Prévention secondaire de l’exposition prénatale à l’alcool

La consommation des femmes

La consommation féminine en France 

A poids égal et à consommation identique, les femmes ont un taux d’alcoolémie supérieur à celui des hommes, elles sont donc plus vulnérables à l’alcool que ces derniers. Les explications sont multiples : des enzymes responsables de l’élimination de l’alcool moins efficace, une concentration de l’alcool dans les organes plus importante en raison d’une masse adipeuse supérieure à celle des hommes, les cycles hormonaux, … .
On constate également que la femme consomme moins que l’homme au niveau de la régularité et  de la quantité. En 2014, la consommation de boissons alcoolisées était plus importante chez les hommes, ceux-ci étant trois fois plus nombreux à en être des buveurs quotidiens (15 % contre 5 % parmi les femmes) et près de deux fois plus nombreux à en faire un usage au moins hebdomadaire (63% contre 36%).
Certaines situations ou caractéristiques peuvent être des facteurs de vulnérabilité féminine de consommation et de dépendance.
Par exemple, on peut retrouver des liens entre violences subies et addictions. Les femmes sont plus à risque d’être victime de violence sexuelle et de violence conjugale que les hommes (elles sont 3,5 fois plus nombreuses à avoir subi des violences sexuelles dans leurs vies et trois fois plus concernées par les violences conjugales). De plus, les femmes sont plus souvent victimes de violences physiques, verbales et morales dans le milieu professionnel. Les abus et mauvais traitement subis pendant l’enfance sont aussi à prendre en compte. La consommation de certaines substances (principalement l’alcool et les médicaments) a une fonction thérapeutique (anesthésiante, anxiolytique,…) qui permettrait de supporter ces situations.
A cela s’ajoutent les troubles psychiques (dépression, troubles de la personnalité,…), les difficultés socio-économiques (chômage, précarité,…) et la consommation de l’entourage (parents, fratrie et conjoint).

La vision de la société sur l’alcoolisation féminine

L’image du boire en société a longtemps été associée à la virilité, la vitalité et à la reconnaissance entre pairs pour l’homme alors que pour la femme, on lui associait la sobriété considérée comme étant une expression de sa féminité et donc lui donnant une rôle de sécurité faisant d’elle la garante du foyer et de la moralité de la famille. Sa place étant longtemps envisagée comme au sein du foyer conjugal, la consommation d’une femme était surtout privée et celles buvant en public ont été longtemps vues comme un danger pour la famille, ne pouvant plus assumer leurs responsabilités. Cependant ces dernières années, la consommation d’alcool chez les femmes a augmenté (même si l’écart reste important entre les hommes et les femmes), l’image d’une femme buvant dans la sphère publique étant mieux acceptée, renvoyant tout d’abord à une volonté d’indépendance, de liberté, puis se banalisant .
Cette diminution de la différence entre les hommes et les femmes se retrouve surtout chez les jeunes avec un pic de consommation à risque ponctuel se situant entre 15 et 25 ans (entre 26 et 34 ans chez les hommes) notamment chez les étudiantes et les classes favorisées, avec comme constat une augmentation de l’ivresse et de l’alcoolisation aigüe rapide.
Dans les professions supérieures, cette attitude de rapprochement serait en lien avec la masculinisation de la profession et donc des attitudes associées (par exemple les repas alcoolisés chez les commerciaux).
Il y a donc une évolution de la consommation d’alcool chez la femme, mieux acceptée publiquement avec une tendance au rapprochement des comportements d’alcoolisation entre homme et femme notamment pour les consommations ponctuelles.

La femme enceinte et l’alcool 

Selon les chiffres du plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies 2008 2011, l’Ensemble des Troubles Causés par l’Alcoolisation Fœtale (ETCAF) concernerait 8000 enfants chaque année en France (1% des naissances) avec environ 1000 d’entre eux porteurs du Syndrome d’Alcoolisation Fœtale, la forme la plus grave.
Les régions les plus touchées seraient l’île de la Réunion, le Nord‐Pas‐de‐Calais, la Normandie et la Bretagne. En 2009, sur 56 170 naissances dans le Nord-Pas de Calais, 560 enfants victimes d’une alcoolisation anténatale ont vu le jour (soit 1% des nouveau-nés) dont 393 enfants seraient touchés par les Effets de l’Alcoolisation Fœtale (EAF), 168 par le SAF.
En effet, même si la grossesse s’accompagne d’une diminution importante de consommation, on sait qu’environ 22,8% de femmes ont consommé au moins une fois pendant leur grossesse en 2010.
De plus, même si la recommandation d’abstinence est connue du grand public (87 % des personnes interrogées lors de l’enquête de l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé ou INPES de 2008 pensent qu’il ne faut pas boire pendant la grossesse) seulement un quart des Français affirme que «toute consommation d’alcool pendant la grossesse comporte un risque pour l’enfant».
En effet, celle-ci est encore soumise à des interprétations : 37 % des interrogés pensent que les risques pour le fœtus liés à une consommation d’alcool n’apparaissent que si celle-ci est quotidienne et 18% pensent qu’une femme enceinte peut boire quelques gorgées d’alcool de temps en temps sans prendre de risque pour son bébé.
Il paraît donc important que le message « zéro alcool pendant la grossesse » continue d’être diffusé sans ambiguïté notamment par les professionnels de santé afin de diminuer la prévalence d’enfants atteints par les EAF en France, mettant fin aux idées reçues en informant les femmes durant leur grossesse.

