Prévention des risques professionnels dans les PME-PMI

Vers la mise en place d’actions de prévention adaptées à la taille de l’entreprise

   La réflexion engagée sur les actions à mener dans ces entreprises a été à l’origine d’un certain nombre d’actions de prévention qui peuvent être schématiquement classées en deux grands groupes. Celles qui s’adressent au chef d’entreprise considéré comme un acteur essentiel du niveau de prévention des risques, mais défaillant en termes d’information et de moyens, et celles orientées plus particulièrement en direction du salarié. Le premier groupe d’actions cible donc le chef d’entreprise et a pour objectif de l’informer. L’implémentation d’outils de gestion est une étape qui vient ensuite et qui bien souvent suit le développement de l’entreprise (Favaro, 1999). C’est la raison pour laquelle les actions mises en place doivent susciter l’intérêt du dirigeant en utilisant l’environnement de l’entreprise. L’environnement réglementaire, quelque soit son degré de coercition, est une condition nécessaire mais non suffisante pour améliorer le niveau de prévention. Le dirigeant d’une petite entreprise est souvent peu au fait de ses obligations réglementaires. Une étude française à caractère monographique portant sur 22 entreprises de moins de 20 salariés a fait apparaître que sur le total d’entreprises, 7 seulement avaient entrepris une démarche d’évaluation des risques (ISAST, 2006). Pour être efficace l’information doit donc être relayée par des partenaires de l’entreprise tels que les experts-comptables, les clients, les fournisseurs et les donneurs d’ordre lorsqu’il y en a (Lamm, 1998; Walters, 2001). Un second groupe d’actions de prévention s’intéresse aux salariés. Le niveau de prévention des risques est en effet très largement lié à une co-construction des risques et de la prévention par le dirigeant et le salarié, or la particularité des relations sociales dans les petites entreprises constitue un frein à l’information. Ce manque général d’information des salariés que l’on retrouve dans les études internationales plaide donc pour la mise en place de représentants du personnel et un rôle plus actif des syndicats (Walters, 2001). C’est l’objectif suivi par les études européennes qui s’inspirent largement du modèle suédois (Frick et Walters, 1998). Quelque soit la cible des actions de prévention, les différentes études posent la question des acteurs à mobiliser pour l’atteindre et des outils de prévention à utiliser. Pour les salariés, si le rôle des représentants du personnel syndiqués ou non semble s’imposer, celui-ci est inefficace s’il n’est pas supporté par un engagement des organisations patronales (Walters, 2004). Pour les dirigeants, leur défiance vis à vis des institutionnels de la prévention implique la mise en place d’autres acteurs à même de jouer un rôle de support et de complément aux actions institutionnelles. Dans les deux cas, émerge la notion d’action collective, c’est-à-dire d’un système d’acteurs à même de porter une action de prévention en direction de ces organisations. Ce parti pris de l’action collective a été celui de L’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT) qui a formalisé des actions en direction des entreprises de moins de 50 salariés. Ces actions permettent d’engager les dirigeants des petites entreprises dans unedémarche de prévention et de capitaliser de l’expérience utile pour d’autres. Le projet, en général financé par un acteur institutionnel, est porté par un acteur légitime, acteur relais (Grosjean, 2003) telle qu’une organisation professionnelle ou une chambre consulaire. Ancré dans un territoire, ce type d’action associe un ensemble de partenaires dont les organisations de salariés. Un certain nombre d’études internationales repose sur un dispositif similaire. Leur évaluation montre les avantages de ces dispositifs mais aussi les conditions nécessaires à leur réussite. En termes d’outils, les supports sont variés (plaquette d’information, séminaire ou logiciel). Ils peuvent reposer sur des approches sectorielles qui s’appuient sur des risques propres à un type d’activité, ou multisectorielles qui valorisent alors la démarche globale de la prévention des risques. Qu’ils soient fondés sur des approches réglementaires ou incitatives, dans la majorité des cas, ils sont prétextes à regrouper un certain nombre d’intervenants.

