleur avec le circuit tertiaire. Cela permet de faire repasser la vapeur d’eau à l’état liquide avant d’être renvoyée au générateur de vapeur pour un nouveau cycle de transformation.
Chimie du circuit primaire
Comme décrit précédemment, le circuit primaire fonctionne à haute température et haute pression et le fluide est conditionné chimiquement afin de mieux contrôler le phénomène de corrosion et d’assurer un bon fonctionnement de la centrale. Les produits chimiques utilisés pour le conditionnement sont l’acide borique, la lithine et le dihydrogène.
L’acide borique est stable dans les conditions physico-chimiques du circuit primaire mais son introduction sous forme acide présente un caractère agressif pour les matériaux métalliques. Dans le but de contrôler la solubilité des produits de corrosion et de neutraliser l’acidité introduite par l’acide borique présent en grande quantité, le pH du fluide primaire est déplacé vers des milieux alcalins. La valeur optimale pour la corrosion est de 7,2 à 300 °C . L’ajustement du pH à la valeur souhaitée est effectué par l’ajout d’une base forte, la lithine LiOH. Le choix de cette base est lié à sa grande solubilité dans le fluide primaire dans les différentes conditions de fonctionnement mais aussi par sa présence dans le fluide primaire suite aux réactions nucléaires du bore (1.2). La radiolyse de l’eau du circuit primaire par les neutrons génère des espèces oxydantes, responsable de la corrosion des matériaux. Pour limiter ce phénomène nuisible pour les matériaux, du dihydrogène est dissous dans le fluide primaire. La concentration en dihydrogène est imposée à 35 cm3.kg−1 en valeur moyenne.
Dans les REP, un cycle de fonctionnement (entre 12 et 18 mois) comporte quatre phases différentes : la phase de rechargement du combustible nucléaire, le démarrage de la centrale, le fonctionnement normal et finalement la mise en arrêt du réacteur pour changer le combustible usé. Le passage d’une phase à une autre modifie les caractéristiques physico-chimiques du fluide primaire telles que la température, le pH ou le potentiel redox du milieu. Le conditionnement chimique de l’eau du circuit primaire est réalisé durant toutes ces phases de fonctionnement et est soumis à de nombreuses contraintes réglementaires.
Phénoménologie de l’oxydation des Inconels
Dans la littérature, de nombreuses recherches portent sur l’oxydation des Inconels dans un milieu REP et dans des conditions de fonctionnement variées. Les durées des études s’échelonnent entre quelques jours et plusieurs années. Selon la majorité des auteurs, la couche d’oxydes qui se forme est de structure duplexe . Elle comporte une couche interne riche en chrome et une couche externe riche en nickel et en fer. Ces observations sont généralement réalisées après refroidissement de l’installation d’essai (autoclave), une fois que les échantillons sont retirés de la phase aqueuse puis séchés pour faire les analyses de surfaces.
Dans ces travaux [5, 6, 7], la couche interne est formée par un film continu de chromites de nickel et de fer Ni(1−x)Fe(x+y)Cr(2−y)O4 de structure spinelle de type AB2O4 . Des nodules de Cr2O3 sont aussi observés entre l’alliage et le spinelle mixte [5, 8, 6]. Machet [9] a étudié l’oxydation de l’alliage 600 dans un milieu primaire et durant les premiers temps d’oxydation (0,4 – 8,2 minutes). Dans cette étude, la couche interne est constituée d’un film unique de Cr2O3 dont l’épaisseur ne dépasse pas 1 nm après 4 minutes.
Les différentes études s’accordent au niveau de la description de la couche interne. Il s’agit d’une couche riche en chrome qui joue le rôle d’un film protecteur responsable de la passivation de l’alliage. Cette couche croît par diffusion des espèces oxydantes anioniques. Cependant, les résultats observés montrent une grande divergence vis-à-vis de la structure et de la composition de cet oxyde [10].
