Prévision de crues rapides par apprentissage statistique

Les crues rapides constituent l’un des principaux risques naturels en France. Elles consistent en une augmentation rapide du niveau dans un cours d’eau, résultant de précipitations intenses et localisées, provoquant des courants extrêmement violents et des inondations importantes. En raison notamment d’un climat propice à la formation de crues rapides, le pourtour du bassin méditerranéen est particulièrement touché par ce type de phénomène. Les épisodes de Nîmes en 1988, de Vaison-la Romaine en 1992, de l’Aude en 1999, du Gard en 2002 et du Var en 2010, ont malheureusement chacun causé plus d’une vingtaine de victimes et des dégâts matériels atteignant jusqu’à 1,2 milliards d’euros, illustrant ainsi les conséquences catastrophiques que peuvent provoquer les crues rapides.

Compte tenu des enjeux humains et financiers importants menacés par les crues rapides, les pouvoirs publics ont mis en place, en 2003, le Service Central d’Hydrométéorologie et d’Appui à la Prévision des Inondations (SCHAPI). Ce service est chargé de produire des prévisions de crue et de les communiquer au public sous la forme d’une carte de vigilance disponible sur internet depuis 2006 (http://www.vigicrues.gouv.fr/). Ces prévisions de crues sont réalisées par des modèles hydrologiques représentant les relations pluie-débit des bassins ciblés, ou par des analogies avec les crues passées. Cependant dans le cas des crues rapides, le manque de connaissance sur les processus hydrologiques intervenant rend leur simulation et à plus forte raison leur prévision, complexes. Ces modèles présentent souvent d’importantes incertitudes et leurs performances ne sont pas encore complètement satisfaisantes. Durant les dernières décennies, les réseaux de neurones, un type particulier de modèle dits à apprentissage statistique, ont été appliqués à la modélisation de systèmes hydrologiques. En tant que modèles de type boîte noire, ces outils présentent l’avantage de fonctionner sans connaissances a priori sur la physique des processus modélisés. Ainsi, ces modèles, appliqués à la prévision des crues rapides sur des bassins méditerranéens sans prévisions de pluie, ont fourni des performances intéressantes sur des horizons de prévision limités.

Enjeux sociétaux

Coûts économiques et sociaux

Les crues rapides constituent l’un des risques naturels les plus dévastateurs, particulièrement sur le pourtour méditerranéen (Price et al., 2011). Dans cette région, le climat est propice à la formation de phénomènes météorologiques convectifs, intenses et localisés, favorables à la génération de crues rapides. La violence de ces évènements peut engendrer des dégâts considérables comme le montrent les photos prises le lendemain de la crue du 17 septembre 2014, ayant touché la commune de Saint-Laurent-le-Minier dans le Gard (Figure 1). Sur les territoires bordant le bassin méditerranéen, plusieurs évènements de crues rapides, bien documentés et dont les conséquences économiques et humaines ont été évaluées, peuvent être cités (Tableau 1). A titre de comparaison et afin de souligner le poids économique infligé par les crues rapides dans cette région, comme nous l’avons souligné dans l’introduction générale, ces phénomènes outre les pertes en vies humaines, irremplaçables, peuvent engendrer des coûts économiques de plus d’un milliard d’euros, alors que la moyenne annuelle mondiale des pertes financières, attribuées à tous les phénomènes naturels confondus, a été estimée à 40 milliard d’euros (Munich Re, 2002).

Chneiweis (2008) note que les coûts engendrés par les catastrophes naturelles sont en augmentation, diminuant de ce fait leur acceptabilité. Ceci est notamment la conséquence d’une exposition croissante des enjeux à l’aléa. En effet, si la fréquence des crues rapides a longtemps tenu les populations à distance des cours d’eau sujets aux crues rapides, la pression démographique forte, particulièrement sur le pourtour méditerranéen, a conduit à moins de prudence.

Artigue (2012) propose une description des moyens de gestion du risque d’inondation, liés aux crues rapides, mis en œuvre par les pouvoirs publics. Le lecteur intéressé par les différentes actions menées dans le cadre de la gestion du risque d’inondation est invité à se référer à la Thèse citée. Nous proposons ici une liste des différentes approches utilisées afin de diminuer l’impact des crues rapides :
1. actions sur l’aléa, avec la protection des enjeux,
2. actions sur l’implantation des enjeux avec des restrictions urbanistiques,
3. actions sur la vulnérabilité des enjeux.