Le poids des PME dans les pays industrialisés

   Aux Etats-Unis et au Japon, plus du tiers des salariés sont employés par des entreprises de moins de 250 personnes (Tableau n°2). En Europe, ces dernières représentent 99,8% de toutes les entreprises de l’Union 25 en 2003 (CE, 2002) et elles emploient les 2/3 de la main d’œuvre (Tableau 3). En affinant ces chiffres selon le secteur d’activité, on constate que celui des produits manufacturés représente 10% du total des entreprises et 14% de l’emploi total. Le secteur de la construction 13% des entreprises et 9% de l’emploi total, celui de la vente au détail 20% du total des entreprises et 14% de l’emploi total . Ces chiffres recouvrent cependant des réalités nationales différentes. David Walters (2001) propose de les classifier en quatre groupes :
– Un premier groupe de pays où les PME sont dominantes tels que l’Espagne, la Grèce et l’Italie.
– Un deuxième groupe où les PME sont dominantes sans que cette domination ne soit écrasante, le meilleur exemple en est le Danemark.
– Un troisième groupe dans lequel on rencontre une égale répartition de l’emploi salarié entre PME et grandes entreprises comme la France.
– enfin un groupe de pays où les grandes entreprises restent majoritaires comme l’Angleterre et la Suède.
Olivier Torres (1999) propose de distinguer d’une part les PME traditionnelles héritées du passé dont le niveau technologique est relativement faible. Ces PME se retrouveraient particulièrement dans les pays d’Europe du sud (Italie, Espagne et en France). Et d’autre part, les PME plus « modernes » que l’on retrouverait dans les pays Anglo saxons et qui symboliseraient l’initiative privée, le goût du risque et le High tech. Le modèle le plus représentatif serait alors celui de l’entreprise de la Silicon Valley. Les tailles moyennes sont différentes selon les pays considérés. En effet, elles ont tendance à être basses dans les pays méditerranéens (Italie, Grèce, Portugal et Espagne), alors qu’elles augmentent en Irlande, Autriche, Luxembourg et Pays-Bas. En corrélant la taille des entreprises et le Produit Intérieur Brut (PIB), les auteurs constatent que la taille moyenne des entreprises augmente avec la prospérité du pays et atteint 10 salariés en Autriche, alors que la taille moyenne est en Grèce de 2 salariés et de 3 en Italie. Enfin, si l’on s’intéresse à l’économie marchande non financière, les PME génèrent plus de la moitié de la valeur ajoutée totale, répertoriée comme suit : Les micros 20,5%, les petites 19,1% et les moyennes 17,8% (C.E, 2002). Concernant la France, les PME indépendantes de 0 à 249 salariés occupaient en 2004 55% des personnes occupées (salariés et non salariés). Les deux tiers des effectifs des PME sont occupés dans des entreprises de moins de 20 personnes et réalisent 66% de la valeur ajoutée créée par les PME françaises (tableau n°1).

