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Physiopathologie
Mécanismes des brûlures électriques[30]
Les accidents d’électrisation relèvent de trois mécanismes essentiels qui peuvent coexister, il s’agit:
Des brûlures par arc électrique. Des brûlures par flash électrique.
Des brûlures électriques vraies ou électrothermiques.
Les brûlures par arc électrique ou flash électrique correspondent à des lésions dues à l’électricité sans qu’il y ait eu généralement passage interne du courant dans le corps.
Accident électrique « vrai »
Pour qu’une électrisation se produise, il faut que deux points du corps de la victime soient soumis à une différence de potentiel. Le passage de courant électrique dans l’organisme se fait entre un ou plusieurs points d’entrée et de sortie. Entre les deux, le courant électrique passe dans l’organisme en générant des lésions électriques vraies, par une action directe de dépolarisation au niveau des cellules cardiaques, neurologiques et musculaires, ainsi que des lésions électrothermiques par production de chaleur sur le trajet du courant [18].
On distingue :
Mécanisme d’action dedépolarisation cellulaire
Il existe une action directe du courant électrique sur la cellule, quel que soit le type de cellule.
La dépolarisation induit une lésion directe des cellules nerveuses, cardiaques, musculaires entraînant des lésions accompagnées d’un effet de tétanisation. Par ailleurs, le courant alternatif aggrave cette tétanisation par la contraction prolongée et invincible qu’il entraîne. Souvent, la victime ne peut pas lâcher la source de courant et la lésion est encore plus importante [30].
Mécanisme d’action par production de chaleur
L’étude du voltage permet de séparer les brûlures électriques en deux groupes. D’une part, les lésions par bas voltage, en principe moins graves mais où l’intensité peut quelque fois entraîner des lésions non négligeables.
D’autre part, les lésions par haut voltage qui surviennent lorsque celui-ci est supérieur à 800 ou 1 000 volts. Ce sont surtout ces patients que l’on voit en service de chirurgie ou en centre de brûlés. Elles sont toujours très graves. Lésées par la chaleur induite, les cellules de ces tissus, comme dans le cas d’une nécrose d’origine thermique, vont à leur tour avoir une action calorigène et dévastatrice sur les tissus proches, comme les muscles.
La durée d’application participe bien sûr à la gravité de la lésion. Elle est souvent augmentée en raison des phénomènes de tétanisation. Ainsi le contact est prolongé et les lésions plus graves [30].
Arc électrique
Un arc électrique est un accident d’électrisation qui se produit en l’absence de contact physique avec un conducteur électrique. En effet, les hauts voltages peuvent induire des arcs à une distance de 2 à 3 cm tous les 10.000 volts. Les lésions produites sont le plus souvent des brûlures cutanées profondes, sans passage du courant à l’intérieur du corps (comme si le courant « glissait » sur la victime). Parfois, le courant électrique traverse le corps et il se produit alors une électrisation à haut voltage [30].
Flash électrique
Un flash électrique est un amorçage entre deux conducteurs sous tension, à l’origine d’un éclair dégageant de la chaleur et responsable de brûlures thermiques cutanées. L’intensité lumineuse produite par l’éclair provoque des lésions oculaires [30].
Conséquences
A l’échelon cellulaire
L’application d’un champ électrique au niveau de différents types de cellules provoque des altérations de la membrane plasmatique avec augmentation de la perméabilité membranaire. Cette atteinte de la membrane est appelée électroporation. Elle réalise la formation d’électropores dans la double couche phospholipidique membranaire. Ces pores laissent passer par diffusion libre les ions et un certain nombre de molécules intracellulaires. Leur durée de vie est limitée. L’obturation des électropores et la récupération des fonctions cellulaires semble être sous la dépendance des protéines du cytosquelette. Elle a lieu lorsque les lésions cellulaires ne sont pas encore définitives. En effet, le nombre de pores créés sur la membrane est fonction des caractéristiques et de la durée d’application du courant électrique. Si le nombre de pores est trop important, ou si le courant électrique est appliqué pendant un grand moment, les lésions cellulaires deviennent irréversibles [51] [37] [49] [41].
Hémodynamiques
Lorsque la brûlure est grave, la fuite liquidienne est intense, brutale. Cette fuite détermine une hypovolémie pouvant conduire à une insuffisance circulatoire.
