Principales méthodes de synthèse des alkylidènecyclopropanes
Les deux stratégies principales de synthèse des ACPs reposent sur la construction du cycle à trois chaînons ou sur la formation de la double liaison exocyclique à partir de précurseurs incorporant déjà un cyclopropane. La construction du cycle des ACPs peut être réalisée :
– par cyclopropanation d’allènes avec des carbènes ou des réactifs carbénoïdes (Schéma 6, voie a).
– par cyclopropanation d’alcènes avec des alkylidène carbènes/carbénoïdes (Schéma 6, voie b).
– par cyclisation d’espèces se comportant formellement comme des synthons 1,3 dipolaires par formation des liaisons C2-C3 ou C1-C3 (Schéma 6, voies c et c’).
La double liaison exocyclique des ACPs peut être :
– créée par diverses réactions d’oléfination classiques impliquant des nucléophiles cyclopropaniques ou des acétals de la cyclopropanone comme partenaires, ainsi que des couplages de carbénoïdes métalliques (Schéma 6, voie d).
– installée à partir d’une liaison σ-substituée en utilisant des réactions d’élimination (Schéma 6, voie e).
– formée par addition de nucléophiles sur des complexes π-allyliques de palladium (issus de dérivés de vinylcyclopropanols) (Schéma 6, voie f).
– issue de l’isomérisation, de substitutions nucléophiles SN2’ ou de réarrangements sigmatropiques de cyclopropènes diversement substitués (Schéma 6, voie g).
Synthèse d’ACPs par formation du cycle à trois chaînons
Cyclopropanation d’allènes
La cyclopropanation d’allènes est une voie classique d’accès aux ACPs mais sa mise en œuvre pose plusieurs problèmes de sélectivité. En effet, les allènes possèdent deux doubles liaisons susceptibles de réagir lors de la cyclopropanation et la régiosélectivité de cette transformation doit donc être contrôlée. En outre, la double liaison des ACPs engendrés est plus réactive que celle des alcènes classiques en raison de la tension de cycle élevée. La chimiosélectivité est donc difficile à contrôler et des produits secondaires tels que des spiropentanes sont très souvent formés.
Carbénoïdes métalliques
Les carbénoïdes métalliques, engendrés à partir du diiodométhane ou du chloroiodométhane, constituent des réactifs de choix pour réaliser la cyclopropanation d’oléfines avec insertion d’une unité « méthylène ». Depuis la découverte de la réaction de Simmons–Smith en 1958, les carbénoïdes zinciques ont été particulièrement utilisés pour effectuer des cyclopropanations. La première application aux allènes a été rapportée en 1961. Ainsi, il a été observé que le traitement de l’ester β-allénique L3 par un excès de réactif de Simmons–Smith conduisait à un mélange équimolaire de MCP L4 et de spiropentane L5, séparés par chromatographie préparative en phase gazeuse. Bien que la régiosélectivité de la monocyclopropanation qui mène à L4 soit excellente, en faveur de la double liaison la plus substituée (la plus riche en électrons), la formation du spiropentane L5 ne peut pas être évitée (Schéma 7, Eq 1). Dans leur approche synthétique de l’hypoglycine A, Black et Landor ont décrit la préparation du MCP L7 (71%) par action du réactif de Simmons–Smith sur le gem-diester γ-allénique L6. Les auteurs n’ont pas mentionné la présence éventuelle d’un spiropentane comme sous-produit (Schéma 7, Eq 2).
La cyclopropanation d’hydrocarbures alléniques dépourvus de groupes fonctionnels est cependant plus difficile à réaliser et donne lieu à des réactions incomplètes produisant des mélanges complexes de produits ne renfermant que des quantités faibles d’ACPs. L’effet directeur d’un groupement hydroxy, par analogie avec les cyclopropanations de Simmons–Smith des alcools allyliques, a été mise à profit dans les cyclopropanations d’allènes. Si la monocyclopropanation se produit bien exclusivement sur la partie alcool allylique des allénylcarbinols, quel que soit le degré de substitution de la seconde double liaison et le substituant présent en α du groupement hydroxy, la transformation n’est pas chimiosélective car la réactivité des ACPs formés L9a–d vis-à-vis du carbénoïde zincique est identique (voire supérieure) à celle des substrats. Aussi, les spiropentanes L10a–d sont toujours formés de manière compétitive (voire majoritaire dans le cas de L10b). Notons la diastéréosélectivité satisfaisante observée dans le cas des carbinols secondaires L8b ou L8d qui possédent respectivement un motif isopropylidène ou un substituant encombrant (iPr) en α du groupement hydroxy (Schéma 8).
