La mesure du champ magnétique tient une place importante dans l’étude des propriétés physiques de la Terre. Le géomagnétisme a montré qu’au champ dipolaire de la Terre, d’origine interne, se superposent des variations, d’origine externe, qui représentent environ 10% du champ total et sont d’autant plus faibles qu’elles sont rapides. Elles sont dues à l’interaction du champ magnétique de la Terre avec le vent solaire, flux de particules et d’ondes électromagnétiques, rayonné par le Soleil. Cette interaction crée autour de la Terre la magnétosphère et l’ionosphère, milieux ionisés, sièges d’une intense activité électromagnétique.
La connaissance complète de cette activité suppose des mesures in situ des composantes électrique et magnétique du champ électromagnétique. En effet, les milieux étudiés étant des plasmas, ces composantes sont découplées aux fréquences inférieures à leur fréquence plasma qui peut atteindre 20 MHz au voisinage de la Terre, dans l’ionosphère, et approcher 100 MHz dans la couronne solaire.
Les nombreux phénomènes physiques permettant de mesurer le champ magnétique ont donné naissance à une multitude de capteurs. Nous présenterons ici les principales techniques utilisées, en nous intéressant aux performances des instruments conçus. En Géophysique, les capteurs mesurent fréquemment le champ magnétique ambiant, aussi leur conception est guidée par l’optimisation du rapport signal à bruit.
Principe de fonctionnement d’un capteur de champ magnétique
Structure d’un capteur
Un capteur de champ magnétique, ou capteur magnétométrique, mesure le champ magnétique H et fournit un signal, généralement électrique V , relié à ce champ par la fonction de transfert H/V . Etant l’élément de tête de la chaîne d’acquisition, il comporte d’une part un élément sensible à la grandeur physique détectée et d’autre part un conditionneur, qui réalise différentes fonctions électroniques afin de délivrer un signal facilement exploitable [Asch, 1983] . Les principales fonctions qu’il réalise sont l’adaptation d’impédance, l’amplification, la linéarisation, le filtrage, la numérisation.
Dans le cadre de ce travail, nous limitons l’étude du capteur à son antenne, qui est l’élément sensible au champ magnétique, et son préamplificateur, qui est l’étage d’entrée du conditionneur et dont la prise en compte est indispensable pour l’optimisation du rapport signal à bruit. Le préamplificateur réalise une partie des fonctionnalités que nous venons d’énumérer : nous pouvons le décomposer en un réseau de couplage permettant l’adaptation d’impédance et un amplificateur. Ainsi l’instrumentation connectée en aval est transparente pour l’antenne.
Charge, courant et onde électromagnétique
Caractérisation électromagnétique d’un milieu : équations de Maxwell
Une distribution de charges ou de courants est une source rayonnant des ondes électromagnétiques et réciproquement les ondes génèrent des distributions de charges et de courants dans un milieu, c’est le principe de réciprocité. Ces interactions sont régies par les équations de Maxwell. Ajoutons que les ondes interagissent entre elles et que les distributions s’influencent mutuellement.
Direction du champ
La détermination de la direction ne peut pas être obtenue à l’aide d’un seul capteur. Celui-ci est caractérisé par sa directivité, qui est la relation entre l’amplitude du signal du capteur et l’angle d’incidence du champ par rapport à un axe privilégié de détection maximale. La direction du champ est reconstituée à l’aide de trois capteurs disposés en trièdre, effectuant une détection suivant trois directions orthogonales deux à deux. Remarquons que certains capteurs magnétométriques effectuent une mesure scalaire du champ, indépendante de sa direction. Dans le cas de la mesure d’une onde électromagnétique, les capteurs magnétométriques sont associés à des capteurs de champ électrique, reconstituant ainsi la composante électrique et la composante magnétique de l’onde.
Capteurs de champ magnétique réalisés pour la physique des plasmas spatiaux, pour des fréquences supérieures à 10kHz
Les magnétomètres utilisés en physique des plasmas spatiaux sont inductifs. Les capteurs réalisés jusqu’à présent couvrent une gamme de fréquences s’étendant du continu jusqu’à 2MHz [Coulais et al., 1997]. Nous avons répertorié les réalisations dédiées aux fréquences supérieures à 10kHz. Deux types de capteur ont été utilisés : la barre fluxmètre et la boucle sans noyau. Les missions ayant embarqué des barres fluxmètres sont AMPTE [Haüsler et al., 1985], lancée en 1984 et INTERBALL [Lefeuvre et al., 1995], lancée en 1995. Des boucles sans noyau ont été emmenées par les missions Dynamics Explorer-A (DE-A) [Shawhan et al., 1981] lancée en 1981, EXOS-D [Okada et al., 1987] lancée en 1989, et POLAR [Gurnett et al., 1995] lancée en 1996.