Après quelques heures de réanimation apparaît un profil de type distributif associant diminution des résistances vasculaires périphériques et augmentation de l’index cardiaque, et réalisant un choc de type hyperkinétique. La réponse précoce et immédiate à l’hypovolémie est la réaction adrénergique qui aboutit à une ischémie splanchnique et cutanée avec préservation de circulation préférentielle coronaire et cérébrale.
Ainsi on note :
– une ischémie cutanée à l’origine d’aggravation des lésions en profondeur.
– une chute du débit sanguin rénal et de la filtration glomérulaire à l’origine d’une IRA d’abord fonctionnelle puis organique en cas de retard
thérapeutique. Cette atteinte rénale est aggravée par la rhabdomyolyse.
– une ischémie intestinale fragilisant la muqueuse avec passage des germes intestin aux dans la circulation sanguine. C’est la translocation microbienne avec possibilité d’endotoxinémie qui aggraverait à son tour l’hypovolémie.
– une ischémie gastrique avec érosion et même ulcération avec risque d’hémorragies digestives qui aggraveraient l’hypovolémie [44].
Ventilatoires
Même en l’absence de lésion respiratoire, les brûlures cutanées induisent des modifications de l’hématose en rapport avec les effets systémiques du syndrome inflammatoire. Ces anomalies correspondent à un œdème pulmonaire de type lésionnel. La présence d’une inhalation de fumées va induire une réaction inflammatoire pulmonaire locale qui majore encore l’atteinte respiratoire et la défaillance hémodynamique [30].
Métaboliques
Un syndrome d’hypermétabolisme apparaît et est en grande partie secondaire à l’inflammation systémique. Il s’accompagne d’un catabolisme azoté majeur souvent responsable d’une fonte musculaire et d’une altération des capacités de cicatrisation. Ceci a pour effet de prolonger les soins à la phase aiguë mais aussi la durée de la période de rééducation [30].
Les circonstances de survenue
Accidents domestiques
Les enfants sont attirés par les prises électriques, car elles représentent « deux petits yeux », comme un être vivant [31].
Leur imprudence et leur insouciance, combinées à l’existence à leur portée de prises de courant ou de câbles de rallonge, les exposent potentiellement aux accidents d’électrisation.
Les adultes ne sont pas épargnés: nettoyage au robinet d’un appareil sous tension, usage d’appareil électrique pendant le bain, changement d’une lampe en omettant de se sécher les mains, etc….
L’ignorance des « bricoleurs de fortune» les expose à l’électricité industrielle: manipulation de disjoncteur [44].
Accidents de loisirs
Ils se produisent par contact avec les lignes BT ou HT: mâts de bateaux, canne à pêche de fortune (métallique ou en fibre de carbone), antennes, échelles, jeux de cerf-volant. Au cours de baignades, des AE le plus souvent bénins sont dus à certains poissons (raies) [30].
Accidents professionnels
L’imprudence et la négligence en milieu de travail exposent certaines professions à une électrisation par BT ou HT. Plus rarement, il s’agit d’une défaillance technique du matériel [30].
La foudre
Elle peut produire pendant un millième de seconde un éclair dont la tension est approximativement de l’ordre d’un milliard de volts [16].
Accidents médicaux
La responsabilité médico-légale des anesthésistes-réanimateurs et des urgentistes peut être engagée vis-à-vis d’accidents électriques concernant leurs patients.
Lors de l’emploi d’un défibrillateur externe, le gel conducteur appliqué sur les palettes de l’appareil prévient les brûlures cutanées locales.
Au bloc opératoire, les plaques d’électrocoagulation des bistouris électriques doivent être gardées sèches. La modification de conduction due à l’humidification par des antiseptiques peut entrainer des brûlures.
La prise en charge anesthésique d’un patient porteur d’un pacemaker ou d’un défibrillateur automatique implanté impose la prévention peropératoire d’un dysfonctionnement induit par l’utilisation d’un bistouri électrique.
Le risque d’accident est d’autant plus élevé que le site opératoire est proche du boitier. Dans ce cas le recours au bistouri bipolaire, la déprogrammation préopératoire du défibrillateur, la neutralisation per opératoire par un aimant externe doivent être anticipés [37].
Lésions secondaires à la brûlure
Le point d’entrée et le point de sortie sont les premiers éléments à rechercher devant une lésion électrique patente.
Lésions cutanées
Les brûlures thermiques par arc électrique ou flash électrique sont le plus souvent responsables de brûlures identiques à celles provoquées par les flammes. Alors que les brûlures électriques vraies sont principalement représentées par les points d’entrée et de sortie du courant.
