Principaux problèmes ciblés pour l’apprentissage de la lecture
Mise en contexte et préoccupation de départ
Dans le monde de l’enseignement, la fin des années 1980 au Québec marque le début d’une décennie de réflexions sur les enjeux en éducation. La dernière grande réforme scolaire remonte aux années 1960, avec le Rapport Parent. Ce rapport est le résultat d’une Commission royale d’enquête sur l’état de la situation de l’éducation au Québec dans les années 1950 et début 1960. Les recommandations contenues dans ce rapport s’adressent à l’ensemble du système scolaire : donner à chacun la possibilité de s’instruire, rendre les études accessibles à tous, et préparer l’individu à la vie en société. Ces recommandations sont, depuis, une source d’inspiration pour toutes les autres réformes. Mais déjà, les années 1980 se pointent et le vécu scolaire ne semble désormais plus correspondre aux réalités du Québec à l’approche du 21 e siècle. Il faut changer l’école, actualiser le visage des institutions scolaires. Un premier document, encore cité quelque vingt ans plus tard par les milieux interpellés par les jeunes et la pauvreté, s’intitule Un Québec fou de ses enfants (1991). Ce rapport, présenté par un Groupe de travail sur la jeunesse, est publié par le ministère de la Santé et des Services sociaux.
On y aborde, entre autres, les problèmes de pauvreté vécus par les jeunes Québécois. Des recommandations sont proposées quant aux actions à prendre pour prévenir cette pauvreté ou pour en diminuer l’ampleur. Plusieurs documents ministériels poursuivent ensuite la réflexion, venant ressasser les idées en place et préparer le terrain à ces changements. On pense principalement au document suivant : Préparer les jeunes au 2r siècle (1994), provenant du Ministère de l’Éducation, qui propose des «éléments de réflexion devant servir de base à une consultation de la population sur la question des profils de formation du primaire et du secondaire» (MEQ, p. 111). La Commission des États généraux sur l’éducation de 1995 suscite également de la part de tous les milieux concernés un grand débat en matière d’éducation et, finalement, le document, Réaffirmer l’école (1997), qm présente « les changements qui doivent être apportés au curriculum du primaire et du secondaire pour rencontrer les exigences du XXIe siècle » (p. 3). À la suite aux recommandations de ce rapport de travail, le MEQ déposait, en 1997, son énoncé de politique éducative québécoise, L’école, tout un programme ( 1997).
Tout ce long processus de réflexions amène au résultat suivant : l’an deux mille apporte une Réforme en éducation qui résulte en un Programme de formation de l’école québécoise (PDFÉQ). Résultat de nombreuses recherches en éducation, ce Programme vise « une formation globale et diversifiée, une formation à long terme et une formation ouverte sur le monde. » (MEQ, 2001, p. 2). Il vise essentiellement à démocratiser l’apprentissage, le rendant accessible au plus grand nombre d’individus possible. L’organisation scolaire se veut plus souple, répondant mieux aux besoins de l’enfant. Le programme du MEQ présente en page trois les trois missions de l’école: instruire, socialiser et qualifier. La première mission est d’instruire les jeunes, de former leur esprit. «Énoncer cette orientation, c’est réaffrrmer l’importance de soutenir le développement cognitif aussi bien que la maitrise des savoirs. » (PDFÉQ, 2001, p. 3) L
a seconde mission veut donner l’occasion au x Jeunes qui fréquentent l’école d ‘apprendre à mieux vivre ensemble. Dans le r espect de tous, l’école vise l’apprentissage du vivre-ensemble et le développement d’un sentiment d ‘appartenance à la collectivité (PDFÉQ, 2001). On cherche à faire d ‘eux de futurs citoyens r esponsables. La troisième miss ion du Programme de formation est le qualifier. « L’école a le devoir de rendre poss ible la réussite scolaire de tous les élèves et de fac iliter leur intégration sociale et profess ionnelle. » (PDFÉQ, 200 1, p. 3). Un projet éducatif viendra préc iser les orientations et les mesures à prendre pour favoriser la réuss ite éducative de tous.