La mission AMPTE a emporté deux barres fluxmètres dont une mesurant le champ magnétique entre 10kHz et 2MHz. Ce capteur est constitué d’un barreau en ferrite de 26cm de long et de 1cm2 de section. La fonction de transfert du capteur est linéaire grâce à une contre-réaction de flux. Il est recouvert d’un blindage électrostatique. INTERBALL a emporté 3 barres fluxmètres, disposées en trièdre, pour mesurer le champ magnétique dans la bande 40kHz – 2MHz. Ceux-ci sont constitués d’un barreau en ferrite de 20cm de long et d’un bobinage de 100 spires. Leur fréquence de résonance est voisine de 200kHz. La linéarisation de leur fonction de transfert est également réalisée par une contre-réaction de flux. Les barres fluxmètres des missions INTERBALL et AMPTE ont une conception similaire, étant issus de notre laboratoire, le Laboratoire de Physique et Chimie de l’Environnement.
Les boucles embarquées par les missions DE-A et POLAR sont similaires, ce sont des cadres de 1m de côté, en aluminium. Celle de la mission DE-A couvre la bande 100Hz–400kHz et résonne à 35kHz. Celle de POLAR fonctionne entre 25Hz et 800kHz et résonne à 50kHz. D’après [Gurnett et al., 1995] et [Gurnett, 1998], nous supposons que le cadre est connecté au préamplificateur au travers d’un transformateur ayant un rapport de transformation de 500. Au primaire le transformateur est constitué d’un enroulement d’une spire.
Sur EXOS-D, 3 boucles sans noyau de forme carrée ont été embarquées. Elles sont assemblées suivant une forme rappelant un diamant, ainsi chacune mesure le champ dans une direction orthogonale aux deux autres. Ces cadres ont 60cm de côté, mais l’article de Okada et al. [1987] décrit la simulation d’un prototype constitué d’un cadre de 50cm. Il est destiné à couvrir une bande allant de 100Hz à 1MHz. Pour réduire le seuil de sensibilité, le cadre est connecté à deux transformateurs, dissociant la bande de mesure en deux bandes, l’une inférieure à 20kHz (bande VLF) et l’autre supérieure (bande MF). Chaque transformateur est connecté à un préamplificateur faible bruit.
La comparaison des seuils de sensibilité de ces différents capteurs amène deux remarques. D’une part nous voyons que le minimum du seuil de sensibilité est voisin de la fréquence de résonance du capteur. D’autre part les boucles à air présentent dans l’ensemble un niveau plus faible que les barres fluxmètres.
Les capteurs des missions POLAR et EXOS-D montrent que ce niveau de bruit peut être obtenu sur une bande de fréquence large, entre 10kHz et 1MHz dans le cas présent. Comme les boucles des missions DE-A sont similaires, nous supposons que la différence de leur seuil sensibilité est due à un choix différent des composants de l’étage d’entrée du préamplificateur.