Le point d’entrée est marqué par une zone marbrée ou blanchâtre, cartonnée, insensible et qui ne saigne pas à la scarification. Cette zone de nécrose est parfois très minime en superficie, quelques centimètres, voire quelques millimètres carrés (figure 1). C’est sous la peau, en profondeur, que les dégâts sont les plus importants. On sait maintenant que sous une peau sèche, un courant de haut voltage peut générer une chaleur de plus de 1 000 degrés centigrades ! Le ou les points de sortie se présentent souvent comme de petites zones bien limitées de nécrose blanche ou grise, formant de petites ulcérations. Quand il s’agit d’un courant à haute tension, les points de sortie peuvent être plus étendus [18].
Lésions musculaires
Elles sont beaucoup plus importantes que ne le laisse penser l’état cutané. Elles reconnaissent deux types de causes.
Lésions immédiates
Elles entraînent des nécroses musculaires par action directe du courant et par le dégagement de chaleur au contact des tissus mauvais conducteurs tels que les os.
Lésions secondaires
On peut en citer trois principales.
– L’œdème lésionnel qui fait gonfler le muscle et entraîne très vite une nécrose de pression par syndrome de loge. Ces syndromes bien spécifiques sont le résultat, comme dans le « crush syndrome », d’une augmentation de la pression (supérieure à 30 mm Hg) dans la loge aponévrotique inextensible [38].
– La dévascularisation progressive du muscle par des thromboses itératives provoque des ischémies localisées qui surviennent jusqu’au 3ème jour après le traumatisme.
– L’infection qui peut survenir à bas bruit. On sait en particulier qu’il existe une possibilité sérieuse de prolifération de germes anaérobies.
Lésions osseuses
La tétanisation secondaire à la dépolarisation musculaire peut entraîner des fractures y compris du rachis, des arrachements musculaires ou des entorses importantes par spasme musculaire [37]. On peut avoir souvent la destruction de l’os par la chaleur ou à la suite de sa dévascularisation par destruction périostée.
Lésions cardiovasculaires
Les atteintes cardiovasculaires de l’électricité peuvent être des troubles du rythme, des troubles de conduction, des troubles symptomatiques de l’électrocardiogramme (ECG), des atteintes vasculaires périphériques. L’apparition d’une nécrose myocardique est également classique.
– L’arrêt cardiaque : qui survenir par FV, ou par asystolie lors d’un foudroiement, soit d’origine anoxique lors de la tétanisation des muscles respiratoires [38]
– L’infarctus du myocarde (IDM) :
Cette nécrose peut faire suite à un trouble de la perfusion myocardique ou à une action directe du courant électrique sur le myocarde dont le mécanisme lésionnel principal est lié à l’entrée massive de calcium dans la cellule myocardique.
L’IDM peut être transmurale, diffuse ou focalisée avec ou sans douleur typique. Les signes ECG apparaissent jusqu’à quelques jours après l’accident. Des troubles de la repolarisation à type de modifications non spécifiques de ST et de l’onde T peuvent survenir, et sont réversibles en quelques jours.
La biologie peut montrer une élévation isolée précoce de l’isoenzyme MB des créatines kinases, qui n’est pas forcément en relation avec un IDM.
– les troubles du rythme à type de tachycardies sinusales réversibles en quelques jours, ou des troubles du rythme supraventriculaires.
– Les troubles de conduction sont à type de blocs de branches, de changement de l’axe cardiaque, d’allongement du segment QT. Ce dernier est le plus dangereux, susceptible de favoriser l’apparition de dysrythmies malignes, en particulier des torsades de pointe.
Lésions neurologiques
Elles peuvent apparaître immédiatement après le traumatisme ou de manière retardée. Les tableaux cliniques sont très polymorphes allant de la perte de connaissance initiale transitoire avec ou sans crises convulsives, au coma profond compliqué de signes neurovégétatifs. Les syndromes déficitaires centraux médullaires et périphériques peuvent eux aussi prendre des formes extrêmement diverses. Leur évolution n’est pas toujours favorable et peut laisser des séquelles invalidantes [30].
Lésions rénales
Là encore, elles sont de plusieurs ordres : atteinte traumatique directe ou indirecte, et atteinte métabolique [46].