Une vulnérabilité des PME face aux risques Santé et Sécurité au Travail

   Les statistiques des maladies professionnelles et des accidents du travail révèlent une faible performance des PME par rapport aux grandes entreprises dans ce domaine (Favaro, 1996 ; Lamm 1999 ; Walters, 2001 ; Fabiano, 2004 ; Sorensen et Hasle, 2007) (voir tableau n°7). En Belgique, la confédération syndicale belge révèle qu’en 2003, 52,3% des accidents mortels se sont produits dans des entreprises qui comptent moins de 50 travailleurs alors qu’elles ne représentent que 43% de l’emploi total. Les chiffres français montrent que la plupart des accidents ont lieu dans des entreprises dont l’effectif est inférieur à moins de 50 personnes (ISAST, 2006). Bien que certaines statistiques puissent être sujetes à caution, notamment en ce qui concerne la sous déclaration des accidents du travail au sein des entreprises de moins de 20 salariés D’après les statistiques sociales européennes-accidents au travail et santé au travail- données 1994-2000, Eurostat, 2002* accidents du travail supérieurs à 3 jours (European Agency, 2003) (Walters, 2001) cette comparaison des taux d’accidentabilité entre les grandes et les petites entreprises nous amène à nous interroger sur les raisons de cette vulnérabilité. Existe-t-il véritablement un effet taille qui, combiné avec certaines caractéristiques, confère à ces entreprises une fragilité, ou celle-ci est-elle la conséquence des secteurs d’activité dans lesquels elles évoluent et qui sont par nature plus sujets à l’accident et aux maladies professionnelles comme le bâtiment ou la métallurgie ? Bien que le secteur d’activité et les éléments d’âge, de sexe, et de qualification qui lui sont attachés jouent un rôle non négligeable sur la performance Santé et Sécurité au Travail, il semble que des éléments propres à cette taille d’entreprise déterminent ses mauvaises performances. Pour Lamm (2001), chercheuse néo-zélandaise spécialisée sur la problématique risque Santé et Sécurité au Travail et PME, les deux aspects sont indissociables. En effet en Australie et en Nouvelle-Zélande, de nombreuses entreprises sont liées aux industries à risques qui emploient une main d’œuvre plus précaire à des taux de rémunération plus bas que dans les grandes entreprises. Pour une large part le profil des salariés dans ce type d’entreprise est constitué de femmes ne parlant pas l’anglais et peu syndiquées. La précarité de la main d’œuvre dans un contexte concurrentiel, d’externalisation et de soustraitance dans lequel évoluent ces entreprises renforce leur vulnérabilité face aux risques professionnels (Mayhew and Quilan, 1997). Il existe donc bien une spécificité des PME, et Lamm et Walters (2004) considèrent que le management de ces entreprises est très différent de celui des grandes. Les contraintes financières qui pèsent sur elles rendent difficile la conformité réglementaire. L’ensemble des auteurs admet qu’il est difficile de pouvoir établir des comparaisons entre les grandes et les petites entreprises (Sorensen et Hasle, 2007). En effet :
– La survie moyenne de ces entreprises est courte.
– La définition des PME, nous l’avons vu dans la partie précédente est difficile.
– Celles-ci sont dépendantes d’une multitude de facteurs environnementaux (relation de dépendance avec une grande entreprise par exemple) qui varie fortement d’une entreprise à l’autre.
– D’une difficulté à établir des comparaisons internationales car chaque pays a sa manière d’enregistrer les déclarations d’accidents et les maladies professionnelles. Cependant les études internationales et françaises font toutes mentions :
– D’un risque plus important d’accidents du travail graves et de décès.
– D’un risque plus important d’accidents du travail qui n’apparaît pas directement dans les statistiques des petites entreprises mais qui peut être déduit de la sous déclaration.
Les contextes culturels dans lesquels les accidents du travail et les maladies professionnelles sont déclarés pèsent donc fortement sur la fiabilité des données. Cependant on constate certaines similitudes dans les pays comparés. Les statistiques européennes et françaises mettent en évidence la relation entre la taille des entreprises et la fréquence des accidents du travail et des décès. Plus la taille décroît et plus le taux de fréquence est élevé à l’exception cependant des très petites entreprises qui présentent un taux de fréquence des accidents du travail moindre mais un pourcentage de décès plus élevé et ce quelque soit le pays ou le groupe de pays considéré. Sorensen et Hasle (2007) ont montré qu’au Danemark les petites entreprises ont un environnement de travail plus risqué que les grandes et que cet accroissement du risque est à mettre en relation avec la pauvreté du système de management de la sécurité. On constate cependant selon les études des différences significatives entre les risques rencontrés. Si les risques physiques liés à de la manutention et à l’exposition aux produits chimiques sont plus souvent mis en évidence dans les petites entreprises, il semble que celles-ci sont moins soumises aux risques psychosociaux. Cette analyse se retrouve dans les études anglaises et françaises sur le sujet. Selon l’ISAST (2006), les entreprises de moins de 20 salariés sont plus pénalisées si l’on prend en compte les différents indicateurs sur les efforts physiques et les contraintes posturales, les indicateurs d’accidents et les indicateurs d’hygiène (saleté, humidité). En revanche les indicateurs relatifs à l’organisation du travail soulignent que l’autonomie au travail est plus élevée dans les PME et que les contraintes organisationnelles sont moindres que dans les grandes entreprises. Bien que certains secteurs soient plus exposés que d’autres Walters (2001) a montré que les statistiques d’accidents du travail présentaient quelque soit le secteur d’activité le même profil (tableau n°8). Concernant la faiblesse des taux d’accidents du travail pour les très petites entreprises, un certain nombre d’auteurs suppose que si le taux est particulièrement bas cela est dû essentiellement à un problème de sous déclaration. Cependant la sous déclaration selon le Health and Safety Executive (HSE) n’explique pas la totalité de ces différences. En effet Walters (2001) rapporte les arguments du HSE sur la question qui considère que les statistiques sont réalisées à partir des déclarations légales des employeurs et dans ce cas là on peut considérer qu’il y a sous déclaration. Cependant il y a aussi des enquêtes réalisées par la Labour Force Survey c’est-à-dire à partir des déclarations des salariés or les déclarations concordent.