Ce dernier point est au cœur de nos travaux puisqu’il concerne la mise à disposition du grand public d’informations sur les vigilances crue, s’appuyant sur une prévision de l’aléa hydrologique. Ce volet de la gestion du risque inondation est d’un intérêt décisif (Borga et al., 2011; Price et al., 2011) et peut être amélioré à l’aide de modèles de prévision des crues performants. Vinet et al. (2011) soulignent qu’une proportion importante des décès dus aux inondations se produit lors des évacuations tardives qui exposent les populations au danger. Cette observation souligne l’importance d’anticiper au mieux la situation à risque. La compréhension et la prévision des crues rapides constituent donc un enjeu sociétal majeur (Gaume and Bouvier, 2004; Llasat et al., 2010).

Réponse institutionnelle 

Notamment suite aux recommandations proposées dans le rapport de l’Inspection Générale de l’Environnement sur l’évènement du 12 et 13 novembre 1999 (Lefrou et al., 2000), sollicitant une révision des dispositifs de surveillance, d’alerte et d’information des crues rapides par la création d’un service hydrométéorologique, les pouvoirs publics ont mis en place en juin 2003 le Service Central d’Hydrométéorologie et d’Appui à la Prévision des Inondations (SCHAPI), sous la direction du Ministère en charge de l’Ecologie. Les principales missions du SCHAPI sont l’appui technique aux Services de Prévision des Crues (SPC), au niveau national sur le plan de l’hydrométrie, de la modélisation et de la vigilance, une veille hydrométéorologique 24 h sur 24 des cours d’eau du réseau règlementaire, et la publication d’informations à destination du grand public sous la forme d’une carte de vigilance crue. Le réseau réglementaire regroupe l’ensemble des tronçons des cours d’eau dont la surveillance et l’anticipation des crues ont été jugées pertinentes au regard des enjeux et des coûts engendrés.

L’information de vigilance est proposée sous forme de 4 niveaux de vigilance symbolisés par un code couleur affecté à chacun des tronçons du réseau réglementaire . Cette carte est accompagnée de commentaires et de recommandations actualisés 2 fois par jour, à 10h et 16h, sur le site internet vigicrue (http://www.vigicrues.gouv.fr/).

Ces prévisions sont effectuées en connaissance des prévisions de pluies publiées en interne par Météo France. Elles sont assurées, en temps réel, par des modèles estimant les débits ou les hauteurs d’eau à venir, en certains points du réseau règlementaire, avec des temps de calcul compatibles avec les contraintes opérationnelles (Sene, 2012). Dans ce contexte, ce travail de Thèse a pour objectif d’enrichir la boîte à outils des prévisionnistes au sein des SPC en proposant des modèles performants issus de la théorie de l’apprentissage statistique.