L’insuffisance rénale qui en découle reconnaît plusieurs mécanismes, souvent intriqués :
– atteinte rénale directe par le courant électrique avec des lésions nécrotiques parenchymateuses et vasculaires ;
– choc hypovolémique important, en relation avec la phase primaire de la brûlure;
– atteinte tubulaire par relargage de myoglobine et d’hémoglobine ; l’urine devient alors rose ou même rougeâtre ;
Toutes ces lésions rénales aggravent fortement le pronostic vital et nécessitent un traitement d’urgence efficace pouvant aller jusqu’à l’amputation de sauvetage d’un membre profondément touché.
Lésions pulmonaires
Elles sont soit indirectes, par atteinte de la commande centrale, soit directes, par lésions profondes à travers la paroi thoracique. Cette paroi peut-être elle-même le siège d’effractions importantes avec destruction costale, lésion des muscles intercostaux, atteinte pleurale et hydrothorax (figure 2).
Les lésions pulmonaires directes entraînent des atélectasies ou des infarcissements pulmonaires nécessitant parfois des résections parenchymateuses à la demande. Dans certains cas encore, on peut assister à des pneumothorax par perforation pleurale à la suite d’une fracture de la côte.
Lésions abdominales
Au niveau intestinal, on assiste à des lésions directes de type destruction avec nécrose pariétale entraînant très vite un syndrome péritonéal grave.
Des perforations coliques, des appendicites nécrotiques peuvent aussi être observées. Par ailleurs, il peut exister des lésions d’iléus par parésie ou atteinte vasculaire. Au niveau de la vésicule biliaire, les atteintes sont assez fréquentes, soit immédiates et directes, soit secondaires et retardées, avec apparition de calculs biliaires en quantité importante, douze à quinze mois après le traumatisme parfois.
Le foie et le pancréas peuvent aussi être atteints, avec notamment la possibilité de pancréatite aiguë se traduisant par une élévation de l’amylasémie et un syndrome diabétique, ou de nécrose hépatique accompagnée de trouble de la coagulation et de déficit plaquettaire.
Prise en charge pré-hospitalière
Gestes de secours
Ils doivent être réalisés par les premiers témoins de l’accident.
Les premiers gestes de secours spécifiques visent à obtenir la coupure du Courant, prévenir le risque d’une chute lors de la coupure et prévenir le suraccident éventuel. Le patient sera isolé et protégé. Certaines règles de prudence sont impératives :
· Après avoir donné l’alerte, il ne faut toucher la victime qu’après la mise hors tension de la source d’électricité.
· La coupure de courant électrique de haute tension relève de spécialistes (électriciens ou pompiers).
· Dégager la victime en évitant le risque de suraccident d’un échafaudage de fortune ou d’une athmosphère humide.
· Une personne inconsciente atteinte d’un AE est toujours un traumatisé potentiel en particulier du rachis cervical.
· L’appel au SAMU constitue dès lors le premier maillon des secours. L’alerte doit préciser :
– Le type d’AE (basse ou haute tension),
– L’état des fonctions vitales (conscience, respiration, pouls)
– L’existence et la description sommaire des lésions.
Le médecin régulateur décide ainsi de l’envoi des secours adaptés, puis prodigue les conseils aux témoins : contrôler l’absence de risque évolutif, rassurer et surveiller les patients conscients, mettre en position latérale de sécurité les patients inconscients et débuter les manœuvres de réanimation cardiopulmonaire en cas d’état de mort apparente.
L’arrivée de l’équipe spécialisée permettra de compléter la mise en condition et de continuer la réanimation initiale.
Evaluation de la surface corporelle brûlée [13]
L’évaluation clinique de l’étendue de la surface cutanée brûlée est un des critères majeurs d’appréciation de la gravité. Elle constitue la pierre angulaire de toute prise en charge. Elle peut s’avérer difficile vu les nombreux aspects trompeurs que peut prendre la brûlure.
L’appréciation reste toujours clinique (appréciation visuelle du praticien) malgré les récentes techniques élaborées. Cette appréciation se fait sur la base de la classique règle des 9 de WALLACE. Elle est la plus utilisée au niveau pré-hospitalier et aux accueils des urgences du fait de sa simplicité.
Mesures de réanimation initiale
Les détresses vitales nécessitant un traitement immédiat doivent être recherchées. Il s’agit de détresse respiratoire, hémodynamique et neurologique.
Abords veineux périphériques
L’abord veineux périphérique est placé si possible en zone saine. Deux voies sont recommandées si la superficie brûlée est supérieure à 20 % de la surface corporelle. La voie centrale, souvent fémorale, reste un recours en cas d’échec en périphérie.