Attitude et comportement du dirigeant

  Eakin (1992), sociologue Canadienne, a réalisé une des études majeures en la matière en conduisant une enquête qualitative portant sur 53 chefs d’entreprises de moins de 40 salariés. Cette étude est l’une des premières recherches prenant en compte la réalité des PME face à ce type de risques sans les considérer comme de petites grandes entreprises. Son hypothèse de départ est de relier le comportement des chefs d’entreprises face aux risques SST aux schémas des relations sociales qui prévalent dans ces organisations. Sa première constatation est que la plupart des dirigeants des petites entreprises investissent peu en matière de management de la Santé et Sécurité au Travail. Ils considèrent la plupart du temps que les risques professionnels sont liés aux comportements des salariés et plus particulièrement à leur absence de prudence face à certaines substances ou certaines situations dangereuses. Le risque n’est donc pas identifié en lui même. C’est le comportement du salarié face à ce risque qui est pris en compte par le chef d’entreprise et particulièrement le refus du salarié d’utiliser les Equipements de Protections Individuelles (EPI) qu’il devrait porter. Cependant ce comportement du dirigeant face aux risques SST n’est pas monolithique et très rapidement les résultats des interviews lui permettent de distinguer deux pôles :
– Un pôle minoritaire (1/5 des dirigeants interrogés) qui comprend des propriétaires qui déclarent faire beaucoup d’efforts pour prendre en compte la Santé et la Sécurité Travail de leurs salariés et n’hésitent pas à faire preuve de fermeté en utilisant des sanctions disciplinaires s’il le faut, c’est l’approche « Coming down hard ».
– Et un pôle, le plus couramment répandu, qui considère que la prévention des risques est le problème des salariés c’est l’approche « leaving it up to the workers ». Ce groupe présente des différences de comportement. L’attitude extrême de cette catégorie consiste à ne prendre aucune responsabilité en matière de Santé et de Sécurité au Travail. Les salariés doivent s’acheter leur équipement de protection individuelle, ou bien l’équipement leur est fourni et charge à eux de l’utiliser ou pas. Dans tous les cas les employeurs refusent d’intervenir de manière coercitive pour faire respecter les règles de prévention des risques professionnels. Sachant que cette posture concerne les deux tiers des chefs d’entreprises interviewés, Eakin tente de comprendre leur réticence à prendre en charge la Santé et la Sécurité au Travail. Cette attitude selon Eakin (1992) s’explique par trois raisons :
– La perception qu’ils ont de l’intérêt de la question santé et sécurité au travail dans leur entreprise.
– Le type de relations qu’ils entretiennent avec leurs salariés.
– La façon dont ils perçoivent leur responsabilité en matière de Santé et Sécurité au Travail.
La plupart du temps, Eakin (1992) constate que les chefs d’entreprises ne considèrent pas que leur entreprise présente des risques particuliers pour la santé de leurs salariés. S’ils les perçoivent, ils sont jugés acceptables. Ils estiment qu’il n’y a pas de problème dans ce domaine tant qu’ils n’ont pas fait l’expérience d’un problème sérieux tel que la maladie professionnelle ou l’accident du travail grave. Eakin constate aussi que les dirigeants qui ont davantage d’expériences négatives en la matière ont une perception plus sérieuse de ces risques. Cette faculté à inférer la dangerosité d’un produit, d’une tâche ou d’un équipement de l’expérience d’un accident se retrouve dans nombre d’études (Pham, 1993), (Favaro, 1997). Les dirigeants connaissent mal la réglementation en matière de Santé et de Sécurité au Travail et la plupart n’ont jamais été inspectés. La prévention des risques professionnels n’est donc pas une question pertinente par rapport aux autres contraintes de management et dans l’ensemble cette faible perception du risque doit être associée à la faiblesse des actions entreprises en la matière. Malgré tout dans la catégorie « Leaving it up » on retrouve 40% des dirigeants qui ont une perception de moyenne à haute de ces risques. Eakin s’interroge donc sur les facteurs qui les maintiennent dans cette catégorie et notamment sur la spécificité des relations sociales dans ces entreprises et la perception qu’ils ont de leur responsabilité vis à vis de leurs salariés. La particularité des relations sociales dans les PME est un élément essentiel pour comprendre l’état de la prévention des risques. Eakin note que la plupart des employeurs ne contrôlent pas et ne sont pas coercitifs envers leurs salariés, ils ne se sentent pas légitimes pour le faire. Dans les petites entreprises, les chefs d’entreprises se sentent davantage être partie intégrante de l’équipe de production que dans une position hiérarchique dominante. Cette proximité dirigeants/salariés rend difficile la mise en place des relations hiérarchiques telles que celles qui existent dans les grandes entreprises. En outre dans de nombreux secteurs, les dirigeants sont dépendants d’une main d’œuvre spécialisée et il leur est difficile de garder les bons éléments. Cette dépendance vis-à-vis des salariés rend difficile l’exercice du lien de subordination en matière de respect des règles en Santé et Sécurité au Travail. Eakin souligne que remettre en cause l’attitude de ses salariés face aux risques SST par l’employeur reviendrait à les remettre en cause dans leurs compétences professionnelles. Enfin, dans les petites entreprises, les salariés sont incités à être entreprenants. L’incursion du dirigeant dans la sphère de la Santé et de la Sécurité au Travail est donc perçue comme contradictoire avec un mode de management qui les poussent vers l’autonomie. Concernant la perception de sa responsabilité par le chef d’entreprise, celle-ci peut être classée en deux postures qui correspondent aux attitudes des dirigeants envers les salariés. La première posture est celle d’une responsabilité personnelle et morale. Les dirigeants ne sont pas dans un rôle de chef d’entreprise, mais se sentent impliqués en tant qu’individu envers la santé de leurs salariés. Cette perception de leur responsabilité conduit à une « leaving it up to the workers approach ». C’est donc la perception la plus répandue. Une autre perception de leur responsabilité est celle qu’Eakin appelle la responsabilité bureaucratique. Dans ce cas leur responsabilité face aux risques SST est perçue comme une partie intégrante de leur responsabilité managériale et amène à des réponses de type « coming down hard ». Cette perception est cependant minoritaire. Ainsi que le constate l’auteur, ce contexte particulier de la PME est donc propice à un management de la sécurité et de la santé au travail qui considère que le salarié est au cœur du problème, voire qu’il est le problème. Les études récentes confirment cette perception (Hasle, 2008).