Description des crues rapides

Les crues rapides peuvent être définies de manière synthétique comme une augmentation soudaine du niveau d’un cours d’eau, laissant souvent peu de temps aux populations exposées pour réagir (Georgakakos, 1986). A cette rapidité, s’ajoute en général une extraordinaire violence des courants, comme en témoignent les arbres arrachés et parfois les maisons détruites à la suite de tels évènements. Bien que ces crues soient en majorité causées par des pluies intenses, elles peuvent être engendrées par d’autres phénomènes naturels ou anthropiques tels que les ruptures de digues ou de barrages, les embâcles divers ou encore les vidanges brutales de lacs glaciaires (Sene, 2012). Cette liste, certainement non exhaustive, des types de crues rapides, est l’occasion de préciser les contours de notre objet d’étude. En effet, nos travaux portent uniquement sur les crues rapides résultant de précipitations intenses. Notons que l’adjectif éclair est souvent utilisé pour désigner les crues faisant l’objet de notre étude (Gaume, 2002). Plus précisément, les crues éclair désignent des évènements dont les cinétiques sont plus importantes que les crues dites rapides. Cependant, la frontière entre crues rapides et crues éclair étant mal définie, nous préférons utiliser le terme rapide auquel nous conférons un sens global, intégrant toutes les crues à cinétique rapide.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1. Crues rapides
1.1 Enjeux sociétaux
1.1.1 Coûts économiques et sociaux
1.1.2 Réponse institutionnelle
1.2 Description des crues rapides
1.2.1 Mécanismes hydrologiques
1.2.2 Ecoulements rapides
1.2.3 Forçages météorologiques
1.2.4 État de l’hydrosystème
1.3 Données hydrométéorologiques
1.3.1 Précipitations
1.3.2 Hauteurs d’eau et débits
1.3.3 Niveaux piézométriques
1.3.4 Fréquence d’échantillonnage
1.4 Etat de l’art de la prévision des crues rapides
1.4.1 Simulation ou prévision
1.4.2 Modèles de prévision des crues rapides
1.4.3 Outils opérationnels
1.5 Critères d’évaluations des modèles
1.5.1 Critère de Nash-Sutcliffe
1.5.2 Critère de persistance
1.5.3 Synchronous Percentage of the Peak Discharge
1.5.4 Peak Delay
1.6 Synthèse sur la prévision des crues rapides
Chapitre 2. Présentation des sites d’étude
2.1 Contexte général
2.2 Bassin versant du Gardon d’Anduze
2.2.1 Description du site
2.2.2 Données hydrométéorologiques
2.3 Hydrosystème du Lez
2.3.1 Description du site
2.3.2 Données hydrométéorologiques
2.4 Synthèse sur les sites d’études
Chapitre 3. Réseaux de neurones formels
3.1 Définitions
3.1.1 Neurone formel
3.1.2 Réseaux de neurones formels
3.2 Propriétés fondamentales du perceptron multicouche
3.2.1 Approximation universelle
3.2.2 Parcimonie
3.3 Modèles statiques et dynamiques
3.3.1 Modèles statiques
3.3.2 Modèles dynamiques
3.3.3 Identification d’un processus dynamique
3.4 Conception de réseaux de neurones
3.4.1 Apprentissage
3.4.2 Performances de généralisation
3.4.3 Sur-apprentissage
3.4.4 Méthodes de régularisations
3.5 Application à la prévision de crues rapides
3.6 Synthèse sur les réseaux de neurones
Chapitre 4. Prévisions des crues rapides du Gardon d’Anduze
4.1 Modèles développés sur le Gardon d’Anduze
4.1.1 Modèles hydrologiques conceptuels
4.1.2 Modèles à base physique
4.1.3 Modèles neuronaux
4.2 Sélection de l’initialisation des modèles neuronaux
4.2.1 Position de la problématique
4.2.2 Démarche proposée pour répondre à la problématique (Darras et al., 2014b)
4.2.3 Éléments mis en évidence dans l’article
4.3 Prise en compte de l’état du système
4.3.1 Position de la problématique
4.3.2 Démarche proposée pour répondre à la problématique (Darras et al., 2014a)
4.3.3 Éléments mis en évidence dans l’article
4.4 Synthèse sur les performances des modèles appliqués à la crue rapide du 8 et 9 septembre 2002 sur le Gardon d’Anduze
4.4.1 Performance en regard des critères de qualité
4.4.2 Analyse des hydrogrammes
4.5 Performances des réseaux récurrents avec prévision de pluie « parfaite » sur les crues rapides de l’automne 2014
4.5.1 Modèles utilisés
4.5.2 Performances des modèles utilisés
4.5.3 Discussion sur les performances des modèles utilisés
4.6 Synthèse sur la prévision des crues rapides du Gardon d’Anduze
Chapitre 5. Prévision des crues rapides du Lez à Lavalette
5.1 Hydrosystèmes karstiques
5.1.1 Karstogénèse
5.1.2 Structure hétérogène
5.1.3 Fonctionnement hydrodynamique non-linéaire
5.2 Modèles développés sur l’hydrosystème du Lez
5.2.1 Crues partie I : Rôle du karst dans les crues du fleuve Lez
5.2.2 Crues partie II : Genèse, propagation et prévision des crues à Montpellier
5.2.3 Éléments mis en évidence dans les articles
5.3 Prise en compte de l’état de l’hydrosystème du Lez
5.3.1 Position de la problématique
5.3.2 Démarche proposée pour répondre à la problématique (Darras et al., 2015)
5.3.3 Éléments mis en évidence dans l’article
5.4 Application des réseaux de neurones au crues rapides du Lez à Lavalette
5.4.1 Dimensionnement des réseaux de neurones
5.4.2 Performances
5.5 Synthèse sur la prévision des crues rapides du Lez à Lavalette
Conclusion Générale

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