Remplissage vasculaire
Le remplissage vasculaire initial des brûlés se réfère à différentes formules proposées dans la littérature médicale, sans que ces dernières n’aient fait l’objet d’évaluation comparative fiable.
Le protocole du Parkland Hospital, reste la référence la plus suivie dans le cadre de l’urgence, principalement en raison de sa simplicité. Il recommande unapport de 4 ml/kg/% de surface corporelle brûlée durant les 24 premières heures. La moitié est perfusée au cours des 8 premières heures, et l’autre moitié sur les 16 heures restantes. Durant cette phase pré-hospitalière, les apports liquidiens sont réalisés uniquement avec des cristalloïdes sous forme de Ringer lactate ou de chlorure de sodium à 9 ‰ [30].
Oxygénation
L’oxygénothérapie est toujours indiquée. L’intubation trachéale et la ventilation mécanique ne sont justifiées que devant une détresse respiratoire ou des troubles de conscience.
L’intubation endotrachéale et la ventilation mécanique ne sont indiquées en période préhospitalière qu’en cas de brûlures d’une superficie supérieure à 60 % de la surface corporelle, ou de détresse respiratoire [28].
Analgésie
La sédation-analgésie est le plus souvent nécessaire.
L’analgésie du patient en ventilation spontanée est réalisée par les agonistes-antagonistes morphiniques, comme la nalbuphine. L’anxiolyse est souhaitable en l’absence d’hypotension artérielle.
Les morphiniques puissants sont une alternative à faible posologie, mais leur emploi est plus délicat en ventilation spontanée en médecine préhospitalière. Le recours à une anesthésie générale est plus rare.
Le problème de la sédation-analgésie ou de l’anesthésie générale se pose fréquemment, en particulier en cas de lésions délabrantes et/ou d’hypertonie musculaire majeure.
L’utilisation de morphiniques puissants apparaît d’emblée nécessaire : fentanyl et sufentanil pour leur puissance sédative et la discrétion de leurs effets secondaires sont les plus séduisants. Le recours à l’anesthésie générale de » confort » est parfois nécessaire.
La kétamine ou l’étomidate, en association avec une benzodiazépine sont les agents de choix pour l’induction anesthésique. L’entretien de l’anesthésie peut être réalisé par l’association benzodiazépine (midazolam) – morphinique (fentanyl), en perfusion continue [30].
Prise en charge des intoxications et ou traumatismes associés
Les traumatismes necessitent une immobilisation des membres concernés. L’intoxication cyanhydrique coexiste souvent à une intoxication au monoxyde de carbone (CO), et toutes deux requièrent la mise sous FiO2 à 100%. On les suspecte en contexte d’incendie en milieu clos. Les signes évocateurs sont : des troubles de la vigilance, de la conscience, des convulsions, alors que l’intoxication cyanhydrique s’accompagne volontiers d’une répercussion cardio-vasculaire, avec une hypertension artérielle ou un collapsus voire un arrêt cardio-circulatoire, ou des anomalies sur l’ECG, mais aussi une hyperpnée souvent reflet de l’acidose par hyperlactatémie. Le traitement est une ventilation en O2 pur et pour l’intoxication cyanhydrique administration IV de 5 g ( 10g si ACC) d’hydroxocobalamine (Bitamine B12) [16].
Transport médicalisé[30]
La qualité de la mise en condition préalable est la meilleure garantie pour un transport dans de bonnes conditions.
Le chauffage de la cellule sanitaire du véhicule est nécessaire pour prévenir l’aggravation de l’hypothermie.
La surveillance clinique cardiovasculaire, respiratoire et neurologique, guide l’entretien des perfusions et le niveau de sédation-analgésie.
La surveillance de l’apparition de troubles du rythme est essentielle en cas d’AE.
Prise en charge hospitalière
Le relais hospitalier est souvent nécessaire du fait de l’éloignement du centre spécialisé de traitement des brûlés. Il permet de compléter l’examen clinique et le conditionnement du blessé, et de pratiquer un bilan complet des lésions associées [30].
Dès l’admission et parallèlement à la poursuite des mesures de réanimation déjà entreprises, un examen clinique initial minutieux s’impose.
– La surface corporelle : une réévaluation de la surface cutanée atteinte devra être faite par la règle des 9 de Wallace voire la table de Lund et Browder ou un logiciel de calcul de surfaces brûlées.
– La profondeur : une évaluation de la profondeur des lésions permettra d’établir les indices pronostiques tels que l’UBS.