Adaptation des théories du marketing des biens non recherchés

   La question qui est posée ici est comment faire « acheter » au dirigeant ce dont il ne veut pas a priori. Tait et Walker (2000) considèrent que l’on doit prendre en considération les caractéristiques des petites entreprises et de leurs dirigeants et appliquer des stratégies qui permettent aux préventeurs de toucher plus efficacement leur cible. En effet les auteurs considèrent que le groupe des consultants en Santé et Sécurité au Travail a été négligé dans les recherches et qu’il faut comprendre pourquoi ils sont peu utilisés par les dirigeants de petites entreprises. L’une des explications possibles est le manque de réflexion dans l’approche du dirigeant qui dans les théories du marketing constitue un objectif pour l’offreur. La cible doit donc être segmentée selon les caractéristiques du dirigeant de PME, de son attitude face aux risques et du développement de l’entreprise. Les besoins seront différents selon le moment du cycle de vie :
– La création de l’entreprise est consacrée à la recherche de clients.
– La phase de croissance est consacrée davantage à la stabilisation des revenus et au contrôle des coûts.
– La phase de succès permet l’emploi de nouvelles personnes à qui l’on confie des missions spécifiques.
– La phase de décollage permet la recherche de nouveaux marchés.
– La phase de maturité permet enfin la mise en place d‘un système de management formalisé.
Cette segmentation des actions de prévention selon les différentes phases du cycle de vie est présente chez d’autres auteurs et Favaro (1999) présente différents types de prévention selon la taille de l’entreprise tout en rappelant que toutes n’ont pas comme vocation à grandir et qu’un certain nombre disparait sans avoir eu le temps de passer par ces différentes étapes. Le marché de la formation aux risques SST a pour spécificité d’être un marché de services et de services non désirés, c’est à dire un service dont le besoin n’est pas émis voire qui est rejeté car il renvoie à une image négative. Ce cas est connu notamment par les compagnies d’assurances qui vendent de l’assurance décès ou obsèques. Des stratégies peuvent cependant être menées en s’appuyant sur une relation de confiance. Elles permettent après une longue période de présenter au client un service qui correspond à un besoin qui n’a pas toujours été exprimé. Ce besoin doit donc être créé par le vendeur. Cependant en matière de Santé et de Sécurité au Travail, les éléments incitateurs ne sont pas évidents à trouver. Si l’on prend le taux d’accidents, pour des raisons de sous déclaration, il n’est pas significatif dans les micros entreprises. Le risque est côtoyé tous les jours et mettre en avant les conséquences d’un accident du travail jouerait un rôle contre-productif. Les auteurs rappellent qu’un message qui fait planer une menace a tendance à être neutralisé et atténué par le récepteur. L’aspect strictement réglementaire n’est pas suffisant non plus pour déclencher à lui seul l’achat et ce d’autant plus que dans de nombreux cas les services de l’inspection ne sont pas perçus comme une menace effective. Les stratégies menées doivent donc s’appuyer sur des éléments spécifiques qui tiennent compte des relations sociales dans les entreprises et de la responsabilité morale que les chefs d’entreprises ont vis-à-vis de leurs salariés. La relation de dépendance à l’égard de leurs donneurs d’ordre peut aussi jouer un rôle positif en les incitant à utiliser les services d’un préventeur. Cependant l’expression d’un besoin n’est pas suffisante en soi pour entraîner l’acte d’achat. La décision doit être encouragée et l’acheteur rassuré sur ce qu’il achète. Le détail de la formation et le coût doivent lui être présenté. L’utilisation d’acteurs relais (Grosjean, 2003) tels que les chambres de commerce ou d’autres associations d’employeurs peuvent alors jouer un rôle clef pour crédibiliser le message et l’adapter au vendeur.  » Pour l’artisan l’accent serait mis sur le métier, pour l’homme d’affaires sur la gestion, pour le manager sur la conduite des hommes, l’action marketing gagnant en efficacité par l’utilisation d’acteurs relais tels que les chambres consulaires. » (Grosjean, 2003) L’utilisation des techniques marketing permet donc d’établir des stratégies qui prennent en compte les freins d’achat de la prévention et qui instaurent un climat de confiance. Comme nous le verrons dans les prochains chapitres la notion de confiance est un élément essentiel pour déclencher une action en interne comme en externe. Le rôle de l’acteur relais est donc un élément clef du succès d’une opération de prévention.