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Table des matières
INTRODUCTION
1- INTRODUCTION
2- ETAT DE L’ART
2.1- Principe de fonctionnement d’un capteur de champ magnétique
2.1.1- Structure d’un capteur
2.1.2- Charge, courant et onde électromagnétique
2.1.3- Déduction du champ magnétique à partir de la mesure
2.2- Champ magnétique alternatif minimal mesurable par les capteurs actuels
2.2.1- Principe de l’induction électromagnétique
2.2.1.1- Génération de la force électromotrice
2.2.1.2- Schéma équivalent d’un capteur inductif
2.2.2- Les principaux capteurs inductifs
2.2.2.1- Les boucles sans noyau
2.2.2.2- Les barres fluxmètres
2.2.2.3- Les magnétomètres supraconducteurs
2.2.3- Comparaison du seuil de sensibilité des différents types de capteurs
2.3- Conditionnement du signal
2.3.1- Conditions d’un transfert optimal du signal
2.3.2- Effets perturbateurs
2.4- Capteurs de champ magnétique réalisés pour la physique des plasmas spatiaux, pour des fréquences supérieures à 10kHz
3- MODÉLISATION ET OPTIMISATION DANS LA BANDE 10KHZ – 100MHZ
3.1- Application pour la physique des plasmas spatiaux : spécifications scientifiques et contraintes techniques
3.1.1- Spécifications scientifiques
3.1.2- Contraintes techniques
3.2- Structure du capteur
3.3- Caractéristiques de l’antenne
3.3.1- La boucle primaire
3.3.1.1- Résistance
3.3.1.2- Inductance
3.3.1.3- Choix du matériau conducteur
3.3.1.4- Réponse de la boucle primaire à une onde électromagnétique
3.3.2- Tore et bobinage secondaire
3.3.2.1- Modélisation du tore comme un transformateur
3.3.2.2- Modélisation des inductances
3.3.2.3- Modélisation des capacités
3.3.2.4- Modélisation des résistances
3.3.2.5- Dépendances des impédances élémentaires avec la fréquence
3.3.3- L’antenne complète
3.3.3.1- Schéma électrique équivalent de l’antenne complète
3.3.3.2- Impédance
3.3.3.3- Fonction de transfert
3.3.3.4- Schéma équivalent en bruit
3.3.3.5- Modélisation de l’antenne en différentiel
3.4- Conception du conditionneur
3.4.1- Le préamplificateur
3.4.1.1- Modélisation du préamplificateur vue par l’antenne
3.4.1.2- Technologies des composants actifs
3.4.1.3- Caractéristiques du composant d’entrée
3.4.2- La Contre-réaction de flux
3.5- Modélisation du capteur
3.5.1- Fonctionnement en boucle ouverte
3.5.1.1- Modélisation
3.5.1.2- Calcul du seuil de sensibilité
3.5.2- Fonctionnement en boucle fermée
3.5.2.1- Fonction de transfert
3.5.2.2- Seuil de sensibilité
3.6- Critères d’optimisation
3.6.1.1- Optimisation de l’antenne
3.6.1.2- Optimisation du préamplificateur
3.6.1.3- Optimisation de la contre-réaction de flux
3.6.1.4- Caractéristiques choisies
4- MÉTHODOLOGIE
4.1- Modélisation et simulation
4.2- Mesures au pont d’impédance (20Hz – 1MHz)
4.3- Caractérisation de la fréquence de résonance à l’aide d’un Q-mètre (1kHz – 100MHz)
4.4- Mesures à l’analyseur de réseau (10Hz – 100MHz)
4.4.1- Principe de mesure : exemple de la fonction de transfert du préamplificateur
4.4.2- Mesure de la fonction de transfert de l’antenne et du capteur
4.4.2.1- Principe de la mesure
4.4.2.2- Montages de mesure
4.4.3- Montages de mesure de l’impédance
4.4.3.1- Mesure directe de la tension et du courant (méthode (I,V))
4.4.3.2- Mesure indirecte par résonance sur la fonction de transfert de l’antenne
4.5- Mesure de bruit à l’analyseur de spectre (10Hz – 100MHz)
4.5.1- Montage de mesure
4.5.2- Vérification de la qualité des conditions de mesure
4.5.2.1- Bruit propre de l’analyseur de spectre
4.5.2.2- Efficacité de blindage de la cage de Faraday
4.6- Caractérisation des générateurs de champ magnétique
4.6.1- Montage avec les bobines d’Helmholtz
4.6.1.1- Calcul du flux capté par la boucle primaire
4.6.1.2- Mesure de l’impédance des bobines par résonance
4.6.1.3- Estimation de la fréquence maximale d’utilisation des bobines d’Helmholtz
4.6.2- Montage avec la boucle d’excitation
4.6.2.1- Calcul du flux capté par la boucle primaire
4.6.2.2- Mesure de l’impédance de la boucle d’excitation
4.6.2.3- Estimation de la fréquence maximale d’utilisation de la boucle d’excitation
4.6.2.4- Comparaison entre la mesure d’impédance et la mesure du courant
4.6.3- Comparaison des deux générateurs de champ
5- SIMULATION ET VALIDATION EXPÉRIMENTALE
CONCLUSION