– Un examen exhaustif cardiovasculaire, respiratoire et neurologique devra être fait. Par ailleurs un examen clinique complet mettant l’accent sur les examens opthalmologique et oto-rhino-laryngologique complétera le bilan. La recherche de traumatisme associé s’impose dans tous les cas [30].
Examen clinique.
Dès l’admission le brûlé est examiné après déshabillage prudent et doit être mobilisé comme un polytraumatisé potentiel.
Circonstances de survenue
Elle est importante à connaître pour orienter la prise en charge. Il faut préciser l’existence d’un incendie en milieu clos, d’une explosion pour les lésions de blast, d’un accident avec risque de polytraumatisme.
Surface cutanée brûlée
Les outils traditionnels sont les tables représentées cidessous-.
Il s’agit de :
– La règle des 9 de Wallace chez l’adulte,
– La table de Lund et Browder chez l’enfant et l’adulte.
Profondeur des lésions
L’évaluation de la profondeur est particulièrement difficile et elle n’a de sens
que pour déterminer le potentiel de cicatrisation spontanée et prévoir la nécessité d’une greffe. En effet, les brûlures superficielles (1er degré, 2e degré superficiel) cicatriseront spontanément en l‘absence de complication alors que les brûlures profondes (2e degré profond et 3e degré) devront bénéficier d’une prise en charge chirurgicale.
Indice de Baux
L’un des scores de gravité le plus pertinent est le score de Baux, associant l’âge et la surface brûlée totale (SBT) : score de Baux = âge + SBT.
Un score supérieur à 100 s’accompagne d’une mortalité proche de 50 % [38].
Une amélioration de cet indice aété proposée. En tenant compte de faits expérimentaux, certains ont proposé une modification de cet indice sur les tranches d’âges [19]: Indice de Baux modifié (IBM).
IBM= % SCB + âge du brûlé (nombre d’année >50 ans).x 2
· pour ceux âgés de moins de 50 ans : seule la surface cutanée est prise en compte
· pour les personnes âgées de plus de 50 ans indice de Baux modifié. Baux> 50 : brûlure grave
Baux > 100 : il y a 90% de mortalité
Unité de brûlure standard (UBS)
– L’unité de brûlure standard (UBS) prend en compte la profondeur des lésions. Décrit par Sachs et Watson, il s’obtient en additionnant le pourcentage de superficie corporelle brûlée à trois fois celui atteint au 3e degré [19]. UBS = % surface brûlée + [3 x (% surface brûlée au 3e degré)]
UBS> 50: brûlure grave
UBS> 100: brûlure très grave
UBS > 150: brûlure gravissime
UBS > 200: taux de létalité proche de 100%
Le diagnostic initial de profondeur étant difficile, cet indice est surtout fiable pour une évaluation rétrospective de la gravité [3].
Abbreviated burn severity index (ABSI)
– L’indice spécifique le plus utilisé est l’Abbreviated burn severity index (ABSI) de Tobiasen qui prend en compte le sexe, l’âge, la superficie et la profondeur des lésions et l’atteinte pulmonaire éventuelle, tous paramètres évaluables dès l’admission [41] (tableau III).
Prise en charge thérapeutique
Prévention de l’insuffisance rénale myoglobinurique
Elle se fait essentiellement par un remplissage vasculaire suffisant associée à une alcalinisation prudente et à l’injection itérative de furosémide dès les premières heures post-traumatiques [31].
Le risque d’hyperkaliémie nécessite une surveillance régulière de l’ionogramme sanguin.
Le débit urinaire est le meilleur critère d’une réanimation adéquate : il doit être maintenu, si possible, entre 1 et 1,5 mL · kg-1 · h-1 [2].
En cas d’échec de cette prévention, la mise en place d’une hémodiafiltration continue est la meilleure technique pour contrôler l’insuffisance rénale de ces patients instables [21].
Lorsque l’insuffisance rénale est associée à la présence de lésions délabrantes et ischémiantes des extrémités, elle représente un argument en faveur d’une décision d’amputation précoce [20].
Traitement chirurgical
Il comporte dans les six premières heures, des gestes chirurgicaux de sauvetage (aponévrotomies, fasciotomies de décompression en cas d’œdème sous aponévrotique compressif) [31].
La chirurgie devra être itérative, guidée par les artériographies, elle permet de vérifier l’état de la vascularisation locale, de compléter les gestes de décompression, et de réaliser les excisions de tissus nécrotiques et les amputations nécessaires.
Traitement local
Il se fait en plusieurs temps et sera souvent une affaire de longue haleine, fondée sur l’observation de la plaie et des signes locaux et régionaux.
