Principaux modes lents de variabilités climatiques
Les modes annulaires
Par l’adjectif “lents” nous entendons ici plus longs que le mois, c’est-à-dire au-delà des évènements météorologiques communs telles que les tempêtes. Pour des raisons historiques, l’hémisphère nord et la zone occidentale ont été les premiers à bénéficier d’observations rigoureuses et régulières de l’atmosphère et de l’océan. L’ensemble des données disponibles a mis en évidence des fluctuations de grandes échelles associées à de longues périodes. L’un des exemples les plus connus d’un tel phénomène est l’oscillation Nord Atlantique (NAO). Constituée d’un dipôle haute/basse pressions centrées sur les Açores et l’Islande, la NAO module l’intensité des vents d’ouest et le climat sur l’Europe (Hurrell and Loon 1997). La figure 1.1 représente le premier mode de variabilité atmosphérique hivernal de l’hémisphère Nord, déterminé par la méthode des EOFs sur le champ de pression à 500hPa des données NCEP/NCAR (Kalnay and Coauthors 1996). La NAO est en fait la manisfestation régionale d’un mode de variabilité recouvrant l’ensemble de l’hémisphère nord et que l’on appelle oscillation Arctique (AO) ou mode annulaire boréal (NAM, Thompson and Wallace 1998). Ce mode représente les oscillations de la dépression polaire, c’est-à-dire le mouvement méridien des masses atmosphériques entre l’Arctique et les moyennes latitudes (Trenberth and Paolino 1981). L’analyse du comportement temporel de la NAO peut se faire par la composante principale associée à l’EOF. En bas sur la figure 1.3 sont représentés la série temporelle mensuelle de 1950 à 2000 de la composante principale de l’AO et son spectre. La série ne montre pas de périodicité particulière, ce qui est confirmé par l’absence de pics prononcés sur le spectre. Celui-ci montre une augmentation de l’énergie du mode annulaire avec la période. Notons par ailleurs que la position des centres de pression montre que l’indice défini comme la différence de pression entre l’Islande et les Açores permet de reproduire de manière simple le comportement temporel de la NAO sur une plus longue période de temps que la composante principale de la première EOF (Hurrell 1995).
L’influence de l’océan n’est pas indispensable à l’existence de la NAO. En effet, les modèles de circulation générale (GCM) ont montré qu’il était possible de reproduire les modes de fluctuations basses fréquences atmosphériques avec des conditions aux limites fixes, notamment celle de l’océan, (Lau 1981). Cependant l’influence de l’océan sur la NAO est avérée à la fois dans les observations (Czaja and Frankignoul 1999, 2002, Czaja et al. 2003) et les modèles numériques (D’Andrea et al. 2005). La NAO est très documentée et son étude n’est pas l’objet de cette thèse. En revanche, depuis le début des années 80 le développement des mesures satellites et des modèles numériques d’assimilation de donnée, ont facilité l’analyse de la variabilité de l’hémisphère sud. En effet, à l’exception du phénomène ENSO, l’hémisphère Austral était jusqu’ici relativement méconnu. Il y a été mis au jour un mode de variabilité, que l’on connaît sous le nom d’oscillation Antarctique (AAO) ou mode annulaire Austral (SAM, Southern Annular Mode). Le SAM est visible sur l’ensemble de la colonne d’air, que ce soit dans la pression de surface (Rogers and Loon 1982), la hauteur géopotentielle à 500hPa (Kidson 1988), à 300hPa (Karoly 1990) ou dans la couche 100-1000hPa (Yoden et al. 1987).