Si l’utilisation du réactif de Furukawa–Denmark permet de réaliser la cyclopropanation d’alcools α-alléniques dans des conditions douces, la réaction n’est toujours pas chimiosélective. Ainsi, traité par un équivalent du couple Et2Zn/ICH2Cl, l’alcool L8e conduit à un mélange de MCP L9e et de spiropentane L10e dans un rapport 70:30 (69%). Malgré l’excellente diastéréosélectivité observée pour la formation de L9e (rd = 96:4) dans ces conditions, c’est en utilisant les carbénoïdes de samarium, moins réactifs que les carbénoïdes de zinc et chimiosélectifs des alcools allyliques, qu’il a été possible d’accéder exclusivement au méthylènecyclopropylcarbinol L9e avec un très bon rendement (82%) et une diastéréosélectivité élevée (rd = 90:10). La diastéréosélectivité observée a été expliquée par le modèle d’état de transition de Houk (ET1) dans lequel l’angle dièdre formé par les liaisons HO-CH-C=C est de 150° avec une orientation préférentielle du substituant encombrant R en anti par rapport à la trajectoire d’approche du carbénoïde (Schéma 9).
Réactions d’élimination
Une grande diversité d’ACPs substitués a été préparée grâce à des réactions d’élimination, notamment d’un hydrogène ou d’un groupe partant X (halogène, sulfonate) localisé sur le cycle à trois chaînons ou en α. Deux hétéroatomes (X-Y) peuvent être également éliminés pour former la double liaison exocyclique.
Élimination de HX (X = hétéroatome)
Binger et al. ont décrit une méthode simple et générale de synthèse de méthylènecyclopropanes. Le chlorocarbène, obtenu par traitement du 1,1-dichloroéthane L69 avec du n-BuLi, réagit avec des oléfines diversement substituées pour engendrer les 1-chloro-1-méthylcyclopropanes L70. Une élimination E2, réalisée en présence de t BuOK, permet d’obtenir ensuite les MCPs substitués L71 (Schéma 34).
Une voie d’accès alternative aux 1-halogéno-1-méthyl-cyclopropanes, à partir de gem-dihalogénocyclopropanes, fait intervenir un échange halogène-lithium suivi de l’alkylation du carbénoïde lithié engendré par l’iodométhane. La transformation de l’oléfine L72 en MCP L75 (44%, trois étapes), via le gem-dichlorocyclopropane L73 et le chlorocyclopropane L74 illustre l’intérêt de la séquence réactionnelle .