Dès que les fonctions cardiaques et respiratoires sont bonnes, dès que l’état hémodynamique est stabilisé, le malade peut être transféré au bloc opératoire.
Après une désinfection soigneuse, la plaie cutanée peut être examinée de manière plus précise et plus extensive.
Assez fréquemment, on pratique une excision de la brûlure jusqu’en zone saine essayant de conserver un maximum de vaisseaux et de nerfs s’ils paraissent sains. Bien souvent, on ouvrira en amont et en aval de la plaie, en pratiquant une incision également en peau saine, de manière à explorer les dégâts profonds.
On sait qu’ils sont fréquents. Par ailleurs, on sait également que ce geste doit être fait systématiquement dès qu’il y a suspicion clinique ou biologique de nécrose profonde ou syndrome de loge [18].
On pratique rarement une amputation d’emblée, sauf en cas de lésion ischémique distale irréversible ou de nécrose massive par atteinte directe (au niveau d’une main ou d’un pied par exemple).
Lorsqu’existe d’emblée une anurie ou un blocage rénal lié à une importante libération de myoglobine, on n’hésitera pas à être très radical. Ces amputations sont alors pratiquées d’une manière un peu atypique, la plupart du temps à la demande [23].
L’appareillage des membres amputés est souvent gêné par l’atteinte des articulations proximales. L’acceptation des prothèses est variable, meilleure lors d’amputation en aval du coude ou du genou, beaucoup plus aléatoire en cas de désarticulation de hanche ou d’épaule [46]. Au niveau des tranches de section des amputations, les zones de fibrose correspondant au trajet du courant sont fréquemment sièges d’infections chroniques, et source de retard de cicatrisation. Enfin, les fibroses articulaires, les complications de décubitus prolongé et la fonte musculaire liée à la dénutrition entravent la rééducation.
– Séquelles neurologiques
Elles sont fréquentes et polymorphes. Le pronostic vital du coma d’emblée est bon, s’il est lié au seul passage local du courant. Il est péjoratif si le coma est secondaire à une anoxie cérébrale [20].
Les déficits sensitivomoteurs revêtent des formes multiples : syndromes pyramidaux ou extrapyramidaux, hémiplégie, quadriplégie, rares convulsions [15].
L’étude des potentiels évoqués peut préciser le niveau d’atteinte du système nerveux central, mais n’a pas de valeur pronostique. Les atteintes nerveuses périphériques se manifestent par des paresthésies ou des dysesthésies [32]. Elles sont souvent réversibles, parfois après un délai de plusieurs mois. Les douleurs de désafférentations sont accessibles à un traitement aux antidépresseurs tricycliques et aux anticonvulsivants.
– Séquelles sensorielles
L’atteinte directe du globe oculaire par le passage du courant est rare. En revanche, la survenue secondaire après quelques mois d’une cataracte bilatérale est classique après passage d’un courant de haute tension au niveau céphalique [18].
Dans ce dernier cas, l’incidence de cette complication est de 30 % [8].
Oreilles moyenne et interne sont susceptibles d’être lésées par le passage direct du courant [9].
L’hypoacousie initiale peut perdurer, de même que des vertigesouvent mal tolérés en période de rééducation intensive.
– Séquelles rénales
L’atteinte rénale directe par le courant avec lésions vasculaires et parenchymateuses est en règle générale unilatérale. L’insuffisance rénale aiguë initiale est en rapport avec une tubulopathie due à la libération de myoglobine et d’hémoglobine. Elle évolue sur 3 à 4 semaines en moyenne et guérit engénéral sans séquelle [21].
– Séquelles cardiovasculaires
Les manifestations cardiovasculaires immédiates ou à court terme déjà évoquées surviennent surtout lors d’accident avec les courants de basse tension.