L’alcool

Le mécanisme de l’alcool 

L’alcool éthylique ou éthanol est une petite molécule (CH3-CH2-OH). La cinétique métabolique varie selon le sujet, l’importance et la modalité de consommation.
La voie digestive est sa voie principale d’absorption par diffusion simple avec une activité importante au niveau du duodénum et du jéjunum, influencée par la vacuité de l’estomac, par la présence de gaz carbonique dans la boisson, de sucre, et du mode d’ingestion.
Sa distribution est rapide au niveau des tissus vascularisés comme les poumons, le foie et le cerveau et par conséquent, l’alcool passe aussi la barrière placentaire.
L’alcool est soluble dans l’eau mais beaucoup moins dans la graisse expliquant la répartition dans l’organisme différente entre les hommes et les femmes.
L’élimination de l’alcool peut se faire par différents mécanismes, soit excrété tel quel (dans les urines par le rein en faible quantité, dans la sueur, dans le lait maternel, dans l’air expiré), soit métabolisé (principalement dans le foie) via plusieurs étapes.
Tout d’abord, l’éthanol se transforme en acétaldéhyde grâce à l’enzyme Alcool Déshydrogénase (ADH). Ce métabolite attaque les membranes cellulaires et inhibe la synthèse de certaines enzymes causant de nombreux dégâts.

Les différentes façons de consommer

Il existe plusieurs façon de mesurer la consommation : en gramme d’alcool ou en verre standard. La quantité d’alcool en gramme est égale au volume de la boisson multiplié en centilitre par le degré de l’alcool multiplié par la densité de l’alcool .
Dans notre pays, un verre standard correspond à 10 g d’alcool pur et équivaut à 25 cl de bière à 5°, 10 cl de vin à 12°, 7 cl d’apéritif à 18°, 3 cl de spiritueux à 40°.
Les mesures en verre-standard permettant de définir les seuils de risque en France sont les suivants :  jamais plus de 4 verres par occasion pour l’usage ponctuel , pas plus de 21 verres par semaine pour l’usage régulier chez l’homme (3 verres par jour en moyenne) ,pas plus de 14 verres par semaine pour l’usage régulier chez la femme (2 verres par jour en moyenne).
Il existe différents modes de consommations et les individus peuvent passer de l’un à l’autre et évoluer entre ceux-ci tout au long de leur vie.
Non usage ou abstinence : absence de consommation ; Usage simple ou à faible risque : consommation asymptomatique et inférieure aux seuils recommandés en France.
Le mésusage rassemble les types d’usage qui sont à risque d’entraîner conséquences négatives et ceux qui en entraînent.
On utilisera ici la classification de la CIM-10 proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), utilisée lors des recommandations de bonnes pratiques de la Société Française d’Alcoologie (SFA) de 2014.
L’usage à risque : est défini comme étant asymptomatique mais, par un niveau, une fréquence ou un schéma de consommation, susceptible d’entrainer de dommages à plus ou moins long terme
Les troubles liés à l’usage d’alcool : correspondent aux formes symptomatiques de l’usage et se traduisent par des conséquences visibles sur le plan social, psychologique ou médical. Ils sont définis par l’existence de symptômes, et non par un niveau de consommation spécifique.
Leurs caractéristiques sont : un ensemble de symptômes cognitifs, comportementaux et physiologiques, indiquant que le sujet continue à consommer de l’alcool malgré des problèmes significatifs liés à cette consommation , des complications physiques, psychiques ou sociales de la consommation, un désir (souvent puissant, parfois compulsif) de consommer, une perte de contrôle de la consommation ou la poursuite de la consommation dans des situations dangereuses.