Problématique de contamination du circuit primaire
Produits de corrosion transportés par le fluide primaire
Les matériaux du circuit primaire présentent une bonne résistance à la corrosion généralisée [1]. Cependant lorsqu’ils sont en contact avec le fluide primaire, ils s’oxydent et forment des couches d’oxydes protectrices vis-à-vis de la corrosion. Dans les REP, la variation des conditions physico-chimiques (température, débit et pression) n’empêche pas les échanges de matière entre ces oxydes et le fluide primaire en mouvement. Comme indiqué dans la référence [1], quelques dizaines de kilogrammes de produits de corrosion sont déplacés du GV vers le cœur durant un cycle de fonctionnement du réacteur. La matière déplacée peut exister sous forme dissoute et/ou solide (particules) dans le fluide.
Dans cette étude [20], des filtres avec des nucléopores jusqu’à 10 nm (polycarbonate) ont été utilisés pour la détermination des concentrations en éléments métalliques des produits de corrosion. Les particules filtrées dont le diamètre est supérieur à 1 nm sont ensuite analysées par microscopie électronique à balayage .
EDF s’est aussi intéressé à la quantification des éléments métalliques présents dans le fluide primaire au cours du fonctionnement nominal du réacteur . L’étude a été effectuée sur la centrale Penly en 1995 [21]. Dans cette centrale, l’échantillonnage a été réalisé sous atmosphère inerte. Le fluide primaire est prélevé, refroidi et filtré par passage sur des filtres millipore dont la porosité est égale à 0, 45 µm. Dans le but d’identifier les espèces présentes en solution, une analyse du filtrat a été effectuée par chromatographie ionique couplée avec une étape de pré-concentration. Par la même méthode d’analyse (chromatographie ionique), les éléments particulaires retenus ont été aussi identifiés et quantifiés .
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Table des matières
INTRODUCTION
1 Description de la problématique de la contamination des circuits primaires dans les centrales nucléaires
1.1 Principe de fonctionnement d’un REP
1.1.1 Chimie du circuit primaire
1.1.2 Architecture du circuit primaire
1.2 Phénoménologie de l’oxydation des Inconels
1.3 Problématique de contamination du circuit primaire
1.3.1 Produits de corrosion transportés par le fluide primaire
1.3.2 Activation des produits de corrosion
1.3.3 Mécanisme de contamination du circuit primaire
1.4 Récapitulatif du transport réactif de la matière dans le circuit primaire
2 Synthèse bibliographique : modèles physiques de croissance de couches d’oxydes
2.1 Oxydation en phase gazeuse
2.1.1 Modèle de Wagner (MW)
2.1.2 Modèle de Mott et Cabrera (MMC)
2.1.3 Modèle de Fehlner et Mott (MFM)
2.1.4 Modèle de Fromhold-Cook (MFC)
2.2 Oxydation en phase aqueuse
2.2.1 Modèle des défauts ponctuels (MDP)
2.2.2 Modèle de conduction mixte (MCM)
2.2.3 Modèle de transport continu (MTC)
2.2.4 Modèle de Seyeux-Maurice-Marcus (MSMM)
2.2.5 Diffusion Poisson Coupled Model (DPCM)
2.2.6 Modèle de You (MY)
2.3 Résumé
3 Élaboration du modèle Électro-Thermo-Cinétique (ELTHECI) décrivant le comportement du système couplé Métal/Oxyde/Électrolyte
3.1 Approche macroscopique et physique
3.2 Approche microscopique et description du mécanisme réactionnel
3.2.1 Sous-système cationique
3.2.2 Sous-système électronique
3.3 Dissolution/précipitation de l’oxyde formé à l’interface externe
3.4 Modélisation du potentiel électrique
3.4.1 Hypothèse de l’électroneutralité locale
3.4.2 Hypothèse du champ électrique homogène
3.4.3 Description proposée pour la détermination du profil de potentiel électrique dans le système Métal/Oxyde/Électrolyte (MOE)
3.5 Modélisation thermo-cinétique du système MOE
3.5.1 Transport des porteurs de charges dans l’oxyde
3.5.2 Cinétique des réactions interfaciales
3.6 Bilan mathématique dans la couche d’oxyde
3.6.1 Profil du potentiel électrique
3.6.2 Profil de concentration des lacunes cationiques V »M
3.6.3 Profil de concentration des trous h•
3.7 Résumé
CONCLUSION