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Table des matières
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
1. Rappels sur l’élecricité.
1. 1 Intensité du courant
1. 2 Tension du courant
1. 3 Résistances corporelles
1.4. Temps de contact
1.5 Surface de contact
1..6 Types de courant alternatif ou continu
2. Physiopathologie
2.1 Mécanismes des brûlures électriques
2.1.1 Accident électrique « vrai »
2.1.1.1 Mécanisme d’action de dépolarisation cellulaire
2.1.1.2 Mécanisme d’action par production de chaleur
2.1.2 Arc électrique
2.1.3 Flash électrique
2.2 Conséquences
2.2.1 A l’échelon cellulaire
2.2.2 Hémodynamiques
2.2.3 Ventilatoires
2.2.4 Métaboliques
3. Les circonstances de survenue
3.1 Accidents domestiques
3.2 Accidents de loisirs
3.3 Accidents professionnels
3.4 La foudre
3.5 Accidents médicaux
4. Lésions secondaires à la brûlure
4.1 Lésions cutanées
4.2 Lésions musculaires
4.2.1 Lésions immédiates
4.2.2 Lésions secondaires
4.3 Lésions osseuses
4.4 Lésions cardiovasculaires
4. 5 Lésions neurologiques
4.6 Lésions rénales
4.7 Lésions pulmonaires
4.8 Lésions abdominales
4.9 Lésions oculaires
4.10 Autres pathologies engendrées
5. Prise en charge
5.1 Prise en charge pré-hospitalière
5.1.1 Gestes de secours
5.1.2 Evaluation de la surface corporelle brûlée
5.1. 3 Mesures de réanimation initiale
5.1. 3.1 Abords veineux périphériques
5.1. 3.2. Remplissage vasculaire
5.1.3.3 Oxygénation
5.1.3.4 Analgésie
5.1.3.5 Prise en charge des intoxications et ou traumatismes associés
5.1.4 Transport médicalisé
5.2. Prise en charge hospitalière
5.2.1 Examen clinique
5.2.1.1 Circonstances de survenue
5.2.1.2 Surface cutanée brûlée
5.2.1.3 Profondeur des lésions
5.2.1.4 Localisations des brûlures
5.2.1.5 Lésions associées
5.2.2 Evaluation de la gravité
5.2.2.1 Etendue
5.2.2.2 Scores pronostiques
5.2.2.2.1 Indice de Baux
5.2.2.2.2 Unité de brûlure standard (UBS)
5.2.2.2.3 Abbreviated burn severity index (ABSI)
5.2.2.2.4 Terrain
5.2.3 Examen paraclinique
5.2.3.1 Biologie
5.2.3.2. ECG
5.2.3.3. Imagerie
5.2.4 Prise en charge thérapeutique
5.2.4.1 Prévention de l’insuffisance rénale myoglobinurique
5.2.4.2 Traitement chirurgical
5.2.4.2 1Traitement local
5.2.4.2 .2 Greffe
5.2.4.3 Traitement préventif
5.2.4.3.1 Antibiothérapie préventive
5.2.4.3.2 Prévention de la maladie thrombo-embolique
5.2.5 Evolution
5.2.5.1 Évolution secondaire
5.2.5.2 Séquelles et complications
DEUXIEME PARTIE :
1 Patients et méthode
1.1 Cadre d’étude
1.2 Type d’étude
1.3 Durée de l’étude
1.4. Critères d’inclusion
1.5 Critères de non inclusion
1.6 Collecte des données
1.7 Prise en charge
1.8 paramètres étudiés
2. Résultats
2.1 Données épidémiologiques
2.1.1 Fréquence
2.1.2 Répartition selon l’âge
2.1.3 Répartition selon le sexe
2.1.4 Répartition selon la profession
2.1.5 Circonstances de survenue
2.1.5.1 Répartition des patients selon le type d’accident
2.1.5.2 Répartition des patients selon le type de courant
2.1.5.3 Mécanismes
2.1.6 Mode d’évacuation
2.1.7 Répartition selon le délai d’admission.
2 .2 Données cliniques
2 .2.1 Surface corporelle brûlée
2 .2.2 Profondeur de la brûlure
2 .2.3 Signes cliniques
2 .2.3.1 Cardiovasculaire
2 .2.3.2 Respiratoire
2 .2.3.3 Neurologiques
2 .2.3.4 Musculaires
2 .2.3.5 Atteinte rénale
2 .2.4. Indices pronostiques
2 .2.4.1 Index de BAUX
2 .2.4.2 Score UBS
3. Données thérapeutiques
3.1 Traitement médical
3.1.1 Mesures de réanimation
3.1.1.1 Remplissage
3.1.1.2 Ventilation
3.1.1.3 Sédation et l’analgésie
3.1.1.4 Transfusion
3.1.2 Nutrition
3.1.3 Prévention de la maladie thromboembolique
3.1.4 Traitement antibiotique
3.2 Traitement chirurgical
4. Données évolutives
4.1 Evolution favorable
4.2 Complications
4.2.1 Complications précoces
4.2.2 complications tardives
4.3 Mortalité
4.4 Causes du décès
DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUE
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