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 : PARTIE BIBLIOGRAPHIQUE : SYNTHÈSE D’ALKYLIDÈNECYCLOPROPANES PRÉCURSEURS DE CYCLOPROPANES SUBSTITUÉS
1. Principales méthodes de synthèse des alkylidènecyclopropanes
1.1 Synthèse d’ACPs par formation du cycle à trois chaînons
1.1.1 Cyclopropanation d’allènes
1.1.1.1 Carbénoïdes métalliques
1.1.1.2 Carbènes dihalogénés
1.1.1.3 Carbénoïdes issus de composés diazo
1.1.2 Cyclopropanation d’alcènes
1.1.3 Cyclisations d’espèces équivalentes à des synthons 1,3-dipolaires
1.1.3.1 Formation de la liaison C2-C3
1.1.3.2 Formation de la liaison C1-C3
1.2 Synthèse d’ACPs par formation de la double liaison exocyclique
1.2.1 Réactions d’oléfination
1.2.1.1 Oléfinations impliquant un organométallique cyclopropanique
1.2.1.2 Oléfination de Wittig d’hémiacétals de cyclopropanones
1.2.2 Réactions d’élimination
1.2.2.1 Élimination de HX
1.2.2.2 Élimination de XY
1.2.3 Addition nucléophile sur des complexes π-allyliques de palladium
1.2.4 Synthèse d’ACPs à partir de cyclopropènes
1.2.4.1 Isomérisation de cyclopropènes
1.2.4.2 Substitutions avec transposition allylique
1.2.4.3 Addition d’électrophiles sur des (cyclopropénylméthyl)métaux
1.2.4.4 Réarrangements sigmatropiques [2,3] et [3,3]
1.3 Bilan
2. Utilisation des ACPs comme précurseurs de cyclopropanes substitués
2.1 Généralités
2.2 Cycloadditions
2.2.1 Cycloadditions [3+2]
2.2.2 Cycloadditions [4+2]
2.2.3 Cycloadditions [2+2]
2.2.4 Cycloadditions [2+2+1]
2.2.5 Cycloadditions [2+2+2]
2.3 Additions sur la double liaison
2.3.1 Additions nucléophiles
2.3.2 Additions électrophiles
2.3.3 Additions catalysées par les métaux
2.3.3.1 Catalyse homogène
2.3.3.2 Catalyse hétérogène
3. Bilan et perspectives
CHAPITRE 2 : SYNTHÈSE D’ALKYLIDÈNE(AMINOCYCLOPROPANES) PAR RÉARRANGEMENT DE CYANATES DÉRIVÉS DE CYCLOPROPÉNYLCARBINOLS
1. Contexte de l’étude et objectifs
1.1 Rappels bibliographiques
1.1.1 Généralités
1.1.2 Synthèse des aminocyclopropanes
1.2 Objectifs des travaux
2. Résultats
2.1 Étude préliminaire
2.1.1 Préparation du substrat « modèle » requis pour l’étude
2.1.2 Réarrangement sigmatropique
2.1.3 Addition de nucléophiles sur l’isocyanate 8a
2.2 Champ d’application et limites du réarrangement des cyanates de cyclopropénylcarbinyle
2.2.1 A partir de cyclopropénylcarbinols diversement α-substitués
2.2.1.1 Préparation des substrats
2.2.1.2 Réarrangements sigmatropiques
2.2.2 Influence des substituants du cyclopropène
2.2.2.1 Préparation des substrats
2.2.2.2 Réarrangement des carbamates 52, 60, 70–72
2.3 Transformations ultérieures des dérivés d’alkylidène(aminocyclopropanes)
2.3.1 Déprotection de l’atome d’azote
2.3.2 Époxydation
2.3.3 Hydrogénations diastéréosélectives
2.3.4 Synthèse d’un macrocycle incorporant un aminocyclopropane
3. Bilan et perspectives
CHAPITRE 3 : SYNTHÈSE D’ALKYLIDÈNECYCLOPROPANES POSSÉDANT UN MOTIF HYDROXY OU AMINOACIDE
1. Contexte de l’étude et objectifs
1.1 Rappels bibliographiques
1.1.1 Généralités
1.1.2 Synthèse d’α-aminoacides cyclopropaniques
1.2 Objectifs des travaux
2. Résultats
2.1 Étude préliminaire : Réarrangement d’Ireland–Claisen d’un glycolate « modèle »
2.1.1 Préparation du substrat et réarrangement sigmatropique
2.1.2 Diastéréosélectivité du réarrangement d’Ireland–Claisen
2.1.3 Transfert de chiralité
2.1.4 Compétition entre un cyclopropène et un alcène
2.2 Réarrangement d’Ireland–Claisen des glycolates de cyclopropénylcarbinyle
2.2.1 Généralisation
2.2.2 Hydrogénations diastéréosélectives
2.2.3 Bilan intermédiaire
2.3 Réarrangement d’Ireland–Claisen des glycinates de cyclopropénylcarbinyle
2.3.1 Réactivité des N-Boc glycinates
2.3.2 Réarrangement des N,N-diBoc glycinates
2.3.2.1 Rappels bibliographiques
2.3.2.2 Réactivité des N,N-diBoc glycinates
2.3.2.3 Déprotection de l’atome d’azote
2.3.2.4 Transformations ultérieures
3. Bilan
CONCLUSION
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