Les orientations du PDFÉQ sont les suivantes : d’abord, ce Programme reconnaît les acquis de l ‘école pour aller plus loin. Il s’inscrit dans une continuité. L’école doit aussi f avoriser non seulement l’acquisition des connaissances mais intégrer à ces dernières les p rocessus mentaux nécessaires à leur l’app rentissage. Le savoir-agir sera donc ici la pierre angulaire de l’apprentissage. Ce que l’élève apprend à l ‘école doit servir à quelque chose, à le rendre compétent (voir la section Cadre conceptuel, chapitre 2, à l’intérieur du texte). Pour atteindre son objectif, l’école a le devoir d’offrir à l’élève un enseignement rigoureux où l’élève réalise un large éventail d’apprentissages associés à la compréhension du monde, au développement personnel, à la socialisation et au cheminement scolaire (connaissances disciplinaires). Le Programme vise aussi la réussite de tous les élèves.
Pour ce faire, les établissements scolaires ont la responsabilité d’offrir à chaque élève un environnement éducatif adapté à ses intérêts, à ses aptitudes et à ses besoins (PDFÉQ, 2001, page 3). L’école a le devoir d’amener l’élève à développer le maximum de son potentiel intellectuel. Cela suppose des cadres de travail balisés, un enseignement supervisé (avec une progression claire des apprentissages à chacun des niveaux), différencié (par des approches pédagogiques répondant aux besoins de l’élève) et signifiant (avec des tâches stimulantes, reliées à des contenus significatifs pour l’élève). De plus, les apprentissages qui s y réalisent ont donc inévitablement un caractère actuel, tant dans leur forme que dans leur contenu, mais ils auront d’autant plus de sens et de profondeur que leurs repères culturels seront connus et qu’ils seront situés dans une perspective historiques. « Aussi importe-t-il que l’élève comprenne l’origine des disciplines enseignées, les problématiques qu’elles abordent, les types de questions auxquels elles s’efforcent de répondre et les démarches qu’elles utilisent afin de pouvoir s’y référer à bon escient.» (PDFÉQ, page 4).
Profil du praticien-chercheur
Le praticien-chercheur travaille depuis vingt ans comme titulaire au primaire et sa tâche touche à l’enseignement du français, des mathématiques, des sciences humaines et naturelles, des arts plastiques et de l’éthique et culture religieuse. Depuis l’avènement de la nouvelle Réforme, les formations se sont multipliées : l’enseignement coopératif, l’enseignement explicite, la pédagogie par projets, l’utilisation du portfolio, l’évaluation des compétences, pour n ‘en nommer que quelques-unes. Toutes ont le même but : amener le personnel à devenir plus apte à ajuster les pratiques pédagogiques qui, si on tient compte du taux élevé de décrochage scolaire, ne répondent plus aux nouvelles réalités, aux besoins des élèves et à l’esprit du PDFÉQ. L’annexe 1 présente la liste complète des formations suivies par le praticien-chercheur depuis l’implantation de la Réforme. Un certain ennui et des inquiétudes grandissantes marquent la vie professionnelle du praticien. Les années n’amènent plus de nouveautés, d’intérêt, l’encroûtement est évident, avec de moins en moins de réponses aux questions. La recherche universitaire apparaît à ce moment comme le moyen de poursuivre et de couronner une carrière en enseignement, avec un regain d’énergie en se remettant «en route» pédagogiquement. La formation continue est sans cesse encouragée dans les documents officiels. Elle fait l ‘objet d’un article spécifique sur les devoirs de l’enseignant dans la Loi sur l’ instruction publique (LIP): «Il est du devoir de l’enseignant( … ) de prendre des mesures appropriées qui lui permettent d’atteindre et de conserver un haut degré de compétence professionnelle. » (LIP, article 22, item 6).
Le praticien-chercheur veut parfaire sa formation en explorant plus en profondeur quelques formations qui l’ont intéressé davantage et mettre de côté d’autres qui n’attirent pas vraiment son intérêt. Relier la pratique à la théorie, réguler ses propres actions en classe, effectuer un constant aller-retour entre les livres et les pratiques, retourner aux études pour s’améliorer et garder le cap sur l’enseignement, voilà qui, à l’aube de la retraite, représente un défi intéressant. Le domaine est si vast e et les risques de s’y perdre si évidents qu’il faudra que le praticien-chercheur circonscrive judicieusement le sujet de recherche qui occupera ses préoccupations pour les prochaines années. Les problèmes vécus en classe par le praticien-chercheur sont à la base de sa volonté d’entreprendre une recherche. Une de ses premières craintes réside dans le fait de vivre souvent dans le désir de «voir toute sa matière » durant l’année, comme le disait alors l’expression consacrée. Même si les méthodes et les savoirs essent iels ont pu changer, la hantise du temps restera toujours présente.