Notons toutefois que le SAM est marqué par une rougeur plus prononcée que l’AO, signe d’une plus grande persistance des anomalies. Paradoxalement, ce n’est que récemment que les ressemblances entre les oscillations Arctique et Antarctique ont été mises en évidence (Gong and Wang 1999), même si la NAO n’est pas totalement assimilable à l’AO (Ambaum et al. 2001). La Terre génère autour de chacun de ses pôles, un mode annulaire dont les extensions vers les plus basses latitudes sont affectées par les conditions de surfaces (Cash et al. 2002). Ces modes traduisent la variabilité du déplacement méridien des jets et sont les modes dominants en dehors des zones tropicales. Leur mise en parallèle a donné lieu à de nombreuses études (voir par exemple Thompson and Wallace 2000, Limpasuvan and Hartmann 2000). Les deux modes existent tout au long de l’année dans la troposphère et pénètrent jusque dans la stratosphère durant les périodes où le flot zonal interagit le plus avec les ondes stationnaires (au milieu de l’hiver dans l’hémisphère nord et à la fin de l’automne dans l’hémisphère sud). Cependant, une différence fondamentale existe entre les deux modes. La divergence du flux de quantité de mouvement qui maintient les anomalies de circulation zonale (oscillations méridiennes du jet associé au mode annulaire) n’a pas la même origine dans les deux hémisphères. Même si chacun des forçages tourbillonnaires est indispensable, dans l’hémisphère nord, ce sont les ondes stationnaires, particulièrement autour de 60N dans l’Atlantique, qui dominent et dans l’hémisphère sud, ce sont les transitoires baroclines (Hartmann and Lo 1998, Limpasuvan and Hartmann 1999, 2000). Le cycle énergétique entre la basse et la haute fréquence, c’est-à-dire la transformation de l’énergie potentielle du flot moyen en énergie cinétique par les transitoires qui de nouveau forcent le flot moyen, a bien sûr lieu dans les deux hémisphères. Mais le confinement zonal des zones de tempêtes, où se manifeste l’augmentation de l’activité des transitoires (centrées sur les bords ouest des bassins océaniques), est beaucoup plus marqué dans l’hémisphère nord que le sud. Il en résulte une rétroaction des transitoires sur le flot moyen plus localisée et une amplification du rôle des ondes stationnaires dans la détermination des modes de variabilité basse fréquence (Branstator 1995). La différence de distribution des océans-continents entre les deux hémisphères joue ici un rôle fondamentale. L’orographie de l’hémisphère Nord contraste avec l’uniformité océanique de l’hémisphère Sud qui favorise une dynamique beaucoup plus zonale et moins marquée par les ondes stationnaires.
L’importance du SAM dans la variabilité basse fréquence de l’hémisphère sud est une question primordiale pour la prévision climatique. La mise en évidence d’une tendance positive de l’indice AAO depuis le milieu des années 70 a soulevé un grand débat . Il semble qu’un phénomène complexe d’interactions entre la couche d’ozone stratosphérique et le forçage anthropogénique en soit l’origine (Rapahel 2003, Marshall 2003). Il a par ailleurs été montré numériquement que la réponse atmosphérique au réchauffement global et à l’augmentation du forçage anthropogénique se projetait sur le SAM (Fyfe et al. 1999, Kushner et al. 2001). On le voit, le SAM, mode intrinsèque de variabilité atmosphérique, est un phénomène crucial pour la compréhension de la dynamique de l’hémisphère sud. Se pose à nous deux questions : quelles sont les interactions possibles avec les autres composantes climatiques et d’autres modes de variabilités n’ont-ils pas aussi leur importance ?