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Table des matières

Première partie : Repères théoriques et méthodologiques De l’idée de la thèse
Chapitre 1 Le développement des PME dans les pays industrialisés et ses conséquences sur la Santé et Sécurité au Travail
1.1 Les petites et moyennes entreprises dans l’activité économique
1.1.1 Le poids des PME dans les pays industrialisés
1.1.2 Les raisons de leur développement
1.2 Hétérogénéité des PME et difficultés de définition
1.2.1 Des définitions quantitatives
1.2.2 Des typologies qualitatives
1.3 Une vulnérabilité des PME face aux risques Santé et Sécurité au Travail
Chapitre 2 Prévention des risques dans les PME : déterminants de la prévention et conceptions d’actions adaptées
2.1. L’approche par les déterminants internes et externes de la prévention
2.1.1 Le niveau de prévention dépend des acteurs de l’entreprise
2.1.1.1 Le rôle du dirigeant
2.1.1.1.1 Attitude et comportement du dirigeant
2.1.1.1.2 Représentation de la SST chez les dirigeants et typologie d’entreprises
2.1.1.1.3 Typologie de dirigeants conformes et non conformes à la réglementation
2.1.1.2 Représentations et vulnérabilité du salarié face aux risques SST
2.1.1.3 Le couple employeur/salarié dans un contexte relationnel spécifique
2.1.2 Une approche de la SST par l’environnement de l’entreprise
2.1.2.1 La détermination du niveau de prévention des risques par le contexte de l’entreprise
2.1.2.2 Le réseau de proximité de l’entreprise : un vecteur d’amélioration de la prévention du niveau de prévention ?
2.1.3 Les déterminants de la prévention des risques dans les PME: un système d’interactions complexe
2.2 Expérimentations d’actions de prévention adaptées aux PME et évaluation
2.2.1 Typologies d’actions adressées au dirigeant
2.2.1.1 Comment engager le chef d’entreprise dans des actions de formations en Santé et Sécurité au Travail ?
2.2.1.1.1 Adaptation des théories du marketing des biens non recherchés
2.2.1.1.2 La psychologie sociale pour agir sur les comportements
2.2.1.2 Panorama international d’actions de prévention: le rôle des intermédiaires
2.2.1.2.1 Apprentissage des bonnes pratiques : grandes entreprises et bon voisinage
2.2.1.2.2 La pression du réseau de proximité de l’entreprise : incitation économique et coercition
2.2.1.2.3 Le rôle des conseillers de la petite entreprise
2.2.1.2.4 Le dialogue préventeur dirigeant : une condition essentielle du niveau de prévention des risques
2.2.1.2.5 Une approche non coercitive et décontextualisée de la prévention des risques SST
2.2.2 Les actions dirigées vers le salarié
2.2.2.1 La représentation du personnel : l’exemplarité suédoise
2.2.2.2 Les conditions de la généralisation des représentants SST
Seconde partie : Problématique de la pérennité des actions de prévention
Chapitre 3 Formalisation et évaluation d’une action collective expérimentale de prévention à destination des PME
3.1 Le contexte de la recherche
3.1.1 Le contexte réglementaire de la prévention des risques Santé et Sécurité au Travail