Cette situation est d’autant plus « anxiogène » que le praticien doit tenir compte de plus en plus d’une foule d’éléments imposés par le Ministèr e comme les savoirs essentiels et les critères pour évaluer les élèves. Les parents sont parfois exigeants, avec raison. La pression est grande pour tous, y compris pour les élèves qui veulent « passer leur année ». Les pratiques en classe s’alignent donc souvent vers « ce qui doit être fait ». Mais la place à la fantaisie, au plaisir pur est devenue de plus en plus mince. Le temps est compté, les résultat s sont analysés à la loupe par les directions d’ école. Les enseignants redoublent parfois d’évaluations formelles et de situations d’ apprentissage et d’évaluation (SAÉ) pour appuyer par des « traces » supplémentaires et plus « sérieuses » auprès des parents et de la direction leurs jugements et leurs décisions quant au parcours scolaire d’un élève. Même si les SAÉ servent aussi à apprendre des notions nouvelles, il reste que ces activités sont trop souvent vécues par les élèves et par les enseignants comme des évaluations qui engendrent des moments stressants.
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Table des matières
INTRODUCTION
I.PROBLÉMATIQUE, BUT, OBJECTIFS, PORTÉE ET LIMITES
1.1 Problématique
1.1.1 Visages du milieu défavorisé (Janosz, 2008)
1.1.2 Principaux facteurs de réussite et de risque
1.1.3 Caractéristiques du milieu de vie du praticien-chercheur
1.1.3.1 Contexte socio-économico-culturel du travail du praticien-chercheur
1.1.3.2. Projet Éducatif de I’Établissement
1.1.4 Dans ce contexte, qu’en est-il de l’apprentissage en général et de la lecture en particulier?
1.1.5 Principaux problèmes ciblés pour l’apprentissage de la lecture
1.1.6. Inscription de la recherche dans un cadre épistémologique
1.1.7 Comment définir la connaissance? Épistémologie
2 Buts, objectifs, portée et li mites
II.CADRE CONCEPTUEL
2.1 Les bases théoriques
2.1.1 Documents MELS
2.1.1.1 Comment définir une compétence?
2.1.2 Les auteurs
2.1.2.1 Les différents niveaux de lecteurs du préscolaire à la fin du 3e cycle du primaire, selon J. Chiasson
Profils de lecteurs (Giasson, 2003)
L’enseignement explicite selon C. Boyer
L’enseignement efficace selon R.L. Allington
La relation d’aide en classe selon E.H. Schein
Pour une formalisation de pratique du praticien-chercheur selon Le Boterf
2.2 La question de recherche
III.MÉTHODOLOGIE
3.1 Choix du type de recherche
3.2 Cueillette de données
3.2.1 Formalisation de pratiques
3.2.2 Journal de bord
3.2.3 Entretiens en lecture
3.3 Échéancier
3.4 Analyse des données
5 Description et recrutement des participants
6 Les considérations d’ordre éthique
4.PRÉSENTATION, ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS
4.1 Présentation des résultats des six pratiques formai isées
4.1.1 Formalisation de pratiques
4.1.1.1 Buts des pratiques
4.1.1.2 Justification des choix de pratiques
4.1.1.3 Faisabilité des pratiques
4.1.1.4 lmpacts
4.1.1.5 Hiérarchisation des pratiques
4.1.2 Journal de bord
4.1.3 Entretiens en lecture
4.2 Analyse et interprétation des résultats
4.2.1 Analyse des pratiques: constats, forces et défis
4.2.2 Objectifs poursuivis par cette analyse de pratiques
4.2.2.1. Pistes
4.2.2.2 Émergences d’approches efficaces
4.2.2.3. Engagement à favoriser l’innovation pédagogique
CONCLUSION
RÉFÉRENCES
ANNEXE 1 Formations reçues
ANNEXE 2 Entretiens en lecture
ANNEXE 3 Extrait de page du journal de bord
ANNEXE 4 Accord du comité éthique
ANNEXE 5 Demande à la Directon de I’Établissement
ANNEXE 6 Réponse de la Direction de l’Établissement
ANNEXE 7 Formulaires de consentement des parents
ANNEXE 8 Planification des SAÉ
ANNEXE 9 Planification actuelle
ANNEXE 10 Exemple de SAÉ
ANNEXE 11 Feuillet de réflexions
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