Influence du SAM sur l’océan Austral
Le SAM a un impact sur la glace de mer et la circulation de l’océan Austral, que ce soit dans les modèles couplés de circulation générale (Hall and Visbeck 2002, ?, Maze et al. 2006) ou les observations (??). Une représentation schématique en est donnée sur la figure 1.4. Le SAM induit une anomalie de vent d’ouest dans la zone Antarctique, au niveau du front polaire (55S), qui à son tour génère une dérive d’Ekman vers le nord et une remontée des eaux froides profondes dans la couche de surface océanique, créant ainsi une anomalie d’eau froide. La divergence des eaux s’accompagne d’une remontée en fer qui augmente l’activite biologique et la concentration en chlorophylle de surface. D’autre part, la dérive d’Ekman vers le nord entraîne avec elle la glace de mer, augmentant son extension méridienne. Une phase positive du SAM s’accompagne également d’une anomalie de vent d’est à 35S. La dérive d’Ekman vers le sud induit alors une anomalie d’eau chaude en surface. Elle s’accompagne d’une convergence des eaux (45S) qui approfondit la couche de mélange et en limitant la pénétration du rayonnement solaire diminue la teneur en chlorophylle. Enfin, l’inclinaison des isopycnes accélère le courant circumpolaire Antarctique (ACC). Le SAM dans une phase négative aura tous les effets inverses. Notons toutefois que ces observations sont faites en moyenne zonale. Les asymétries viennent modifier quelque peu ces mécanismes, notamment les effets sur la glace de mer. Lefebvre et al. (2004) ont montré dans le modèle océanique ORCA2 forcé par les réanalyses NCEP/NCAR, que la composante zonalement asymétrique du mode dominant de variabilité de la glace avait un impact régionale important. Ainsi, une phase positive du SAM induit une extension de la glace dans les mers de Ross et d’Admundsen mais un retrait dans la mer de Wedell et autour de la péninsule Antarctique.
En surface, l’impact du SAM sur l’océan Austral semble se limiter à la création d’anomalies de température positive et négative de part et d’autre de l’ACC et à l’accélération de ce dernier. Toutefois, ces mécanismes sont des forçages dynamiques du SAM et ne doivent pas faire oublier le forçage thermodynamique. Malgré la grande symétrie zonale du mode annulaire, il contient une composante asymétrique de nombre d’onde zonal trois (un pôle centré sur chacun des océans) susceptible d’induire une circulation méridienne et donc des anomalies de température atmosphérique. Verdy et al. (2005) ont analysé la variabilité de la température océanique de surface (SST) le long de l’ACC dans les observations et un modèle de couche mélangée (profondeur constante) 1D forcée par le vent.
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Table des matières
1 Introduction
Préambule
1.1 Principaux modes lents de variabilités climatiques
1.1.1 Les modes annulaires
1.1.2 Influence du SAM sur l’océan Austral
1.1.3 Les autres modes de variabilités
1.2 Interactions océan-atmosphère aux moyennes latitudes
1.2.1 De l’océan vers l’atmosphère
1.2.2 De l’atmosphère vers l’océan et couplage
1.3 Objectifs
2 Un modèle couplé de complexité intermédiaire
Préambule
2.1 L’atmosphère
2.1.1 L’approximation QG et le modèle continu
2.1.2 Le modèle discrétisé
2.1.2.1 La dissipation
2.1.2.2 La source de chaleur
2.1.2.3 Les termes sources Si
2.1.2.4 Diagnostic des grandeurs de surface
2.2 L’océan
2.3 Validation, climatologie
3 Variabilité basse-fréquence océan-atmosphère dans l’océan Austral
Préambule
3.1 Introduction
3.2 Model description
3.2.1 Equations
3.2.2 Climatology of the CPL simulation
3.3 Southern Hemisphere Variability
3.4 SST anomalies creation mechanism
3.5 Ocean-Atmosphere coupling role
3.5.1 Forced ocean
3.5.2 Forced atmosphere
3.6 Discussion and Conclusion
3.7 Appendix
3.7.1 PV equation source terms
3.7.2 2D Fourier decomposition
3.8 Compléments : Maze et al. (2006)
4 Réponse stationnaire atmosphérique aux anomalies de SST dans l’hémisphère sud
Préambule
4.1 Modèle et expériences
4.2 Description de la réponse stationnaire
4.3 Bilan de vorticité potentielle
4.3.1 Réponse barocline
4.3.2 Réponse barotrope
4.4 Linéarité et non-linéarité de la réponse
4.5 Rétroactions sur l’océan
4.6 Résumé
5 Conclusion
A Calcul du courant géostrophique de surface
A.1 Méthode
A.2 Application
B Longueurs d’intégrations
C Décomposition du bilan de VP
D Linéarité de la réponse atmosphérique à 180E
Bibliographie
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