L’alcool chez le fœtus

Les mécanismes de la tératogénicité 

L’éthanol absorbé par la femme enceinte passe directement au fœtus par diffusion placentaire passive. L’élimination de l’alcool par le fœtus est longue et peut se faire par trois mécanismes : par détoxification maternelle via un retour vers la circulation maternelle grâce au placenta, par une oxydation au niveau des hépatocytes fœtaux de façon imparfaite du fait de l’immaturité hépatique fœtale, par excrétion d’urine fœtale dans le liquide amniotique.
La détoxification maternelle et l’oxydation hépatocytaire ne métabolisant qu’une petite quantité de l’alcool ingéré, la majeure partie se retrouve dans le liquide amniotique qui est dégluti, injecté dans la circulation et excrété à nouveau dans le liquide de façon infinie. La poche amniotique devient un réservoir d’alcool pour le fœtus.
Or l’alcool est tératogène en période embryonnaire et neurotoxique durant toute la gestation. L’atteinte fœtale est difficile à prévoir mais il existe des variables corrélées aux risques : la dose ingérée, la durée d’exposition, le terme de la grossesse, les habitudes de consommation (ingestion de doses massives, chronicité de la consommation,…). A cela s’ajoute la susceptibilité individuelle du fœtus.
Le sang venant de la veine ombilicale se dirige vers le cerveau fœtal or l’éthanol et son métabolite l’acétaldéhyde ont une action sur les structures cérébrales à toutes les étapes du développement (multiplication cellulaire cérébrale, migration neuronale, synaptogénèse). Ils provoquent tous deux une vasoconstriction des vaisseaux induisant une ischémie chronique. De plus, l’acétaldéhyde diminue la méthylation de l’ADN.

Les différents troubles causés 

L’alcool est l’un des tératogènes et fœtotoxiques les plus puissants existants, pourtant ces méfaits ont longtemps été méconnus. Les troubles associés à l’alcool sont toutefois bien réels et peuvent apparaître pour toute consommation.
La classification Ensemble des Troubles Causés par l’Alcoolisation Fœtale de l’Institut of Medecine de 1996 regroupe l’ensemble du spectre des lésions liées à l’exposition in utero à l’alcool et se divise en cinq entités cliniques constituant un continuum: le SAF avec consommation d’alcool avérée,  le SAF avec consommation d’alcool non documentée, le SAF partiel avec consommation d’alcool avérée, les Anomalies Congénitales Liées à l’Alcool (ACLA), les Troubles Neuro-Développementaux Liés à l’Alcool (TNDLA).
Ces trois dernières entités sont regroupées sous le terme d’Effets de l’Alcool sur le Fœtus. L’atteinte cérébrale en fait toute la gravité.
Les EAF se définissent par une exposition prénatale à l’alcool mais sans avoir les 3 caractéristiques du SAF (un retard de croissance, une dysmorphie faciale, une atteinte du système nerveux central) . Le plus souvent les mensurations sont normales ou faiblement atteintes, s’y associent quelques éléments de la dysmorphie faciale et un dysfonctionnement cérébral.

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Table des matières

Introduction
Première partie 
I. La vision de l’alcool en France
A. Aspect culturel de la consommation en France
B. Evolution de la consommation en France
II. La consommation des femmes
A. La consommation féminine en France
B. La vision de la société sur l’alcoolisation féminine
C. La femme enceinte et l’alcool
III. L’alcool
A. Le mécanisme de l’alcool
B. Les différentes façons de consommer
IV. L’alcool chez le fœtus
A. Les mécanismes de la tératogénicité
B. Les différents troubles causés
V. La prévention
A. Bref historique de la prévention des mésusages et de l’alcoolisation
B. La prévention primaire
C. La prévention secondaire
D. La prévention tertiaire
Deuxième partie
I. Présentation de l’enquête
A. Motivation et problématisation
B. Méthodologie de recherche
II. Résultats
A. Description de la population
B. Durant les consultations
C. Les difficultés
D. Les supports
E. Situation simple et situation complexe
F. Relais
G. Formation
Troisième partie 
I. Points forts de l’étude 
II. Limites de l’étude
A. La population
B. Le questionnaire
C. Le sujet
III. Analyse et discussion des résultats
A. La population
B. Hypothèse 1 : les professionnels abordent sans difficulté les pratiques de consommation de
la femme enceinte et délivrent les informations appropriées sur l’alcool et la grossesse quelle
que soit la patiente
C. Hypothèse 2 : les professionnels de santé connaissent et utilisent divers supports dans leur
pratique en plus du dossier obstétrical
D. Hypothèse 3 : les professionnels savent prendre en charge et orienter si besoin de façon adéquate les patientes révélant une consommation
E. La formation
Conclusion 
Bibliographie 

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