3.1.2 Le contexte politique national et local
3.2 Présentation de l’action collective
3.2.1 La forme de l’action
3.2.2 Méthodologie de la recherche
3.2.2.1 Les objectifs de la recherche
3.2.2.2 Les acteurs impliqués dans l’action
3.2.2.3 La mise en œuvre du dispositif
3.3 Résultats des audits réglementaires
3.3.1 La méthodologie mise en œuvre par l’outil
3.3.2 Les résultats consolidés de l’audit réglementaire
3.3.3 L’évaluation du dispositif par les acteurs
3.4 Enquête qualitative : Validation d’un socle conceptuel et émergence de nouvelles relations
3.4.1 Validation des invariants internationaux
3.4.1.1 L’attitude du dirigeant
3.4.1.2 Perception du rôle des institutionnels de la prévention
3.4.1.3 L’appartenance du dirigeant à un réseau syndical et professionnel
3.4.1.4 Prévention des risques SST et cycle de vie de l’entreprise
3.4.1.5 Relations Préventeurs – PME
3.4.2 Nouvelles relations et déterminants de l’adhésion à une action collective
3.4.2.1 L’efficience de l’action
3.4.2.2 L’inquiétude du dirigeant
3.4.2.3 La mise en confiance
3.4.2.4 L’outil logiciel artefact d’un apprentissage croisé
3.4.2.5 L’appropriation des résultats par l’entreprise
3.4.2.6 L’opérationnalisation de la prévention
CHAPITRE 4 De la conformité réglementaire à l’opérationnalisation de la prévention : étude à caractère monographique
4.1 Contexte de l’étude
4.1.1 Choix de l’entreprise
4.1.2 Secteur d’activité et présentation de l’entreprise
4.1.3 Vulnérabilité du secteur d’activité du BTP et accidents du travail au sein de l’entreprise
4.1.4 Méthodologie et phase d’intervention
4.2 Recherche-intervention dans l’entreprise DOMUS : résultats et analyse
4.2.1 Première intervention : Implémentation d’outils de prévention des risques SST
4.2.1.1 Prise de contact dans l’entreprise
4.2.1.2 Présentation de l’entreprise par les dirigeants
4.2.1.3 Audit réglementaire
4.2.1.4 L’évaluation des risques professionnels.
4.2.1.5 Résultats des premières observations
4.2.2 Deuxième intervention : La rationalisation des activités dans l’entreprise
4.2.2.1 Contexte : le contexte de l’intervention
4.2.2.2 Application du plan de prévention des risques et premières difficultés
4.2.2.3 Evolution des relations avec les institutionnels de la prévention
4.2.2.4 Recherche d’une personne ressource en interne pour opérationnaliser le plan de prévention
4.2.2.5 Les difficultés d’acceptation des Equipements de Protection Individuelle
4.2.3 Résultats de la troisième intervention : Organisation informelle et résistance à l’opérationnalisation du plan de prévention
4.2.3.1 Contexte et objectifs
4.2.3.2 Organigramme : organisation formelle et informelle
4.2.3.3 Résistance au changement
4.2.3.4 Prescrit interne et négociation
4.2.3.5 Zone d’incertitude versus sécurité
4.2.4 Résultats de la quatrième intervention : réaffirmation de l’autorité du dirigeant et réorganisation de la fonction SST dans l’entreprise
Conclusion générale et perspectives

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